La remise du prix de vente au vendeur étranger
La vente est l’acte le plus souvent reçu et rédigé par un notaire. Le fait qu’il existe un élément d’extranéité, notamment que le vendeur ne réside pas en France, ouvre de nouveaux réflexes.
La question de la remise du prix au vendeur permet de donner des conseils pratiques au notaire rédacteur d’actes.
Préalablement au virement du prix de vente sur le compte du vendeur ouvert dans une banque étrangère, le notaire effectue quelques vérifications auprès du vendeur et lui transmet des informations spécifiques.
I – Le paiement du prix de vente
En premier lieu, comme dans l’ordre interne, il va de soi que le notaire doit vérifier si le nom figurant sur le relevé d’identité bancaire qui lui a été remis ou envoyé correspond parfaitement à celui du vendeur. Si le vendeur est une société et que son représentant lui indique qu’il n’a pas de compte bancaire ouvert au nom de celle-ci, le notaire n’a pas le droit de remettre les fonds au seul gérant sans une autorisation spéciale. Seule une délibération prise en assemblée générale ou une mention en ce sens dans les statuts peut l’autoriser à remettre les fonds à un seul ou une partie des associés. Que la société soit française ou étrangère, les associés n’ont pas toujours ouvert de compte en son nom. Ils utilisent volontiers le compte bancaire de leur société étrangère pour effectuer les paiements dans le cadre de leur acquisition. Le notaire sera donc bien avisé de le vérifier dès l’avant-contrat pour ne pas perdre de temps après la signature de l’acte de vente. La notion de relevé d’identité bancaire telle qu’elle est conçue en France n’existe pas sous cette forme à l’étranger. C’est la raison pour laquelle les vendeurs étrangers sont surpris lorsqu’un « RIB » leur est demandé. Il peut être intéressant d’utiliser les termes propres à leur langue pour aider les parties à comprendre ce qu’on leur demande.
Conseil pratique sur l’obtention des références bancaires
Il appartient au notaire de solliciter de son client une attestation émanant de sa banque ou une correspondance avec l’en-tête de la banque elle-même certifiant qu’elle détient un compte ouvert au nom du client. Le modèle à transmettre au client pourrait être celui-ci :
« Nous attestons que M./Mme X ou la société X est titulaire du compte n° [numéro du compte] dont l’IBAN est [numéro IBAN] et le code BIC ou SWIFT est [numéro code] » + date et signature du représentant de la banque.
Il est déconseillé au notaire de se contenter d’un simple courriel du client reprenant les références du compte bancaire. Il serait judicieux de demander ce type de document dès la préparation de l’avant-contrat pour laisser à la banque le temps matériel de l’établir.
En deuxième lieu, il convient d’avertir le vendeur que le virement sera effectué en euros par la Caisse des dépôts et consignations, et qu’en cas de virement vers un compte libellé dans une devise étrangère, il lui appartiendra de vérifier en amont les conditions qui lui seront appliquées par sa banque pour la commission de conversion et le taux de change. Cela permettra au notaire d’éviter toute discussion avec le client vendeur qui aurait reçu moins de fonds qu’escompté en raison d’un taux de change défavorable à l’instant du virement et qui subirait des frais bancaires importants. Le notaire peut l’inviter à contacter un organisme spécialisé qui l’aidera à maîtriser les conditions de change et ainsi éviter tout risque de fluctuation du taux de change.
Avertissement du vendeur
Dès le début du dossier, le notaire doit attirer l’attention du client sur toutes les précautions qu’il peut prendre pour se mettre à l’abri des fluctuations des taux de conversion des fonds, en cas de transfert du prix de vente vers un compte ouvert à l’étranger. Il existe des organismes spécialisés dans la conversion des fonds. Ils apportent leurs conseils pour obtenir un taux stable quelle que soit la date de transfert et de conversion. Les clients retiennent une certaine somme dans leur monnaie en bloquant un taux qui ne sera pas modifié jusqu’au virement des fonds sur le compte ouvert auprès de cet organisme. Ils sont assurés de la sécurité de la somme qu’ils vont recevoir ensuite dans leur monnaie.
En troisième lieu, conformément à l’article 803 du Code général des impôts, si l’origine de la propriété du bien vendu est une succession réglée préalablement à la vente et que le ou les héritiers vendeurs sont domiciliés de fait ou de droit à l’étranger, le notaire doit contrôler avant de libérer le prix de vente si les droits de mutation à titre gratuit ont bien été acquittés. Il agit dans le cadre de la protection de l’acquéreur, qui pourra être recherché par les services fiscaux en cas de défaut de paiement de ces droits. Outre le prix de vente, le notaire doit fréquemment payer d’autres sommes à des intermédiaires mandatés par le vendeur. Là encore, des points de vigilance doivent être soulignés.
II – Les autres paiements
Lorsqu’un acte de vente est signé, le notaire est généralement mandaté par l’une des parties pour payer les honoraires de l’agence immobilière qui a été leur intermédiaire. Il s’agit parfois d’un professionnel de l’immobilier établi à l’étranger. Quelle doit alors être l’attitude du notaire ? Ensuite, pendant le cours du dossier de vente, le notaire peut être en contact avec des intermédiaires financiers dont il doit vérifier la capacité d’exercice en France avant de les rémunérer pour le compte du client.
Au préalable, le notaire doit toujours vérifier si l’agence immobilière mandatée par l’une des parties est titulaire d’une carte professionnelle. Cette activité est régie par la loi n° 70-9, du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet1 et son décret d’application2, complétés depuis par d’autres textes législatifs ou réglementaires.
Un prestataire ressortissant d’un pays de l’Espace économique européen (EEE) peut obtenir la carte professionnelle en France s’il réunit les conditions cumulatives suivantes :
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s’il est établi légalement en France, c’est-à-dire s’il dispose d’un siège social en France ;
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s’il peut justifier qu’il maîtrise suffisamment la langue française pour exercer son activité ;
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s’il démontre, soit qu’il est titulaire d’un diplôme ou d’un titre de formation confirmant qu’il a effectué avec succès des études de troisième cycle d’une durée minimum d’un an en cas d’études à temps complet ou d’une durée équivalente s’il a suivi des études à temps partiel, soit qu’il a exercé à temps plein l’activité d’agent immobilier pendant trois ans consécutifs ou pendant trois années au cours des dix années précédant la demande de carte.
Si la demande est admise, la carte est délivrée pour une durée de 18 mois par la chambre de commerce et d’industrie locale. Le notaire doit donc vérifier que la carte qui lui est présentée est toujours valide.
Ceci est aussi applicable en matière de paiement des intermédiaires bancaires que le client lui demande de payer pour son compte. La réglementation française en la matière est en cours d’évolution sous l’impulsion d’une directive européenne Mortgage Credit Directive, dite directive MCD adoptée le 4 février 2014, transposée en droit français par le décret n° 2016-607 du 15 mai 2016. Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) sont les courtiers en crédit et les mandataires. Tout courtier européen qui souhaite travailler en France doit répondre à certains critères de capacité et d’aptitude professionnelle et obtenir un passeport européen, conformément à l’article 32 de la directive n° 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel. L’article L. 519-8 du Code monétaire et financier prévoit que les intermédiaires doivent être immatriculés à l’ORIAS dans l’une des catégories d’IOBSP, à l’exception des mandataires d’IOBSP. Ceux-ci informeront l’ORIAS de leur souhait d’exercer en libre prestation de service (LPS) ou en libre établissement (LE) dans l’un des pays de l’Union européenne et/ou de l’Espace économique européen. Le notaire doit donc demander une copie du passeport professionnel de l’intermédiaire financier avant de le payer pour le compte de l’acquéreur.