Barème Macron : le Comité européen des droits sociaux rouvre le débat
Le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a considéré, le 23 mars dernier, que le dispositif dit du « Barème Macron » n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (CSE). Pour Me Julien Brochot, cette position rouvre le débat que les arrêts de validation de la Cour de cassation du 11 mai 2022 semblaient avoir, au moins provisoirement, clos.
Après plus de 4 ans de débats doctrinaux et jurisprudentiels, les très attendus arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 mai 2022[1] ont « validé » les plafonds d’indemnisation en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces décisions ont été accueillies avec un certain soulagement côté employeur et gouvernement, avec frustration et déception côté organisation syndicales.
Parfois présentée comme enterrant définitivement les débats sur « les barèmes MACRON », la position de la Cour de cassation va se heurter à la contradiction européenne. En effet, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a considéré, le 23 mars dernier, que le dispositif français n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (CSE). Une partie de la motivation de la décision – laquelle n’a pas encore été publiée – a été révélée par Julien Icard, Professeur de droit à l’université Panthéon-Assas dans une tribune au Monde[2].
Cette publication autorise la confrontation de deux conceptions juridiques, la première française, la seconde européenne.
1. Rappel de la situation antérieure
Sous l’égide de la législation antérieure, il existait un plancher de 6 mois qui bénéficiait aux salariés des entreprises de 11 salariés ou plus et comptant une ancienneté supérieure à 2 ans. Ce plafond pouvait être dépassé sur la base de la démonstration d’un préjudice supérieur. Pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de 10 salariés ou moins, il n’existait aucun plancher : il appartenait à la juridiction saisie de déterminer et chiffrer le préjudice subi sur la base des éléments qui lui étaient soumis.
Pour fixer le montant de l’indemnisation, les juridictions sociales se fondaient alors sur des critères objectifs et matériellement vérifiables tels que :
*l’ancienneté du salarié (seul critère retenu par les ordonnances),
*la situation personnelle, financière, matérielle et familiale du salarié,
*les perspectives d’emploi du salarié,
*les conséquences morales du licenciement sur le salarié,
*les conditions du licenciement.
Cette méthode était tout à fait conforme au droit de la responsabilité en général, qu’elle soit délictuelle ou contractuelle[3]. En plafonnant les indemnités, le nouvel article L. 1235-3 du Code du travail issu de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 semblait aller à contre-courant d’une construction légale et jurisprudentielle d’au moins deux siècles.
2. La position des hautes juridictions françaises
A. Le Conseil d’État a été saisi par la CGT au motif que le barème institué par l’ordonnance précitée méconnaissait divers textes dont l’article 10 de la convention 158 de l’OIT et l’article 24 de la CSE. Une décision a été rendue le 7 décembre 2017[4]. De façon assez lapidaire, la juridiction a écarté les griefs formulés à l’endroit du nouveau texte. En effet, le Conseil d’État a considéré que les barèmes permettaient de prendre en considération la situation particulière de chaque salarié sans même faire référence aux montants envisagés. Cette décision, assez contestable sur le fond, avait cependant une portée très faible puisqu’elle était provisoire, rendue en référés et non publiée au recueil LEBON.
B. La décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2018[5], bien qu’à peine plus motivée, est intéressante, notamment en ce qui concerne ses propres contradictions. Selon le Conseil, le référentiel prévu par le texte permettait de renforcer la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat de travail, ce qui constituerait un motif d’intérêt général.
Cette affirmation péremptoire est surprenante :
*d’une part, il n’a pas été expliqué en quoi la prévisibilité constituait un motif d’intérêt général,
*d’autre part, la notion de « sécurité juridique », induisant une certaine forme de prévisibilité, n’est pas, en elle-même, un principe à valeur constitutionnelle.
En pratique, la position du Conseil Constitutionnelle s’est avérée peu pertinente : force est de constater que les juridictions françaises ont eu une appréciation très diversifiée des textes en vigueur anéantissant cette idée de sécurité juridique. Le Conseil a également prétendu que les barèmes étaient fondés sur les moyennes constatées des indemnisations accordées en justice. Cette affirmation est complètement fausse. En effet, les conseils et cours, passées les deux années d’ancienneté et pour les entreprises de plus de 10 salariés ne pouvaient, avant 2017, condamner en deçà de 6 mois de salaire. Comment le Conseil Constitutionnel pouvait-il dès lors justifier des plafonds inférieurs à 6 mois de salaire pour des anciennetés comprises de 2 à 5 ans ? En dernier lieu, le Conseil constitutionnel a pu indiquer que « le principe d’égalité (n’impose) pas au législateur de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes ». Ainsi, le fait d’uniformiser les indemnisations, nonobstant les différences de situation, ne constituerait pas, selon la décision de 2018, un manquement au principe d’égalité.
Cette affirmation interroge puisque depuis 1979, le Conseil constitutionnel a tendance à favoriser la prise en considération des différences de situation entre les individus :
« Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »[6].
Les trois arguments du Conseil constitutionnel sont, in fine, assez peu convaincants, à plus forte raison à la lumière de sa jurisprudence antérieure. Aux termes de sa décision du 13 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité du plancher minimum de l’ancien dispositif dès lors qu’il ne restreignait « pas le droit à réparation des salariés ». La juridiction constitutionnelle allait même plus loin en affirmant que les planchers, de par leur effet dissuasif, mettaient « en œuvre le droit de chacun d’obtenir un emploi découlant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ». Il semble donc que la décision de 2018 opère un revirement de jurisprudence par rapport à la décision de 2016.
3. Les débats jurisprudentiels
Le débat de la constitutionnalité de la loi ne peut être porté directement par-devant les juridictions du fond. Il en va différemment de la question de la conventionnalité aux textes internationaux. C’est donc sur le fondement de tels textes que les barèmes dits « MACRON » ont été vigoureusement contestés en justice.
A. Le premier des textes internationaux utilisé était l’article 24 de la CSE lequel garantit :
« Le droit des travailleurs, licenciés sans motif valable, à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
C’est sur le fondement de ce texte que le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a condamné deux États du fait de la barémisation des indemnités en cas de licenciement abusif. C’est en premier lieu le cas pour la Finlande aux termes d’une décision du 8 septembre 2016 « Finnish Society of Social Rights c. FINLANDE ». À la majorité de ses membres, le Comité a considéré que le plafonnement finlandais violait l’article 24 précité, notamment en ce que les indemnités proposées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi (considérant 46). C’est en second lieu le cas pour l’Italie qui avait un système de plafonnement des indemnités comparable à celui de la France. Il était même plus favorable puisque l’indemnité maximum pouvait atteindre 36 mois de salaire, contre 20 en FRANCE. Comme le barème finlandais, le barème italien a été jugé contraire à l’article 24 par décision du CEDS du 11 février 2020[7]. Si cette jurisprudence européenne ne fait pas directement autorité en France – État non partie au litige -, elle permettait cependant de faire la preuve que la notion d’indemnité adéquate ou de réparation appropriée ne pouvait se fonder que sur la seule ancienneté du salarié.
B. Le deuxième texte international utilisé est l’article 10 de la convention 158 de l’organisation du travail (OIT) qui énonce que si les tribunaux :
« arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Selon le Conseil d’administration de l’OIT[8], le terme adéquat implique que l’indemnité doit :
*être suffisamment dissuasive pour éviter un tel licenciement,
*permettre l’indemnisation de la perte injustifiée d’emploi.
Il sera noté ici que le caractère dissuasif de l’indemnité fait écho à la décision du Conseil constitutionnel de 2016 précitée.
C. Sur le fondement de ces textes, alternativement ou cumulativement, de nombreux Conseil de prud’hommes ont, à juste titre, écarté l’application du plafonnement des indemnités :
*CPH ANGERS – 5 juillet 2018 – RG n° 17/00203 et 18 janvier 2019 – RG n° F 18/00989
*CPH LE MANS – 26 septembre 2018 – RG n° F 17/00538
*CPH PARIS – 22 novembre 2018
*CPH TROYES – 13 décembre 2018 – RG n° F 18/00036
*CPH AMIENS – 19 décembre 2018 – RG n° F 18/00040 et 24 janvier 2019 – RG n° F 18/00093
*CPH LYON – 21 décembre 2018 – RG n° F 18/02238
*CPH GRENOBLE – 18 janvier 2019 – RG n° 18/00989
*CPH FORBACH – 26 février 2019
*CPH ANGOULEME – 9 juillet 2020 – RG n° 19/00184
*CA BOURGES du 6 novembre 2020
*CPH BOBIGNY – 16 décembre 2020 – RG n° 19/00680
*Très récemment : CPH NANTES – 25 février 2022 – n° 20/00674
Puis plusieurs cours d’appel ont rendu des décisions dans un sens inédit[9] : elles prônaient pour leur part une application au cas par cas, in concreto, des textes européens. Ainsi, lorsque ces cours ont constaté que les plafonds étaient insuffisants à réparer un préjudice important, elles faisaient application de leur contrôle de conventionnalité en passant outre pour accorder des sommes supérieures. Ces décisions ne sont pas, elles non plus, satisfaisantes car elles n’affirmaient pas fermement que le texte législatif était inconventionnel.
Dans l’intervalle, deux avis de la Cour de cassation de 2019[10] ont cru pouvoir mettre un terme à ces débats – en vain puisque les juridictions de première instance et d’appel ont maintenu une certaine forme de résistance. Là encore, ces avis n’étaient pas satisfaisants puisqu’ils ont admis les barèmes aux termes d’une motivation lapidaire. Ils ont purement et simplement écarté l’application de l’article 24 arguant de ce qu’il ne pouvait avoir d’effet direct entre particuliers. Pour ce qui est de l’article 10, les avis considèrent qu’il est bien d’application directe mais que le terme « adéquat » laisse une marge d’appréciation aux États et que cette marge serait garantie en droit français. Il faut croire qu’il n’aura échappé qu’à la Cour que, pour certaines anciennetés, la marge est quasi inexistante. Il lui aura également échappé que, pour les petites entreprises, aucun plafond n’est prévu ce qui pourrait aboutir à une véritable rupture d’égalité. À la vérité, tout commandait une explication juridique et terminologique sur la notion de réparation adéquate.
4. Les décisions de la Cour de cassation
C’est dans ce contexte particulièrement confus que la chambre sociale de la Cour de cassation a dû se prononcer par deux arrêts publiés au bulletin.
A. Aux termes de sa première décision, la Cour de cassation, dans la droite ligne de l’avis de 2019, rejette l’application de l’article 24 de la CSE.
Cette position semble en contradiction avec la jurisprudence antérieure de la chambre sociale qui a statué favorablement pour certaines dispositions de la Charte[11] dont des dispositions ne concernant pas directement les articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20[12] – expressément cités dans l’arrêt dont s’agit. De même, le Conseil d’État, longtemps défavorable à l’application directe du texte européen, a procédé à un revirement de jurisprudence concernant l’article 24 aux termes d’un arrêt dit FISHER[13]. Le refus de considérer l’article 24 comme d’application directe est également contestable au regard de la formulation du texte dont les termes sont précis et peu ou prou les mêmes que ceux de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT – qui, on le verra, est, lui, considéré comme d’application directe. Enfin, le fait qu’il existe un organe de contrôle, le CEDS, n’est pas un obstacle au travail des juridictions internes qui opèrent sans difficulté un contrôle de conventionnalité à la CEDH, nonobstant l’existence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
B. Aux termes de la seconde décision, la Cour de cassation a admis l’application directe de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT.
La Cour a suivi sa jurisprudence constante en la matière[14]. En revanche, et de façon très surprenante, la juridiction considère que les barèmes remplissent les exigences du texte à savoir l’existence d’une réparation raisonnable et dissuasive – et ce à rebours de l’analyse documentée de l’avocat général.
a. Sur la réparation raisonnable, la Cour de cassation invoque curieusement les dispositions relatives au licenciement nul.
Ces règles ne font l’objet d’aucune critique et ne sont pas le sujet du pourvoi qui lui est soumis. Cette référence est donc hors de propos. Ensuite, la Cour de cassation n’explique pas en quoi les sommes prévues par le barème permettraient raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Or, tel était le point essentiel ce d’autant que le terme raisonnable et ses dérivés sont peu usités en droit français. En droit français, la seule manière raisonnable d’indemniser un dommage est le recours à la notion de réparation intégrale du préjudice causé par la faute, ici la faute contractuelle, qu’est la rupture injustifiée. Ce principe, dérivé de la formule latine « reparatio in integrum », a progressivement amené à l’adage « réparer le préjudice, tout le préjudice, mais rien que le préjudice ».
La réparation de la perte de l’emploi ne s’entend pas du seul manque à gagner en termes financiers. Autrement exprimé, il n’est pas raisonnable d’indemniser un préjudice en occultant l’âge, la situation personnelle, les conséquences morales, la durée du retour à l’emploi ou les perspectives de retour à l’emploi dans un contexte dans lequel, à défaut de faute de l’employeur, le salarié aurait conservé durablement son emploi. À titre d’exemple, un salarié avec une rémunération relativement basse et une ancienneté inférieure à 5 ans recevra une indemnité dérisoire alors que son préjudice moral pourrait être important du fait d’un licenciement vexatoire, le plongeant dans une situation de stress au regard de sa situation financière difficile. C’est d’ailleurs ce que constate l’étude Dalmasso et Signiretto : les petits salaires et petites anciennetés ont vu leurs indemnités par deux là où les plus grosses anciennetés ont vu une diminution de leurs indemnités bien moindre.
Ce rapport concluait d’ailleurs :
« C’est donc au final tout le cœur du salariat qui risque, de lui-même, de s’exclure du contentieux en renonçant à agir en justice ».
Il faut donc constater que la Cour de cassation, comme beaucoup d’autres juridictions avant elle, a échoué à démontrer que les barèmes étaient adaptés et proposaient une indemnisation acceptable.
b. Concernant la réparation dissuasive, il y a lieu de considérer que la Cour s’est purement et simplement trompée dans son analyse.
Aux termes de son arrêt, elle évoque d’elle-même, sur le fondement de la jurisprudence issue de l’article 10, l’indemnité pour licenciement injustifié et la nécessité de son caractère dissuasif – là encore, on ne peut s’empêcher de penser à la décision du Conseil Constitutionnel de 2016. Elle considère que la dissuasion est assurée par l’article L. 1235-4 du Code du travail qui permet de mettre à la charge de l’employeur les indemnités Pôle emploi. Or, selon l’article 10, ce n’est pas de ce texte, dont le bénéficiaire est Pôle emploi, que doit venir de la dissuasion mais bien de l’indemnité accordée au salarié en tant que telle. Force est de constater que la Cour de cassation n’a pas tiré les conséquences ni de ses propres allégations, ni des termes de l’article.
5. La décision du CEDS du 23 mars 2022
Selon les bribes d’informations publiées récemment dans la presse, il apparaît que le CEDS a censuré, à l’unanimité, le dispositif français de barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu’elle viole l’article 24 de la CSE. Il faut rappeler dès ce stade que ce texte, bien que considéré comme non applicable en droit français par la Cour de cassation, emploie précisément les mêmes termes que l’article 10 de la convention 158 de l’OIT – « adéquate » et « appropriée ». Ainsi, nonobstant le fondement juridique, le raisonnement du Comité est tout à fait pertinent en droit français.
Sur le fond, le Comité estime d’abord que « le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question, lié aux circonstances individuelles de l’affaire, peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé ». Il est possible de constater qu’il existe une véritable divergence de vues entre la juridiction européenne et la Cour de cassation : la première considère que la réparation proposée ne saurait être considérée comme raisonnable, là où la seconde en appelle à la notion de licenciement nul pour justifier de la justesse de l’indemnisation proposée. Le Comité a fait le travail qu’on attendait de la Cour de cassation : une analyse claire du sens et de la portée donnés à la notion de réparation raisonnable. En invoquant « le préjudice réel » et en faisant référence « aux circonstances individuelles », la décision du 23 mars ne propose, ni plus, ni moins que le recours au principe de réparation intégrale du préjudice étrangement absent des écrits des hautes juridictions françaises.
Ainsi, les barèmes MACRON ne proposent pas une indemnité raisonnable en ce que la faiblesse de leur montant est nécessairement contraire au grand principe précité. À titre surabondant, on notera avec intérêt la référence à l’insuffisance de la marge de manœuvre donné aux juridictions qui vient sévèrement contredire les deux avis de la Cour de cassation de 2019. Le Comité estime ensuite que l’indemnité n’est dissuasive faute d’être suffisamment élevée. Ici encore, il est bien rappelé que c’est l’indemnité en elle-même qui se doit d’être dissuasive et non un dispositif en son ensemble. Une nouvelle fois, on ne pourra que rapprocher cette argumentation de ce qui fut celle du Conseil Constitutionnel en 2016.
6. Conclusion
Au regard de ce qui précède, que pourra-t-il rester des barèmes Macron ? La décision du CEDS pourra aboutir à des recommandations faites à la France par le conseil des ministres du Conseil de l’Europe. Ces recommandations, dont la force contraignante n’est pas nulle, pourront avoir des répercussions dans notre corpus législatif. Nous pourrions également attendre une résistance des juridictions internes des premier et second degrés. En effet, sans même avoir à revenir sur l’applicabilité ou non de l’article 24, les notions développées par le CEDS pourront être invoquées en ce qu’elles existent dans un texte européen (l’article 10) d’application directe en droit interne. Cette hypothèse doit être envisagée avec d’autant plus de sérieux que les développements du CEDS font écho à des principes bien ancrés en droit français à savoir la réparation intégrale du préjudice ou encore la jurisprudence constitutionnelle de 2016. Enfin, une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) n’est pas à exclure.
Les décisions du fond, les arrêts de la Cour de cassation et désormais cette décision du CEDS pourraient constituer un élément nouveau propre à rouvrir la voie constitutionnelle.
Les débats philosophiques et techniques sont donc loin d’être enterrés, contrairement à ce que prédisaient certains commentateurs à l’aune de la jurisprudence de la chambre sociale.
[1] Soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 et n° 21-14.490
[2] https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/17/emploi-la-condamnation-europeenne-du-bareme-d-indemnisation-d-un-licenciement-injustifie-est-une-gifle-cinglante_6130813_3232.html
[3] Sur la mise en perspective du principe de réparation intégrale et des barèmes MACRON : https://www.actu-juridique.fr/social/bareme-macron-a-tordre-le-droit-on-finit-par-casser-la-justice/
[4] Conseil d’État, Juge des référés, 7 décembre 2017, 415243
[5] Décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018
[6] CC n° 2009-578 DC, 18 mars 2009
[7] Décision du CEDS du 11 février 2020 n° 158/2017 – Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL) c. Italie
[8] RECLAMATION (article 24) – VENEZUELA – C095, C158 – 1997
[9] CA REIMS, ch. sociale, 25 septembre 2019, n° RG 19/00003 et CA PARIS, chambre 3, 18 septembre 2019, n° RG 17/06676
[10] Avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019
[11] Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60426 et 09-60429 ; 10 novembre 2010, n° 09-72856 ; 1er décembre 2010, n° 10-60117 ; 8 décembre 2010, n° 10-60223 ; 16 février 2011, n° 10-60189 et 10-60191 ; 23 mars 2011, n° 10- 60185 ; 28 septembre 2011, n° 10-19113 ; 14 décembre 2011, n° 10-18699
[13] CE, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 10 février 2014, n° 358992
[14] CA Paris, 18ème E, 6 juillet 2007, n° S06/06992, Cass. Soc. 1er juillet 2008, n° 07-44124, CE Sect., 19 octobre 2005, CGT et a., n° 283471
Référence : AJU300362