« Il faut mettre l’accent sur la plus-value que nous apportons en tant qu’avocat »

Publié le 04/01/2017

Chloé Froment, présidente de la section jeune de l’ACE, est une femme ambitieuse, qui croit en l’avenir des avocats. À trente-cinq ans, cette maman d’une petite fille de deux ans a déjà plusieurs vies professionnelles derrière elle. À son compte depuis 2012, elle s’est installée quelques mois à peine après avoir prêté serment. À la tête de l’ACE-JA pour les deux années à venir, elle veut insuffler son dynamisme et sa foi dans son métier. Pour les Petites Affiches, elle revient sur la vision du métier défendue par son syndicat.

Les Petites Affiches – Pouvez-vous, pour commencer, nous raconter brièvement votre parcours ?

Chloé Froment – J’ai un parcours un peu atypique, car j’ai travaillé plusieurs années en entreprise avant de prêter serment, en 2011. J’ai commencé par un master de droit des affaires et l’Institut de droit des affaires d’Assas, puis j’ai passé un an à HEC Entrepreneurs. Cette double formation m’a ouvert bien des perspectives ! En sortant, j’avais envie de goûter à autre chose que le droit, et j’ai fait pendant quatre ans du conseil en stratégie d’entreprises à Paris et à Londres. J’ai réalisé que je n’étais pas faite pour ça et surtout j’avais pour objectif d’être mon propre patron… J’ai donc décidé de passer le concours d’avocat dans l’idée de quitter le salariat et de monter mon cabinet. Après une collaboration en droit des affaires auprès de l’ancien bâtonnier de Marseille, je suis finalement remontée à Paris ou j’ai posé ma plaque fin 2012. J’ai pris des locaux et j’ai sous-loué trois bureaux. Cela m’a permis de rencontrer trois confrères du même âge que moi, parmi lequel mon associé actuel, qui exerce en droit public.

LPA – En quoi consiste votre activité, en quelques mots ?

C. F. – Mon associé et moi avons opté pour un positionnement sectoriel : il travaille dans le secteur de la sécurité, et moi dans celui de l’immobilier. Nous travaillons particulièrement sur certaines thématiques de niche, comme la surélévation des immeubles parisiens. Mon activité est composée de 60 % de contentieux et 40 % de conseil. Mes clients sont des promoteurs, des syndics, des entreprises du bâtiment, des assureurs et bien entendu des copropriétaires.

LPA – Vous vous êtes donc installée très jeune… Comment cela a-t-il été possible ?

C. F. – De l’extérieur, vous pouvez avoir l’impression que mon installation est arrivée vite, mais je n’en étais pas au tout début de ma vie professionnelle, ayant déjà travaillé avant. Cela change un peu la donne. Il y a par ailleurs une idée très répandue qui voudrait que l’on ne puisse pas s’installer en étant jeune avocat, et qui me semble un peu erronée. Je pense en effet que si une première collaboration est importante pour se former, rien ne nous oblige à conserver ce statut pendant des années. Certaines personnes y trouvent une certaine sécurité, d’autres aspirent à être à leur compte. Quel que soit leur projet, il faut accompagner les jeunes avocats dans leur choix. C’est une des missions majeures de l’ACE-JA.

LPA – À qui s’adresse l’ACE-JA ?

C. F. – Tous les avocats de moins de quarante ans peuvent s’y inscrire, en s’acquittant de l’adhésion, qui coûte les premières années 65 euros TTC par an. Nous avons parfois l’image d’un syndicat un peu âgé, essentiellement composé d’avocats d’affaires, alors qu’en réalité nous accueillons énormément de jeunes à peine sortis de l’EFB qui recherchent le dynamisme et l’innovation portés par l’ACE. Au-delà de nos prises de position réfléchies et très étayées sur les sujets qui intéressent notre profession, nous avons vingt-cinq commissions techniques consacrées à tous les domaines du droit. Nous proposons des formations dans toutes les matières juridiques y compris en droit social, en droit pénal, ou en droit de la famille. Nous nous nourrissons de la diversité de nos membres aussi bien quant à leurs profils que leurs expériences. Nous sommes un syndicat intergénérationnel et nous en tirons une grande force. Cela nous permet d’avoir des débats passionnants et éclairants.

LPA – Pourquoi existe-il une section jeunes à l’ACE ?

C. F. – L’ACE-JA fonctionne de pair avec l’ACE : c’est un seul et même syndicat, il n’y a pas de clivage entre les jeunes et les confrères plus âgés. Ainsi, les membres de l’ACE-JA peuvent participer au Congrès de l’ACE, et certains de nos confrères plus âgés participent à notre convention, même s’ils ont plus de 40 ans. Les thèmes de réflexion de l’ACE nous concernent et nous mobilisent tous, sans distinction d’âge. Sur le fond, nous partageons tous à l’ACE la même vision du métier, progressiste et moderne. Mais en plus de tout cela, la section jeunes propose des événements dédiés sur des questionnements spécifiques aux jeunes avocats. Nous proposons par exemple des formations et des rencontres autour de l’installation ou de la collaboration, mais aussi de nombreuses activités de loisirs : des fêtes, des soirées sur le thème de l’œnologie, des week-ends au ski. Nous régatons à la Juriscup et organisons la Juris’Run, la seule course à pied de Paris dédiée aux professionnels du droit. Les jeunes avocats sont davantage demandeurs de ce type d’activités.

LPA – Comment votre syndicat aide-t-il les jeunes à s’installer ?

C. F. – Nous encourageons les confrères qui veulent s’installer, mais nous leur disons aussi qu’il ne faut pas le faire n’importe comment. Cela se prépare. Nous avons très clairement en tête, à l’ACE-JA, que monter un cabinet, c’est monter une entreprise. Nous encourageons donc les jeunes avocats à penser leur projet comme le ferait un chef d’entreprise. Il faut avoir un business plan, cibler un public, cibler le type de droit que l’on va pratiquer, car il est aujourd’hui plus porteur de se spécialiser que d’être généraliste.

LPA – Comment faites-vous passer ces idées ?

C. F. – Nous organisons un certain nombre d’événements autour de l’installation. Très récemment, Xavier Odinot, président de l’ACE-JA Paris, a organisé une soirée avec notre partenaire Swisslife sur le développement commercial des cabinets, qui a réuni plus d’une centaine de participants. J’ai par ailleurs mis en place un cycle de formations très pratiques en partenariat avec Arthémuse sur l’usage des nouveaux médias et des réseaux sociaux. Enfin, lors de notre convention annuelle, qui aura lieu du 19 au 21 mai 2017 au Club Med d’Opio, en Provence, nous allons organiser un speed-dating de l’association. Beaucoup de gens cherchent des associés pour monter une structure, mais manquent d’occasion de se rencontrer, et nous sommes aussi là pour créer du lien entre les jeunes confrères.

LPA – Comment se positionne votre syndicat par rapport aux bouleversements de la profession ?

C. F. – Nous partons du principe que nous ne pouvons pas et ne devons pas stopper l’évolution du métier, liée à internet, aux nouvelles technologies et à l’émergence des legaltechs. Nous souhaitons donc accompagner cette évolution, la devancer, et avoir notre part du gâteau ! Si l’on est tourné vers l’avenir, il n’y a pas à avoir peur de ces évolutions. Si l’on adopte une attitude de repli sous prétexte que nous sommes une profession règlementée, la réalité risque en revanche de nous rattraper douloureusement. Ce discours protectionniste ne marche pas et n’est plus intelligible aujourd’hui. Lors des dernières élections du conseil de l’Ordre de Paris, l’ACE Paris et sa présidente, Clarisse Berrebi, ont soutenu le duo Nathalie Attias et Matthieu Boissavy. Ils sont arrivés en tête de loin, ce qui montre bien que notre discours commun tourné vers l’avenir et vers l’innovation a une véritable résonnance ! Il faut continuer à réfléchir à la plus-value que nous pouvons apporter en tant qu’avocat, et chercher à la développer au maximum, en travaillant éventuellement de concert avec certaines legaltechs.

LPA – Faut-il repenser la formation des avocats ?

C. F. – La profession souffre d’un déficit de formation sur l’entreprise, les nouvelles technologies et l’aspect « business développement » des cabinets. Il ne suffit pas de poser sa plaque pour avoir des clients. Se mettre à son compte implique de penser son activité dans une logique commerçante et commerciale, et cela, nous ne l’apprenons pas assez au cours de nos études. L’école ne nous donne pas les clés pour nous positionner en chef d’entreprise. En ce qui me concerne, ma culture d’entrepreneuriat me vient très clairement d’HEC. Je n’aurais jamais monté mon cabinet comme je l’ai fait sans cette formation. Il est nécessaire d’avoir une double formation, et d’aller au-delà du savoir théorique enseigné à la fac.

LPA – Vous prenez parti pour la création d’un juriste d’entreprise qui soit aussi avocat, une position très polémique…

C. F. – La question de l’avocat en entreprise divise en effet la profession. Nous prônons une alternative : le juriste inscrit au barreau. Cette solution, portée par le président de l’ACE Denis Raynal, me semble être la meilleure option et existe d’ailleurs déjà dans dix-huit pays européens. Ce juriste réglementé, mais indépendant, pourrait garantir des échanges confidentiels à son employeur.

Ce statut permet le respect des règles de notre profession et correspond aux besoins des entreprises. En défendant le juriste inscrit au barreau, nous défendons la compétitivité du droit !

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