Le devoir individuel de santé : simple cygne noir ou véritable changement de paradigme en droit de la santé ?

Publié le 06/04/2021
Mains d'adultes et enfant en forme de cœur, tenant un cœur rouge
New Africa / AdobeStock

La protection de la santé s’inscrit désormais dans un nouveau paradigme qui place l’individu au cœur du dispositif, en lui imposant un devoir de santé envers lui-même et envers les autres. Mais à la question de savoir si ce devoir a une portée générale, une réponse nuancée s’impose. En effet, le traitement des conséquences du manquement à ce devoir se fait à géométrie variable, en fonction de la nature du devoir concerné. Ces conséquences seront a minima ou a maxima, selon qu’il s’agit respectivement de la violation d’un devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique, ou d’un devoir individuel de santé juridiquement sanctionné.

La protection de la santé a longtemps été considérée comme un devoir régalien de l’État1 qui doit rechercher le plus haut niveau de santé possible pour sa population2. Quel que soit son système politique, économique et culturel, il est de son devoir de promouvoir et de protéger ce droit fondamental à la santé3. Comme l’indique la constitution de l’OMS : « Les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples ; ils ne peuvent y faire face qu’en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées ». Ces mesures, qualifiées de mesures de santé publique, ont en général un caractère obligatoire. Exigées en temps normal, elles le sont a fortiori en période de crise sanitaire.

Les raisons pour lesquelles l’État est tenu de protéger la santé de ses citoyens tiennent non seulement aux engagements internationaux auxquels il a souscrit, mais aussi et surtout aux implications du contrat social qui le lie à son peuple. Ces obligations pèsent sur l’État dès qu’il existe un « risque sérieux et substantiel pour la santé et le bien-être » des individus4, ce qui l’oblige à prescrire des mesures adéquates et à veiller à leur effectivité, pour protéger la santé de ses populations en cas de menace ou de réalité d’une crise sanitaire. C’est ce que rappelle la jurisprudence française, notamment dans le cadre de l’affaire du sang contaminé, ou dans celle de l’amiante, lorsqu’elle souligne que la « carence fautive » de l’État dans l’usage de son pouvoir de réglementation ou d’interdiction peut produire une catastrophe sanitaire5.

Dans un contexte où l’Homme avait longtemps été dominé et asservi par ses semblables, il était tout à fait justifié que l’une des missions premières du droit fut de satisfaire les revendications des citoyens en affirmant leur dignité et en leur reconnaissant des droits. C’est ce qui explique que la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789 ne fut pas accompagnée d’une déclaration des devoirs. Mais dans un souci d’éviter les abus des droits ainsi reconnus, une timide déclaration des devoirs fut annexée à la Constitution du 5 fructidor An III (22 août 1795), appelée déclaration des droits de l’Homme et des devoirs du citoyen ou déclaration de l’an III. Pour la première fois, cette déclaration issue des débats au sein de la convention thermidorienne a incorporé des devoirs, sans grande portée juridique ni philosophique pour les citoyens, mais qui réaffirmaient plutôt les devoirs du législateur. Ce n’est qu’en 1948 que la déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) va reconnaître que « l’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible »6.

Ainsi, dans le domaine de la santé, le devoir régalien de protection qui incombe à l’État ne doit pas occulter le fait qu’il existe, à l’égard des citoyens, un devoir individuel de prendre soin de sa santé et de celle des autres. Selon l’article IV de la déclaration d’Alma-Ata de 1978 sur les soins de santé primaires, « tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés »7. Plusieurs États à travers la planète reconnaissent explicitement, dans leurs constitutions, un devoir de santé incombant aux individus. C’est le cas notamment de certains États latino-américains tels que l’Uruguay8, et de quelques pays lusophones9.

En droit français, plusieurs textes reconnaissent expressis verbis, le devoir de prendre soin de sa santé et de celle des autres. C’est le cas notamment du Code du travail, qui affirme qu’« il incombe à chaque travailleur de prendre soin (…) de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres »10. Certains textes épars, sur lesquels nous reviendrons, reconnaissent également ce devoir. Ceux adoptés dans le contexte de la lutte contre le coronavirus (v. infra) ont multiplié ces devoirs individuels de santé. Preuve que la santé est un bien dont nous sommes redevables envers la collectivité où nous vivons et qui s’emploie aussi à nous protéger11.

En effet, la reconnaissance d’un droit à la santé implique nécessairement, par symétrie, un devoir ou une obligation de santé12. Pour qu’un droit ait toute sa force, il doit être associé à des devoirs. Droits et devoirs forment ainsi les deux faces de la même médaille de la politique sociale de santé. Sans devoirs associés, les droits deviennent arbitraires. Alors que l’État a le devoir de tout mettre en œuvre pour apporter un niveau optimal de santé à tous, les individus ont, de leur côté, le devoir envers la société de contribuer à cet effort en prenant soin de leur santé et de celle des autres. À ce sujet, la doctrine relève que « si la notion de “droit” est actuellement privilégiée (surtout dans les pays du Nord), il ne faut pas oublier la notion de “devoir”, que l’on peut (et même doit) appliquer à la santé. Il convient de reconnaître l’existence d’un véritable devoir de santé (un devoir de santé individuelle comme un devoir de santé collective) »13.

La notion de devoir mérite quelques clarifications. Selon les philosophes, « il est possible de distinguer trois types essentiels de devoirs : les devoirs envers soi (conservation de soi), les devoirs envers autrui (la morale et le droit positif) et les devoirs envers Dieu (les principes dogmatiques) »14. Seuls les deux premiers types de devoirs nous intéressent dans le cadre de cette étude, à savoir le devoir individuel de santé envers soi-même et envers autrui.

Si pendant longtemps, le devoir individuel de santé avait été ignoré ou très peu mis en avant, l’on assiste depuis quelque temps à un véritable changement de paradigme en droit français de la santé, mettant en avant le rôle de chacun dans la préservation de sa santé et de celle des autres. Cela se traduit par une communication intensive des pouvoirs publics invitant les citoyens à avoir une alimentation saine, à faire du sport, à pratiquer des dépistages, des vaccinations et des examens de santé divers… En bref, par l’invitation de chacun à prendre soin de sa santé et de celle des autres. L’objectif est de permettre aux individus d’« exercer un plus grand contrôle sur leur santé et de faire des choix favorables à celle-ci »15.

Tout part du constat selon lequel la maladie n’est plus exclusivement perçue comme « le résultat d’une défaillance d’un élément de l’organisme, mais comme celui d’une série de facteurs liés à l’environnement et aux comportements individuels »16. Dans cette nouvelle vision, la santé ne concerne plus uniquement l’État ou le médecin, mais aussi et surtout le patient qui doit se mobiliser pour parvenir à un état de santé satisfaisant17. Les raisons de ce changement de paradigme sont à la fois d’ordre économique, éthique et politique.

Sur le plan économique, la médecine coûte de plus en plus cher à cause des techniques sophistiquées qui utilisent des outils onéreux. De même, on a une augmentation du nombre de malades à cause du vieillissement de la population dont la médecine est en partie responsable « en permettant un formidable allongement de la durée de la vie »18. Ainsi, pour protéger la santé des citoyens sans ruiner la société, l’État mise désormais sur la médecine préventive qui commence à l’échelle individuelle. Comme conséquence de cette nouvelle politique, « les déséquilibres structurels de l’assurance maladie ont amené les pouvoirs publics, ces dernières années, à développer des mécanismes visant à contrôler les actes de consommation des soins, voire à limiter leur remboursement »19.

Sur le plan éthique, la société contemporaine voudrait que l’individu soit entièrement responsable de son sort. L’Homme postmoderne, entrepreneur de sa propre vie, est censé prendre activement sa santé en charge20. Cette conception rend l’individu moralement responsable de sa santé. Comme le relève la doctrine, « le patient, collaborant, devient acteur de sa santé et donc responsable. Cette participation active du patient au maintien de sa santé pourrait le conduire à une plus grande responsabilisation »21.

Sur le plan politique, la responsabilisation des individus aboutit à une « “idéologie de la culpabilisation de la victime” : la mise en avant des comportements nocifs de l’individu (tabac, alcool…) occulte la production collective des risques (organisation du travail, pollution, etc.), ce qui faciliterait sa “culpabilisation” lorsqu’il tombe malade »22.

Comme on le voit, le devoir individuel de santé, loin d’être un simple cygne noir23, traduirait un véritable changement de paradigme en droit de la santé. Ce devoir a vraisemblablement pris de l’importance avec la crise sanitaire de la Covid-19 qui impose à chaque citoyen le respect des gestes barrières. En plus des mesures préexistantes, les devoirs individuels de santé imposés aux citoyens ont quasiment été décuplés depuis l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus de la Covid-1924. La présente étude se veut donc un questionnement sur la contrepartie du citoyen au devoir étatique de protection de la santé. Ce qui amène à se poser la question de savoir si l’accroissement des devoirs individuels de santé traduit un changement de paradigme en droit français de la santé. Autrement dit, à l’instar des pays latino-américains et lusophones ci-dessus cités, le devoir individuel de santé a-t-il désormais une portée générale en droit français de la santé ?

Face à cette interrogation, une réponse nuancée s’impose. Car si pendant longtemps, l’obligation de prendre soin de sa santé et de celle des autres ne tombait pas sous le coup du positivisme, faute de textes énonçant un devoir général de ce genre, tel n’est plus le cas aujourd’hui où le manquement à ce devoir est de plus en plus juridiquement sanctionné. Divers représentants de la doctrine25 postulent d’ailleurs, sans réticences, l’existence d’une obligation individuelle de prendre soin de sa santé et de celle des autres.

Toutefois, il existe des domaines dans lesquels le législateur n’a pas encore tiré toutes les conséquences juridiques de la reconnaissance de ce devoir individuel de santé. Autrement dit, il existe des pans du droit de la santé dans lesquels le devoir individuel de santé ne s’affirme pas avec la même force et la même vigueur, parce que revêtant encore un caractère purement moral, incitatif, voire pédagogique, et par conséquent, non juridiquement sanctionné. Ainsi, malgré l’émergence progressive du devoir individuel de santé en droit positif (I), les implications juridiques du manquement à ce devoir restent diversement appréciées (II).

I – L’émergence progressive du devoir individuel de santé en droit positif français

L’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus de la Covid-19, ainsi que certains textes subséquents, ont imposé aux citoyens un certain nombre de devoirs individuels de santé tels que la distanciation physique, le port du masque, le télétravail ou à défaut la réorganisation du lieu de travail, la limitation des déplacements professionnels dans les zones à risque etc.26.

Bien avant l’apparition du coronavirus, la question s’était déjà posée au sein de la doctrine sur le point de savoir si le devoir de santé était « de droit positif en France ». Face à cette interrogation, certains auteurs estimaient déjà que « le simple bon sens [imposait] une réponse affirmative »27. Par la suite, avec le « développement sans précédent des soins juridiquement obligés »28, la doctrine a affirmé qu’« il convient de reconnaître l’existence d’un véritable devoir de santé (…), qui consiste à éviter à la fois les conduites ou actions à risque ((…) pour soi-même avec la pratique de sports violents, et aussi pour les autres avec, par exemple, les rapports sexuels non protégés) »29. Il apparaît ainsi clairement que l’individu a un devoir individuel de santé envers lui-même (A) et envers les autres (B).

A – Le devoir individuel de santé envers soi-même

Comme l’indique un auteur, « le rapport à soi n’est jamais un rapport solitaire »30. Tout comme le concept de « droit à la santé » est susceptible de plusieurs appréhensions, celui de « devoir de santé » peut recouvrir des réalités diverses. Négativement, il se traduit par une abstention qui oblige chaque individu à s’abstenir des comportements à risque pour sa santé (1). Positivement, il s’exprime par une action positive qui oblige l’individu exposé à une situation dangereuse pour sa santé et sa sécurité à se retirer en exerçant son droit de retrait (2).

1 – Le devoir de s’abstenir des comportements à risque pour sa santé

L’individu étant le meilleur défenseur de ses intérêts31, il doit s’abstenir des comportements à risque pour sa santé à l’instar des rapports sexuels non protégés, de la consommation d’alcool, de tabac, de drogue… Ainsi, « l’hygiène fait partie des devoirs envers nous-mêmes parce qu’il y a en nous quelque chose qui nous dépasse, nous englobe, nous constitue et donne sens à ce que nous sommes ». La doctrine indique que « l’Homme a deux devoirs à remplir envers son corps : conserver la vie qu’il a reçue ; conserver et défendre sa santé »32.

Le devoir individuel de santé oblige chacun à faire des choix favorables à sa santé, tels que la pratique régulière de l’activité sportive, le contrôle de son alimentation… en évitant cependant toute dérive. En effet, comme le relève un auteur : « De l’alimentation équilibrée, au rythme de vie approprié, en passant par la prudence et l’effort mesuré… Ces soins qui ne sont qu’un moyen peuvent aussi devenir une obsession. Composer ses menus en calculant les calories, et en médicalisant la vie quotidienne, y compris à travers les exercices physiques calibrés et chronométrés, surveiller son poids au gramme près, transformer la frugalité en austérité, de tels “soins”, à force de vouloir faire taire la potentielle souffrance du corps, risquent de faire oublier le corps comme source de plaisir. La frontière est ténue entre l’excès et l’insuffisance de soins »33.

Tout en restant raisonnable, l’individu doit prendre soin de sa santé, au risque de subir et d’assumer seul les conséquences dommageables de ses comportements à risque. À titre d’illustration, les actions en responsabilité des anciens fumeurs contre les fabricants de cigarettes ou contre l’État ont été rejetées par la jurisprudence34 qui estime que ceux-ci sont les seuls responsables de leur consommation.

Dans le même ordre d’idées, le patient qui refuse de se soumettre aux traitements prescrits assumera seul les conséquences de ses actes face à la sécurité sociale. Par exemple, lorsqu’une personne atteinte d’une affection de longue durée refuse de suivre son traitement, elle encourt la diminution, voire la suppression de sa prise en charge35. De même, le conjoint qui refuse de se soigner s’expose à un divorce prononcé à ses torts36 ou à la perte de la garde de ses enfants37. Dans ces différents cas, le refus des soins s’analyse comme un comportement à risque mettant en danger la santé du patient. En effet, une personne qui ne prend pas soin de sa santé peut devenir une charge pour sa famille, pour les autres et pour la société du fait de sa négligence personnelle, la solidarité permettant de partager le fardeau du coût de prise en charge de la maladie avec ceux qui en sont frappés.

Le devoir de s’abstenir des comportements à risque pour sa santé peut également être illustré avec la théorie de « l’acceptation des risques » qui trouve sa source dans le célèbre arrêt Veuve Gasse c/ Saby du 27 mars 192838 relatif au transport bénévole. Dans un arrêt similaire du 28 janvier 1972, la Cour de cassation a jugé comme fautif le comportement d’un passager qui s’installe dans un véhicule dont le chauffeur est manifestement ivre39. Selon la haute juridiction, la victime doit s’abstenir d’accepter des risques anormaux ou excessifs l’exposant à un danger grave ou probable pour sa sécurité et sa santé.

Ces dernières années, la notion d’acceptation des risques a connu un essor particulier en matière de sport, où la doctrine affirme qu’« il convient de reconnaître l’existence d’un véritable devoir de santé (…), qui consiste à éviter à la fois les conduites ou actions à risque (par exemple, pour soi-même avec la pratique de sports violents…) ». En effet, la pratique des sports violents suppose de la part des participants, un engagement physique, de plein gré, de leur intégrité corporelle. « Sans cette acceptation des risques, il ne peut y avoir d’activité sportive, en particulier dans le domaine des sports de combat »40. L’acceptation des risques est en effet la reconnaissance par le sportif de l’éventualité du dommage qui pourrait lui être causé. L’acceptation des risques peut, dans certaines conditions, constituer une faute, voire un manquement au devoir individuel de santé.

Ainsi, constitue une faute et par conséquent un manquement au devoir individuel de santé, le comportement de la victime qui a menti sur ses compétences. C’est le cas par exemple de celui qui participe à un sport de combat sans aucune expérience, ou avec une expérience moindre que celle des autres participants. En effet, pour pouvoir valablement accepter les risques, la victime doit avoir une certaine capacité de discernement. Autrement dit, il faut que les risques aient été acceptés en connaissance de cause. L’âge de la victime important peu, il suffit juste qu’elle ait une certaine capacité de discernement41 qui suppose une certaine appréciation de ses capacités tant physiques que sportives, eu égard à celles de ses adversaires, qui en cas de risques anormalement élevés, doit la conduire à refuser de participer ou à se retirer.

2 – Le droit de se retirer d’une situation dangereuse pour sa santé

En droit du travail, l’obligation de sécurité de résultat42 qui pèse sur l’employeur ne dispense pas le salarié de prendre soin de sa sécurité et de sa santé. En cas de manquement à ce devoir individuel, ce dernier engage sa responsabilité et peut être sanctionné. Comme pendant de ce devoir individuel qui pèse sur le salarié de prendre soin de sa santé et de celle des autres, le droit du travail est allé plus loin en lui accordant un droit de retrait.

Le droit de retrait est le droit pour le salarié de se retirer d’une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoient le droit de retrait d’une situation de travail présentant un danger pour la personne qui l’exerce43.

En droit français, les articles L. 4121-1 et 2 du Code du travail disposent que l’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité de résultat44 envers ses salariés dans l’exercice de leurs prestations. En cas de non-respect de cette obligation, le salarié dispose de ce recours efficace qu’est le droit de retrait, pour assurer lui-même sa protection. Ce droit lui permet de quitter son poste de travail ou de refuser de le reprendre tant que l’employeur n’a pas remédié à la situation de danger. Dès lors, l’employeur ne peut solliciter du salarié qu’il reprenne son poste de travail tant qu’il n’a pas mis en place les mesures de protection45. Aucune sanction ne peut non plus être prise à son égard46, qu’elle soit disciplinaire ou financière47.

L’exercice du droit de retrait en période de crise sanitaire a été réaffirmé par la cour d’appel de Versailles, condamnant la société Amazon France48 pour mise en danger de ses salariés face à l’épidémie de Covid-19. Face à l’inobservation des mesures barrières, les salariés avaient, par plusieurs alertes, signalé que leurs conditions de travail49 ne leur permettaient pas de bénéficier d’une protection efficace, puis, face à l’inertie de l’employeur, ils avaient exercé leur droit de retrait.

En somme, l’exercice du droit de retrait qui participe de la responsabilisation des individus vis-à-vis de leur santé s’inscrit bel et bien dans le cadre du devoir individuel de santé. Il convient toutefois de rappeler que le risque évité pour soi-même ne doit pas l’être au prix du risque déporté sur les autres travailleurs.

B – Le devoir individuel de santé envers les autres

Conformément au « devoir général de ne pas nuire à autrui »50 sanctionné par l’article 1240 du Code civil (C. civ., art. 1382 anc.), l’individu a, dans le domaine de la santé, le devoir de ne pas volontairement contaminer les autres (1). Outre les actes intentionnels, il a également le devoir de ne pas exposer les autres aux risques de contamination (2) par son imprudence ou par sa négligence.

1 – Le devoir de ne pas volontairement contaminer les autres

Toute personne atteinte d’une maladie contagieuse doit prendre des mesures nécessaires pour éviter sa propagation. Comme le rappelle la doctrine, il convient de « reconnaître l’existence d’un véritable devoir de santé (…), qui consiste à éviter à la fois les conduites ou actions à risque… pour les autres avec, par exemple, les rapports sexuels non protégés »51. En l’absence de l’existence en droit français du « délit de contamination vénérienne », les victimes de contamination au VIH se sont tournées vers l’article 222-15 du Code pénal relatif à « l’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui ». Cette disposition est devenue la base légale permettant la pénalisation des rapports sexuels contaminants. La chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois en 200652, sur l’application de cette disposition du Code pénal à la transmission par voie sexuelle du VIH. Le comportement dolosif de l’infracteur avait pleinement justifié à l’époque la sanction pénale infligée par la Cour.

Quoi qu’il en soit, toute personne atteinte d’une maladie contagieuse a la responsabilité de prendre des mesures adéquates pour ne pas la propager. De son côté, la personne non contaminée a également la responsabilité individuelle de se protéger. Comme on le voit, le devoir individuel de santé ne saurait être unilatéral. Il interpelle chacun à se comporter comme si ses semblables (le voisin, le collègue de travail…) étaient infectés. En somme, chacun a le devoir individuel de tout mettre en œuvre pour ne pas altérer sa santé et celle des autres.

2 – Le devoir de ne pas exposer les autres aux risques pour leur santé

Il ne fait aucun doute que le droit impose à l’individu l’obligation de préserver les tiers des risques liés à sa propre santé. C’est dans cette optique qu’ont été instituées les campagnes de « vaccinations obligatoires qui s’expliquent moins par une volonté de protéger les individus contre leur propre inaction que par celle de préserver autrui des risques de contamination »53.

Sur le plan pénal, la violation du devoir individuel de ne pas exposer les autres aux risques pour leur santé et pour leur sécurité peut être réprimée par l’infraction de mise en danger d’autrui prévue à l’article 223-1 du Code pénal qui dispose que « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d[e] 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».

La mise en danger est un délit en soi, indépendamment du fait que le risque d’atteinte à la santé se réalise ou non. Pour être caractérisée, l’infraction de mise en danger d’autrui suppose un élément matériel (des faits punissables) et un élément intentionnel (la volonté d’accomplir ces faits punissables). Elle suppose également qu’il y ait un lien de causalité direct et immédiat entre le manquement et le danger. Cependant, l’infraction de mise en danger ne requiert pas que l’auteur ait provoqué le dommage. Par exemple, en période de crise sanitaire, le manquement délibéré aux obligations de confinement ou encore le non-respect des gestes barrières, exposant ainsi ses semblables aux risques de contraction de la Covid-19, est suffisant pour que l’infraction soit retenue contre l’auteur du manquement.

Dans le cadre de l’exercice du droit de retrait ci-dessus évoqué, le salarié doit s’assurer au préalable que son retrait n’engendre pas une nouvelle situation de danger pour autrui. Cela signifie qu’il doit veiller à ne pas exposer à son tour un tiers à un danger grave et imminent54. À ce sujet, la chambre sociale de la Cour de cassation française avait retenu l’existence d’une faute grave justifiant le licenciement d’un travailleur qui avait abandonné son poste en faisant courir un risque d’accident à un autre salarié travaillant sur le même poste que lui55. Bien qu’étant un droit individuel, le droit de retrait peut s’exercer collectivement56, mais sans exposer les autres à des risques pour leur santé et leur sécurité. Ce critère est très important, car l’employeur pourrait se servir de son non-respect pour justifier des mesures de sanction à l’encontre du/des salarié(s) ayant exercé son/leur droit de retrait.

L’interdiction de fumer dans des endroits prohibés est également révélatrice de ce devoir de ne pas exposer les autres aux actions à risque pour leur santé. En effet, par sa consommation du tabac, le fumeur met non seulement sa santé et sa vie en danger, mais également celles des autres, du fait du tabagisme dit passif. « Les interdits récents à l’égard du tabac et la répression de l’alcoolisme, se veulent une protection forcée de la santé de chacun et de l’intégrité de tous : se détruire soi-même est aussi détruire un peu son entourage, et l’existence de protections sociales confère aux choix individuels des conséquences collectives »57. À l’égard d’une fumeuse mineure, atteinte plus tard d’un cancer bronchique, la jurisprudence avait affirmé que les parents, en tant qu’ils sont « titulaires de l’autorité parentale, selon l’article 371-2 du Code civil, [étaient tenus] de veiller à sa sécurité ainsi qu’à sa santé »58.

Au regard de ce qui précède, il se dégage une fulgurante émergence du devoir individuel de santé en droit positif français. Dès lors, il convient de s’interroger sur les implications juridiques du manquement à ce devoir individuel de santé. À l’analyse, le traitement juridique de ces manquements s’avère plutôt controversé.

II – Les implications juridiques controversées du manquement au devoir individuel de santé

La question que l’on se pose ici est celle de la justiciabilité59 du devoir individuel de santé. Autrement dit, l’individu peut-il être tenu pour responsable du manquement à son devoir de santé envers lui-même et envers les autres ? En d’autres termes, peut-on passer d’une responsabilisation à une véritable responsabilité au sens juridique du terme60 ?

Si l’on s’en tient à la définition de la notion de « devoir » qu’en donnent les philosophes, « le devoir désigne l’obligation à l’égard de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il se réfère au Bien (morale) ou à la Loi (droit) »61. Cette définition permet de distinguer le devoir moral, qui a un caractère incitatif ou pédagogique, du devoir légal qui a un caractère juridique. Se fondant sur cette distinction, la réponse aux interrogations ci-dessus dépend de la nature du devoir individuel de santé mis en cause. Ainsi, les implications du manquement au devoir individuel de santé seront a minima ou a maxima, selon qu’il s’agit respectivement de la violation d’un devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique (A), ou d’un devoir individuel de santé juridiquement sanctionné (B).

A – Les implications a minima du manquement au devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique

L’un des principes dominants en droit de la santé a longtemps été celui de la liberté individuelle qui autorise tout individu à refuser qu’on lui prodigue des soins sans son consentement libre et éclairé62. Ce principe a d’ailleurs été rappelé par le Conseil d’État français dans son ordonnance du 28 mars 2020 à propos de l’utilisation de l’hydroxychloroquine63.

Conformément à ce principe, il existe des domaines dans lesquels le législateur fait primer la liberté individuelle sur le devoir de santé. Dans ces domaines, le devoir individuel de santé revêt un caractère purement moral, incitatif, voire pédagogique. Ce devoir apparaît comme un simple devoir de conscience (1) dont la violation n’est pas juridiquement sanctionnée (2).

1 – Le devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique comme simple devoir de conscience

Le devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique pourrait être assimilé à une obligation naturelle dépourvue de sanction juridique, qui relève d’un devoir de conscience particulièrement fort64. Ce devoir de conscience invite chacun à se comporter avec prudence. Compte tenu du fait qu’en dehors même des maladies graves, la santé n’est jamais parfaite, vivre avec la maladie est une négociation quotidienne qui nécessite une implication personnelle de tous.

Commentant la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Émile Aron affirme : « La maladie n’est pas toujours l’expression malheureuse d’un destin. Elle est trop souvent le résultat d’imprudences ou d’abus »65. Dans la même veine, Pierre Flourens affirme dans son ouvrage intitulé De la longévité humaine et de la quantité de vie que l’Homme ne meurt pas, mais qu’il se tue66. Ces affirmations mettent en exergue l’utilité des mesures d’éducation sanitaire des masses pour leur faire comprendre que « la santé n’est pas en effet que l’apanage de la médecine. C’est un problème de société qui exige la prise de conscience de chacun d’entre nous de sa responsabilité éventuelle. La prévention des risques est une attitude qu’il convient de préconiser »67.

Fort heureusement, depuis quelques années, l’éducation sanitaire a pris une place sans cesse croissante au sein de la société. Elle devrait également prendre une place prioritaire dans l’enseignement public, conformément aux dispositions de l’article L. 1111-1-1 du Code de la santé publique qui prévoit qu’« un service public, placé sous la responsabilité du ministre chargé de la Santé, a pour mission la diffusion gratuite et la plus large des informations relatives à la santé et aux produits de santé ». Grâce à cette éducation sanitaire, « les sujets informés deviennent dès lors, pour partie, “responsables” de leur santé, comme s’il s’agissait d’un devoir, pour un citoyen informé, de cultiver sa santé »68.

La question se pose souvent de savoir comment instaurer des devoirs en santé pour responsabiliser sans stigmatiser les individus qui se sentent souvent démunis face à leurs facteurs de risques ou à leur pathologie. Face à cette interrogation, les pouvoirs publics préfèrent le plus souvent adopter des mesures incitatives, sans altérer les libertés individuelles de base des personnes concernées. Ces mesures incitatives peuvent être à caractère préventif ou à caractère curatif.

Les mesures incitatives à caractère préventif se résument à l’éducation à la santé de la population, qu’il s’agisse de la santé au travail, en milieu associatif et sportif, dans la vie de tous les jours des citoyens. Cette éducation à la santé permet un changement de mentalité de tous les acteurs envers les questions de santé. « Face à l’explosion des maladies d’évolution lente, sur lesquelles les traitements ont relativement peu d’actions curatives, l’enseignement des principes fondamentaux de la médecine préventive devient un moyen incontournable de santé publique. C’est aussi un élément essentiel pour donner un maximum de capacités aux gens pour les inciter à appliquer leur devoir de ne pas altérer leur santé par leurs comportements et modes de vie »69. Quoi qu’il en soit, il est « nécessaire de fonder la prévention sur une doctrine des devoirs vis-à-vis de soi »70. À ce sujet, l’État, en tant que débiteur du droit à la santé, doit recourir au marketing social pour amener les individus à être plus éclairés et à mieux assumer leur devoir de santé.

Les mesures incitatives à caractère curatif, quant à elles, permettent de responsabiliser les patients qui sont à la charge de la collectivité (sécurité sociale). C’est le cas notamment des patients atteints de maladies chroniques encore appelées « affections de longue durée » (ALD), qui entraînent des coûts sociaux et économiques colossaux pour la collectivité. C’est le cas par exemple du diabète ou de l’hypertension, qui sont des menaces à la pérennité financière du système de santé et à la conservation d’un niveau sanitaire élevé de la population. C’est le cas également du surpoids ou de l’obésité qui sont des facteurs de risque majeurs de certains cancers, des maladies cardio-vasculaires et du diabète de type II. Près de 30 % de la population est en surpoids, soit près de 20 millions de personnes et plus de 6 millions de personnes sont obèses71.

Pour une responsabilisation accrue des patients en ALD, la doctrine propose « la mise en place d’un pacte civique de santé qui contiendrait les éléments essentiels à connaître en relation avec sa pathologie et le mode de vie adéquat pour mieux la vivre et mieux la gérer. Ce pacte civique de santé serait signé par toutes les personnes qui bénéficient du système ALD (…). Le respect par le patient d’un parcours de soins intégré et coordonné dans la prise en charge des pathologies les plus coûteuses, telles que le diabète, doit être instauré dans notre système de santé afin d’améliorer la qualité de la prise en charge et la productivité de soins »72.

En attendant cette responsabilisation accrue, la doctrine rappelle que toutes ces mesures incitatives, qu’elles soient préventives ou curatives, doivent certes demeurer de simples engagements moraux, mais importants dans la prise de conscience du rôle central de ses comportements sur son état de santé et ses devoirs envers la société en matière sanitaire.

Ainsi, à la question de savoir s’il existe des sanctions envisageables pour les citoyens pour manquement au devoir individuel de santé à caractère incitatif et pédagogique, la réponse est assurément négative.

2 – L’absence de sanction du manquement au devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique

Assimilé à un devoir de conscience ou à une obligation naturelle, le devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif et pédagogique est dépourvu de sanction juridique73. C’est sans doute de ce devoir de santé dont parlait Savaut lorsqu’il affirmait que « le devoir de santé n’est nullement sanctionné en cas de violation »74. Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques exemples peuvent être relevés à titre purement illustratif.

Par exemple, il est clairement établi aujourd’hui que plus de la moitié des cancers et plus de la moitié des infarctus du myocarde sont imputables au tabac75. Malgré l’évidence selon laquelle le fumeur met en danger non seulement sa santé et sa vie, mais aussi celles des autres, à cause du tabagisme dit passif, la consommation du tabac n’est pas réprimée en soi (elle ne l’est que lorsqu’elle se fait dans des endroits prohibés). Il s’agit pourtant là d’un manquement actif des fumeurs à leur devoir individuel de santé dont les conséquences sont désastreuses. Un auteur affirme à ce sujet que « la France est le pays de la communauté européenne où, parmi les jeunes de 15 à 25 ans, on enregistre la plus grande proportion de fumeurs, la consommation d’alcool et de drogues la plus forte et le nombre de morts par accident sur la voie publique le plus élevé »76. Le député Marc-Philippe Daubresse parle d’un manquement de l’État à son devoir de santé publique, en évoquant sa « complicité » face aux ravages de ces substances nocives77.

Malgré ce constat alarmant, l’interdiction des substances nocives n’est certainement pas à l’ordre du jour. Bien au contraire, les industries de ce secteur d’activité sont florissantes, sans doute parce que l’État profite des taxes sur la vente de ces produits. Si donc, comme l’a écrit Karl Popper, « on ne peut interdire à personne de fumer dans son propre intérêt »78, on voit bien que l’État a opté pour la sensibilisation par un message fort sur les paquets de tabac où il est inscrit « le tabac tue ». Cette inscription qui appelle à une prise de conscience individuelle des fumeurs traduit bien le devoir individuel de santé à caractère moral et pédagogique. Face à ce type de devoir, l’individu se retrouve devant « le dilemme classique de la liberté moderne, entre droit à disposer de soi et devoir d’appartenance à la société »79. Ce qui rappelle l’ouvrage de Jules Simon intitulé Le Devoir, publié en 1854, dans lequel il déclarait : « Si l’acte est libre, l’arbitrage appartient à la raison. Le devoir est de ne pas se tuer, de ne pas se dégrader, de ne pas se mutiler »80.

Comme on le voit, dans bien des cas, le devoir de l’individu de privilégier les comportements bénéfiques pour sa santé n’a qu’un caractère moral, incitatif et pédagogique. Dans d’autres domaines en revanche, il est juridiquement sanctionné.

B – Les implications a maxima du manquement au devoir individuel de santé juridiquement sanctionné

Afin d’assurer l’effectivité du respect du devoir individuel de santé, le principe de la responsabilité personnelle prend progressivement sa place dans notre système de santé. De la même manière que Jean-Jacques Rousseau refusait l’idée que l’Homme puisse renoncer librement à sa liberté, l’Homme ne saurait librement renoncer à sa santé. De ce fait, le manquement au devoir individuel de santé juridiquement sanctionné entraîne la responsabilité de son auteur. Il existe à ce sujet une diversité de sanctions (1) qui peuvent être atténuées, exclues ou aggravées selon le cas (2).

1 – La diversité des sanctions du manquement au devoir individuel de santé juridiquement sanctionné

Pour satisfaire les exigences de l’ordre public sanitaire, l’État est parfois amené à adopter des sanctions contre les auteurs des manquements aux devoirs individuels de santé. Quand il estime que sa population est l’objet d’une menace sanitaire potentielle ou réelle et réagit dans un but légitime de protection, les mesures qu’il adopte dans ce cas « relèvent bien entendu du maintien de l’ordre public, mais aussi de la protection sanitaire »81. Certains auteurs parlent à ce sujet d’une « police de la santé publique »82 dont l’essentiel des règles, qui tient à la préservation de l’intérêt général et des intérêts particuliers, figure à l’article L. 1311-1 du Code de la santé publique qui dispose que des décrets « fixent les règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l’homme, notamment en matière (…) de prévention des maladies transmissibles ». C’est la raison pour laquelle certains manquements aux devoirs individuels de prendre soin de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des autres, sont juridiquement sanctionnés. Ces sanctions qui peuvent être civiles, pénales, administratives et même disciplinaires, sont instituées dans l’objectif de dissuasion, de neutralisation, de rééducation ou de punition des contrevenants.

En matière sociale par exemple, le travailleur qui fait l’objet de manquements à son devoir de prendre soin de sa santé peut être sanctionné sur le plan disciplinaire. Ainsi, selon l’article L. 4122-1 du Code du travail, « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ». Faisant application de cette disposition, la Cour de cassation a décidé dans son arrêt du 23 mars 200583 que le manquement à ce devoir est de nature à justifier des sanctions disciplinaires qui peuvent aller jusqu’au licenciement. Dans le cas d’espèce, M., chef de service d’une société privée (Satras), avait refusé le port du casque de sécurité sur un chantier. Licencié pour faute grave (refus réitéré de porter le casque de sécurité obligatoire), il avait saisi la juridiction prud’homale, en arguant que son employeur aurait pu le licencier pour cause réelle et sérieuse. La chambre sociale de la Cour de cassation a donné gain de cause à l’employeur en rappelant les dispositions du Code du travail sus-évoquées.

Sur le plan civil, contaminer un tiers est également susceptible de constituer une faute de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité civile84 conformément à l’article 1240 du Code civil (C. civ., art. 1382 anc.). Il suffit alors d’établir l’existence d’une faute, d’un dommage, et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Sur le plan pénal, après une période d’hésitation85, la Cour de cassation française a considéré en 200686 que le fait pour un individu d’avoir, en connaissance de cause, des relations sexuelles contaminantes constitue l’infraction d’administration de substances nuisibles87 prévue à l’article 222-15 du Code pénal. Cette infraction peut être aggravée lorsque la substance en question est de nature à provoquer une infirmité permanente, puisqu’il s’agissait en l’espèce du VIH88. Cette solution est extensible à d’autres maladies vénériennes, voire à des maladies plus bénignes obéissant à d’autres modes de contamination. Mathias Couturier estime d’ailleurs qu’il n’est pas exclu qu’un jour, la personne grippée soit pénalement poursuivie pour avoir embrassé un tiers89.

De manière générale, les sanctions pénales du manquement au devoir individuel de santé se déclinent en sanctions pénales principales et en sanctions pénales accessoires.

Les sanctions pénales principales sont principalement l’emprisonnement et l’amende. Pour ce qui est de l’emprisonnement, le Code de la santé publique prévoit que « le fait de ne pas respecter les mesures prescrites par l’autorité requérante prévues aux articles L. 3131-8 et L. 3131-9 est puni de 6 mois d’emprisonnement »90. C’est le cas notamment en période de crise sanitaire où la violation répétée des règles de confinement peut donner lieu à une peine d’emprisonnement de 6 mois. Selon l’article L. 3136-1, alinéa 4, du Code de la santé publique, « si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, les faits sont punis de 6 mois d’emprisonnement »91. L’incarcération permet la neutralisation des individus reconnus coupables pendant la durée de leur enfermement, les empêchant ainsi de nuire à autrui.

S’agissant des amendes, ceux qui méconnaissent les obligations imposées au titre du confinement92, mettant ainsi en danger leur santé et celle des autres, s’exposent à une amende forfaitaire de 135 € prévue pour les contraventions de quatrième classe93. Si ces violations prévues à l’alinéa 3 de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique sont verbalisées à plus de 3 reprises dans un délai de 15 jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe94. Si elles sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, elles sont punies de 3 750 € d’amende95. Ainsi, une jeune femme de 24 ans avait été condamnée par le tribunal correctionnel d’Évry le 24 mars 2020, en état de récidive légale, à 7 mois de prison ferme et 350 € d’amende, pour ne pas avoir respecté les mesures de confinement et pour avoir craché sur les policiers qui l’ont contrôlée en leur indiquant être infectée par le coronavirus96.

En matière de sécurité routière, l’absence du port de la ceinture de sécurité ou du casque constitue bel et bien un manquement au devoir individuel de prudence et de diligence, et par ricochet un manquement au devoir de prendre soin de sa sécurité et de sa santé. Cette infraction est sanctionnée par les dispositions de l’article R. 412-1 du Code de la route qui dispose qu’« en circulation, tout conducteur ou passager d’un véhicule à moteur doit porter une ceinture de sécurité homologuée dès lors que le siège qu’il occupe en est équipé en application des dispositions du livre III »97. En dehors de certaines exceptions prévues pour certains usagers de la route98, le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, sous peine d’une amende prévue pour les contraventions de quatrième classe, soit 135 €.

La consommation d’alcool et de drogue dans certains endroits prohibés, qui constitue un manquement au devoir individuel de prendre soin de sa santé et de celle des autres, est également pénalement réprimée. C’est le cas par exemple de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif (établissements scolaires, transports en commun…)99, notamment dans un véhicule en présence d’un enfant de moins de 18 ans100. Le fait de fumer dans un lieu à usage collectif, en dehors de l’emplacement réservé à cet effet, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe pouvant aller jusqu’à 450 €. Le fait de fumer dans un véhicule en présence d’un mineur est puni de l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe pouvant aller jusqu’à 750 €101.

Outre les sanctions pénales principales (emprisonnement et amende), le manquement au devoir individuel de santé est également réprimé par de nombreuses sanctions pénales accessoires ou complémentaires afin d’éviter la récidive102. C’est le cas également des sanctions alternatives à la peine telles que les soins pénalement obligés. Il s’agit notamment de :

  • l’obligation de soins. Prévue par l’article 132-45, alinéa 3, du Code pénal, elle permet à la juridiction de condamnation ou au juge de l’application des peines (JAP), d’imposer au condamné de « se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation ». Cette mesure, qui intervient après le jugement, est applicable à toute personne susceptible de mettre la santé ou la vie d’autrui en danger. Toutefois, l’obligation de soins peut également être imposée de manière anticipée, à titre préventif. C’est le cas par exemple lorsqu’une personne, présumée auteure d’une infraction ou d’un accident commis sous l’emprise d’alcool ou de drogue, est soumise à des vérifications médicales et biologiques permettant d’établir la preuve de la présence d’alcool ou de stupéfiants dans son organisme. C’est le cas également pour certaines « professions assujetties à des contrôles rigoureux de santé, qui peuvent s’apparenter à une “obligation de santé” parce que de la santé d’un seul dépend la sécurité des autres. C’est le cas des agents de conduite des trains, ou des pilotes d’avion par exemple »103 ;

  • l’injonction thérapeutique. Elle intervient en amont de la procédure judiciaire comme une alternative aux poursuites pénales. Elle aboutit la plupart du temps à un classement de l’affaire si la mesure s’est avérée efficace. La doctrine relève que cette mesure « est souvent utilisée dans les problèmes de toxicomanie. Dans ce cas, le procureur de la République peut enjoindre aux personnes ayant fait un usage illicite des stupéfiants de subir une cure de désintoxication ou de se placer sous surveillance médicale »104 ;

  • l’injonction de soins. Contrairement à l’injonction thérapeutique, l’injonction de soins est prononcée après le jugement. Son domaine s’est considérablement élargi ces dernières années. Elle permet d’obliger une personne qui a commis une infraction à suivre des soins que nécessite son état de santé. À titre d’illustration, la loi du 17 juin 1998 dispose : « Lorsque la juridiction de jugement prononce une injonction de soins et que la personne a été également condamnée à une peine privative de liberté non assortie du sursis, le président informe le condamné qu’il aura la possibilité de commencer un traitement pendant l’exécution de cette peine »105 ;

  • l’hospitalisation d’office. Après le prononcé de la sanction principale, le législateur prévoit, dans certains cas, une hospitalisation d’office. L’article 706-135 du Code de procédure pénale prévoit à cet effet que le juge d’instruction ou la juridiction de jugement peut ordonner, par décision motivée, l’hospitalisation d’office. Cette disposition est calquée sur celle de l’article L. 3213-1 et suivants du Code de la santé publique qui prévoit une hospitalisation d’office administrative ;

  • la rétention de sûreté. Introduite par une loi du 25 février 2008106, la rétention de sûreté est une mesure de sûreté pour les individus considérés comme particulièrement dangereux, dont la « probabilité très élevée de récidive » est liée à un « trouble grave de la personnalité »107. 1 an avant la date prévue de sortie de prison, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit procéder à l’évaluation du condamné. Si le résultat révèle la dangerosité du condamné, celui-ci peut être placé dans un centre socio-médico-judiciaire pour une durée de 2 ans renouvelable indéfiniment108. Comme on le voit, cette mesure a pour but de priver l’individu de sa liberté en raison du mal qu’il pourrait causer à la sécurité ou à la santé des autres ;

  • les travaux d’intérêt général (TIG). L’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique prévoit que si les violations prévues à l’alinéa 3 de ce texte sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, les faits sont punis des peines principales (6 mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende) ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du Code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code109.

À titre d’illustration, un jeune homme avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 31 mars 2020 à 105 heures de TIG pour non-respect réitéré du confinement110, délit créé en période d’état d’urgence sanitaire pour lutter contre le coronavirus. Après le prononcé de la décision, le président du tribunal a souhaité que ce travail d’intérêt général soit effectué dans un hôpital, afin que ce multirécidiviste prenne conscience des conséquences de son comportement irresponsable111.

Dans le même ordre d’idées, l’organisateur d’une fête clandestine (en plein état d’urgence sanitaire) qui avait rassemblé plus d’une centaine de personnes à Montlouis-sur-Loire (Indre-et-Loire), avait été condamné à 210 heures de TIG pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Sa complice, à qui la justice reprochait d’avoir permis la fourniture du local (une cave troglodytique dans la banlieue de Tours), a quant à elle écopé de 140 heures de TIG. Dans ses réquisitions à l’audience, le procureur leur reprochait de n’avoir « pas œuvré pour (…) la santé publique » en adoptant une attitude « irresponsable » qui a exposé les autres à un risque « déraisonnable »112.

Dans biens de cas, certains facteurs peuvent contribuer à exclure, à atténuer ou à aggraver la responsabilité de l’auteur du manquement au devoir individuel de santé.

2 – Les hypothèses d’exclusion, d’atténuation ou d’aggravation de responsabilité pour manquement au devoir individuel de santé juridiquement sanctionné

La violation du devoir individuel de santé juridiquement sanctionné amène à se poser la question de savoir s’il faut imputer un tel manquement à une personne qui n’a pas conscience de la portée de ses actes, tel que l’infans ou encore la personne atteinte de troubles mentaux. À cette interrogation, il convient de préciser que l’exclusion, l’atténuation ou l’aggravation de la responsabilité de l’auteur du manquement au devoir individuel de santé méritent d’être appréciées à la fois sur le plan civil et sur le plan pénal.

Sur le plan civil, le comportement de l’auteur du manquement au devoir individuel de santé peut être une cause d’exclusion, d’atténuation ou d’aggravation de sa responsabilité. Il convient à cet effet de distinguer le manquement actif au devoir individuel de santé (faute de commission) du manquement passif à ce devoir (faute par abstention ou par omission), afin de voir quelle est l’incidence de chaque type de manquement sur la responsabilité de son auteur.

Dans la première hypothèse (faute de commission), tel que nous l’avons relevé plus haut, l’acceptation des risques dans le domaine du sport peut s’assimiler à une faute de commission, et par conséquent, à un manquement au devoir individuel de santé. C’est le cas notamment lorsque la victime a menti sur ses compétences, ou lorsqu’elle a accepté des risques « anormaux » de son activité sportive. Il va de soi qu’en cas de faute intentionnelle, les juges se montreront plus sévères envers l’auteur du manquement. En revanche, face à un cas de force majeure, à la faute de la victime ou au fait d’un tiers, on aura une atténuation, voire une exemption de responsabilité.

Il convient de rappeler que le sportif n’est réputé accepter que les risques « normaux », prévisibles et inhérents à son activité113. En revanche, les risques « anormaux » ne peuvent être considérés comme acceptés par lui114. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation refuse de voir, dans l’acceptation des risques, une cause d’exonération de responsabilité. « La victime ne peut couvrir par son accord l’acte de son auteur. Il importe peu que le consentement porte sur la propre mort de la victime ou sur une simple atteinte à son intégrité corporelle »115. Selon la jurisprudence, l’acceptation des risques « ne saurait avoir l’effet d’une convention de non responsabilité »116. « Elle opère en réalité un rehaussement du seuil de la faute entraînant mécaniquement, non un allégement de la responsabilité, mais une réduction du périmètre du domaine de la faute »117. Toutefois, sa prise en compte peut conduire à un allégement de la responsabilité de l’auteur du dommage.

Dans la pratique, la jurisprudence opère une distinction entre les fautes de jeu et les fautes dans le jeu. Les premières (fautes de jeu) renvoient aux maladresses ou aux imprudences involontaires dans le feu de l’action. Il existe une certaine tolérance vis-à-vis des accidents liés à une pratique normale d’une activité sportive. Les secondes quant à elles (fautes dans le jeu), encore appelées fautes contre le jeu ou fautes civiles118, sont des fautes volontaires, contraires aux règles du jeu. Seules ces dernières permettent d’engager la responsabilité de leur auteur en écartant ainsi la théorie de l’acceptation des risques. Elles doivent par conséquent être prouvées par la victime qui doit démontrer que les règles du jeu ont été violées119.

Dans la seconde hypothèse (faute par abstention ou par omission), la question se pose de savoir si l’individu qui manque à son devoir individuel de santé en ne prenant pas des mesures pour atténuer le préjudice dont il est victime, peut subir une limitation du montant de la réparation. Concrètement, un individu qui refuse de subir des soins ou qui refuse de prendre des mesures pour modérer le préjudice dont il est victime peut-il se voir opposer un manquement à l’obligation de minimisation du dommage ?

Logiquement, comme le déclare le professeur Alain Bénabent, « ce n’est pas parce qu’autrui répondra d’un incendie qu’on ne doit pas chercher à l’éteindre »120. C’est sans doute pour cette raison de bon sens que les droits anglo-saxons ont tôt fait de consacrer la mitigation of damage (l’obligation de minimiser le dommage).

Tel n’est pas le cas en droit français, où la jurisprudence n’admet pas que le refus de soins soit constitutif d’une faute de nature à limiter le montant de la réparation accordé au patient121. Bien plus, le principe dominant en droit français demeure celui de la réparation intégrale du préjudice. L’application de ce principe aboutit logiquement au rejet de la consécration de l’obligation pour la victime de minimiser son dommage. Ce refus a plusieurs fois été réitéré par la Cour de cassation française.

Les prémisses de ce refus figurent dans l’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 19 mars 1997 dans une affaire où la victime d’un accident avait refusé de suivre des soins de nature à améliorer son état de santé. Dans cette affaire, le juge a réaffirmé le droit intangible au respect de son intégrité corporelle en déclarant au visa de l’article 16 du Code civil que « nul ne peut être contraint hors les cas prévus par la loi de subir une intervention chirurgicale »122.

Ensuite, dans deux arrêts rendus le 19 juin 2003 suite à des accidents de la circulation ayant causé des dommages à la fois corporels et matériels, la Cour de cassation a une fois de plus montré son hostilité à la consécration de l’obligation de minimiser le dommage en déclarant au visa de l’ancien article 1382 du Code civil (C. civ., art. 1240) que « l’auteur d’un accident est tenu d’en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable »123.

Enfin, dans plusieurs arrêts récents124, la Cour de cassation a « persisté »125 à rejeter l’obligation de minimiser le dommage. Avec ces arrêts récents, la solution semble acquise en droit français126.

Ce parti pris par la Cour de cassation française a sévèrement été critiqué par la doctrine qui estime que, dans certaines situations, la victime ne peut impunément rester passive et qu’elle a même le devoir de prendre des mesures propres à réduire son dommage ou à éviter son aggravation127. Cette forte tendance oppositionnelle observée au sein de la doctrine semble recevoir un écho favorable en droit prospectif, notamment dans la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile qui prend le contre-pied de la jurisprudence actuelle. L’article 1264 de ce texte dispose que « les dommages et intérêts peuvent être réduits lorsque la victime n’a pas pris les mesures sûres, raisonnables et proportionnées, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l’aggravation de son préjudice. Une telle réduction ne peut s’appliquer à l’indemnisation du préjudice résultant d’un dommage corporel »128. Ce qui est frappant dans cette disposition, c’est que la limitation du dommage concernera uniquement le dommage contractuel, à l’exclusion du dommage délictuel.

Sur le plan pénal, l’altération des facultés mentales de celui qui manque au devoir individuel de santé peut être une cause d’atténuation ou d’absence de responsabilité pénale. Le principe consacré en France depuis 1810 par l’article 64 du Code pénal est celui de l’irresponsabilité du dément dont le discernement était aboli au moment des faits. Selon ce texte, il n’y a « ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ».

Dans la pratique, l’application de cette disposition conduit le juge à avoir recours à l’expertise psychiatrique pour déterminer le degré de discernement et donc de responsabilité de l’auteur d’un fait constitutif d’infraction pénale. Ainsi, si le trouble mental est cliniquement constaté, l’individu qui enfreint le devoir individuel de santé peut bénéficier d’un non-lieu de la part du juge d’instruction, de l’acquittement ou de la relaxe de la part de la juridiction de jugement. Toutefois, la personne déclarée irresponsable peut faire l’objet de mesures de sûreté contraignantes visant à éviter la récidive129, telles que l’interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction ou certaines personnes ; l’interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ; l’interdiction de détenir ou de porter une arme ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole spécialement désignée ; l’interdiction de détenir un permis de conduire etc. Ces interdictions, qui ne peuvent être prononcées qu’après une expertise psychiatrique, ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est susceptible de faire l’objet130. Il convient de relever que ce recours quasi systématique à l’expertise psychiatrique a été critiqué par la doctrine qui estime que cela conduit à une double qualification de l’acte infractionnel qui reçoit à la fois une qualification médicale et judiciaire131.

Loin d’être un simple cygne noir, le devoir individuel de santé traduit un véritable changement de paradigme actuellement en cours en droit français de la santé. René Savatier fut l’un des premiers auteurs à défendre, en 1958, l’idée de l’existence en droit français d’un devoir général de prendre soin de sa santé132. Lui emboîtant le pas, d’autres auteurs ont également affirmé que « la protection de la santé est non seulement un droit, mais aussi un devoir »133.

Bien que séduisante, l’idée de la consécration d’un devoir individuel de santé ayant une portée générale fait encore face à de nombreuses réticences. Tel que démontré plus haut, le traitement des conséquences du manquement au devoir individuel de santé se fait à géométrie variable, de sorte que l’on ne saurait encore attribuer à ce devoir une portée générale. En effet, les implications du manquement au devoir individuel de santé varient en fonction de la nature du devoir concerné.

Le devoir individuel de santé à caractère moral, incitatif ou pédagogique, qui se justifie par le principe de la liberté individuelle, est assimilé à un simple devoir de conscience. Par conséquent, sa violation n’est assortie d’aucune sanction. À l’inverse de ce devoir, il existe un devoir individuel de santé juridiquement sanctionné, tant sur le plan civil, pénal, administratif et même disciplinaire.

En somme, la responsabilisation des citoyens à prendre soin de leur santé et de celle des autres appelle à la recherche d’un équilibre entre le principe de la liberté individuelle et le principe de responsabilité. Dans cette recherche de l’équilibre entre ces impératifs parfois contradictoires, ce n’est pas toujours le même principe qui en sort vainqueur. Cela ne remet pas forcément en cause l’importance de chaque impératif, mais oblige simplement à « prendre en considération le poids relatif de chacun d’eux »134 en faisant des choix de société.

Notes de bas de pages

  • 1.
    À titre de droit comparé, voir l’article 198 de la Constitution fédérale brésilienne du 5 octobre 1988, selon lequel « la santé est un droit de tous et un devoir de l’État » (A saúde é direito de todos e dever do Estado).
  • 2.
    Selon l’article 1er de sa constitution de 1946, l’OMS a pour objectif d’amener tous les peuples des États membres et partenaires « au niveau de santé le plus élevé possible ». V. également PIDESC, art. 12, al. 1. V. aussi CODESC, Observation générale 14, U.N. Doc. E/C.12/2000/4 (2000).
  • 3.
    Le droit à la santé est un droit fondamental consacré par plusieurs textes fondateurs de la République, tels que le préambule de la constitution de 1946 qui affirme que « la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux travailleurs, la protection de la santé… ». Le droit à la santé est également consacré dans la Constitution de 1958 et dans la charte de l’environnement de 2004 qui reconnaît que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé ».
  • 4.
    CEDH, 27 janv. 2009, n° 67021/01, Tatar c/ Roumanie, § 107.
  • 5.
    CE, ass., 9 avr. 1993, n° 138653, concl. M. Legal ; CE, ass., 3 mars 2004, n° 241151, concl. Mme Prada Bordenave.
  • 6.
    V. DUDH, 10 déc. 1948, art. 29.
  • 7.
    V. déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaire, 12 sept. 1978, art. IV, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/sFoiw7.
  • 8.
    La constitution de l’Uruguay du 27 novembre 1967 énonce dans son article 44, alinéa 1er que : « Todos los habitantes tienen el deber de cuidar su salud, así como el de asistirse en caso de enfermedad », c’est-à-dire, « tous les habitants ont le devoir de veiller à leur état de santé ainsi que celui d’être assistés en cas de maladie ». Quoique révisée à plusieurs reprises, notamment en 1989, 1994, 1997 et 2004, cette disposition de la constitution uruguayenne relative au devoir et au droit à la santé n’a pas été amendée.
  • 9.
    La constitution du Cap Vert du 25 septembre 1992 telle que révisée le 3 mai 2010 prévoit que « tous ont droit à la santé ainsi que le devoir de la protéger et de la promouvoir » (Todos têm direito à saúde e o dever de a defender e promover). (V. art. 71, § 1). La constitution de São Tomé e Príncipe du 25 janvier 2003 (art. 50, § 1) et celle du Timor Oriental du 22 mars 2002 (art. 57, § 1) s’expriment de manière analogue. V. aussi en des termes plus généraux, la constitution du Mozambique du 16 novembre 2004, selon laquelle tous les citoyens « ont le devoir de promouvoir et de défendre la santé publique » (o dever de promover e defender a saúde pública) (V. art. 89). V. S. Karagiannis, « Droit à la santé. Le droit à la santé dans certains textes internationaux et constitutionnels : entre généreuse utopie et mesquin pragmatisme ? », JDI 2012, doctr. 11.
  • 10.
    C. trav., art. L. 4122-1.
  • 11.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 244.
  • 12.
    R. Savatier, « Un attribut essentiel de l’état des personnes : la santé humaine », D. 1958, Chron., p. 95.
  • 13.
    V. M. Belanger, « Le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine », Agence universitaire de la francophonie, Réseau des chercheurs « Droit de la Santé », Animation régionale de Dakar, 2005, inédit, p. 1 et 4.
  • 14.
    V. https://lext.so/dQmaqc.
  • 15.
    OMS, charte d’Ottawa, 17-21 nov. 1986.
  • 16.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 172.
  • 17.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 172.
  • 18.
    D. Piveteau, « Le vieillissement de la population est-il une menace pour l’assurance maladie ? », Laennec 2011/2, t. 59, p. 19.
  • 19.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 173.
  • 20.
    V. A. Ehrenberg, Le culte de la performance, 1991, Paris, Calmann-Lévy, cité par M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, note 12, p. 173.
  • 21.
    A. Laude, B. Mathieu et D. Tabuteau, Droit de la santé, 2e éd., 2009, PUF, n° 359, p. 393.
  • 22.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 173.
  • 23.
    La théorie du cygne noir ou théorie des événements cygne noir, développée par le statisticien Nassim Nicholas Taleb dans son essai éponyme, désigne un événement imprévisible qui a une faible probabilité de se dérouler (appelé « événement rare » en théorie des probabilités) et qui, s’il se réalise, a des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle. V. https://lext.so/hvlIjF.
  • 24.
    V. A. 14 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 : JO n° 0064, 15 mars 2020. V. aussi D. n° 2020-260, 16 mars 2020, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 : JO n° 0066, 17 mars 2020.
  • 25.
    R. Savatier, « Un attribut essentiel de l’état des personnes : la santé humaine », D. 1958, Chron., p. 95 ; C. Sauvat, Réflexions sur le droit à la santé, 2004, Aix-en-Provence, PUAM, n° 242, p. 201, cités par M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, note 19, p. 174.
  • 26.
    V. l’exposé des motifs, A. 14 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.
  • 27.
    C. Sauvat, Réflexions sur le droit à la santé, 2004, Aix-en-Provence, PUAM, n° 242, p. 201.
  • 28.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, note 19, p. 175.
  • 29.
    V. M. Belanger, « Le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine », Agence universitaire de la francophonie, Réseau des chercheurs « Droit de la Santé », Animation régionale de Dakar, 2005, p. 1 et 4.
  • 30.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 51.
  • 31.
    Selon Emmanuel Kant, on a le devoir de viser sa propre perfection et non celle des autres. V. F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 298.
  • 32.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 50.
  • 33.
    A.-M. Drouin-Hans, « L’homme, un être soigné », Le Portique, n° 4-2007, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/GRd-vN.
  • 34.
    Cass. 1re civ., 8 nov. 2007, n° 06-15873 : D. 2008, p. 50, note J. Revel ; JCP G 2008, II, 10033, note C. Sauvat.
  • 35.
    V. CSS, art. L. 324-1.
  • 36.
    CA Caen, 10 mai 1926 : Gaz. Pal. 1926, 2, p. 210 ; S. 1926, 2, 62 – CA Colmar, 26 juin 1928 : Gaz. Pal. 1928, 2, p. 685 – CA Rouen, 3 déc. 1958 : D. 1950, Somm., p. 50 – Cass. 2e civ., 24 mai 1973 : Gaz. Pal. 1973, 2, p. 184 – CA Lyon, 28 mai 1956 : D. 1956, Jur., p. 646, note A. Breton – CA Bordeaux, 7 juin 1994 : RTD civ. 1994, p. 836, obs. J. Hauser ; D. 1996, Somm., p. 63, obs. E. Blary-Clément – CA Lyon, 30 avr. 1996 : JCP G1997, IV, 172.
  • 37.
    CA Paris, 8 mai 1979, inédit : J. Bouton, L’obligation de se soigner, thèse, 1990, Strasbourg, p. 382.
  • 38.
    Cass. civ., 27 mars 1928, in Y. Lequette, F. Terré, H. Capitant et F. Chénedé, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 13e éd. Dalloz, 2015, p. 402.
  • 39.
    Cass. ch. mixte, 28 janv. 1972, n° 70-90072.
  • 40.
    O. Costa, « Quels risques dans les sports de combat ? », Droit au sport, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/WjKTlz.
  • 41.
    Cass. 2e civ., 16 oct. 1968 : Bull. civ. II, 1968, n° 245, p.172.
  • 42.
    L’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat. Toute violation de cette obligation constitue une faute inexcusable. V. Cass. soc., 23 mai 2002, n° 00-14125 : Bull. civ. V, n° 177 ; RJS 8-9/02, n° 1028.
  • 43.
    C’est le cas notamment de la convention n° 167 de 1988 sur la sécurité et la santé dans la construction (V. art. 12, al. 1) ou encore de la convention n° 184 de 2001 sur la sécurité et la santé dans l’agriculture (V. art. 4, al. 3). C’est le cas également de la convention n° 176 sur la sécurité et la santé dans les mines (V. art. 13).
  • 44.
    Autrement dit, tout incident survenu sur le lieu de travail engage automatiquement la responsabilité de l’employeur, peu importe qu’il démontre qu’il avait mis en place toutes les mesures de sécurité propres à éviter la survenance du risque.
  • 45.
    C. trav., art. L. 4131-1.
  • 46.
    C. trav., art. L. 4131-3.
  • 47.
    Par ex., le salarié ne peut être l’objet d’aucun blâme ou avertissement, ni même de privation de salaire.
  • 48.
    CA Versailles, 24 avr. 2020, n° 20/01993, S.A.S. Amazon France Logistique c/ Union Syndicale Solidaires.
  • 49.
    Vestiaires non-désinfectés, équipements non-nettoyés ou encore manipulation de marchandises sans protection.
  • 50.
    Le devoir de ne pas nuire à autrui est sans doute, dans l’opinion générale, le minimum que la morale exige de chaque individu. De ce fait, toutes les conduites qui visent à causer délibérément des torts aux autres sont en règle générale jugées fautives. Disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/KY0Sxa.
  • 51.
    M. Belanger, « Le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine », Agence universitaire de la francophonie, Réseau des chercheurs « Droit de la Santé », Animation régionale de Dakar, 2005, p. 1 et 4.
  • 52.
    Cass. crim., 10 janv. 2006, n° 05-80787 : Bull. crim., n° 11, p. 37.
  • 53.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, note 19, p. 176.
  • 54.
    C. trav., art. L. 4132-1.
  • 55.
    Cass. soc., 15 avr. 1983, n° 81-40532, D : O. Godard, « Les responsabilités en cas de danger grave et imminent », JCP E 1984, II, 14215, p. 224.
  • 56.
    À titre d’exemple, en cas de risque d’écroulement d’une structure dans un chantier, chaque employé sur le chantier étant en danger, l’ensemble des salariés sur place peut user de son droit de retrait. Le droit de retrait est fondé sur : C. trav., art. L. 4131-1, pour les salariés et D. n° 82-453, 28 mai 1982, art. 5-6, pour les fonctionnaires. Lorsque ces derniers exercent leur droit de retrait de façon collective, ils doivent s’assurer au préalable qu’ils ne font pas obstacle à l’obligation de continuité du service public.
  • 57.
    A.-M. Drouin-Hans, « L’homme, un être soigné », Le Portique, n° 4-2007, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/GRd-vN.
  • 58.
    V. Cass. 1re civ., 8 nov. 2007, n° 06-15873 : D. 2008, p. 50, note J. Revel ; JCP G 2008, II, 10033, note C. Sauvat.
  • 59.
    La justiciabilité est la possibilité de saisir un organe judiciaire ou quasi-judiciaire chargé du contrôle du respect d’une obligation et de la constatation de leur violation. V. E. Guematcha, « Section 2. La justiciabilité des droits sociaux en Afrique », La Revue des droits de l’Homme, 2012, 1, p. 140.
  • 60.
    V. M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit.
  • 61.
    V. https://lext.so/dQmaqc.
  • 62.
    CSP, art. L. 1111-4, al. 2, résultant de la loi Kouchner du 4 mars 2002 (L. n° 2002-303, 4 mars 2002, relative à la santé et aux droits des malades) consacre le droit au refus des soins. Dans le même sens, C. civ., art. 16-3, pose le principe du respect ou de l’inviolabilité du corps humain.
  • 63.
    CE, réf., 28 mars 2020, n° 439765, à propos d’une demande d’élaboration d’une « recommandation temporaire d’utilisation destinée à permettre la prescription, y compris sans admission à l’hôpital autrement, le cas échéant, qu’en ambulatoire, de la spécialité Plaquenil aux patients manifestant des symptômes d’atteinte par le Covid-19 sans attendre le développement d’une détresse respiratoire », § 2 et 13.
  • 64.
    L’obligation naturelle produit néanmoins des effets juridiques. Par ex., l’exécution volontaire de l’obligation naturelle empêche la répétition de ce qui a été versé (C. civ., art. 1302, al. 2 nouv. ; C. civ., art. 1235, al. 2 anc.). De même, l’obligation naturelle peut être transformée en obligation civile par l’engagement unilatéral du débiteur d’exécuter l’obligation naturelle (Cass. 1re civ., 10 oct. 1995, n° 93-20300, Frata c/ d’Onofrio).
  • 65.
    E. Aron, « Le devoir de santé », Bull. Académie nationale de médecine 2004, 188, n° 1, p. 109-114, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/5XqvfY.
  • 66.
    P. Flourens, De la longévité humaine et de la quantité de vie, 1854, Garnier frères, Paris, 252 p., cité par E. Aron, « Le devoir de santé », Bull. Académie nationale de médecine 2004, 188, n° 1, p. 109-114, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/5XqvfY.
  • 67.
    E. Aron, « Le devoir de santé », Bull. Académie nationale de médecine 2004, 188, n° 1, p. 109-114, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/5XqvfY.
  • 68.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 323.
  • 69.
    F. Bizard, « Des droits associés à des devoirs pour conserver un système de santé juste et solidaire », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/gfm-tw.
  • 70.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, p. 21.
  • 71.
    V. Allodocteurs, « Obésité : près de 30 % de la population mondiale concernée », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/uQLYSw.
  • 72.
    F. Bizard, « Des droits associés à des devoirs pour conserver un système de santé juste et solidaire », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/gfm-tw.
  • 73.
    L’obligation naturelle produit néanmoins des effets juridiques. Par ex., l’exécution volontaire de l’obligation naturelle empêche la répétition de ce qui a été versé (C. civ., art. 1302, al. 2 nouv. ; C. civ., art. 1235, al. 2 anc.). De même, l’obligation naturelle peut être transformée en obligation civile par l’engagement unilatéral du débiteur d’exécuter l’obligation naturelle (Cass. 1re civ., 10 oct. 1995, n° 95-20300, Frata c/ d’Onofrio).
  • 74.
    C. Sauvat, Réflexions sur le droit à la santé, 2004, PUAM, Aix-en-Provence, n° 242, p. 201.
  • 75.
    V. OMS, « Le tabagisme régresse, mais trop lentement. Journée mondiale sans tabac : le tabac et les maladies cardiaques », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/Bdrh4R.
  • 76.
    E. Aron, « Le devoir de santé », Bull. Académie nationale de médecine 2004, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/5XqvfY.
  • 77.
    V. Cour des comptes, Les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool, 2016, cité par le député Marc-Philippe Daubresse dans sa question écrite n° 97407 adressée au ministère de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire : JOAN, 5 juill. 2016.
  • 78.
    K. Popper, État paternaliste ou État minimal, 1998, Éditions de l’aire, Vevey, p. 59.
  • 79.
    A. Ehrenberg, cité par O. Tinland, La part maudite de l’individu, in Les nouvelles addictions, 2007, Scali Le Nouvel Observateur, Paris, p. 19.
  • 80.
    Cité par E. Aron, « Le devoir de santé », Bull. Académie nationale de médecine 2004, disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/5XqvfY.
  • 81.
    M.-H. Mouneyrat, « Éthique du secret et secret médical », Pouvoirs 2001/2, Le Seuil, n° 97, p. 56.
  • 82.
    J.-P. Markus, « Covid-19 : état de guerre sanitaire, mais pas d’“état d’urgence” », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/Bdrh4R.
  • 83.
    Cass. soc., 23 mars 2005, n° 03-42404 : D. 2005, p. 1758.
  • 84.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 176.
  • 85.
    Cass. crim., 2 juill. 1998, n° 98-80529 : D. 1998, Jur., p. 457, note J. Pradel ; RSC 1999, p. 98, obs. Y. Mayaud ; A. Prothais, D. 1998, Chron., p. 334, écartant la qualification d’empoisonnement.
  • 86.
    Cass. crim., 10 janv. 2006, n° 05-80787 : Bull. crim., n° 11, p. 37.
  • 87.
    A. Prothais, « Le sida par complaisance rattrapé par le droit pénal », D. 2006, p. 1068 ; B. de Lamy, « Transmission volontaire du virus VIH », Dr. famille 2006, comm. 101 ; S. Mirabail, « Administration de substances nuisibles », D. 2006, p. 1653.
  • 88.
    B. Chapleau, « La dépénalisation de la transmission du virus de l’immunodéficience humaine par voie sexuelle », Dr. pén. 2006, étude 18.
  • 89.
    M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 176.
  • 90.
    CSP, art. L. 3136-1, al. 1.
  • 91.
    V. CSP, art. L. 3136-1, al. 4, tel que modifié par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions : JO n° 0116, 12 mai 2020, texte 1.
  • 92.
    Lire à ce sujet : M. Disant et O. Maricourt, « La violation du confinement à l’épreuve du contentieux », JCP G 2020, n° 19, p. 581.
  • 93.
    V. D. n° 2020-264, 17 mars 2020, art. 1er, portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population : JO n° 0067, 18 mars 2020, texte 7.
  • 94.
    CSP, art. L. 3136-1, al. 3.
  • 95.
    V. CSP, art. L. 3136-1, al. 4, tel que modifié par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions : JO n° 0116, 12 mai 2020, texte 1.
  • 96.
    F. Labrousse, « Non-respect du confinement : le point sur les sanctions », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/EcwszV.
  • 97.
    C. route, art. R. 412-1.
  • 98.
    C. route, art. R. 412-1 : il existe des usagers n’ayant pas l’obligation du port de la ceinture de sécurité. C’est le cas des personnes dont la morphologie est manifestement inadaptée au port de celle-ci, des personnes munies d’un certificat médical d’exemption, des conducteurs ou des passagers d’un véhicule d’intérêt général prioritaire ou d’une ambulance en intervention d’urgence, des conducteurs ou des passagers d’un véhicule des services publics contraint par nécessité de service de s’arrêter fréquemment, des conducteurs ou des passagers d’un véhicule effectuant des livraisons de porte à porte en agglomération etc.
  • 99.
    CSP, art. R. 3512-2 : il est également interdit de fumer dans « les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail », « dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs », « dans les aires collectives de jeux »…
  • 100.
    CSP, art. L. 3512-9.
  • 101.
    V. CSP, art. R. 3515-2, modifié par le décret n° 2016-1117 du 11 août 2016 relatif à la fabrication, à la présentation, à la vente et à l’usage des produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac : JO n° 0189, 14 août 2016, texte 15.
  • 102.
    CPP, art. 706-135 à 706-140.
  • 103.
    F. Orobon, Santé publique et libertés individuelles. L’exemple des conduites par lesquelles on peut se nuire à soi-même, thèse, 2012, note 8, p. 13.
  • 104.
    D. Beynier, « L’obligation de soins comme alternative à la peine », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 197-198.
  • 105.
    L. n° 98-468, 17 juin 1998, art. 131-36-4, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
  • 106.
    V. L. n° 2008-174, 25 févr. 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
  • 107.
    CPP, art. 706-53-13.
  • 108.
    V. L. n° 2010-242, 10 mars 2010, art. 3, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.
  • 109.
    V. CSP, art. L. 3136-1, al. 4, tel que modifié par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions : JO n° 0116, 12 mai 2020, texte 1.
  • 110.
    Le jeune homme avait été verbalisé à quatre reprises le 24 mars, dont trois fois en moins de 1 heure. Verbalisé une cinquième fois le 26 mars avec une attestation datée du lendemain, il a ensuite été interpellé dimanche lors d’un sixième contrôle. Placé en garde à vue, il a été jugé en comparution immédiate le mardi 31 mars 2020. V. « Coronavirus : un homme condamné à 105 heures de travaux d’intérêt général pour non-respect du confinement à Paris », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/r1IGfL.
  • 111.
    Lire « Coronavirus à Paris : Condamné à 105 heures de travaux d’intérêt général pour ne pas avoir respecté le confinement », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/0lc8ug.
  • 112.
    V. « Coronavirus : l’organisateur d’une fête clandestine condamné à des travaux d’intérêt général », disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/pHPyQK.
  • 113.
    R. Ruiz, L’acceptation des risques dans la pratique sportive, mémoire, 2013, université Paris Sud, p. 7.
  • 114.
    Cass. 2e civ., 27 juin 1984, n° 82-110699 : Bull. civ. II, n° 123.
  • 115.
    G. Rabu, Droit des obligations, 2017, Ellipses, p. 324.
  • 116.
    Cass. 2e civ, 16 févr. 1956 : Bull. civ. II, n° 134, p. 84 ; D. 1956, Jur., p. 455, note R. Savatier – Cass. 2e civ., 1er déc. 1965 : Bull. civ. II, n° 958 : JCP G 1966, II, 14657.
  • 117.
    G. Rabu, Droit des obligations, 2017, Ellipses, p. 325.
  • 118.
    J.-P. Vial, « La faute grossière du joueur de football : faute de jeu ou faute civile ? », LPA 20 déc. 2019, n° 149f6, p. 9.
  • 119.
    Cass. 2e civ., 20 nov. 2014, n° 13-23759 : D. 2015, Pan., p. 394, obs. Centre de droit et d’économie du sport.
  • 120.
    A. Bénabent, Droit des obligations, 14e éd., 2014, LGDJ, Précis Domat.
  • 121.
    V. Cass. 2e civ., 19 juin 2003, n° 01-17575 : Bull. civ., II, n° 201, p. 169 ; D. 2003, Jur., p. 2326, note J.-P. Chazal ; JCP G 2003, II, 10170, note Castets-Renard ; RJDA 2004, p. 355, note P. Aubert.
  • 122.
    Cass. 2e civ., 19 mars 1997, n° 93-10914 : RTD civ. 1997, p. 675.
  • 123.
    Cass. 2e civ., 19 juin 2003, n° 00-22302, Lallemand Xhauflaire c/ Decrept : D. 2003, p. 2326, note J.-P. Chazal – Cass. 2e civ., 19 juin 2003, n° 01-13289, Dibaoui c/ Flamand.
  • 124.
    Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 05-10411 : D. 2006, p. 1403 – Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 07-20878 : D. 2009, p. 1114, note R. Loir ; RTD civ. 2009, p. 334.
  • 125.
    S. Yamthieu, « La Cour de cassation persiste et signe : pas d’obligation pour la victime de minimiser son dommage ! », LPA 4 janv. 2017, n° 123b6, p. 10.
  • 126.
    Cass. crim., 27 sept. 2016, n° 15-83309 : D. 2017, p. 24, obs. C. Quézel-Ambrunaz.
  • 127.
    P. Jourdain, « Vers une sanction de l’obligation de minimiser son dommage ? », RTD civ. 2012, p. 324.
  • 128.
    V. Proposition de loi, enregistrée à la présidence du Sénat, 29 juill. 2020, art. 1364, portant réforme de la responsabilité civile, disponible à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/ppl19-678.html.
  • 129.
    CPP, art. 706-136, issu de la loi du 25 février 2008, dispose que « lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l’encontre de la personne les mesures de sûreté… ».
  • 130.
    Cass. 2e civ., 19 juin 2003, n° 00-22302 ; Cass. 2e civ., 19 juin 2003, n° 01-13.289 : Bull. civ. II, n° 203, p. 171 ; D. 2003, p. 2326, note J.-P. Chazal ; RTD civ. 2003, p. 716, note P. Jourdain.
  • 131.
    M. Foucault, Les Anormaux. Cours au Collège de France, 1999, Le Seuil-Gallimard, Hautes études, p. 30, cité par M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, note 79, p. 185.
  • 132.
    R. Savatier, « Un attribut essentiel de l’état des personnes : la santé humaine », D. 1958, Chron., p. 95.
  • 133.
    A. Laude, B. Mathieu et D. Tabuteau, Droit de la santé, 2e éd., 2009, PUF, n° 298, p. 313 ; J.-M. Clement, Les grands principes du droit de la santé, 2005, Les études Hospitalières, Bordeaux, p. 18-19, cités par M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », RGDM 2010, numéro spécial : Santé et droit, p. 179.
  • 134.
    R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, 1977, PUF, Léviathan, p. 85.
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