« L’assurance pour tous » ? Réflexion juridique sur un dessein politique

Publié le 21/02/2017

Réclamée, parfois promise ou au contraire défiée, on peine à déterminer exactement ce que recouvre « l’assurance pour tous ». Interdiction d’accès à certaines données, « droit à l’oubli », généralisation des couvertures, la consécration d’un droit à l’assurance est-elle en marche ? Si l’objectif affiché de réduction des inégalités est louable dans un domaine aussi sensible que celui de la santé, les techniques employées pour rendre l’assurance accessible à tous sont toutefois sujettes à critiques.

« Les Français ne sont pas contre les privilèges mais pour leur extension à tout le monde ! »1, disait à juste titre Chamfort. « Mariage pour tous »2, « enfant pour tous »3, « cantine pour tous »4, « tiers payant pour tous »5, « mutuelle pour tous »6, etc., les revendications au nom de l’égalité des droits n’ont jamais paru aussi nombreuses.

Ces attentes sont révélatrices de l’époque contemporaine, tout à la fois pétrie d’exigences égalitaires, solidaires et individualistes. L’existence d’inégalités fait naître la volonté de les faire disparaître et rend la solidarité nécessaire. En outre, on reconnaît aujourd’hui à la volonté une telle puissance qu’elle s’immisce aujourd’hui dans des matières relevant de l’ordre public et s’exprime toujours davantage jusqu’à revendiquer un « droit à l’épanouissement personnel »7. Le droit positif étant désormais centré sur l’individu8, on ne compte plus le nombre de droits subjectifs qui lui ont été accordés sans que ceux-ci aient toujours vocation à protéger un intérêt légitime9.

Identifié par « l’objet du désir »10, le droit à, droit subjectif, se constitue à partir du besoin ; il vise à combler un manque11. En revendiquant un droit à, ou un droit pour tous, le sujet de droit cherche à satisfaire un besoin social dont la privation est considérée comme une source d’exclusion. Aussi, s’opposer à sa consécration juridique est présenté comme discriminatoire.

À l’origine simple synonyme de « distinction » et dénuée de toute considération péjorative12, la discrimination est aujourd’hui définie comme une « différence de traitement qui distingue un groupe humain ou une personne des autres à son détriment »13. Par ce biais, elle « est devenue un argument de lutte pour l’égalité de traitement, l’accès de n’importe quel individu, quels que soient sa race ou sa couleur, son sexe et son “orientation sexuelle”, son handicap physique ou mental, à l’exercice plein et entier de sa personnalité, à la fois juridique, individuelle et sociale »14. Ladite discrimination est alors combattue au nom de l’égalité et du respect de la dignité humaine15, car les distinctions fondées sur des critères sur lesquels la volonté de l’individu n’a pas de prise ne sont plus tolérées en ce qu’elles réduisent l’homme à l’un de ses attributs. À ce titre, les distinctions fondées sur l’état de santé de l’individu figurent parmi les inégalités les plus dénoncées16.

Si les discriminations à raison de l’état de santé sont prohibées17, la particularité de la matière assurantielle entraîne des exceptions. Ainsi, échappent au dispositif pénal, les opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité18. Mais si la prise en compte de l’état de santé du candidat à l’assurance ne caractérise pas une distinction condamnable, le domaine assurantiel n’échappe pas pour autant aux revendications égalitaires. Deux raisons principales ont placé la question de l’accès à l’assurance au cœur des débats : les difficultés rencontrées par les personnes séropositives, celles ayant souffert d’un cancer ou de diabète, pour contracter une assurance d’une part, et le rôle croissant tenu par l’assurance dans le financement des retraites et la prise en charge des dépenses de protection sociale d’autre part. En effet, il n’apparaît plus tolérable que la mauvaise santé constitue une double peine. Être ou avoir été malade ne doit pas faire obstacle à une vie « normale » et empêcher l’accès à la propriété. En outre, l’accès aux soins doit être une priorité et aucun ne devrait être contraint d’y renoncer pour des raisons financières.

Précurseur s’agissant de l’amélioration de l’assurabilité des personnes porteuses d’un risque aggravé de santé19, la France paraît encore aujourd’hui en avance sur ces questions. Si nos voisins européens n’ignorent pas la problématique de l’accès à l’assurance avec un risque aggravé de santé, aucun n’a mis en place un système comparable à la convention AERAS avec un protocole d’évaluation spécifique20. L’accès à l’assurance emprunteur quel que soit son état de santé et au-delà, la volonté de réduire les inégalités d’accès aux soins constituent donc des priorités pour l’État et les différents acteurs en ce domaine. Dernières illustrations en date : la consécration, au sein de la convention AERAS, d’un « droit à l’oubli » pour les candidats à l’assurance emprunteur et la généralisation de la couverture complémentaire santé à tous les salariés21.

Pour autant, ces avancées au nom de la réduction des inégalités ne sont pas sans danger car « le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande »22. Le spectre de l’égalitarisme n’est donc jamais loin. Il convient d’être vigilant afin de ne pas voir dans toute distinction une discrimination et de ne pas transformer tout désir individuel en un besoin à assouvir23. Derrière l’ambition d’une assurance pour tous, l’assureur doit-il craindre que le prospect puisse exiger de lui d’être garanti contre les risques dont il redoute la réalisation, et ce, quel que soit sa condition ? Au-delà du souhait de rendre l’assurance accessible à tous, quel que soit son état de santé et de favoriser l’accès aux soins, il faut s’interroger sur la mise en œuvre d’un tel dessein derrière lequel se profile peu ou prou la consécration d’un droit à l’assurance au nom de l’égalité.

Une fois les techniques employées pour rendre l’assurance accessible à tous analysées (I), un regard critique sera posé afin de les éprouver (II).

I – Les techniques de l’assurance pour tous

En matière d’assurance, la couverture d’un risque dépend nécessairement de la connaissance de ses paramètres par l’assureur. Point névralgique du contrat d’assurance, le risque influe tant sur la prime que sur la garantie24. C’est donc la connaissance du risque et sa maîtrise par l’assureur qui conditionnent l’obtention et l’étendue de la garantie25 et qui ont permis, au fil des siècles, de repousser les limites de l’assurabilité. Pourtant, on peut observer que la préoccupation contemporaine de l’accès à tous à l’assurance conduit parfois à distendre le lien premier existant entre la connaissance du risque et la couverture offerte par l’assureur. En effet, afin que chacun ait accès à l’assurance, certaines informations relatives au risque sont tues (A) et les garanties offertes sont étendues (B).

A – Des informations tues

Puisque l’assureur ne peut maîtriser le risque que si les informations y afférant sont portées à sa connaissance, le législateur a imposé au souscripteur – souvent seul détenteur de ces données – une obligation de déclaration de risque. Celui-ci est tenu de « répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque (…) lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge (…) »26. L’information sur le risque constitue donc l’assise indispensable à toute conclusion d’un contrat d’assurance et permet à l’assureur d’entrevoir le risque individualisé du candidat à l’assurance et de proposer le cas échéant une garantie adaptée afin de répondre au besoin de sécurité de l’assuré. De sorte qu’on imagine mal comment sa limitation pourrait apparaître comme un moyen d’élargir l’accès (à tous) à l’assurance. Pourtant, sans que le principe de l’obligation de déclaration soit remis en cause, des exceptions lui sont apportées. Lorsque le risque à assurer a pour objet la personne humaine27, la probabilité et l’intensité de sa réalisation dépendent de la situation de la personne à assurer. Son sexe, son état de santé actuel, ses antécédents, son hygiène et son mode de vie, entre autres, influent sur la perception du risque et constituent autant d’éléments qui doivent être portés à la connaissance de l’assureur. Des contrats « solidaires » – dont les cotisations ne sont pas fixées en fonction de l’état de santé du bénéficiaire28 et pour lesquels ce dernier n’est pas soumis à un questionnaire médical29 – ont pourtant été créés afin que chacun puisse souscrire un contrat d’assurance complémentaire santé30.

À côté de ces contrats dont la fixation de la prime est indépendante de toute information sur l’état de santé de l’assuré, la nature de certaines informations a conduit le législateur à poser deux exceptions à l’obligation de déclaration de risque qui incombe à l’assuré. Il s’agit de l’interdiction faite à l’assureur d’accéder aux caractéristiques génétiques de l’assuré (1) et de la consécration récente du « droit à l’oubli » au sein de la convention AERAS (2).

1 – L’interdiction d’accès aux caractéristiques génétiques

La discrimination génétique consiste en un traitement inéquitable de l’individu en raison de différences réelles ou présumées de sa condition génétique. En effet, la connaissance de plus en plus précise du génome humain pourrait transformer notre perception de la personne qui ne serait alors considérée que par le prisme de ses caractéristiques génétiques. Réduite à son patrimoine génétique, la personne ne serait alors plus maître de sa destinée personnelle et professionnelle.

Afin de lutter contre les discriminations31 sur le critère génétique en aval, au stade de la couverture du risque, le législateur a mis en place un mécanisme de protection en amont, dès le stade de la connaissance du risque. Il est en effet interdit à l’assureur d’user de quelque manière que ce soit des résultats des examens génétiques des caractéristiques du candidat à l’assurance32. D’une part, l’assureur qui propose une garantie des risques d’invalidité ou de décès, ne peut pas tenir compte des résultats de ces examens quand bien même ceux-ci seraient transmis par l’intéressé lui-même ou avec son accord. D’autre part, il ne peut poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats. Enfin, il ne peut à aucun moment proposer au candidat à l’assurance de se soumettre à un test génétique.

Par cette interdiction étendue et rigoureuse33, par ce « verrouillage de l’information »34, le législateur français permet à chaque candidat à l’assurance, d’avoir la certitude que l’assureur ne pourra refuser sa garantie ou modeler celle-ci en fonction de ses caractéristiques génétiques. Chacun, quelles que soient ses caractéristiques génétiques, peut obtenir une garantie des risques invalidité et décès.

Cette interdiction de distinguer selon les caractéristiques génétiques, traduit le rejet plus général des distinctions fondées sur des critères dont l’assuré n’a pas la libre disposition. Une exclusion de ce fait est aujourd’hui socialement inacceptable. Le « droit à l’oubli » s’inscrit dans ce même mouvement : un antécédent cancéreux ne doit plus systématiquement entraîner une exclusion d’assurance ou une surprime.

2 – Le « droit à l’oubli »

Afin de favoriser l’accès à l’assurance emprunteur des personnes ayant eu un risque aggravé de santé, certaines informations peuvent être passées sous silence sans que les sanctions prévues en cas de fausse déclaration35 soient susceptibles de s’appliquer. Destiné à « diminuer l’impact du cancer sur la vie quotidienne »36, le « droit à l’oubli » a fait l’objet d’un protocole d’accord signé le 24 mars 2015 entre les pouvoirs publics, les professionnels des secteurs de la banque et de l’assurance, l’Institut national du Cancer (INCa) et des associations de malades, avant d’être consacré le 2 septembre 2015 dans la convention AERAS, révisée à cette occasion.

Dans un titre IV intitulé : « Le “droit à l’oubli” et la mise en place d’une grille de référence », est, d’une part, mis en place un « droit à l’oubli » qui permet aux anciens malades du cancer de ne plus avoir à le déclarer lors de la souscription d’un contrat d’assurance emprunteur passé certains délais, et de ne se voir appliquer aucune exclusion de garantie ou surprime du fait de ce cancer. La convention prévoit d’autre part « l’élaboration d’une grille de référence listant les pathologies (pathologies cancéreuses et autres pathologies, notamment chroniques) pour lesquelles l’assurance sera accordée aux personnes qui en ont souffert ou en souffrent, sans surprime, ni exclusion de garantie, ou dans des conditions se rapprochant des conditions standard, après certains délais adaptés à chacune de ces pathologies »37. Avec ce « droit à l’oubli » apparaît une nouvelle interdiction pour l’assureur38, après celle relative aux résultats de l’examen des caractéristiques génétiques39. Celui-ci ne peut solliciter aucune information médicale relative à une pathologie cancéreuse dès lors que le protocole thérapeutique relatif à cette pathologie est achevé depuis plus de dix ans40. Lorsque le cancer a été diagnostiqué jusqu’à l’âge de 15 ans révolus, le délai est de cinq ans. Si le candidat à l’assurance fait malgré tout état d’informations médicales relatives à une maladie concernée par le « droit à l’oubli », il ne sera pas tenu compte de ces informations par l’assureur.

Par ce dispositif, le cancer qui ne fait plus l’objet d’un traitement actif depuis cinq ans ou dix ans selon les cas, n’a pas à être déclaré dans le questionnaire de santé. Si l’information est toutefois révélée, aucune surprime ni exclusion de garantie ne peut être envisagée du fait de cette maladie. Si le « droit à l’oubli » – c’est-à-dire le droit de ne pas déclarer certaines informations relatives au risque41 – concerne seulement les anciens cancers, une grille de référence relative à certaines pathologies – cancéreuses ou non42 – a par ailleurs été établie qui détermine les délais au-delà desquels une personne souffrant ou ayant souffert de ces maladies ne peut, de ce fait, subir aucune majoration de tarifs ou exclusion de garanties s’agissant de son contrat d’assurance emprunteur. À l’heure actuelle43, cette grille fixe, pour six types d’affection44, des délais d’accès à l’assurance emprunteur de onze mois à dix ans sans surprime ni exclusion à compter de la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute.

Afin d’éviter à celui qui a été malade de subir l’appréciation de l’assureur de l’incidence de l’antécédent cancéreux sur le risque à assurer, le délai au-delà duquel l’information relative aux antécédents cancéreux est jugée non pertinente pour le calcul du risque à assurer est donc désormais fixé de manière globale (pour tous) en fonction des avancées thérapeutiques. De la sorte, passés ces délais, chacun peut obtenir une assurance emprunteur, sans risque de surprime ou d’exclusion du fait de la maladie.

L’absence de déclaration de certaines informations relatives au risque à assurer n’apparaît pas le seul moyen retenu pour promettre et tenter de réaliser l’accès à tous à l’assurance. Il est aussi imposé à l’assureur d’élargir ses garanties.

B – Des garanties étendues

Le pouvoir croissant accordé à la volonté individuelle et l’attention de plus en plus forte portée à la santé45 ont accru les exigences de protection des individus. La volonté de répondre à cette demande et d’offrir une protection efficace contre les risques touchant à la personne s’est traduite par un mouvement d’extension de la couverture des risques. En effet, afin que l’assurance qui apparaît comme « le remède idoine contre les aléas en tout genre »46, soit accessible à tous, le législateur ne s’est pas contenté de cantonner l’information relative au risque. Il a également imposé le contenu de certaines garanties. Il n’est pas tout de promettre à tous l’assurance, encore faut-il que celle-ci offre une protection complète47.

C’est dans le domaine de la prévoyance complémentaire que le législateur fait volontiers usage de cette méthode, obligeant les assureurs à participer à des objectifs sociaux. Car avec la crise de l’État-Providence48 et le désensagement de l’État qui en a résulté, l’assurance est de plus en plus apparue comme « une clé d’accès à la propriété, au crédit, aux soins de santé »49. La loi Évin, destinée à « renforcer les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques »50 a d’abord imposé aux assureurs de prendre en charge « les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat »51. L’assureur ne peut donc refuser un adhérent au motif que celui-ci présente une pathologie antérieure à l’adhésion ni exclure de sa garantie l’indemnisation des frais médicaux occasionnés par la maladie52. La définition et l’étendue de la garantie échappent alors à l’assureur qui ne conserve que la liberté de refuser de contracter. Par la suite, le législateur s’est plus largement attaché à généraliser l’accès aux soins et aux contrats de protection complémentaire. Pour ce faire, ont été créées la couverture maladie universelle, la couverture maladie universelle complémentaire53 et l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé54. Dans la même veine, la généralisation de la couverture complémentaire santé à tous les salariés vient d’être imposée.

Depuis le 1er janvier 2016, les employeurs doivent faire bénéficier l’ensemble de leurs salariés d’une couverture complémentaire minimale de remboursement des frais de santé et de maternité55 afin qu’aucun ne soit privé d’accès aux soins. À l’origine, la décision de généraliser la couverture complémentaire santé résulte d’un accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 11 janvier 2013. Suite à cet accord, le législateur a fixé un calendrier et « a dessiné les contours minimaux » 56 de l’obligation faite aux employeurs d’instituer un régime de remboursement des frais médicaux au bénéfice de leurs salariés. Le procédé d’instaurer des garanties minimales n’est pas nouveau. En effet, les lois instituant la CMU-C et les contrats responsables et solidaires faisaient déjà référence à un « panier de soins » minimal57. Celui-ci était toutefois moins étendu que celui mis en place par la loi du 14 juin 201358. Ce recours aux garanties minimales s’explique par le fait que si la grande majorité de la population dispose aujourd’hui d’une couverture complémentaire santé, celle-ci, à la différence de l’assurance-maladie obligatoire, recouvre des modes d’accès variés et des garanties inégales. Ainsi, là où « “être couvert par l’assurance-maladie” a une signification identique pour tous, “avoir une protection complémentaire” recouvre des réalités bien différentes »59.

Les partenaires sociaux et le législateur ont entendu réduire les déséquilibres en assurant à chaque salarié une protection minimale afin qu’il ne renonce pas à des soins pour des raisons financières. Pour ce faire, il a été imposé aux employeurs la généralisation et le financement partiel60 de l’assurance complémentaire santé destinée à leurs salariés et à défaut d’accords, décidé du contenu des garanties minimales offertes par les organismes complémentaires. En effet, « tout salarié se voyant accorder les mêmes garanties en contrepartie du même taux de cotisation que ses collègues, sans tenir compte de son exposition au risque personnel (état de santé, âge, genre, métier, mode de vie), l’assurance collective organise donc une redistribution de catégories en moyenne peu exposées vers les catégories en moyenne plus exposées »61. Au demeurant, si la volonté de lutter contre les inégalités d’accès aux soins, au nom de l’égalité et de la solidarité dans le domaine de la santé semble avoir prédominé dans la décision de rendre universelle la couverture complémentaire santé des salariés, cette généralisation est aussi apparue nécessaire dans le contexte de désengagement de l’assurance-maladie obligatoire en matière de frais courants de santé62.

Informations interdites ou dispensées de déclaration, garanties plancher imposées : tels sont moyens choisis pour répondre à la demande insistante d’une assurance accessible à tous, celle-ci étant devenue le sésame indispensable à l’accès à la propriété et à l’accès aux soins. Toutefois, cette volonté de répondre à la demande d’une « assurance pour tous » et les choix opérés par le législateur peuvent être critiqués.

II – La critique de l’assurance pour tous

Si l’objectif de rendre l’assurance accessible à tous pour lutter contre les inégalités du fait de l’état de santé et les inégalités de soins est louable, les méthodes employées comme les effets sont sujets à critiques. On peut notamment relever que les dispositifs mis en place conduisent d’une part à une uniformisation de l’assurance (A) et entretiennent d’autre part l’illusion d’un droit à l’assurance (B).

A – L’uniformisation de l’assurance

Si dans un sens commun, l « accès »63 semble répondre à une définition unique, ses modalités sont plurielles. En premier lieu, l’accès peut être universel. L’objet en question sera alors accessible à chacun64. Au demeurant, cela n’exclut pas que les conditions d’entrée soient susceptibles de varier par faveur pour certaines catégories de personnes. Il en est ainsi par exemple des activités accessibles à tous mais à un prix réduit pour les plus jeunes ou les plus âgés. En second lieu, à l’inverse, la volonté de favoriser l’accès de certaines personnes peut prendre la forme d’une protection indifférenciée, uniforme65. Leur seront alors appliquées les conditions « classiques » d’accès, identiques pour tous.

Dès lors, en matière d’assurance, la volonté d’élargir l’accès pouvait donc se concrétiser de ces deux manières : soit par la réalisation d’un accès universel, soit par la réalisation d’un accès uniforme66. L’uniformité, « double perverti de l’universel (…) que le monde paraît aujourd’hui confondre »67, n’est gage ni d’égalité ni d’efficacité. On peut donc regretter que les méthodes choisies pour élargir l’accès à l’assurance, à savoir l’interdiction faite à l’assureur de connaître certaines informations relatives au risque (1) et l’obligation d’offrir des garanties minimales déterminées (2), aient entraîné une uniformisation de l’assurance plutôt que son universalisation.

1 – Quant à l’information limitée tout d’abord

Ouvrir l’assurance afin qu’elle soit accessible à tous quel que soit l’état de santé de chacun, c’est-à-dire s’engager à proposer une solution d’assurance à tous, contribue à rendre universel l’accès à l’assurance. En revanche, interdire de prendre en compte l’état de santé afin que chacun puisse souscrire un contrat d’assurance aux mêmes conditions relève davantage d’une quête d’uniformité des conditions d’accès à l’assurance. De fait, « ce n’est pas la même chose d’étendre par des techniques appropriées la mutualisation au profit des risques aggravés et de reconstruire l’assurance, à partir du problème spécifique des risques aggravés, en s’en prenant au principe fondamental de la déclaration du risque »68. Partant, la suppression des questionnaires médicaux tend plutôt à consacrer un accès aux mêmes conditions qu’à réaliser un accès à tous malgré les inégalités frappant l’être humain quant à l’état de santé. Au-delà des inconvénients classiques (comme l’asymétrie d’information et l’anti-sélection qui peut en découler), que l’emploi d’une telle méthode peut engendrer, ignorer l’incidence de l’état de santé dans la détermination de la couverture du risque nourrit l’idée que toute personne serait en droit d’être garantie69 par une société d’assurances aux mêmes conditions quel que soit son état de santé. Le « droit à l’oubli » et la « grille de référence » consacrés dans le cadre de la convention AERAS participent de cette idée. Toutefois, il convient de relever que cette mesure destinée à soustraire de la connaissance de l’assureur certaines informations relatives au risque fait figure d’exception au sein de cette convention dont la majorité des dispositions illustre une volonté d’affiner la connaissance du risque pour repousser les limites de l’assurabilité en présence d’un risque aggravé de santé70.

2 – Quant à la couverture minimale imposée ensuite

Elle constitue l’archétype de l’uniformisation. Par ce biais, chaque salarié, quelle que soit sa situation, dispose désormais de garanties minimales identiques issues d’un contrat complémentaire santé souscrit par son employeur. La mise en œuvre de la généralisation de la couverture santé a fait l’objet d’un accueil mitigé. Celle-ci déçoit tant par la méthode choisie71 que par son contenu72 et l’on doute qu’elle parvienne ou du moins contribue à l’objectif assigné, à savoir la régression des inégalités d’accès aux soins. Il ne faut pas nier que garantir à chacun un égal accès aux soins est indéniablement source de progrès social et on peut penser au premier abord que la technique consistant à généraliser des droits et à uniformiser des garanties contribue à réduire les inégalités73. Toutefois, si le lien opéré est séduisant, les effets attendus ne semblent pas se concrétiser. Car l’objectif de réduction des inégalités d’accès aux soins ne se limite pas à lutter contre le renoncement aux soins pour des raisons financières. Encore faut-il que les soins auxquels on a accès soient adaptés à la personne et répondent ainsi à ses besoins. C’est en cela que l’uniformisation de la couverture santé pourrait constituer une amélioration des droits des salariés. Or le choix d’un panier de soins minimal ne peut répondre efficacement à une telle exigence. Par définition, ce panier contient plusieurs types de soins mais la faculté de l’employeur de choisir la teneur de la protection accordée parmi les soins proposés pour répondre aux besoins particuliers de ses salariés semble bridée. En effet, il n’est pas laissé la possibilité aux entreprises d’accorder une protection plus importante que celle prévue par la loi sur un type de soins en la justifiant corrélativement par une prise en charge plus limitée d’un autre type de soins, quand bien même la formule alors proposée conviendrait mieux aux besoins de leurs salariés.

En outre et surtout, imposer la généralisation de la couverture santé par la voie collective permet au législateur de poursuivre la « stratégie des vases communicants entre les organismes de prestations complémentaires et l’assurance-maladie obligatoire »74. S’il n’y a rien de choquant à ce que l’assurance privée soit amenée à suppléer de plus en plus fréquemment l’assurance-maladie obligatoire au regard des difficultés financières structurelles auxquelles fait face le système de santé, chercher en revanche à appliquer à ces assurances privées les règles de fonctionnement solidaires inhérentes à la première et brider leur faculté d’adaptation aux besoins des assurés est plus contestable. L’uniformisation initiée ne pourra empêcher l’apparition d’assurances « sur-complémentaires » destinées à compléter les couvertures offertes dans le cadre de l’entreprise, qui ne pourront être souscrites que par les salariés les plus aisés.

L’uniformité favorise donc une approche quantitative qui ne se soucie pas de l’efficience des garanties et ne rend pas l’assurance plus égalitaire75. Cette tendance est d’autant plus préoccupante qu’elle se manifeste aussi bien lors de la détermination du risque que lors de l’élaboration de sa couverture76. Or de l’uniformisation du contrat d’assurance découle l’idée qu’il existerait un droit à l’assurance.

B – L’illusion d’un droit à l’assurance

Le droit à est un « pouvoir d’exiger »77 qui vise à combler un manque. Qu’ils soient le résultat d’un individualisme exacerbé ou le « produit nécessaire de la démocratie »78, l’époque contemporaine a vu proliférer le nombre de droits à : droit à l’emploi, droit au logement, droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé79, etc. Par la revendication d’un droit à, l’individu cherche à satisfaire un besoin social, dont la privation est considérée comme une source d’exclusion. Son obtention lui permettra de jouir d’ « un filet de protection [afin de] ne pas être isolé de la masse »80.

Qu’en est-il en matière d’assurance ? Si l’assurance tient aujourd’hui un important rôle social, elle n’est pas encore l’objet d’un tel droit81. Pourtant, la recherche de l’égalité entre les individus, notamment dans l’accès aux biens sociaux, qui repose sur la lutte toujours plus soutenue contre les discriminations82 et le choix de l’uniformisation qui conduit à appliquer à toute personne les conditions « classiques » d’accès à l’assurance semblent concrétiser certaines attentes des revendicateurs d’un droit à l’assurance pour tous et laissent poindre l’espoir de nouvelles avancées. En effet, par l’instauration de l’interdiction d’accès de l’assureur aux caractéristiques génétiques du candidat, du « droit à l’oubli » et de la généralisation des couvertures santé, le législateur contribue à standardiser les conditions d’accès à l’assurance et permet à chacun de « jouir d’un minimum »83. Or, le droit à constitue « le prototype du standard, un renvoi à l’idée de normalité (…) »84 et est intimement lié à l’idée de garantie.

Pour autant, considérer que ces dispositifs ont consacré un droit à l’assurance85 ne peut qu’être déceptif et ce, pour deux raisons. D’une part, car le champ d’application de la convention AERAS instaurant le « droit à l’oubli » et de la loi généralisant la couverture complémentaire santé est délimité. Alors que le problème d’assurabilité des personnes présentant un risque de santé aggravé concerne de multiples domaines tels que la couverture de la dépendance, la prévoyance individuelle, les assurances de voyage, etc., c’est seulement dans le cadre de l’assurance emprunteur – au regard de son caractère jugé essentiel à l’accession à la propriété et sous certaines conditions strictes – que des évolutions sont constatées. De même, malgré le « chemin de généralisation » tracé par la loi Evin, les ANI de 2008 et de 2013, l’uniformisation par la voie collective imposée par la loi du 14 juin 2013 ne concerne que les salariés. Les inégalités d’accès aux soins rencontrées par les autres travailleurs restent donc entières.

D’autre part, malgré ces atteintes au pouvoir d’individualisation de l’assureur, l’octroi d’une assurance est toujours conditionné à l’étude du risque alors que seule la mise en œuvre d’un droit à est soumise à conditions mais non son attribution86. Ainsi, même les extensions envisagées au « droit à l’oubli » 87 n’aboutiront pas à l’avènement d’un tel droit, mais elles renforceront sans conteste ce mouvement d’uniformisation. Quant à la volonté, par-delà ces manifestations, de proclamer un « droit fondamental au contrat »88 d’assurance, celle-ci se heurte au fait que cette revendication prônant l’absence de distinction pour l’accès à l’assurance n’est que l’expression particulière d’un principe d’égalité et que « la vocation du droit positif n’est pas de satisfaire chacun, mais de mettre en place des règles cohérentes de vie en société »89. On peut toutefois noter que l’idée d’un droit à l’assurance agit comme une petite ritournelle qui prend de l’ampleur lorsque le droit positif ne parvient pas à combler le manque, à délivrer le bienfait recherché. Si les techniques mises jusqu’à présent en œuvre ne consacrent pas un droit à l’assurance, elles participent à la réalisation du désir de standardisation auquel un tel droit est censé répondre.

Si « l’assurance pour tous » n’est pas acquise, le législateur a clairement fait le choix de l’uniformisation pour élargir l’accès à l’assurance au détriment de l’adaptation des garanties. Est-ce à dire qu’une assurance universelle et personnalisée serait une utopie ? Si les chemins pour y parvenir paraissent semés d’embuches, la convention AERAS dont la logique repose, sauf exception, sur un affinement de la connaissance du risque de santé aggravé pour une meilleure prise en charge de celui-ci et des initiatives étrangères90 laissent penser qu’il n’est pas renoncé à la quête d’une telle assurance et que les objectifs d’accès à l’assurance et d’adaptation des garanties peuvent se réaliser concomitamment.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Chamfort cité par Hauser J., « Le concubinage est-il soluble dans le mariage et le pacs ? », Rép. min. QE n° 13605 : JO Sénat, 24 déc. 2015 ; RTD. civ. 2016, p. 324.
  • 2.
    La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe.
  • 3.
    Expression regroupant les revendications de « PMA pour tous » et de « GPA pour tous ».
  • 4.
    Après avoir été rejeté par le Sénat en décembre 2015, le « droit à la cantine pour tous » (proposition de loi destinée à assurer l’accès à la cantine dans le primaire pour tous les enfants) a fait l’objet d’un amendement adopté en commission par l’Assemblée nationale en juin 2016, dans le cadre du projet de loi « Égalité et citoyenneté ».
  • 5.
    La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, de modernisation de notre système de santé, a mis en place la généralisation du tiers payant.
  • 6.
    L’article 1er de la loi n° 2013-504, 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi, a prévu la généralisation de la complémentaire santé à tous les employés du secteur privé à compter du 1er janvier 2016 (v. art. L. 911-7 du Code de la sécurité sociale).
  • 7.
    Carbonnier J., « À chacun sa famille, à chacun son droit », in Essai sur les lois, 1978, Defrénois, p. 167 et s., spéc. p. 171 ; Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2011, PUF, Thémis droit, p. 42 et s.
  • 8.
    Depuis l’avènement de la philosophie des Lumières et la rédaction du Code civil.
  • 9.
    Selon Rochfeld J., certains sont aujourd’hui proclamés afin de « consacrer juridiquement un désir individuel et les moyens de son assouvissement », Les grandes notions du droit privé, 2011, PUF, Thémis droit, p. 153.
  • 10.
    Cohen D., « Le droit à… », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à Terré F., 1999, Dalloz, PUF, Jurisclasseur, p. 393 et s., spéc., p. 399 ; V. aussi, Puig P., « Droits fondamentaux et formation du contrat », in Contrats et droits fondamentaux, Costa D. et Pélissier A. (dir.), 2009, PUAM, p. 159 et s., spéc. n° 21, p. 179.
  • 11.
    Carbonnier J., Flexible Droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., 2001, LGDJ, p. 198 ; v. Pichard M., Le droit à. Etude de législation française, Préf. Gobert M., 2006, Economica, n° 71, p. 93 : « il faut [à l’homme] un “minimum” incompressible, en tous domaines. C’est ce décalage entre ce que l’on a et ce qui est jugé nécessaire pour participer au jeu social qui constitue le besoin que le droit à est censé satisfaire ».
  • 12.
    Izorche M.-L., « Réflexions sur la distinction », in Mélanges Christian Mouly, t. I, 1998, Litec, p. 53 et s.
  • 13.
    Lochak D., « Réflexions sur la notion de “discrimination” », Dr. soc. 1987, p. 778. La discrimination est aujourd’hui nécessairement péjorative, au point qu’il est nécessaire de créer un oxymore et ainsi parler de « discrimination positive » dès lors qu’on envisage la discrimination sous un angle favorable. V. aussi la définition énoncée par Cornu G., Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, 10e éd., 2014, PUF, Quadrige, V° Discrimination, p. 352 : « Différenciation contraire au principe de l’égalité civile consistant à rompre celle-ci au détriment de certaines personnes physiques en raison de leur appartenance raciale ou confessionnelle, plus généralement par application de critères sur lesquels la loi interdit de fonder des distinctions juridiques ».
  • 14.
    Niort J.-F., « Personne et discrimination : approche historique et théorique », in Personne et discrimination : perspectives historiques et comparées, Mercat-Bruns M. (dir.), 2006, Dalloz, p. 30 et 37.
  • 15.
    Sur les liens entre discrimination, égalité et dignité humaine, v. notre thèse, Corps humain et assurances de personnes, 2014, thèse dactyl. Panthéon-Assas Paris II, nos 169 et s., p. 142 et s. ; Mathieu B., « La dignité de la personne humaine, quel droit ?, quel titulaire ? », D. 1996, p. 285.
  • 16.
    La santé et le handicap constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits (25 %) suivis par l’origine (22 %) et l’âge (6 %). V. Rapport annuel d’activité du Défenseur des droits, 2012, Annexe III « Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité » et Baudis D., « Défenseur des droits », Le Monde, 30 sept. 2013.
  • 17.
    C. pén., art. 225-1 et 225-2.
  • 18.
    Art. 225-3 1° du Code pénal issu de la loi n° 90-602 en date du 12 juillet 1990, relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap.
  • 19.
    La convention du 3 septembre 1991 n’était relative qu’à « l’assurabilité des personnes séropositives en matière d’assurance de prêts professionnels et immobiliers ». Par la suite, la réflexion a porté sur la problématique de l’assurabilité des risques aggravés en général dans le cadre de l’assurance emprunteur et a abouti à l’adoption de la convention Belorgey, le 19 septembre 2001, puis de la convention AERAS le 6 juillet 2006 (modifiée à plusieurs reprises depuis). En outre, ont été mis en place en 2001 les contrats « responsables », où les cotisations ne sont pas fixées en fonction de l’état de santé du bénéficiaire et pour lesquels ce dernier n’est pas soumis à un questionnaire médical.
  • 20.
    « Synthèse : analyse comparative des pratiques assurantielles dans cinq pays », Commission des études et recherches de la convention AERAS, http://www.aeras-infos.fr/cms/sites/aeras/accueil/publications/etudes.html.
  • 21.
    V. Infra.
  • 22.
    De Tocqueville A., De la démocratie en Amérique, t. II, chap. XIII, 2e partie, 1981, Garnier-Flammarion, p. 174.
  • 23.
    Niort J.-F., « Personne et discrimination : approche historique et théorique » in Personne et discrimination : perspectives historiques et comparées, Mercat-Bruns M. (dir.), 2006, Dalloz, p. 30 et 37.
  • 24.
    Chagny M. et Perdrix L., Droit des assurances, 2009, LGDJ-Lextenso éditions, n° 239, p. 141 ; Bigot J., Traité de droit des assurances, t. III, Le contrat d’assurance, 2002, LGDJ, n° 61, p. 40 : « Le risque étant l’élément fondamental de l’assurance, il existe une corrélation étroite entre le risque et la prime, d’une part, le risque et la garantie d’autre part ».
  • 25.
    Bigot J., Traité de droit des assurances, t. III, Le contrat d’assurance, 2002, LGDJ, n° 61, p. 40 : « On affirme souvent que les informations relatives au risque sont essentielles car elles visent à permettre à l’assureur de déterminer non seulement la portée de son engagement (sa garantie), mais également le montant de la prime qu’il entend demander en contrepartie » ; Vaillier P., Les limites de l’assurance, préf. Groutel H., 2001, La Tribune de l’assurance, n° 195, p. 106 : « L’assureur doit être en mesure de connaître parfaitement le risque que le candidat à l’assurance lui demande de supporter, afin de pouvoir se prononcer sur le principe et le coût de sa prise en charge ».
  • 26.
    C. assur., art. L. 113-2-2°. C’est le système du questionnaire dit « fermé » qui s’est substitué à celui de la « déclaration spontanée ». À l’origine, l’article L. 113-2 issu de la loi de 1930 imposait à l’assuré de « déclarer exactement lors de la conclusion du contrat toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend à sa charge ».
  • 27.
    C’est-à-dire dans les contrats d’assurances de personnes (assurance-vie et non vie).
  • 28.
    Les contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire.
  • 29.
    Les contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative.
  • 30.
    Art. 63 de la loi de finances rectificative n° 2001-1276 du 28 décembre 2001. Les contrats « solidaires » sont d’ailleurs présentés par certains assureurs sous l’expression « la santé pour tous », v. par exemple, http://generalisation-complementaire-sante.humanis.com/comprendre-la-reforme/la-reforme/quest-ce-quun-contrat-sante-responsable-et-solidaire.
  • 31.
    Sur la critique d’un tel fondement pour justifier l’interdiction posée, v. notre thèse, Corps humain et assurances de personnes, thèse dactyl., 2014, Panthéon-Assas Paris II, nos 176 et s., p. 150 et s.
  • 32.
    Art. L. 1141-1 du Code de la santé publique issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
  • 33.
    Pour une comparaison avec les autres États ayant interdit l’accès à l’assureur aux examens génétiques des caractéristiques de l’assuré, v. notre thèse, Corps humain et assurances de personnes, thèse dactyl., 2014, Panthéon-Assas Paris II, nos 161 et s., p. 138 et s.
  • 34.
    Dibie D., « Discriminations biologiques et droit des contrats », in Le droit saisi par la biologie, Labrusse-Riou C. (dir.), 1996, LGDJ, n° 4, p. 150.
  • 35.
    C. assur., art. L. 113-8 et L. 113-9.
  • 36.
    V. 3e « Plan Cancer » 2014-2019, Objectif 9, Action 9.13, p. 82, www.e-cancer.fr/Plan-cancer-2014-2019- V4.pdf.
  • 37.
    Convention AERAS, titre IV, p. 14.
  • 38.
    Sur les sanctions applicables aux organismes assureurs en cas de non-respect de l’interdiction de recueillir des informations médicales relatives aux pathologies cancéreuses dans les délais prévus par la convention AERAS et de l’interdiction d’appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour les pathologies recensées dans la grille de référence et dans les conditions prévues par celle-ci, v. Décret n° 2017-147 du 7 février 2017.
  • 39.
    Art. L. 1141-1 du Code de la santé publique issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 et inséré à aux articles L. 133-1 du Code des assurances, L. 112-4 du Code de la mutualité et L. 313-6-1 du Code monétaire et financier.
  • 40.
    La convention prévoyait à l’origine un délai de quinze ans. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation du système de santé a revu le délai à la baisse.
  • 41.
    Par exception à l’obligation énoncée à l’article L. 113-2-2° du Code des assurances.
  • 42.
    La convention cite aussi les « pathologies chroniques ou situations de santé permettant de se rapprocher des conditions d’assurance standard » (Convention AERAS, titre IV, 2, p. 14).
  • 43.
    Grille adoptée le 4 février 2016 par la Commission de suivi et de propositions sur proposition du groupe de travail « droit à l’oubli ». Cette grille sera mise à jour, « en tant que de besoin et, a minima, à chaque renouvellement de la (…) convention, au rythme des avancées thérapeutiques et des données épidémiologiques disponibles (…) » (Convention AERAS, titre IV, 3, p. 15).
  • 44.
    Hépatite virale C, cancers du testicule, cancers de la thyroïde, certains cancers du sein, mélanome de la peau et cancer du col de l’utérus.
  • 45.
    Souvent considérée comme notre « bien le plus précieux ». Dès l’Antiquité, Socrate s’était interrogé sur ce point : « Existe-t-il pour l’homme un bien plus précieux que la santé ? ».
  • 46.
    Chagny M. et Perdrix L., Droit des assurances, 2009, LGDJ-Lextenso, n° 21, p. 25.
  • 47.
    Sur la critique de ces techniques, V. Infra, II.
  • 48.
    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États se sont engagés dans « la construction d’un État-providence qui entendait favoriser à la fois la couverture systématique des risques sociaux, la réduction des inégalités et le plein emploi », Baverez N., « Assurance et protection sociale », in L’Encyclopédie de l’assurance, Ewald F. et Lorenzi J.-H. (dir.), 1997, Economica, p. 480.
  • 49.
    Dubuisson B., « Solidarité, segmentation et discrimination en assurances. Nouveau débat, nouvelles questions », in Liber Amicorum, Mélanges en l’honneur du Professeur J. Bigot, 2010, LGDJ-Lextenso, p. 105 et s., spéc., n° 5, p. 110. L’assurance est aujourd’hui considérée comme « l’un des piliers de notre ordre économique et social », Ewald F., « Les valeurs de l’assurance », in L’Encyclopédie de l’assurance, Ewald F. et Lorenzi J.-H. (dir.), 1997, Economica, p. 400.
  • 50.
    L. n° 89-1009, 31 déc. 1989, dite loi sur la prévoyance complémentaire.
  • 51.
    Art. 2 et 3.
  • 52.
    En présence d’un contrat collectif à adhésion obligatoire contre les risques de décès, d’atteinte à l’intégrité physique, d’incapacité de travail ou d’invalidité (art. 2). S’agissant des opérations collectives à adhésion facultative et des opérations individuelles, l’assureur conserve, sous certaines conditions la possibilité de refuser de prendre en charge les suites d’une maladie contractée antérieurement (art. 3).
  • 53.
    La CMU et la CMUC ont été mises en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999. Pour rappel, la CMU de base permet aux bénéficiaires d’obtenir – gratuitement en deçà d’un certain seuil de revenus – le remboursement de leurs dépenses de santé ; la CMU complémentaire prend en charge gratuitement la part complémentaire des dépenses de santé et inclut des forfaits de prise en charge des soins dentaires, optiques… La CMUC, ainsi que l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) sont financées par le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie dont les recettes sont constituées d’une part par le produit de la taxe CMU (taxe de solidarité́ additionnelle) à laquelle sont assujettis les organismes d’assurance complémentaire intervenant dans le domaine des soins de santé et d’autre part, par une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs. Le décret n° 2014-1144 du 8 octobre 2014 a modifié le dispositif de l’ACS en déterminant trois niveaux de garanties avec un panier de soins minimum (différent de celui défini pour les contrats responsables et la généralisation des contrats complémentaires santé, V. Infra).
  • 54.
    Art. 56 de la loi n° 2004-810, 13 août 2004, relative à l’assurance maladie.
  • 55.
    Art. 1er de la loi n° 2013-504,14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi ; CSS, art. L. 911-7.
  • 56.
    Baron P. et Pignaud X., « Généralisation de la couverture “frais de santé” et de la portabilité », JCP S 2013, 1269, p. 17 et s.
  • 57.
    V. l’article L. 861-3 du Code de la sécurité́ sociale créé par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle et L. 871-1 du Code de la sécurité́ sociale.
  • 58.
    Au regard des dispositions de l’ANI du 11 janvier 2013 et de la loi du 14 juin 2013, la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la Sécurité́ sociale pour 2014 a redéfini les critères permettant de considérer qu’un contrat est responsable (article 56 modifié par la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 et devenu l’article 56, II, alinéa 3) afin de promouvoir l’accès aux soins en relevant la couverture minimale. Les décrets n° 2014-1025 du 8 septembre 2014, n° 2014-1374 du 18 novembre 2014 et n° 2015-1865 du 30 décembre 2015 précisent ce nouveau cahier des charges, applicable depuis le 1er avril 2015 et les garanties minimales des contrats santé mis en place dans les entreprises (V. CSS, art. R. 871-2). Sur le nouveau contrat responsable, v. Bourdoiseau J., « Nouveau contrat responsable et iatrogénèse », Gaz. Pal. 15 sept. 2015, n° 239r7, p. 5.
  • 59.
    Tabuteau D., « La métamorphose silencieuse des assurances maladie », Dr. soc. 2010, p. 85 et s., spéc. p. 90.
  • 60.
    L’employeur a l’obligation de participer au minimum à la moitié du financement de la « couverture », (article 1er de la loi du 14 juin 2013), l’obligation de financement à hauteur de 50 % ne portant pas uniquement sur la couverture minimale mais sur l’ensemble de la couverture santé collective et obligatoire des salariés, même si celle-ci est supérieure au minimum (V. le nouvel article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale modifié par l’article 34, II, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016).
  • 61.
    Demolli E. et Hildebrandt M., « Solidarité, non-discrimination et segmentation en assurance collective », in Risques, Les cahiers de l’assurance, 2011, n° 87, p. 36 et s., spéc. p. 38. Certains voient dans cette généralisation de la couverture collective complémentaire santé la constitution d’un deuxième niveau d’assurance-maladie obligatoire (interdiction de sélection et de tarification en fonction du risque), v. not., Tabuteau D., « La métamorphose silencieuse des assurances maladie », Dr. soc. 2010, p. 85 et s., spéc. p. 90.
  • 62.
    Universaliser la couverture collective santé des salariés permet de rendre plus supportable les nouveaux désengagements de l’assurance-maladie obligatoire à venir. V. Coursier P., « Quelle généralisation pour quelle couverture complémentaire santé ? », JCP S 2013, 1268, p. 9 et s.
  • 63.
    Le terme accès vient d’accessus, accedere qui signifie arriver, atteindre quelque chose.
  • 64.
    Dictionnaire Larousse, V° Universalité : « caractère de ce qui concerne, implique tous les hommes » ; synonyme de totalité, entièreté, globalité ; V. aussi, Cornu G., Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, 10e éd., 2014, PUF, Quadrige, V° Universalité et Universel, p. 1051 : « 2° ouvert ou imposé à tous les citoyens ; 3° qui porte sur l’universalité des biens d’une personne, sur l’ensemble de son patrimoine ».

  • 65.
    V. Noguéro D., « Sélection des risques, discrimination, assurance et protection des personnes vulnérables », RGDA 2010, p. 633 et s., au sujet de la protection des personnes vulnérables.
  • 66.
    Dictionnaire Larousse, V° Uniformité : « caractère de ce qui est semblable dans toutes ses parties, aucune variété dans son aspect ».

  • 67.
    Jullien F., De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue, 2008, Fayard, p. 13 et p. 31.
  • 68.
    Ewald F., « Génétique et assurance », RGDA 1999, p. 539 et s., spéc. p. 553.
  • 69.
    V. Infra, B.
  • 70.
    V. les dispositions relatives à l’assurance décès des prêts immobiliers et professionnels et à la garantie de ces prêts en cas de risque d’invalidité́ (titre IV, La couverture des risques liés aux emprunts, 1 et 4) qui, sans supprimer les questionnaires médicaux, ont pour but d’élargir l’accès à l’assurance aux personnes porteuses de risques de santé aggravés ou d’un handicap. Ce n’est que dans certaines hypothèses où l’anti-sélection est neutralisée qu’il est parfois renoncé à certaines informations sur le risque. En effet, le risque d’anti-sélection étant « généralement d’autant plus développé que le montant des capitaux garantis est important et que la durée de garantie de l’assureur est élevée » (Belorgey J.-M., Réflexions sur l’assurabilité, 2000, rapport, n° 4.1, p. 13), les signataires de la convention AERAS ont consenti à la suppression des questionnaires médicaux lorsque de petits capitaux sont assurés et que la durée de remboursement de l’emprunt est réduite (V. titre VI, La couverture des risques liés aux emprunts, « 2) L’assurance décès des prêts à la consommation affectés ou dédiés »).
  • 71.
    V. Petit B., « Généralisation des complémentaires-santé : une approche davantage “sociale” que “sociétale” ? », JCP S 2013, 1309, p. 16 et s.

  • 72.
    V. Coursier P., « Quelle généralisation pour quelle couverture complémentaire santé ? », JCP S 2013, 1268, p. 9 et s. ; Petit B., art. préc.
  • 73.
    Puisque chacun en est titulaire ou y a accès et qu’ils ne sont pas conditionnés par les revenus, aucun ne peut être privé de ses bienfaits. De la sorte, toute inégalité́ disparaîtrait.
  • 74.
    Tabuteau D., « La métamorphose silencieuse des assurances maladie », Dr. soc. 2010, p. 85 et s., spéc. p. 89.
  • 75.
    Le fait de proposer des garanties « standard » à un tarif unique entame au contraire l’égalité, puisque des personnes présentant des risques différents paieront la même prime.
  • 76.
    Ainsi qu’on l’a vu, l’atteinte au pouvoir d’individualisation de l’assureur se réalise par l’interdiction de connaître certaines caractéristiques du risque mais aussi par la limitation des effets de l’information recueillie sur la tarification et la garantie (par l’encadrement de la sélection et par les obligations de garantie).
  • 77.
    Pichard M., Le droit à. Étude de législation française, préf. Gobert M., 2006, Economica, n° 5, p. 8 et n° 124, p. 171.
  • 78.
    Pichard M., Thèse préc., nos 52 et s., p. 65 et s.
  • 79.
    Pour d’autres exemples, v. l’ouvrage de référence en la matière, Pichard M., Le droit à. Étude de législation française, préf. Gobert M., 2006, Economica.
  • 80.
    Ibid., n° 72, p. 94. En effet, « il faut [à l’homme] un “minimum” incompressible, en tous domaines. C’est ce décalage entre ce que l’on a et ce qui est jugé nécessaire pour participer au jeu social qui constitue le besoin que le droit à est censé́ satisfaire » (n° 71, p. 93).
  • 81.
    Aucun texte interne et international ne consacre le droit à l’assurance. La doctrine affirme d’une seule voie que le droit à l’assurance n’existe pas, v. not., Ewald F., « Génétique et assurance », RGDA 1999, p. 539 et s., spéc. p. 542 et 552 ; Dibie D., « Discriminations biologiques et droit des contrats », in Le droit saisi par la biologie, Labrusse-Riou C. (dir.), 1996, LGDJ, p. 149 et s., spéc. n° 117, p. 173 ; certains cependant se posent la question, v. Byk C., « Les aspects éthiques, sociaux et juridiques », in Prédictivité, tests génétiques et assurance, séminaire du comité directeur pour la bioéthique du Conseil de l’Europe (CDBI), 3 et 4 déc. 2007, www.coe.int/.
  • 82.
    Au point d’en déceler et de faire le choix de les condamner là où il s’agissait de simples distinctions qui ne sont désormais plus tolérées.
  • 83.
    Pichard M., Le droit à. Etude de législation française, préf. Gobert M., 2006, Economica, n° 82, p. 106.

  • 84.
    Ibid., n° 71, p. 93.

  • 85.
    Ainsi, l’INca présente le « droit à l’oubli » comme « un droit à l’assurance au tarif normal (…) instauré, sous certaines conditions, pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer ou d’une autre pathologie mais dont l’état de santé est stabilisé ». (www.e-cancer.fr/Actualités : « Droit à l’oubli : signature de l’avenant à la convention AERAS », 2 sept. 2015).
  • 86.
    Sur ce point, v. Pichard M., thèse préc., nos 239 et s., spéc. n° 242, p. 316.
  • 87.
    V. le programme de travail 2016 du groupe « droit à l’oubli », www. aeras-infos.fr.
  • 88.
    Puig P., « Droits fondamentaux et formation du contrat », in Contrats et droits fondamentaux, Costa D. et Pélissier A. (dir.), 2009, PUAM, p. 159 et s., spéc. n° 2, p. 159.
  • 89.
    Mazière P., Le principe d’égalité́ en droit privé, préf. B. Teyssié, 2003, PUAM, n° 78, p. 89.
  • 90.
    On songe notamment aux « plans cafétéria » belges : lors de la conclusion d’une assurance de groupe, l’employeur fixe le budget qu’il souhaite y consacrer et détermine les garanties ainsi que les options qu’il souhaite proposer à ses salariés. Dans le cadre de ce plan cafétéria, chaque travailleur dispose alors d’une somme utilisable selon ses besoins et souhaits pour certaines garanties de l’assurance de groupe : une assurance invalidité, dépendance, une assurance décès, une garantie de revenus… Sur ce système, v. Binon J.-M., Droit des assurances de personnes, Aspects civils, techniques et sociaux, 2007, Larcier, n° 371, p. 242.