Chronique AAI et protection des libertés n° 14 (janvier – juin 2020)

Publié le 08/04/2021
Chronique AAI et protection des libertés n° 14 (janvier - juin 2020)
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La présente chronique AAI et protections des libertés n° 14 couvre la période de janvier à juin 2020, et est relative à l’état d’urgence sanitaire.

À circonstances exceptionnelles, chronique exceptionnelle pour le premier semestre 2020 marqué par le contexte de la crise sanitaire. Les autorités administratives indépendantes (AAI) ont en effet connu une période intense et ont dû se mettre en ordre de marche pour se réorganiser et faire face à un contexte inédit.

Dès le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus et la déclaration de l’état d’urgence sanitaire par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, elles ont fait preuve de réactivité pour rappeler leur présence (utilisation de tous les médias tels que des tribunes dans la presse écrite ou des alertes sur leur site internet, mise en place de numéros de téléphone spéciaux), et réinventer leurs modes d’action en mettant en place de nouveaux outils de régulation et de contrôle tels que les bulletins de « veille éthique » du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’observatoire de l’état d’urgence institué par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), les méthodes d’élaboration des « Réponses rapides » de la Haute autorité de santé (HAS), ou en exerçant une pression continue sur les pouvoirs publics : courriers adressés aux ministres1 et publication des réponses, prises de position, observations en justice2.

À côté de cette activité exceptionnelle, les AAI ont également poursuivi leurs travaux antérieurs, assurant la publication de leur rapport d’activité annuel ou d’études thématiques3.

En assurant la continuité de leurs actions et de leur présence, elles ont ainsi fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et se sont affirmées dans leur rôle de contre-pouvoirs. Elles se sont transformées en vigies de l’état d’urgence sanitaire, soit pour accompagner et réguler la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels durant la crise (Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ; Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ; HAS ; l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)), soit pour alerter l’opinion publique et protéger les publics les plus fragiles (personnes privées de liberté, en situation de vulnérabilité économique, usagers du système de santé, mineurs…) des potentielles dérives des mesures adoptées par les pouvoirs publics pour lutter contre l’épidémie (Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ; Défenseur des droits (DDD) ; CNCDH).

Si certaines AAI ont été étroitement associées à l’action des pouvoirs publics par des demandes d’avis (CCNE, Cnil) et des auditions4, d’autres, moins sollicitées, n’ont pas hésité à dénoncer la gestion de la crise et alerter l’opinion publique pour s’assurer de la proportionnalité des mesures restrictives de liberté adoptées et du respect du principe d’égalité dans l’accès aux droits par des auto-saisines, des interpellations et des lettres adressées aux ministres concernés (CNCDH).

En se mettant elles-mêmes en état d’urgence (I), les AAI ont pu assurer leur rôle de protection des droits et libertés durant la crise sanitaire (II).

I – Les AAI en état d’urgence sanitaire

Durant la crise sanitaire, les AAI ont réalisé une adaptation de leur activité et de leurs outils de contrôle afin de poursuivre leurs missions (A) et ont démontré l’importance de leur rôle de régulation et de contre-pouvoir (B).

A – L’adaptation institutionnelle des AAI dans le contexte de la crise sanitaire

1 – La présence des AAI sur le terrain

Les activités des AAI ont été largement bouleversées par la crise sanitaire. Certaines, à l’instar de la Commission nationale du débat public (CNDP)5, ont dû arrêter leur activité, d’autres ont priorisé leurs actions de régulation comme l’a fait la HAS6. D’autres encore ont fait preuve d’une grande réactivité dès la mi-mars pour adapter leurs méthodes d’action et assurer une présence continue sur le terrain.

Dès le 18 mars, le DDD informait sur son site internet que l’autorité continuait « à accomplir sa mission au service de toutes et de tous » en assurant la continuité du traitement des réclamations par les services centraux et le réseau territorial disponibles par courriel et téléphone. La permanence dans les établissements pénitentiaires a également été remplacée par un accueil téléphonique dédié. Une page internet consacrée à la crise sanitaire a également été créée7. Le DDD a saisi l’occasion de la publication de son rapport d’activités pour 2019, pour y joindre un bilan de ses constats et actions durant la période d’urgence sanitaire, démontrant ainsi la réactivité et la continuité d’action de l’institution, malgré la réduction de moitié du nombre de dossiers traités. Cette annexe est aussi l’occasion pour le DDD de souligner « l’importance stratégique des services publics »8 et la nécessité des échanges avec les administrations pour réagir aux périodes exceptionnelles.

De son côté, la CNCDH a confirmé le 24 mars 2020 sur son site internet la continuité de ses missions de conseil et de contrôle en matière de droits de l’Homme, malgré le confinement des membres de l’institution. Dans un contexte de crise mondiale, elle a rappelé le rôle des organisations œuvrant au sein des Nations unies et du Conseil de l’Europe pour maintenir la priorité à la protection des droits de l’Homme face à la lutte contre la pandémie. Son président s’est associé au DDD et au CGLPL pour publier, dès le 20 mars 2020, une tribune commune9 soulignant la nécessité de protéger les droits des personnes en situation de vulnérabilité face aux mesures restrictives de liberté adoptées pour lutter contre l’épidémie. Cette tribune est ainsi l’expression de la présence médiatique des AAI et de leur coopération en matière de protection des droits et libertés et vise en particulier le besoin de protéger les personnes enfermées dans les établissements pénitentiaires et les centres de rétention administrative.

D’ailleurs, malgré un contexte particulier qui a conduit le CGLPL à limiter son activité de contrôle sur le terrain, ce dernier a réussi à maintenir ses actions de contrôle auprès des publics privés de liberté, en maintenant des échanges et une pression accrue sur les administrations de tutelle (ministères de la Justice, de l’Intérieur et des Solidarités et de la Santé) et en assurant des visites sur place dans les centres de rétention administrative de Paris-Vincennes et du Mesnil-Amelot les 15 et 17 avril 2020 pour y constater l’insuffisance de la sécurité sanitaire pour cette population vulnérable et l’impossibilité pratique du respect des gestes barrières.

Julia SCHMITZ

2 – Les nouveaux outils mis en œuvre par les AAI

CCNE – L’instauration de bulletins de veille éthique durant la crise de la Covid-19

La pandémie causée par la Covid-19 a entrainé au sein de différentes institutions et autorités des innovations afin d’appréhender au mieux cette situation inédite. C’est dans ce contexte que le CCNE, ainsi que le comité sous son égide, le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) ont instauré la publication de « bulletins de veille éthique »10.

L’origine de cette démarche réside dans la contribution rendue par le CCNE le 13 mars 202011 intitulée « Enjeux éthiques face à une pandémie » et commandée par le ministre des Solidarités et de la Santé afin de réfléchir sur « les enjeux éthiques liés à la prise en charge des patients atteints de Covid-19 et aux mesures de santé publique contraignantes qui pourraient être prises dans le cadre de la lutte contre l’épidémie ». Parmi les quatre recommandations proposées par le CCNE, la mise en place d’une « cellule éthique de soutien » a été proposée et la forme choisie fut le « bulletin de veille éthique ». La publication de ces bulletins s’est effectuée selon le mode de l’auto-saisine comme le décret n° 2005-390 le prévoit. Sur son site internet, le CCNE indique que l’auto-saisine permet d’être « à l’écoute des préoccupations éthiques de la société ».

Dans leur dimension bioéthique, ces bulletins ont vocation à aiguiller les soignants dans la prise en charge de patients dans un état grave dans un contexte de ressources rares. Le bulletin n° 1 publié le 23 mars 2020 avait pour objet les « questions éthiques soulevées dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 concernant les personnes vulnérables du fait de l’âge, du handicap ou de l’absence de domicile fixe ». Le CCNE s’est ici interrogé sur l’isolement de ces personnes, sur la question de la non-admission de certaines de ces personnes en réanimation voire en milieu hospitalier ainsi que sur les conditions de mise en bière. Des sujets particulièrement sensibles donc.

Dans la même dynamique et en concertation étroite avec le CCNE, le CNPEN a publié trois bulletins. Le premier, publié le 7 avril 2020, s’intitule « Réflexions et points d’alerte sur les enjeux d’éthique du numérique en situation de crise sanitaire aiguë ». Deux autres bulletins ont été édités le 21 juillet 2020 et s’intéressent pour l’un aux « Enjeux d’éthique dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation » et pour l’autre aux « Enjeux d’éthique liés aux outils numériques en télémédecine et télésoin dans le contexte de la Covid-19 ».

Il est aisé de remarquer que ces bulletins épousent parfaitement les problématiques qui ont été régulièrement soulevées lors de la crise épidémique. Il semble alors que le CCNE se soit emparé de la visibilité des questions éthiques au sein de l’opinion publique par le truchement de cette crise pour affirmer, voire expliciter, son rôle.

En effet, en dépit de la diversité des problématiques abordées, le CCNE a adopté une méthodologie identique dans chaque bulletin. Les questions abordées étaient d’abord contextualisées puis définies. Ensuite, les dilemmes et apories étaient exposés. La problématisation des questions permettait alors le rappel de grands principes éthiques tels que l’autonomie, la dignité, le consentement ou encore la nécessité de l’information. Enfin, des recommandations opérationnelles étaient effectuées.

Grâce à ces bulletins, c’est alors dans un rôle plus pédagogique et pragmatique que le CCNE s’est illustré. En effet, depuis sa création en 1983, le CCNE n’avait jusqu’alors publié que des avis et rapports particulièrement denses. Cela s’explique par le temps long généralement prôné et adopté dans le cadre de la réflexion éthique.

L’ambition était certainement, dans un contexte inédit irrigué par l’urgence et parfois la confusion, de rappeler que la tension exacerbée entre autonomie et solidarité, entre intérêts collectifs et intérêts individuels peut être équilibrée, notamment grâce à la réflexion éthique.

Valentine VIGNÉ

CCNE – Création et activités du Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN)

À peine installé par le CCNE à la suite des recommandations du rapport Villani12 et de son avis sur la révision de la loi de bioéthique13, le CNPEN s’est immédiatement mis à l’ouvrage du fait de la crise sanitaire. Outre son rôle consultatif sur les demandes d’avis14, le CNPEN a un rôle de veille et d’alerte auprès des pouvoirs publics et des citoyens. Ce rôle de vigilance a été bousculé par des questions éthiques urgentes relatives au numérique dont il a décidé de s’autosaisir et qui ont donné lieu à la publication de trois bulletins de veille « Réflexions et points d’alerte sur les enjeux d’éthique du numérique en situation de crise sanitaire aiguë » en l’espace de quelques mois dans lesquels il pose les prémisses de son action.

S’affirmant ainsi en quelques mois comme un acteur à part entière aux côtés de la Cnil, du CNNum, de la CNCDH et du CCNE, le CNPEN a également été saisi par le ministre des Solidarités et de la Santé et le secrétaire d’État chargé du Numérique au sujet des questionnements éthiques liés à la conception, à la mise en œuvre et aux usages d’outils numériques dans les différentes phases du déconfinement15.

Enfin, cette affirmation de la place du CNPEN et de son rôle ne se limite pas aux frontières nationales. Répondant à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur l’intelligence artificielle16, il a plaidé pour la création de comités consultatifs nationaux d’éthique du numérique et de l’intelligence artificielle et pour la collaboration avec ces homologues en vue de la définition d’une approche européenne des enjeux éthiques du numérique.

Emilie DEBAETS

CNCDH – Mise en place d’un observatoire des mesures de l’état d’urgence sanitaire et du confinement et publications de lettres

À la suite de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire pour faire juridiquement face à la crise sanitaire de la Covid-19, la CNCDH a mis en place un observatoire visant à évaluer le respect des droits fondamentaux des mesures prises par les pouvoirs publics. Le communiqué relatif à la création de l’observatoire est daté du 2 avril 2020 et par la suite, huit lettres ont été publiées entre le 6 avril et le 4 juin, au rythme d’une par semaine. Le communiqué initial souligne plusieurs points, dont le caractère provisoire des mesures dérogatoires et, partant, le fait qu’elles devaient être nécessaires, proportionnées et non discriminantes.

La première lettre visait à souligner la nécessité de soutenir les populations les plus vulnérables face à la crise et aux mesures de confinement. Elle notait également la difficulté pour certaines personnes de présenter les désormais célèbres « attestations de déplacement dérogatoire ».

Les sept lettres suivantes furent consacrées à la protection de l’enfance, au logement, aux personnes en situation de pauvreté, à l’accès aux soins, à la protection des travailleurs, à la continuité de l’accès aux soins et enfin au droit à l’éducation.

Les six premières lettres sont accompagnées de propositions faites aux pouvoirs publics afin de s’assurer du respect des droits fondamentaux durant le confinement. Sans entrer dans les détails, elles se basent toutes sur « l’approche fondée sur les droits de l’Homme » préconisée par la CNCDH17. L’arrêt de ces recommandations dans les deux dernières lettres n’est pas dû à une absence de violation des droits fondamentaux mais simplement à la fin du confinement, ce qui a permis de revenir à une situation moins tendue concernant le respect de ces droits.

Globalement, à la lecture de ces lettres, le constat est sans appel. Les mesures de confinement et l’état d’urgence sanitaire n’ont pas été accompagnés des mesures suffisantes pour assurer le respect des droits fondamentaux. La CNCDH a joué son rôle de conseiller et d’aiguilleur, mais il n’est pas certain que les pouvoirs publics l’aient entendue ou écoutée. Ces remarques ne sont pour autant pas perdues, servant tant de traces des violations des libertés que de guides si un nouveau confinement était décidé.

Sacha SYDORYK

Les nouveaux outils de la HAS – Adoption de méthodes d’élaboration des « réponses rapides dans le cadre de la Covid-19 » et des « contributions du champ social et médico-social »

Dès la fin mars 202018, le collège de la HAS adopte une méthode d’élaboration de réponses rapides dans le cadre de la Covid-19. Ce nouveau document a pour but de donner une « prise de position de la HAS devant des situations urgentes ». Si la procédure d’élaboration est détaillée et favorise naturellement des délais et des groupes de travail restreints ainsi que la voie électronique, rien n’est précisé quant au champ de ces réponses rapides. Ainsi, si nous pouvons supposer que celles-ci sont exclusivement relatives aux problématiques soulevées par le contexte pandémique, il n’est pas précisé ce qui relève des « situations urgentes ». Pourtant, conformément à cette méthode d’élaboration, une sélection est effectuée par la présidente du collège de la HAS, qui détermine ainsi lesquelles des demandes nécessitent une réponse rapide.

La HAS semble insister particulièrement dans la méthode d’élaboration de ces documents – outre la célérité de la procédure – sur la certitude des données utilisées. En effet, la procédure prévoit l’utilisation uniquement des données « aux meilleurs niveaux de preuve » dont elle fixe une liste par ordre croissant.

Prenant en compte le contexte évolutif des connaissances relatives à la Covid-19, les réponses rapides doivent également comporter un avertissement spécifiant qu’elles ont été « élaborées sur la base des connaissances disponibles à la date de leur publication [et] sont susceptibles d’évoluer en fonction de nouvelles données ». Ainsi, elles ont vocation à être actualisées rapidement avec l’avancement des connaissances.

Plus tardivement19, un outil propre au champ social et médico-social a également été établi. A priori lancé par la Commission de l’évaluation et de l’amélioration de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (CSMS), l’objectif affiché de ces « contributions » propres au champ social et médico-social est « d’éclairer les pratiques en temps de crise »20. La procédure d’élaboration de ces contributions est très proche de celle des réponses rapides à ceci près qu’elle est menée par la CSMS et non par le collège de la HAS. Une fois encore, le champ des « questions » pouvant faire l’objet de telles contributions n’est pas établi. Nous pouvons donc simplement supposer qu’elles se limitent, d’une part, au domaine de compétence de la commission – les établissements et services sociaux et médico-sociaux –, et, d’autre part, à la crise sanitaire.

Anna ZACHAYUS

B – Le déploiement des compétences des AAI dans le contexte de la crise sanitaire

1 – Un rôle de régulation pédagogique et d’évaluation

CSA – Covid-19, info ou infox ?

La crise sanitaire provoquée par la Covid-19 a amené le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) tant à permettre et favoriser la diffusion de bonnes informations (conseils de prévention) qu’à lutter contre la circulation de fausses informations.

Concernant ces dernières, la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information dite loi Anti-infox oblige les opérateurs de plates-formes en ligne à prendre des mesures et actions concrètes en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations. Elle prévoit un suivi de ces mesures grâce à la communication d’une déclaration annuelle en provenance des opérateurs. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) étant chargé de superviser les dispositifs mis en place par les plates-formes et d’accompagner les opérateurs, il les a informés par son communiqué de presse du 27 février 2020 de la mise au point d’un questionnaire facilitant la préparation des déclarations annuelles. Ce questionnaire envoyé aux plates-formes interroge ainsi sur la présence d’un dispositif de signalement visible et accessible utilisant des modalités de traitement transparentes (algorithmes connus) et ouvrant des voies de recours pour les auteurs du contenu signalé. Il vise également à examiner les dispositifs de « lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations ». Il s’assure enfin de la diffusion des informations aux utilisateurs relativement à « la nature, l’origine, les modalités de diffusion des contenus et l’identité des personnes versant des rémunérations en contrepartie de la promotion des contenus d’information ». L’ensemble des questionnaires, une fois retournés au CSA, alimente ensuite le bilan que le Conseil dressera de l’application et de l’effectivité des mesures prises par les plates-formes.

Ce questionnaire diffusé à l’aube de la propagation du coronavirus en France a été prolongé par des auditions des plates-formes au sujet des dispositifs spécifiques mis en place durant la crise sanitaire. Selon un communiqué de presse du 29 avril 2020, Facebook (29 avril), Twitter (30 avril), Snapchat et Wikipedia (4 mai) et Google (7 mai) ont ainsi été auditionnés par le CSA.

Cette crise sanitaire a également imposé une information accrue afin de permettre la sensibilisation du public et la diffusion de conseils de prévention afin d’éviter la propagation de la Covid-19. Un communiqué de presse du 2 mars 2020 fait ainsi le bilan de la réunion qui a rassemblé ce même jour le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, et des représentants des télévisions et des radios nationales et locales, ainsi que des plates-formes. Il rappelle les gestes barrières et le contenu des messages de prévention en diffusant les affiches et spots télévision et radio qui devront être déployés massivement dans les médias. Le CSA a par la suite publié une mise à jour le 18 mars 2020 tirant les conséquences de l’annonce présidentielle du confinement. Le CSA y explique la limitation des déplacements ainsi que le système des attestations.

Valérie PALMA-AMALRIC

ARCEP : confinement et trafic internet

Pour lutter contre la propagation du coronavirus, le Premier ministre a édicté le 16 mars 2020, un décret portant réglementation des déplacements de toute personne hors de son domicile. Dès lors, les Français devront supporter un confinement national – mesure exceptionnellement forte et attentatoire aux libertés individuelles comme collectives – dont la précédente mise en application remonte à 1832 face au choléra. La crise sanitaire augurée a justifié cette mesure qui sera, par ailleurs, confirmée par les dispositions de l’article 4 de la loi d’urgence du 23 mars 2020. Conséquemment, cet isolement de la population orchestré par l’état d’urgence sanitaire a entraîné une augmentation significative du trafic internet. Privés des activités professionnelles, culturelles et sociales nécessitant l’emprunt de la voie publique ou une proximité des personnes, les individus ont subrogé celles-ci par les télécommunications informatiques. Face à ce nouveau flux intense du trafic internet, la problématique d’une congestion éventuelle des réseaux a été évoquée durant cette situation inédite. Le déplacement des activités professionnelles vers les domiciles avec le télétravail additionné à l’utilisation croissante des plates-formes d’hébergement et médias sociaux rendaient le risque d’une saturation probable. C’est pour prévenir cette potentialité que l’ARCEP s’est positionnée tant au niveau préventif que curatif : quelles attitudes employées pour éviter cette congestion et permettre un accès à l’ensemble des individus ? Que faire dans le cas d’une congestion du réseau ?

Sébastien Soriano, président de l’ARCEP, lors d’une interview accordée à France Inter le 21 mars 2020, rappelle qu’internet est « un bien commun qui nécessite un usage responsable de chacun », et qu’en l’absence d’une utilisation consciencieuse, on s’expose à ce « que certains d’entre nous soient privés de l’usage d’internet »21. Celui-ci invite donc les usagers à une responsabilisation commune passant par des attitudes à adopter : préférer les réseaux fixes car plus stables au lieu de cannibaliser le réseau 4G, éviter un usage concomitant. L’ARCEP, dans un communiqué du 19 mai 2020 adressé aux utilisateurs du réseau et intitulé « Télétravail et connexion internet », donne certaines recommandations aux travailleurs à distance pour permettre un accès continu au réseau et pérenniser l’activité professionnelle durant la crise sanitaire. On retrouve généralement des indications du même acabit que sus exposées. Il convient de séquencer ses usages notamment lorsque notre emploi des réseaux nécessite une consommation significative de bande passante. Il faut éviter que dans un même foyer familial l’on cumule dans un même temps plusieurs usages friands de cette même bande passante. L’ARCEP ne lésine pas non plus sur des recommandations d’ordre plus technique comme le positionnement de la box Wi-Fi et le paramétrage de celle-ci22. Dès lors, dans un volet plutôt préventif, l’ARCEP opte pour une responsabilisation de l’usager en communiquant un ensemble de guides promouvant un accès consciencieux et équitable aux réseaux.

Il reste cependant en suspens la question d’une congestion imminente du réseau internet. Quels comportements doivent être adoptés notamment de la part des opérateurs dans le cadre de ces circonstances spécifiques ? La réponse est donnée au niveau européen à travers la déclaration commune du 19 mars 2020 de la Commission européenne et de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (BEREC) afin de faire face à la demande accrue de connectivité du réseau due à la pandémie de Covid-19. Effectivement, la Commission ainsi que le BEREC rappellent l’effectivité de l’article 3 du règlement (UE) n° 2015/2120 qui garantit « l’accès à un internet ouvert » pour l’ensemble des utilisateurs finals. La règle de principe de l’article reste la même : « Les fournisseurs de services d’accès à l’internet traitent tout le trafic de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence ». Cependant, à l’aune de la crise sanitaire, la déclaration commune souligne la possibilité pour les opérateurs, selon le troisième paragraphe dudit article, de prendre « des mesures raisonnables de gestion ». L’objectif de ces mesures est de limiter certains trafics pour prévenir une congestion imminente du réseau. Néanmoins, la Commission et le BEREC insistent sur le fait que la mise en œuvre de ces dispositifs doit être interprétée de manière stricte. On ne peut déroger à un traitement égal des catégories équivalentes de trafic. De plus, la mesure ne peut être appliquée que si elle est objectivement nécessaire pour résoudre ou prévenir la congestion, elle ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que nécessaire.

Arnaud BONFORT

Coopération entre régulateurs (Autorité de la concurrence, AMF, ARCEP, ART, CNIL, CRE, CSA et HADOPI) – Document de travail sur le rôle des régulations dans l’urgence climatique

Le 5 mai 2020, l’Autorité de la concurrence, l’AMF, l’ARCEP, l’ART, la Cnil, la CRE, le CSA et la Hadopi ont publié un document de travail collectif montrant l’avancement de leurs réflexions sur l’évolution de la régulation face aux besoins de l’urgence climatique23. Cette recherche, débutée en 2019, marquée par les conséquences de la Covid-19 sur la réduction significative des gaz à effet de serre due à la diminution de la production mondiale, conforte les régulateurs dans leur rôle pour faire évoluer les habitudes économiques et respecter les objectifs des accords de Paris. Différents enjeux sont soulevés autour d’une diminution de l’empreinte carbone des secteurs du numérique, de l’audio-visuel, des transports mais aussi de l’industrie de l’énergie.

Le document met en avant les innovations individuelles de chacune des autorités présentant quatre grands moyens d’intervention : définir des règles d’incitation ou de bonnes pratiques environnementales, suivre et contrôler les entreprises dans leur gestion des risques climatiques, rendre des décisions ou avis en faveur d’une transition écologique, fournir des données sur l’impact des activités économiques et le climat. L’ensemble de ces moyens d’action repose sur un principe privilégié, la transmission d’informations.

Suivant ainsi la trame actée dans leur note commune sur la « régulation par la donnée », l’enjeu de l’information demeure le levier fondamental. Il se concrétise d’abord par des actions de sensibilisation et de diffusion des dispositifs incitatifs auprès des acteurs favorisant les initiatives environnementales et aidant à la prise de décision. Il se concrétise surtout par des actions directes à destination du citoyen, considéré comme l’acteur clef de la régulation. Les autorités entendent améliorer la qualité des informations et l’accès par le public à ces dernières. Cela passe par la lutte contre le greenwashing mais également par des expertises fournies directement par les autorités.

Matthieu GAYE-PALETTES

HAS – La place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en charge de la Covid-19

Le 11 avril 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé a saisi la HAS afin de « définir la place des tests sérologiques dans la prise en charge de la maladie Covid-19 ». La réponse de la HAS s’est déroulée en trois temps. Elle a d’abord publié un cahier des charges des tests sérologiques24 dans lequel elle établit les « critères de qualité et d’exigence vis-à-vis de l’ensemble des tests sérologiques détectant les anticorps spécifiques dirigés contre le SARS-CoV-2 afin de faciliter leur développement et leur évaluation ». Ensuite elle a adopté une note de cadrage25 visant à expliciter le contexte, la problématique et les enjeux de ces tests. Enfin, le collège de la HAS a validé26 le rapport d’évaluation technologique relatif à la place des tests sérologiques dans la prise en charge de la maladie Covid-19, mis à jour le 18 mai 202027.

Anna ZACHAYUS

HAS – Priorisation de l’évaluation des produits de santé

Les 17 et 20 mars 202028, prenant acte de l’évolution de l’épidémie et de la nécessité de rendre disponible les professionnels de santé, les présidents de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) et de la Commission de la transparence (CT) décident de prioriser l’évaluation des produits de santé afin de mettre en œuvre le plan de continuité d’activité (PCA) de la HAS. Les deux présidents ont ainsi établi des critères de priorisation des dossiers. Concernant la CT, les dossiers prioritaires sont d’abord ceux concernant l’évaluation d’un médicament visant à prendre en charge l’épidémie de Covid-19. La CNEDiMTS a priorisé « les dossiers de dispositifs médicaux et technologies de santé n’ayant pas d’équivalent dans la prise en charge de maladies graves ou sans alternatives qui demandent leur première inscription au remboursement ou le remboursement pour une nouvelle indication »29.

Anna ZACHAYUS

Cnil – Pseudonymisation des données de santé de la plate-forme Health Data Hub

Par une ordonnance rendue le 19 juin 202030, le Conseil d’État a rejeté en partie la requête en référé-liberté introduite contre l’arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé du 21 avril 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il enjoint néanmoins la nouvelle plate-forme de données de santé « Health Data Hub » à fournir à la Cnil, sous 5 jours, les éléments quant aux procédés de pseudonymisation utilisés pour garantir une protection suffisante des données.

L’arrêté en cause autorise la réception par la plate-forme des premières séries de données. Il accélère ainsi la mise en activité de la plate-forme, créée par la loi du 24 juillet 2019, qui doit assurer durant la période d’épidémie la mise à disposition d’une grande quantité de données médicales à destination du milieu scientifique. Il est ainsi rappelé par le Conseil d’État que l’usage des données demeure strictement limité à des projets améliorant la connaissance du virus pendant l’état d’urgence sanitaire. Ces projets d’intérêt public doivent alors recevoir une autorisation préalable par la Cnil.

Toutefois, le Conseil d’État note le risque de transfert des données de santé hors du territoire de l’Union européenne. En effet, l’hébergement des données est réalisé par la société Microsoft qui n’a théoriquement accès qu’aux données nécessaires à l’entretien technique du système. Cependant, bien que Microsoft adhère au privacy shield, invalidé ultérieurement par la décision de la CJUE du 17 juillet 2020, le Conseil d’État souligne le risque qui demeure lié à l’application du Cloud Act américain du 23 mars 2018. Ce dernier permet en effet à un juge américain de demander le transfert de toute donnée hébergée par les entreprises américaines pour les besoins d’une enquête criminelle. Si cette potentialité n’entraînait pas sous le régime du privacy shield sa qualification par le Conseil d’atteinte « grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et au droit à la protection des données personnelles », cela pourrait être mis en cause à la suite de la décision de la CJUE. En outre, ce risque justifie, au vu de l’incapacité technique du Conseil à évaluer la pseudonymisation des données, à demander une vérification par la Cnil des procédés pour assurer le respect tant du droit au respect de la vie privée que du droit à la protection des données personnelles.

Matthieu GAYE-PALETTES

2 – Interpellation et accompagnement des pouvoirs publics

CCNE – Les avis du CCNE en temps de pandémie

Lors de la pandémie de Covid-19, le CCNE a rendu trois avis31 qui permettent de repérer les enjeux éthiques de cette crise. Ces avis s’insèrent dans un contexte exceptionnel d’urgence, a priori assez peu approprié à la réflexion éthique.

Le premier avis rendu est celui du 13 mars 2020 intitulé « Enjeux éthiques face à une pandémie » et publié avant que le confinement ne soit prononcé. Le deuxième avis étudié est issu d’une question posée par le ministère des Solidarités et de la Santé à propos de l’isolement des individus hébergés dans des EHPAD ou dans des unités de soins de longue durée (USLD). Le dernier avis, publié en mai 2020 à la suite d’une saisine du Conseil scientifique de la Covid-19, interroge les enjeux éthiques du déconfinement.

Malgré la diversité des sujets abordés, on observe des thématiques récurrentes ainsi que des recommandations précises. C’est tout l’enjeu de ces publications : rappeler le caractère essentiel des grands principes éthiques tels que la solidarité, la responsabilité, la dignité humaine ou encore l’autonomie, tout en produisant des recommandations permettant leur respect.

La lecture de ces trois avis permet de dégager cinq grands thèmes : la nécessité de maintenir une société solidaire, donc responsable ; la situation sensible des personnes vulnérables ; la question des mesures privatives de libertés ; l’importance de la communication d’informations claires afin de maintenir un lien de confiance entre la société civile et les institutions, et le caractère essentiel d’une recherche scientifique éthique. Enfin, l’avis relatif au déconfinement a pu être un espace de réflexion sur la société post confinement.

Le Comité a immédiatement insisté sur la nécessité de solidarité au sein de la société. Il a alors contrecarré l’idée selon laquelle solidarité et autonomie s’opposeraient en indiquant que « la solidarité consiste à permettre au plus grand nombre de personnes d’exercer leur autonomie »32. Il a été considéré que la gestion de l’épidémie ne pouvait incomber qu’aux soignants et aux experts33.

Cette exigence de solidarité et de responsabilité est d’autant plus essentielle que le CCNE a souligné le manque endémique de moyens du système hospitalier. Il s’est à cette occasion prononcé sur une question médiatisée et sensible : celle du « tri » des patients. Il a alors rappelé que la répartition des ressources pour le soin devait se faire selon un principe de justice et que la dignité humaine n’était en aucun cas corrélée à une question d’utilité34.

L’importance d’avoir un comportement solidaire et responsable est également justifiée au regard des personnes vulnérables. La question des personnes vulnérables pour des raisons d’âge, de contexte socio-économique ou des questions de santé est restée cruciale tout au long de la crise et le demeure.

C’est pourquoi le problème de leur isolement a fait l’objet d’un avis spécifique35. Le CCNE a insisté sur la gravité d’une telle décision et a fait du maintien du lien social un composant de la dignité humaine36 qui doit être respectée à tous les instants.

Toutefois, reconnaissant que cette mesure pourrait être nécessaire, il a rappelé qu’une mesure privative de liberté devait être limitée, proportionnée et adéquate aux situations individuelles37. Ce sont donc des décisions au cas par cas, prises par des équipes interdisciplinaires qui pourront être prononcées. Le CCNE a aussi proposé des alternatives comme la séparation des bâtiments entre les personnes positives et non positives au virus, la mise en place de médiateurs avec les familles et la préservation, à tout prix, d’un espace de circulation physique38.

Dans son avis relatif au déconfinement, le CCNE met aussi en exergue que la crise sanitaire a révélé des fractures entre les populations les plus favorisées qui pouvaient avoir recours au télétravail et celles qui ont dû continuer à travailler en extérieur au péril de leur santé. Ainsi, les individus souvent vulnérables socio-économiquement le sont devenus d’un point de vue sanitaire. La santé physique et mentale des travailleurs doit alors être une priorité39.

Concernant les mesures privatives de libertés, le CCNE a rappelé qu’elles devaient être exceptionnelles et à présent essentiellement basées sur le volontariat et le consentement (réduction des déplacements, des rassemblements, port du masque, application « Stop Covid », etc.). Afin qu’elles soient acceptées et appliquées, le Comité a rappelé que leurs motifs devaient être clairement explicités40.

L’autre thématique fondamentale abordée par le CCNE est celle d’une information transparente et responsable, notamment pour maintenir un lien de confiance entre la société civile et les différentes institutions. Dès son avis du 13 mars, le CCNE a noté la défiance qui existait à l’égard des experts et a ainsi recommandé la création d’une instance mixte rassemblant experts scientifiques et membres de la société civile41 pour prendre des décisions sur les situations les plus difficiles. Dans la même dynamique, dans son avis relatif au déconfinement le CCNE a recommandé la création d’un grand débat relatif aux enjeux de la crise sanitaire42.

La pandémie a aussi souligné le rapport ambivalent que la société civile entretient avec la recherche scientifique. Le Comité a rappelé la nécessité de respecter les grands principes éthiques (notamment la non-nuisance et la bienveillance) et méthodologiques de la recherche43. À cette occasion, le CCNE a recommandé la création d’un espace de mise à disposition d’informations produites par des groupes de travail afin d’obtenir un espace consensuel qui permette clarté et confiance44.

Enfin, le CCNE est revenu sur deux conceptions de la vie qui ont semblé s’exclure au commencement de l’épidémie : la vie au sens médical du terme et la vie socio-économique. La décision du confinement général a fait de la vie au sens médical une priorité. Mais le CCNE rappelle que ces deux approches n’ont pas vocation à s’opposer. Pour combiner les deux, le CCNE préconise une réorganisation du système de santé afin d’éviter les situations dramatiques auxquelles nous avons été contraints d’assister. En ce sens, le CCNE recommande de faire une distinction nette entre une politique de santé publique axée sur la prévention afin de préserver un pan exclusivement réservé au soin et ainsi assurer l’égalité d’accès au soin45.

De façon plus prospective et dans l’éventualité d’une seconde vague, le CCNE a insisté sur l’importance d’avoir des indicateurs avec des seuils permettant l’évaluation objective d’une recrudescence des cas d’infection. Ces indicateurs devraient être adaptés aux différentes situations géographiques46.

Enfin, le CCNE considère qu’un reconfinement partiel ne devrait pas être basé sur des catégories de population, au risque de la fragmenter, mais dans le plus pessimiste des cas et en dernier recours, par zones47.

Valentine VIGNÉ

DDD – La protection des droits et libertés en temps de pandémie

Au cœur d’une crise sanitaire sans précédent justifiant l’adoption de mesures exceptionnelles pour préserver la santé de tous, le DDD réaffirme, dans l’avis n° 20-03 du 27 avril 202048, son rôle de premier garant des droits et libertés. Si l’urgence sanitaire altère le cours normal de la protection juridique, il rappelle toutefois la nécessité de ne pas succomber à l’extraordinaire de la situation. À ce titre, il attire l’attention des sénateurs, qui l’ont auditionné devant la commission des lois, sur deux grandes questions.

Protéger les libertés pendant le confinement. Premièrement, le DDD rappelle l’importance de l’adaptation par les pouvoirs publics des dispositifs de contrôle des attestations et de verbalisation aux personnes qui sont dans l’impossibilité matérielle de présenter une attestation de déplacement dérogatoire. Il recommande donc aux forces de l’ordre de privilégier la pédagogie et d’aider ces populations en situation de vulnérabilité. Par ailleurs, à l’ère du tout numérique, il lance une réflexion d’ampleur sur la dématérialisation des autorisations, car elles écartent des millions de personnes de l’accès de nombreux services publics. Également, il exprime la nécessité de favoriser, par des moyens de communication originaux, les relations entre le détenu et son entourage ou de mettre en œuvre toutes les mesures alternatives à l’incarcération. C’est aussi la raison pour laquelle il pousse à former une QPC à partir de la « théorie des circonstances particulières de l’espèce » en considérant qu’actuellement la prolongation de la détention provisoire est une mesure indifférenciée contraire aux droits fondamentaux et aux objectifs d’intérêt général visés par l’état d’urgence sanitaire. Plus encore, il s’interroge sur la légalité des rétentions qui concernent des personnes qui ont vocation à être expulsées, mais qui ne le peuvent pas du fait de l’interruption du trafic aérien.

Protéger les libertés après le confinement. Deuxièmement, l’essentiel du problème consiste, pour lui, en la préparation du déconfinement. C’est pourquoi il admet que toute mesure qui consisterait à poursuivre le confinement pour un certain nombre de personnes ne devrait être envisagée qu’assortie de conditions très strictes et d’une durée limitée. Le DDD s’appuie sur la jurisprudence de la CEDH, notamment l’affaire Enhorn c/ Suède49, pour interroger cette alternative. Il ressort de celle-ci que le placement en isolement ou une hospitalisation forcée ne peuvent être décidés que sous certaines conditions : la propagation de la maladie doit être dangereuse pour la santé publique et la détention doit constituer l’ultima ratio pour empêcher la propagation de la maladie. Dès lors, les autorités devront démontrer que des mesures moins sévères ont été envisagées, mais qu’elles se sont avérées insuffisantes pour protéger la santé publique. Comme toujours, la mesure doit être nécessaire dans les circonstances actuelles et conforme au principe de proportionnalité. Si cette condition est remplie, la mesure ne devrait durer que le temps strictement nécessaire à la poursuite de l’objectif de la guérison du patient et la fin de la période de contamination. En outre, concernant l’application « Stop Covid », il a exprimé ses doutes quant au respect de la vie privée, puisque cette application laisse entrevoir un système de surveillance sociale générale. Il insiste sur le fait que l’application d’une telle mesure doit se faire sur la base du volontariat, que les données recueillies ne remontent pas dans une base centrale, qu’elles soient très clairement supprimées à la fin des circonstances qui conduisent à la mettre en œuvre et que le dispositif fasse l’objet d’une information importante.

Thomas ESCACH-DUBOURG

CNCDH : état d’urgence sanitaire et interpellation des pouvoirs publics

Le confinement lié à la crise de la Covid-19 ainsi que, plus généralement, les différentes mesures de l’état d’urgence sanitaire (EUS) ont été une période de mise à rude épreuve des droits fondamentaux. En miroir, la CNCDH a vu pendant ces quelques mois une forte augmentation de sa production d’avis, de déclarations et de communiqués. Outre l’observatoire de l’EUS et du confinement, la CNCDH a aussi été amenée à se prononcer sur différents éléments relatifs à l’EUS et à ses mesures, de sa naissance à la loi relative à sa sortie. Sans analyser le détail de tous ces éléments50, il est possible d’en montrer les traits saillants.

Ab initio, c’est par une lettre ouverte que le président de la CNCDH s’est adressé au Premier ministre. Sans en contester le principe, divers points du projet sont analysés et soumis à recommandations. La lettre insiste ainsi sur la nécessité pour l’EUS de parfaitement respecter les droits fondamentaux et la démocratie, notamment à travers une définition stricte des évènements permettant sa mise en œuvre et des modalités strictes concernant sa fin. Le rôle que le Parlement doit conserver est souligné.

Quelques semaines plus tard, la CNCDH a par ailleurs rendu un avis relatif à l’EUS et à l’état de droit. Elle y souligne notamment la mise en cause de l’équilibre des pouvoirs puisque le gouvernement et l’Administration récupèrent de larges attributions et que le Parlement, bien que siégeant, ne le fait qu’en comité réduit, ce qui affaiblit les mécanismes de contrôle des mesures. La modification des délais de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et l’indigence de la motivation de la décision n° 2020-799 DC du 26 mai 2020 est également critiquée. De manière générale, la réduction du fonctionnement des juridictions est soulignée et spécifiquement celui de la Cour nationale du droit d’asile. La CNCDH se montre également critique des décisions des juridictions administratives qui font, et continueront de faire après l’avis, prévaloir l’urgence sanitaire sur la protection des droits fondamentaux.

Au moment de la discussion de la loi relative à la prorogation de l’EUS, la CNCDH a rendu un communiqué de presse relatif aux modifications apportées par le Sénat et jugées insuffisantes. Les mesures supprimées concernaient l’allongement automatique des délais de détention provisoire ainsi que l’élargissement des personnes habilitées à constater les infractions spécifiques à l’EUS. La CNCDH note toutefois que par principe, la privation de liberté doit toujours être strictement encadrée. Les mesures de quarantaine et d’isolement, pour respecter les droits fondamentaux, doivent ainsi être strictement encadrées et limitées. La CNCDH souligne ainsi la nécessité de l’intervention d’un juge, ce qui découle de l’article 66 de la Constitution. La création de fichiers spécifiques est également critiquée par la CNCDH puisque ces fichiers contiennent des informations médicales sans le consentement des personnes, alors que les données de contamination peuvent être anonymisées.

Par la suite et le même jour, la CNCDH a rendu un avis et un communiqué relatifs à la prorogation de l’EUS. Dans son long avis sur la prorogation de l’EUS, la CNCDH revient sur certains points déjà évoqués et en ajoute d’autres, tout en formulant 11 recommandations. Elle souligne ainsi l’atteinte tant aux libertés publiques qu’aux droits sociaux puisque le droit du travail a été « assoupli », mais également la problématique de l’organisation de la justice ainsi que celles posée par les systèmes de traitement de données spécifiques à la Covid-19 et par l’application « Stop Covid ». La CNCDH recommande d’ailleurs à ce propos une réévaluation périodique de l’efficacité de telles mesures.

Le communiqué est plus général. Il résume l’avis, mais sous un angle plus directement critique. La CNCDH juge ainsi sévèrement l’EUS et sa prorogation en appelant à la suppression des restrictions aux droits fondamentaux lorsque celles-ci ne sont pas proportionnées et spécifiquement adaptées à la lutte contre l’épidémie. Elle souligne également la nécessité d’arrêter les atteintes aux droits sociaux et de la reprise du fonctionnement normal des juridictions. Concernant les systèmes d’information spécifiques à la Covid, elle appelle à fournir des garanties supplémentaires afin de protéger les droits fondamentaux.

La sortie de l’EUS n’a toutefois pas été la fin des atteintes aux droits et libertés. Comme le souligne la CNCDH dans un communiqué de presse, « les menaces sur les droits et libertés perdurent ». La loi de sortie de l’EUS visait en effet à normaliser certains éléments du régime de l’EUS, ce qui par ailleurs devient une fâcheuse tendance des régimes d’exception que de finalement rentrer dans le droit commun.

Enfin, la CNCDH a rédigé une déclaration générale relative au projet de loi de sortie de l’EUS, à un moment où la loi n’était pas encore entièrement adoptée. Consciente des risques sanitaires encore présents, la CNCDH note néanmoins la nécessité d’une protection des droits fondamentaux, en renvoyant notamment à son avis du 26 mai. Véritable « régime d’exception transitoire » qui tait son nom, la sortie de l’EUS donne encore de larges pouvoirs à l’exécutif. Le risque est alors à la restriction des droits fondamentaux par décrets ou arrêtés, avec par ailleurs des juridictions administratives plutôt frileuses lorsqu’il s’agit de faire primer les droits fondamentaux constitutionnels ou conventionnels sur les mesures sanitaires.

Cette forte activité de la CNCDH, qui ne semble pas véritablement avoir été écoutée, ne doit pas pour autant simplement servir comme un recueil historique des violations systémiques que l’EUS aura pu engendrer. Si l’épidémie de Covid-19 venait à reprendre, ou en cas de réactivation de l’EUS pour d’autres motifs, les observations de la CNCDH durant cette crise seront un guide utile pour qui voudra faire primer le respect des droits fondamentaux.

Sacha SYDORYK

CGLPL – L’interpellation des pouvoirs publics face à la crise sanitaire dans les lieux de privation de liberté

Dans la même lignée que celle adoptée par le DDD, la CGLPL est intervenue sur plusieurs plans dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Les modalités des interventions de l’AAI et le déploiement de ses compétences durant la crise ont ainsi été recensés dans le rapport du 2 juillet 2020 intitulé « Les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire ».

Par le biais de courriers, rendus publics « compte tenu de l’urgence »51 et lui permettant de confronter directement et publiquement les responsables politiques de la gestion de la crise, elle a ainsi formulé un certain nombre de critiques et de recommandations, tant pour la gestion de la crise elle-même que pour le futur.

Trois axes apparaissent clairement : le cas de personnes détenues, le cas de personnes retenues, et le cas de personnes en établissement de soins psychiatriques.

Pour les personnes détenues, deux courriers ont été adressés à la garde des Sceaux, respectivement les 17 mars et 5 mai 202052. Le premier, au lendemain de l’annonce du confinement, attire l’attention de la ministre sur un phénomène loin d’être récent mais qui a pris une ampleur particulière en raison même desdites mesures : la surpopulation carcérale, dans un moment où les recommandations scientifiques établissaient clairement la nécessité de mettre en œuvre des mesures de distanciation physique, ce problème prenait une tournure extrêmement grave. De surcroît, la suspension des droits de visites familiales et des parloirs avec les avocats est venue aggraver des conditions de détention déjà très précaires. La réaction de la CGLPL n’est pas surprenante puisqu’elle demande une réduction des effectifs et une facilitation de la communication dématérialisée. L’utilisation de la publicité des échanges est ici intéressante, puisqu’il s’agit bien évidemment d’une tentative, si ce n’est de pression, a minima d’information de la population de la catastrophe sanitaire rampante dans les lieux de privation de liberté.

Le second courrier, qui intervient sur la fin du confinement, complète le premier en déployant une vision à plus long terme : la population carcérale a effectivement diminué pendant le confinement (avec des variations en fonction du type de lieu et de la localisation de l’établissement), et la CGLPL plaide pour que cette mouvance soit poursuivie, en conformité avec les droit national et international (et notamment européen), en utilisant et en développant, à l’instar de nos voisins européens, d’autres méthodes53 et en réformant une partie de la procédure pénale54 par exemple.

Pour les personnes retenues, deux courriers ont été adressés au ministre de l’Intérieur. Le premier, en date du 17 mars 2020, reprend pour partie celui adressé à la garde des Sceaux le même jour quant au contexte et à la surpopulation et développant (à l’instar du DDD) l’argument de la réduction des vols internationaux, impliquant mécaniquement une impossibilité quasi-totale de mise en œuvre des mesures d’éloignement. Elle demande en conséquence une fermeture des CRA (recommandation qui ne sera pas suivie). Dans un second courrier du 20 avril, elle rebondit sur les cas positifs à la Covid-19 détectés en CRA, et dénonce, en collaboration avec le DDD, une situation sanitaire catastrophique dans certains CRA, rendant les conditions de vie en leur sein incompatibles avec les droits et libertés fondamentaux, et réitère « avec fermeté »55 sa demande de fermeture des CRA (restée lettre morte).

Enfin, le 27 mars 2020, elle adresse au ministre des Solidarités et de la Santé un courrier à propos de la situation particulière des établissements de soins psychiatriques, attirant son attention à la fois sur les problèmes classiquement rencontrés par le secteur hospitalier dès le début de la crise (manque de moyens, manque de fournitures, etc.) mais aussi sur le cas particulier des malades soignés, qui risquent (malheureusement sans surprise) de souffrir particulièrement de la situation de confinement, peu compatible avec les soins spécifiques qu’implique le traitement de ces maladies, voire incompatibles avec celui-ci. L’autre risque soulevé par la CGLPL, et commun à toutes les personnes privées de liberté (qu’elle qu’en soit la raison), consiste en une diminution de la protection des droits et libertés fondamentaux de ces personnes, de façon mécanique : du fait de leur situation particulière, le confinement a eu nécessairement des conséquences bien plus graves. Plus particulièrement dans le cas d’individus souffrant de troubles mentaux, et pour certains cumulant plusieurs types de privation de liberté, une telle diminution serait encore moins acceptable. La CGLPL met ainsi en garde le ministre contre de telles dérives.

Gaëlle LICHARDOS

II – La protection des droits et libertés par les AAI en état d’urgence sanitaire

La crise sanitaire a contribué à aggraver la vulnérabilité de certaines personnes, notamment les enfants, les personnes privées de libertés ou les usagers du système de santé. Les AAI se sont attachées à protéger ces personnes tout en identifiant des vulnérabilités spécifiques liées à l’épidémie de Covid-19 (A). Elles ont également continué à œuvrer pour la lutte contre les discriminations et l’accès aux droits et aux services publics en dépit des mesures de confinement (B) et ont porté leur attention sur la protection des données personnelles, sujet sensible en temps de pandémie (C).

A – La protection des personnes en situation de vulnérabilité

1 – La protection de l’enfance et situations de vulnérabilité familiale

DDD – Crise sanitaire et droits de l’enfant

S’il est une question qui a pu inquiéter le DDD durant la crise sanitaire, c’est bien celle des droits de l’enfant. En effet, celui-ci a reçu 127 saisines mettant en cause ses droits en lien avec la crise sanitaire56. C’est ainsi qu’il est venu les rappeler ou bien les préciser, tant pour la période de confinement que celle du déconfinement.

Privilégiant la voie médiatique, il s’agissait surtout pour le DDD d’affirmer que, durant la période d’urgence sanitaire, les droits de l’enfant restent une priorité et qu’une attention particulière doit être portée aux victimes de violences rendues invisibles par l’absence de vie sociale. Dans un communiqué du 20 mars, le DDD et la Défenseure des enfants en appelaient d’ailleurs à la responsabilité collective incitant à signaler aux numéros d’urgence toute situation préoccupante concernant un enfant. S’il fallait poursuivre la lutte contre les violences familiales, le DDD souhaitait également souligner l’importance de veiller au bien-être et à l’épanouissement des enfants. C’est ainsi qu’il a pu mettre l’accent sur la création de la plate-forme Enfance et Covid pour accompagner professionnels et parents mais aussi informer de leurs droits les enfants57. Il s’agissait de soutenir les familles dans la mise en place de l’école à la maison, le télétravail et la cohabitation – rendue obligatoire par le confinement.

Cependant, le DDD ne s’en est pas tenu aux seuls enfants confinés en famille. Il a porté une attention particulière au respect des droits des enfants pris en charge en protection de l’enfance, des mineurs non accompagnés ou séparés de leurs familles – il s’agissait d’enfants restés en dehors du territoire national. Surtout, il rappelait que 82 % des mineurs en détention provisoire étaient sans possibilité de visite ni de scolarisation. Cette situation d’isolement total l’a conduit à insister pour que soient mises en œuvre des alternatives à l’incarcération58. Par ailleurs, le DDD a souhaité depuis le début des mesures de déconfinement pour « attir[er] l’attention de la direction pénitentiaire sur la nécessité de faciliter les parloirs des familles et enfants de personnes détenues »59 afin que puisse s’exercer le droit de visite d’un parent en prison.

Avec cette crise sanitaire sans précédent, la question du retour à l’école des enfants est vite survenue. Outre son scepticisme à l’égard du retour à l’école sur la base du volontariat60 et son attachement à justifier l’importance d’une reprise rapide61, le DDD s’est arrêté sur deux points cruciaux :

  • d’abord, la mise à l’écart dans certains établissements des enfants de parents exerçant une profession médicale. Placés dans des groupes distincts des autres élèves, parfois affectés dans des établissements scolaires accueillant exclusivement des enfants de soignants, cette situation a pu remémorer certaines affaires qu’a eu à connaître le DDD62. Chargé de lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité, il affirme qu’il ne saurait y avoir de différence de traitement au sein du système éducatif63.

  • ensuite, le ton excessivement anxiogène de certaines consignes adressées par les établissements scolaires dans le cadre du déconfinement. Le DDD rappelle que « les dispositions spécifiques concernant les enfants dont les parents sont soignants vont au-delà du protocole sanitaire prévu par la circulaire du 4 mai 2020 relative à la réouverture des écoles et des établissements scolaires »64. Il en appelle aux observations rapportées par la Société française de pédiatrie pour démontrer le caractère fortement anxiogène de telles mesures pour les enfants65. Soulignant l’importance de renouer avec leur milieu scolaire d’origine et retrouver une certaine continuité pédagogique, le DDD conclut que « la prise en compte de l’intérêt supérieur [de l’enfant] commande un discours public apaisant et cohérent à tous les niveaux »66. Il enjoint donc le ministère de l’Éducation nationale à intervenir auprès des services départementaux afin que la reprise s’effectue dans une attitude bienveillante envers tous les élèves.

Pour finir, la crise a mis en difficulté certaines familles monoparentales du fait du refus d’accès d’enfants dans les supermarchés. Avant tout, le DDD a rappelé sa mission de « contrôle du respect de la convention internationale des droits de l’enfant en France [selon laquelle] les enfants ont le droit d’être protégés contre toute forme de violence »67. Toujours afin de lutter contre les discriminations, il a précisé qu’« il est illégal d’interdire l’entrée d’un magasin aux personnes accompagnées d’un enfant ou d’exiger qu’elles laissent l’enfant au niveau des caisses ou à la garde d’un vigile»68. Le DDD a ensuite affirmé que ce refus ne faisait pas partie des mesures prises par l’État pour lutter contre la propagation du virus. À la suite de son alerte, le secrétariat d’État chargé de l’Égalité femmes-hommes et de la Lutte contre les discriminations a mis en place un dispositif de réclamation sur une adresse de messagerie dédiée.

Clothilde COMBES

2 – La protection des personnes privées de liberté

Le DDD et les centres de rétention administrative en situation de crise sanitaire

La crise mondiale qui a marqué le début de l’année 2020 restera à n’en pas douter dans les mémoires comme l’une des pires qu’ait connues le monde moderne, d’un point de vue sanitaire bien sûr, économique évidemment mais aussi sur la question de la protection des droits et libertés fondamentaux, et notamment du point de vue des personnes en situation de vulnérabilité.

Si l’on a longuement évoqué certaines catégories comme devant faire l’objet de mesures spécifiques (personnes âgées, individus souffrant de maladies chroniques, femmes enceintes, etc.), les conditions d’existence des personnes sous le contrôle exclusif de l’État sont restées largement ignorées du grand public, dans une indifférence générale frôlant la négligence.

D’aucuns ont pourtant tenté d’alerter et de protéger ces personnes ainsi que les individus les encadrant : le DDD, d’une part, et, le CGLPL, d’autre part.

À la suite de la saisine par une association du DDD sur la question de la « légalité du maintien en activité des centres de rétention administrative des étrangers »69 eu égard à la crise sanitaire mondiale, celui-ci s’est prononcé dans une décision du 25 mars 2020 en portant un certain nombre d’observations devant le juge des référés70. Il a, à ce titre, présenté trois séries de réflexions, la troisième étant en réalité une conséquence des deux premières.

Il met ainsi en avant, d’une part, la « situation de danger pour les retenus comme pour le personnel intervenant en centre de rétention administrative »71, et, d’autre part, le fait qu’eu égard au contexte spécifique lié à la crise et à la quasi-impossibilité d’appliquer les mesures d’éloignement du territoire, la rétention était désormais « privée d’objet et de ce fait dépourvue d’utilité et de base légale »72. Ce contexte particulier aboutit in fine selon lui à « une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux »73, entre autres sur les questions cruciales du droit à la vie, à la protection de la santé, mais aussi au respect de délais raisonnables.

Par la suite, le 17 avril 2020, le DDD a de nouveau pris une décision à la suite de « la dégradation des conditions sanitaires et sécuritaires » au sein des centres de rétention administrative74 et à la contamination avérée d’individus retenus et de personnels encadrant dans deux centres, et a recommandé « la fermeture immédiate de tous les CRA encore en activité »75 ou l’arrêt des placements en rétention et l’amélioration des mesures de protection des retenus et des personnels.

Dès les premières lignes de la décision, le DDD rappelle fermement qu’il a alerté précédemment sur la situation critique des CRA, conjointement avec le CGLPL et le président de la CNCDH, et qu’ils avaient appelé, dès le 21 mars, à la fermeture des centres76 et qu’en substance, non seulement ils n’ont pas été entendus, mais la situation s’est encore dégradée. Le DDD met en avant la « persistance des placements en rétention malgré la situation d’urgence sanitaire et l’absence de perspective d’éloignement à court terme »77 ainsi que la « dégradation préoccupante des conditions sanitaires et sécuritaires au sien des CRA »78 en se basant notamment sur l’exemple du CRA de Vincennes. Il met par ailleurs en garde sur les conditions d’existence au sein d’un autre CRA, jugeant « dangereuse pour la santé des étrangers et des personnels »79 une option de report des placements dans ce lieu.

Pour l’ensemble de ces raisons, et en maintenant les éléments de ses observations du 25 mars, le DDD monte d’un cran sur la jauge de tension liée à la gestion de la crise de la Covid-19 en recommandant une fermeture immédiate de tous les CRA ou un ralentissement très important de leur activité.

Gaëlle LICHARDOS

CGPL : « les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire »

La contrôleure des lieux de privation de liberté a publié le 2 juillet 2020 un rapport sur « Les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire » dans lequel elle revient sur les actions et constats de l’institution pendant la période de confinement sanitaire (du 17 mars au 2 juin 2020) dans les différents lieux de privation de libertés. Cette chronique se concentre sur les constatations et recommandations du CGLPL portant sur les établissements pénitentiaires, les établissements de santé mentale, les centres de rétention administrative et les zones d’attente.

Les établissements pénitentiaires. La CGLPL brosse un portrait en demi-teinte de la gestion de la situation de la population carcérale pendant cette période. Au 22 mai seulement 121 cas de Covid-19, dont 25 parmi les personnes détenues, comprenant à la fois les cas symptomatiques et les cas confirmés, et un décès, sont dénombrés. L’isolement drastique des établissements pénitentiaires – par la suppression des visites, l’instauration du régime « portes fermés » dans les maisons d’arrêt et de zones de confinement pour les personnes atteintes de la Covid-19 et la distribution de masques ffp2 au personnel –, ont certainement été déterminants. Mais cet isolement est jugé souvent excessif par la contrôleure, privant les personnes détenues d’activités, dégradant leurs liens avec leur famille ou leur droit à la défense alors même que des mesures moins attentatoires auraient pu être prises (la distribution de masques aux personnes détenues ou le maintien des activités individuelles par exemple).

L’autre point soulevé dans le rapport concerne la possibilité d’abaisser le taux d’occupation globale des prisons françaises à leur capacité d’accueil, et même en dessous. En effet au 1er juillet 2020 on dénombrait 58 695 détenus contre 72 400 au 1er mars. Ces chiffres masquent des disparités, certains établissements maintenant leurs taux d’occupation à 150 % pendant la période du confinement, et concernent surtout les maisons d’arrêt et quartiers de maisons d’arrêt. Cependant cette baisse s’explique par la politique volontariste de certains parquets et juges de l’application des peines (JAP) pour faire bénéficier les personnes condamnées d’un octroi au moins partiel de remises de peine et d’aménagement de leur peine, par l’application des mesures de l’ordonnance du 25 mars80 et une diminution de l’activité pénale (le nombre d’écrous par jour a fortement baissé, de 80 en moyenne en juin contre 215 avant la mi-mars). La diminution de la population carcérale a néanmoins été limitée, d’une part, du fait l’allongement automatique des délais maximaux de détention provisoire en matière correctionnelle comme criminelle, et, d’autre part, en raison de l’éviction des auteurs de certaines catégories d’infractions du champ des dispositions de l’ordonnance du 25 mars.

C’est dans cette perspective que le CGLPL recommande « qu’un mécanisme obligatoire de régulation carcérale soit défini par la loi, car l’année qui vient de s’écouler a montré que les mesures purement incitatives sont sans portée. Il s’agit d’instituer dans chaque juridiction un examen périodique et fréquent (chaque semaine ou chaque quinzaine en fonction des conditions locales) des situations de la population pénale afin de gérer les incarcérations et les aménagements de peine de manière individualisée, mais en veillant à ce que le taux d’occupation d’un établissement ne dépasse jamais 100 %. Cette régulation devra s’appuyer sur une détermination réglementaire de la capacité des établissements pénitentiaires conforme aux recommandations du comité de prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe ».

Les établissements de santé mentale. Le CGLPL constate que pendant cette période les droits des patients ont connu des restrictions, sans lien avec leurs troubles psychiatriques, notamment en ce qui concerne leur liberté d’aller et venir, leurs relations familiales et surtout l’exercice de leur droit à la défense : en effet, dans la plupart des cas, ils n’ont pu rencontrer ni le juge des libertés et de la détention, ni même leur avocat. La contrôleure demande que l’utilisation contrainte de la visio-consultation par des équipes de soins – qui y sont hostiles – et de la visio-conférence de façon dérogatoire pour la réalisation des audiences avec le juge des libertés et de la détention ne soit pas pérennisée81.

Le CGLPL a été à deux reprises confronté à la question d’un enfermement abusif pour contraindre des patients au respect des règles du confinement : dans le premier cas à la suite d’une question posée par un comité d’éthique, dans le second cas lors du constat, dans un autre établissement, de l’enfermement des patients quel que soit leur statut d’admission. La contrôleure a clairement condamné ces pratiques qui constituent un détournement de procédure. Le constat effectué a conduit à la publication de recommandations en urgence le 19 juin 202082. Le CGLPL relève que « la diminution observée des admissions sous ce régime lors du confinement pose la question de la justification du nombre de ces admissions en temps ordinaire. Le constat de cette diminution constitue un argument supplémentaire en faveur de l’analyse critique qui doit être portée sur les processus d’admission en soins sans consentement ».

Les centres de rétention administrative et les zones d’attente. De mars à juin 2020, nombre de zones d’attentes (ZA) ont été fermées concomitamment à la mise à l’arrêt des aéroports concernés. Cependant, l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle ayant maintenu son activité dans trois terminaux sur neuf, sa ZA a continué à fonctionner. Ainsi, en raison de l’annulation de leur vol, des passagers qui n’avaient pas l’intention d’entrer en France ou que l’état d’urgence sanitaire rendait non admissibles sur le territoire se sont retrouvés captifs de l’aéroport, dans des conditions sanitaires et d’hébergement alarmantes. De plus ces personnes n’ont pas été regardées comme relevant d’une situation de « transit interrompu » au sens de l’article L. 221-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne n’aurait pas « refusé de les embarquer » mais remis leur vol à une date indéterminée.

Par ailleurs, de nombreux centres de rétentions administratifs (CRA) ont été mis en sommeil ou vidés pendant la période. Cependant, 12 d’entre eux – ceux de Bordeaux, Lyon, Mayotte, Mesnil-Amelot, Oissel ou encore Toulouse – sont restés actifs. Les personnes retenues ont ainsi été contraintes de partager les lieux de vie collective, rendant impossible tout isolement conforme aux consignes sanitaires. L’état d’urgence sanitaire a aggravé les atteintes portées à leur dignité du fait de la vétusté de certains CRA et notamment de leurs équipements sanitaires. La mise à disposition de gel hydroalcoolique et de spray désinfectant aux personnes retenues n’a été signalée que dans un seul CRA et aucun masque n’a été distribué avant mai.

Enfin, le CGLPL regrette le maintien en activité de ces lieux de rétentions pendant cette période alors même que leur base légale était « fragilisée » – puisque ces mesures de rétention ne sont autorisées par la loi qu’afin de permettre l’éloignement des personnes en situation irrégulière – dans un contexte d’interruption du trafic aérien et de fermeture des postes consulaires étrangers. Ainsi, elle conclut que « ces mesures de rétention n’auraient donc pas dû être prononcées ni maintenues, a fortiori en l’absence de comparution normale devant un juge. À tout le moins, des assignations à résidence pouvaient être privilégiées. Ainsi, les durées de rétention ont été inutilement longues, dans des conditions qui ne permettaient nullement aux personnes retenues comme aux agents de police et aux autres intervenants de se prémunir efficacement d’une contamination ».

Hugo AVVENIRE

3 – La protection des malades

HAS – La protection des usagers et des professionnels du système de santé

Si une grande partie des documents produits par la HAS dans le cadre de l’épidémie concerne la prise en charge et le suivi des patients atteints de la Covid-1983, certains documents concernent les patients non atteints de la Covid-19 et les professionnels de santé.

Les maladies chroniques ont fait l’objet du plus grand nombre de publications84 ; les patients atteints de maladies chroniques en question étant particulièrement exposés à des formes graves de Covid-19. Dans les domaines de la santé mentale, du social et du médico-social, c’est la « vulnérabilité »85 des personnes qui a justifié la publication des réponses rapides. La Commission de l’évaluation et de l’amélioration des établissements et services sociaux et médico-sociaux (CSMS) s’est par exemple auto-saisie pour mener des travaux relatifs à l’épidémie86. Elle a notamment formulé des recommandations dans le but d’assurer l’« exercice concret des droits fondamentaux »87 dans l’accompagnement des personnes.

En matière de santé mentale, la HAS a adopté des réponses rapides visant à assurer la continuité des soins88 pendant la période de confinement et dans la période post-confinement, à renouer avec la prise en charge en présentiel tout en maintenant dans certains cas la prise en charge à distance89.

La prise en charge et le suivi des grossesses ont également été des domaines de publication de la HAS. Cette dernière a répondu favorablement à l’extension du délai de recours à l’IVG médicamenteuse à la huitième et à la neuvième semaine d’aménorrhée hors milieu hospitalier en considérant qu’elle permet « de garantir une réponse aux demandes d’IVG, dans des conditions ne conduisant pas à dépasser les délais légaux d’IVG, tout en limitant les expositions des patientes et des professionnels à la Covid-19, et en ménageant les ressources des établissements de santé »90.

Par ailleurs, le Conseil pour l’engagement des usagers de la HAS, dans le cadre de sa mission de promotion de « l’engagement des patients et des personnes accompagnées au sein du système de santé, sanitaire, médico-social et social » a formulé cinq recommandations91 concernant notamment la mobilisation des outils de démocratie en santé et la coordination du parcours de soins.

Enfin, la HAS a recommandé qu’une attention particulière soit portée à la souffrance des professionnels de santé92 et qu’une fois détectée, des solutions soient proposées pour améliorer les conditions de travail.

Anna ZACHAYUS

4 – La protection des personnes en situation de vulnérabilité économique

La crise sanitaire due à la propagation de la Covid-19 et le confinement associé ont eu des conséquences graves pour les finances publiques mais également pour les finances privées des entreprises et des ménages. Ils ont entraîné une dégradation des conditions de vie et de l’accès aux droits notamment pour les populations précaires, les inégalités sociales ayant été exacerbées par la crise sanitaire. Le Défenseur des droits (DDD) ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ont ainsi émis des recommandations pour éviter que les personnes ne se retrouvent en situation de vulnérabilité économique que cela concerne les moyens de communication, l’alimentation, le logement ou le travail.

Tout d’abord, dans une communication du 7 avril 2020, le DDD a émis des recommandations afin d’éviter que le confinement ne cause aux citoyens isolés en situation de précarité économique des difficultés de communication dues à des abonnements téléphoniques à moindre coût (2 €) devenus insuffisants pour couvrir des besoins amplifiés par l’isolement. Il recommande ainsi que ces « abonnements téléphoniques (…), souscrits par les foyers les plus précaires, [soient] portés à une durée illimitée pendant toute la période du confinement afin de leur permettre de joindre les services de santé ainsi que leurs proches ». Pour ce faire, il demande au ministre de l’Économie et des Finances d’intervenir dans ce sens auprès des différents opérateurs téléphoniques.

La CNCDH est également intervenue par le biais de la mise en place d’un observatoire de l’état d’urgence sanitaire analysant les atteintes aux droits et libertés causées par le confinement et les diverses mesures restrictives associées. Une fois les violations constatées, la CNCDH produit des recommandations à destination des pouvoirs publics au moyen d’une lettre hebdomadaire.

La lettre n° 1 du 6 avril 2020 aborde le nécessaire soutien aux populations les plus vulnérables. La Commission regrette que la situation sanitaire n’ait pas été prévue en amont notamment afin d’anticiper l’impact ressenti par les personnes les plus précaires. En effet, les mesures prises, pensées dans l’urgence, prennent comme cadre de référence « une certaine catégorie de citoyens – salarié, vivant en couple ou en famille, ayant accès à internet et maîtrisant bien la langue française » ; or cela ne reflète pas la diversité de la population française et tend à exclure certaines catégories de personnes (population précaire, handicapés, étrangers) pour lesquelles l’accès aux droits (logement, soins, justice, éducation) est déjà compliqué en temps normal. Même si quelques mesures ont déjà été prises par les pouvoirs publics, la CNCDH recommande de mettre en place une cellule de crise sur la situation des personnes migrantes afin de maintenir une protection minimale et favoriser leur hébergement ainsi que leurs démarches administratives. Elle souhaite également que les pouvoirs publics permettent aux associations d’assurer la sécurité de leurs bénévoles en leur fournissant notamment le matériel nécessaire. Elle préconise enfin de clarifier la communication gouvernementale sur toutes les mesures – sanitaires (conseils de prévention) et sociales (aides disponibles) – liées à l’état d’urgence afin de la rendre accessible à tous. La Commission recommande en outre de mettre en place une aide – notamment alimentaire – pour les plus démunis. La lettre n° 4 du 24 avril 2020 évoquant les personnes en situation de pauvreté complète cette dernière recommandation par la nécessité, en Outre-mer, d’une fixation des prix des denrées de base par les préfets. Elle préconise également de verser une prime de confinement aux destinataires des minimas sociaux et de rendre gratuite la communication téléphonique avec les services publics (CAF, CPAM).

La lettre n° 3 du 21 avril 2020 aborde plus spécifiquement le problème du logement en période de confinement. La CNCDH constate que 4 millions de personnes sont mal-logées. Le confinement comporte ainsi des risques accrus pour la santé physique et psychique de ces personnes, d’autant plus qu’il augmente considérablement leurs charges et les place dans une situation de vulnérabilité économique. La CNCDH recommande alors de tenir compte de leur situation particulière de vulnérabilité dans l’application des modalités du confinement en mettant à leur disposition un abri digne par réquisition de locaux vacants. La Commission évoque les cas de promiscuité, d’absence d’accès à l’hygiène ou de violences familiales. Elle demande également un prolongement de la trêve hivernale, l’interdiction des expulsions de campements ou bidonvilles sans proposition de relogement adapté ainsi qu’un accès effectif à l’eau potable, à des sanitaires ainsi qu’aux services essentiels (alimentation, soins médicaux notamment pour les enfants et nourrissons) pour les personnes logeant dans ces campements. Elle recommande enfin aux pouvoirs publics d’inciter les bailleurs à aménager ou différer les paiements des loyers, des prêts ou des emprunts hypothécaires.

La lettre n° 6 du 14 mai 2020 évoque la protection des travailleurs à travers leurs conditions de travail difficiles (travail sur site dans des conditions dégradées ou télétravail imposé, horaires modifiés sans accord préalable, congés imposés, etc.), une protection insuffisante et des contrôles limités de l’inspection du travail, ainsi que l’insuffisance des aides mises en place pour couvrir toutes les catégories de travailleurs. La lettre précise que « les personnes vulnérables avant la crise le sont toujours, mais celle-ci a aussi vu l’apparition de “nouveaux vulnérables” parmi lesquels les personnes qui ne peuvent plus travailler, ou celles qui sont contraintes de le faire dans des conditions dégradées » ; c’est pour cela que la CNCDH recommande de renforcer le dialogue social dans les entreprises ainsi que les contrôles de l’inspection du travail. Elle préconise également quelques réflexions sur le système d’assurance chômage, d’une part, et sur les conséquences psychosociales et économiques des mesures prises pendant la crise sanitaire et notamment du télétravail sur les travailleurs, d’autre part, en insistant sur l’impact que ces diverses mesures peuvent avoir sur les inégalités femmes-hommes.

Valérie PALMA-AMALRIC

B – La lutte contre les discriminations et pour l’accès aux droits

DDD – Le rapport « Discriminations et origines : l’urgence d’agir » de juin 2020

Le dernier rapport du DDD sous la présidence de Jacques Toubon a été publié le 22 juin dernier. Ce rapport passionnant et pédagogique de plus de 80 pages revient sur la question des discriminations de l’année écoulée. Il indique qu’il y aurait eu une amplification du racisme et des discriminations à l’occasion de la période de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Le rapport se présente en trois parties distinctes dont l’une constate d’abord le phénomène des discriminations, présenté comme d’« ampleur », « connu » et « aux effets délétères ». Il analyse ensuite les réponses actuelles, en présentant « les écueils », estimant notamment les politiques publiques en la matière comme « minimales » et la réponse contentieuse « limitée ». Il propose enfin des leviers d’action autour de la question de la connaissance de ces phénomènes et de l’action des organisations collectives.

Dans son introduction, le DDD estime d’emblée que « la crise sanitaire (…) a suscité des actes particulièrement préoccupants de stigmatisation à l’encontre de certains groupes perçus comme responsables ou vecteurs de la pandémie ». Un encart traite de la hausse du racisme et des discriminations à l’encontre des personnes d’origine asiatique, ou perçues comme telle, dans le contexte épidémique en s’appuyant notamment sur les données collectées par l’association des jeunes chinois de France. Le DDD relate aussi le lancement des deux projets en avril 2020 par l’Inserm et la DRESS qui ont pour « objectif d’éclairer les enjeux épidémiologiques et sociaux de l’épidémie ». Deux autres projets de même nature, EpiCOV et SAPRIS permettront, selon lui, « de mettre en lumière la surexposition et la surmortalité de certains groupes sociaux à la Covid-19, notamment les personnes résidant dans les quartiers populaires et les populations issues de l’immigration ».

Ce rapport, qui reprend la ligne impulsée par Jacques Toubon à propos des notions de « discriminations systémiques » et de celle d’« intersectionnalité », largement utilisées ici, sans être véritablement questionnées, interroge les méthodes du DDD dans la lutte contre le racisme et les discriminations.

Tout d’abord, ces notions, si elles sont régulièrement utilisées par certaines instances internationales telle que le comité des droits de l’Homme de l’ONU, font néanmoins l’objet, en France et dans le monde académique, d’un débat tant sociologique que juridique. Ensuite, ces notions reposent souvent sur les ressentis et les témoignages de personnes s’estimant victimes de racisme et de discriminations, recueillis par des associations de défense communautaire, religieuses et/ou ethniques, sans qu’il ne soit toujours réalisé de véritables enquêtes prouvant ou non la matérialité de ces faits délictueux. Le même questionnement porte sur la mise en avant de la notion de « minorité », essentielle à la conceptualisation intersectionnelle du racisme et des discriminations, mais qui est étrangère au droit français93.

Enfin, en envisageant, sans conditionnel, les phénomènes de discrimination et de racisme que ces enquêtes « pourront mettre en lumière », le rapport interroge, à l’occasion de la Covid-19, la méthode de cette AAI sur ces sujets.

Pierre JUSTON

CSA – La sous-représentation des femmes dans les médias pendant l’épidémie de Covid-19

Le CSA a rendu en juin 2020 un rapport sur la représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-19 visant à « déterminer si les inégalités de représentation des femmes et des hommes dans les médias audiovisuels se sont accentuées pendant cette crise »94. Il semblerait que, si la parité est presque atteinte concernant les journalistes, des déséquilibres majeurs persistent concernant les experts puisque les femmes ne concernent que 20 % d’entre eux, alors même qu’un annuaire des expertes françaises et francophones95 a été créé en 2012, en partenariat avec le CSA. Dans les médias, la sous-représentation des femmes dans certaines catégories est, certes – et malheureusement – conforme à la réalité sociale. Les femmes sont systématiquement sous-représentées dès qu’il s’agit d’un poste « clé » ou « à haut niveau de responsabilités ». En revanche, celles-ci sont largement sur-représentées lorsqu’il s’agit de l’aide aux plus fragiles ou encore de la gestion du foyer96, les médias véhiculant ainsi toujours une doctrine du care. Ainsi, si le bilan de cette crise sanitaire n’est pas pour le CSA plus inquiétant qu’en période normale, le Conseil semble toujours attaché à l’évolution générale de la place des femmes dans les médias.

Zakia MESTARI

CNDH : « État d’urgence sanitaire : le droit à l’éducation à l’aune de la Covid-19 »

La pandémie actuelle a mis le système éducatif face à ses faiblesses, allant jusqu’à potentialiser ses dysfonctionnements, voire en créer de nouveaux. À en croire l’avis rendu par la CNCDH le 26 mai 202097, le constat est pessimiste, les enjeux, quant à eux, décisifs pour le service public de l’éducation. L’expérience du confinement et du déconfinement, ainsi que la perspective de la rentrée 2020 suscitent, pour la Commission, de nombreuses interrogations quant à la préservation des principes fondamentaux relatifs au service public de l’éducation, lequel est, selon le Code de l’éducation, « la première (…) priorité nationale [absolue] »98. L’étude pointe en effet la problématique d’une « érosion du droit à l’égalité dans l’éducation »99, droit octroyé, rappelons-le, à « toute personne »100 sans distinctions, et garanti par la Nation101. Par l’emploi d’une méthode se voulant pragmatique, l’avis met alors en garde les pouvoirs publics contre la « mise en œuvre largement témoignée d’une méconnaissance des réalités sociales et familiales » et une « impossible “continuité pédagogique” »102. Ainsi, les 11 (ou devrait-on dire les 10103) recommandations qui en découlent s’orientent sur les enjeux sociaux et pédagogiques du système éducatif.

L’expérience de la crise illustre à gros traits l’implication éminemment sociale de l’éducation104 par la mise en lumière d’une aggravation significative des inégalités. En tant que service public, la logique est ici celle d’une action positive de l’État dans l’accompagnement et la compensation des inégalités105. Sont par exemple évoquées les difficultés d’accès aux outils numériques pour les familles les plus défavorisées (recommandation n° 2), des phénomènes de re-cloisonemment social106 et d’isolement des enfants les plus vulnérables face auxquels il devient primordial de renforcer l’accompagnement des élèves par une coopération entre les enseignants, les familles, et le milieu associatif (recommandation n° 4), à condition notamment d’une augmentation de l’effectif des enseignants (recommandation n° 5), ou encore d’une promotion au niveau local de structures spécialisées pour les publics vulnérables tels que les handicapés ou les publics de zones d’éducation prioritaire (recommandations nos 3 et 9). De là découle la nécessité d’un renforcement de la « pédagogie de soutien », prônant une « individualisation des relations pédagogiques »107, principalement orientée vers une évaluation continue des besoins des élèves, mais aussi des parents (recommandation n° 7), et une garantie de remise à niveau pour les publics les plus lésés par l’épreuve du confinement.

Il est enfin intéressant de remarquer une reprise assez fidèle de ces problématiques et de leurs solutions avec celles mentionnées dans la circulaire du ministère de l’Éducation nationale publiée le 10 juillet 2020, exposant « une priorité absolue : consolider les apprentissages des élèves en identifiant leurs besoins et en y apportant une réponse personnalisée »108, notamment par une augmentation générale des postes d’enseignants et d’accompagnants pour les publics défavorisés109. L’heure de la rentrée est donc bien celle de la mise à l’épreuve, en particulier pour l’ambition annoncée par le législateur l’année passée de promouvoir « une école de la confiance »110.

Julien MARGUIN

CNCDH – « Une autre urgence : le rétablissement d’un fonctionnement normal de la justice », avis du 28 avril 2020

En plein cœur du confinement, la CNCDH dénonce l’atteinte portée à la continuité du service public de la justice par les ordonnances du 25 mars 2020111 et ses conséquences sur les droits et libertés des justiciables. Elle met en cause les modifications de procédure introduites dans tout le champ du droit civil, pénal et administratif conduisant à un fonctionnement partiel et dégradé de la justice et notamment les conditions d’adoption des mesures d’assistance éducative et de prolongation des détentions provisoires.

La CNCDH souligne la contradiction de nombreuses de ces dispositions avec l’objectif de déflation carcérale. Elle signale à ce propos que la France a fait l’objet d’une condamnation récente par la CEDH pour ses conditions de détention inhumaines et dégradantes112. Elle insiste sur l’importance du caractère temporaire et circonstancié de ces mesures qui « doivent être supprimées dès que [l’état d’urgence sanitaire] prendra fin » et alerte sur certains glissements déjà observés.

Enfin, elle rappelle que « le recours au juge étatique (…) est seul de nature à assurer toujours et pour tous l’effectivité des droits ». La CNCDH reproche ainsi une accélération des politiques publiques, menées « sous couvert d’économies budgétaires », véhiculant une vision managériale de la justice et menant à une déjudiciarisation massive des contentieux. Elle demande un rétablissement du fonctionnement normal de la justice et, pour cela, qu’elle soit dotée des moyens d’assurer la protection sanitaire des justiciables et de son personnel.

France DAUMARIE

DDD : l’urgence sanitaire ne peut pas justifier la restriction des droits des demandeurs d’asile

En raison de la vague épidémique de Covid-19 au printemps 2020, de nombreuses préfectures d’Île-de-France ont fermé leurs guichets d’enregistrement des demandes d’asile et mis à l’arrêt la plate-forme téléphonique multilingue de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Selon plusieurs associations113, cette fermeture aurait eu pour principale conséquence de priver les demandeurs des conditions matérielles d’accueil (hébergement, accompagnement et allocation de vie quotidienne) auxquelles ils ont légalement droit une fois la demande enregistrée114. Cette situation les aurait contraints à vivre dans des habitats informels tels que des squats ou des campements.

Dans sa décision n° 2020-100 du 28 avril 2020 relative à la fermeture des guichets uniques pour demandeurs d’asile franciliens, le DDD a jugé que la fermeture de ces dispositifs est constitutive d’une violation du droit d’asile et de traitements inhumains ou dégradants. Il juge que ces restrictions sont disproportionnées et portent atteinte au principe de continuité du service public ; aussi, elles « ne peuvent s’appuyer sur aucun texte lié à l’état d’urgence sanitaire et ne se justifient pas par une impossibilité matérielle de poursuivre la mission de service public qui leur incombe ». Dans une ordonnance du 30 avril 2020115, le juge des référés du Conseil d’État confirmera la position du DDD en ordonnant la réouverture des dispositifs auxquels ont droit les demandeurs d’asile.

Jordan PUISSANT

C – La protection des données personnelles

Cnil – Les technologies de gestion de l’épidémie de Covid-19 face à la Cnil

Dans la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le gouvernement s’est appuyé sur les nouvelles technologies pour tenter de réduire la transmission du virus. C’est dans ce contexte que la Cnil s’est prononcée sur les garanties fournies par divers dispositifs automatisés face aux risques qu’ils font planer tant sur le droit à la vie privée que sur la protection des données personnelles. Deux procédés ont spécifiquement fait l’objet d’une analyse.

Les dispositifs de caméras thermiques. Le 17 juin 2020, la Cnil a publié un bulletin mettant en garde contre les dispositifs vidéo de caméras thermiques dites « intelligentes » qui se déploient sur le territoire dans le cadre du déconfinement. Si le processus est vu comme légitime eu égard au contexte, l’autorité s’inquiète de son usage massif tant par des entités publiques que privées. Ces caméras, utilisées pour prévenir tout cas suspect en évaluant la température corporelle d’un individu, recueillent en effet une large quantité de données biométriques ou de santé dont la collecte est en principe interdite sans texte spécifique. Cette analyse insiste donc sur le fait que ces procédés, puisqu’ils traitent des données personnelles, doivent respecter a minima les principes du règlement général sur la protection des données (RGPD) en l’absence de tout autre texte spécifique.

Or la Cnil affirme que la majorité des dispositifs de caméras thermiques seraient non conformes au cadre juridique actuel. Cela est dû notamment à la sensibilité des données traitées, mais surtout à la complexité d’obtention du consentement. Le consentement ne serait en tout état de cause pas libre puisque tout refus par l’individu s’accompagnerait d’une interdiction d’accès à certains locaux privés ou publics. De plus, le droit d’opposition s’avère difficile à appliquer. La technique du refus par signe négatif de la tête n’est ni satisfaisante ni réellement applicable.

Le non-respect de la législation actuelle se couple avec une mise en cause de la fiabilité des dispositifs qui ne peuvent détecter ni les personnes asymptomatiques ni celles sous traitements anti-inflammatoires. Ainsi, l’autorité appelle à la plus grande vigilance quant à l’usage massif de ces dispositifs qui contribuent à un sentiment généralisé de surveillance chez les citoyens, mais peut surtout créer une accoutumance banalisant des technologies de surveillance intrusives pouvant nuire à nos sociétés démocratiques.

Pour toutes ces raisons, la Cnil réitère sa demande, déjà faite en 2018, pour les technologies de reconnaissance faciale, d’élaborer un cadre normatif spécifique garantissant une protection suffisante des droits des citoyens.

L’application « StopCovid ». L’application mobile « StopCovid » visant à alerter au plus tôt les personnes ayant eu contact avec un individu testé positif à la Covid-19, a donné lieu à une série de publications de la Cnil entre les mois d’avril et de juillet 2020.

Le 26 avril 2020, un premier avis portant sur l’évaluation globale d’un projet d’application mobile dans le cadre juridique actuel est publié. S’ensuit un deuxième le 25 mai 2020 à la suite de la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le projet de décret mettant en œuvre l’application « StopCovid »116. Si la Cnil accepte l’usage de cette technologie, le procédé demeure toutefois soumis au régime du RGPD et de la loi Informatique et libertés de 1978. En effet, la conservation de l’historique des contacts d’un individu et d’éléments sur son état de santé est assimilée par l’autorité à un traitement de données à caractère personnel. La mise en place du dispositif doit donc être justifiée, ce qui n’est pas remis en cause dans les avis, mais également nécessaire et proportionné.

C’est ce qu’analyse l’avis du 25 mai qui affirme d’abord que le projet de décret atteste de la nécessité du processus en s’appuyant notamment sur des publications scientifiques, françaises et étrangères, démontrant l’intérêt d’une application de suivi de contact pour casser les chaînes de transmission. De plus, le ministère intègre les recommandations initiales de la Cnil en insérant l’application dans une stratégie globale liée au déconfinement. En ce sens, l’application ne vient qu’en complément d’un dispositif d’enquête manuel et d’un suivi des patients sur le terrain auquel s’ajoute la création de deux fichiers « Contact Covid » et « SI-DEP » pour gérer l’épidémie. Malgré cela, la Cnil conditionne le maintien dans le temps d’une telle application à une réévaluation constante de son effectivité par des études et des documentations actualisées.

L’avis du 25 mai confirme également la proportionnalité d’un tel procédé au vu des garanties présentées d’abord par le secrétaire d’État chargé du Numérique, puis par le ministère des Solidarités et de la Santé qui détient la responsabilité du traitement. Le projet de décret prévoit en effet que l’application fonctionne sur des données pseudonymisées, non géolocalisées et qu’elle n’entraîne pas la création d’un fichier des personnes contaminées. Le ministère a également suivi les recommandations du premier avis en inscrivant la nature volontaire de l’usage du dispositif « StopCovid » n’attachant donc aucune conséquence négative au refus d’usage de l’application. En outre, la proportionnalité est renforcée par une durée de mise en service limitée à 6 mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Cela rejoint la durée des fichiers nationaux mis en place en parallèle pour gérer l’épidémie.

Si ces garanties ont amené à un avis globalement positif tant sur le projet que sur le décret de mise en œuvre, certaines recommandations demeurent. L’autorité se concentre notamment sur l’information fournie aux utilisateurs devant être compréhensible et adaptée à des usagers même mineurs. Du reste, elle demande que soit inscrite dans le décret la possibilité d’un droit d’opposition et d’un droit à l’effacement de ses données personnelles que la Cnil juge, à l’inverse du ministère des Solidarités et de la Santé, applicables en l’espèce.

Moins de 2 semaines après l’avis du 25 mai 2020 et le lancement de l’application, la présidente de la Cnil annonce le 4 juin 2020 démarrer, conformément à ce qu’elle avait annoncé lors de son audition publique à l’Assemblée nationale le 8 mai 2020, une série de contrôles des dispositifs « Contact Covid », « SI-DEP » et « StopCovid ». Cela donna lieu à une décision n° MED-2020-015 du 15 juillet 2020, rendue publique le lendemain, tirant les conséquences du contrôle et mettant en demeure le ministère des Solidarités et de la Santé.

Cette décision reprend les conclusions de l’enquête effectuée qui discernait des manquements aux cadres légaux pour deux versions de l’application disponibles simultanément sur les plates-formes de téléchargement. En premier lieu, des non-conformités envers le RGPD sont mises en lumière. C’est le cas notamment de l’absence dans la première version d’une procédure sur le smartphone de préfiltrage des contacts à risques d’un individu déclaré positif avant leur remontée au serveur central, de l’oubli de mention de l’INRIA dans les destinataires des données personnelles ou encore de l’absence de certaines clauses dans le contrat liant l’INRIA au ministère.

En deuxième lieu, une violation à la loi Informatique et libertés est identifiée dans les collectes effectuées par Google via son système de ReCaptcha qui ne sont pas mentionnées à l’utilisateur et pour lesquelles son consentement n’est pas demandé.

En troisième et dernier lieu, est noté que l’évaluation de l’effectivité du dispositif, qui devait s’appuyer sur des données étudiées et documentées régulièrement, n’a pas encore débuté et n’est toujours pas planifiée.

Dans un souci de mise en conformité de l’application, la présidente de la Cnil donne un délai de 1 mois au ministère des Solidarités et de la Santé avant l’ouverture d’une procédure de sanction.

Matthieu GAYE-PALETTES

CCNE – La position du Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) sur « les enjeux d’éthique du numérique en situation de crise sanitaire aiguë » dans le premier bulletin de veille sur « les enjeux d’éthique du numérique en situation de crise sanitaire aiguë » du CNPEN117 consacré au contexte général de la crise sanitaire.

S’agissant d’une part des inégalités vis-à-vis de l’usage du numérique, le CNPEN s’est interrogé sur le renforcement potentiel de celles-ci qu’elles soient d’ordre géographique, économique ou culturel et a formulé un ensemble de recommandations à destination des différents acteurs : opérateurs de télécommunications, institutions accueillant des personnes vulnérables, municipalités, services de l’État, législateur, population. S’agissant d’autre part de la surveillance des personnes, le CNPEN n’a pas formellement pris position sur le type de suivi – volontaire ou obligatoire – mais a réaffirmé la nécessité de garde-fous. Au-delà des principes de nécessité, de proportionnalité, de transparence et de loyauté, il a rappelé deux garanties à appliquer y compris en temps de crise118 : la préservation de l’autonomie de décision de la personne et la mise en œuvre d’une garantie humaine de ces technologies.

Le deuxième bulletin de veille119, qui s’intéresse à la circulation exacerbée d’informations durant la crise sanitaire, constitue une réflexion d’ensemble sur la responsabilité des plates-formes à l’origine d’incessants débats120. La première difficulté identifiée tient à la modération des contenus. La crise a en effet conduit certaines plates-formes à accentuer ce travail de modération au moyen d’outils automatisés sans supervision humaine. Le bulletin rappelle la nécessité de cette supervision humaine et invite à plus de transparence sur les critères algorithmiques d’évaluation des informations ainsi que ceux retenus pour définir leur politique de modération. La deuxième difficulté identifiée est relative au contrôle de la viralité de l’information. La propagation de l’information résulte à la fois du modèle économique de certains opérateurs et du rôle joué par leurs utilisateurs. Pour répondre à ces deux difficultés, le CNPEN se montre critique sur le choix d’un contrôle effectué par l’autorité publique121. Il invite à une autre forme de régulation via une autorité indépendante que celle-ci soit spécifiquement créée à cet effet ou qu’une autorité déjà existante telle le CSA soit redéfinie et renforcée.

Le troisième bulletin de veille122, qui s’intéresse au recours accru à des actes de télémédecine ou de télésoin durant la crise sanitaire, témoigne d’une collaboration étroite avec le CCNE. La transformation numérique du système de santé pose d’importantes questions relatives au secret médical et au respect de la confidentialité, au consentement et à l’information du patient ou encore à l’égal accès au système de soins. Dans la continuité des travaux du CCNE123, ce bulletin rappelle l’importance de la place de l’humain dans le système de santé et invite à une vigilance accrue qui, là aussi, dépasse le cadre de la crise sanitaire.

En plus de ces bulletins de veille liés aux usages massifs du numérique dans un contexte de confinement, le CNPEN s’est également autosaisi de la question du déconfinement et a souhaité insister dans un communiqué sur la nécessité d’un contrôle démocratique pour la mise en place d’une application de suivi numérique124.

Et à l’occasion de sa saisine par le ministre des Solidarités et de la Santé et le secrétaire d’État chargé du Numérique, le CNPEN a poursuivi sa réflexion sur les applications de traçage numérique des personnes et sur leurs interactions avec les systèmes d’information pour le recensement et le traçage de contacts des patients positifs. Cela l’a conduit à formuler un certain nombre de recommandations afin que ces outils soient conformes aux réglementations européenne et française sur la protection des données personnelles, n’engendrent pas de discriminations, permettent une adhésion des utilisateurs et fournissent des garanties de sécurité.

Emilie DEBAETS

CNCDH : La crise sanitaire et les dangers du suivi numérique des personnes

La Covid a surpris un monde non préparé. En France, le confinement a été déclaré le 17 mars 2020 et a été partiellement levé le 11 mai 2020. L’épidémie n’a pas disparu pour autant. La France, comme la plupart des pays européens, a dû trouver des solutions qui permettent de reprendre un semblant de vie normale. L’intérêt s’est vite porté sur le miracle moderne, la technologie. Grâce aux portables, il est en principe possible de connaître tous les entrecroisements et donc toutes les personnes potentiellement infectées. Celles-ci sont ensuite invitées à se faire tester. La CNCDH s’exprime sur cette solution numérique125.

Ce type de technologie a un nom : la surveillance de masse. La CNCDH reconnaît les efforts du gouvernement pour restreindre les risques inhérents à ce type de technologie. Plusieurs mécanismes ont en effet été mis en place : l’acquisition de l’application est libre, les données sont anonymes, les utilisateurs ne sont pas géolocalisés (mais leur proximité avec d’autres personnes utilisant l’application est constatée via Bluetooth), les données ne sont pas sauvegardées de façon centralisée et l’application est un logiciel libre permettant une transparence de son fonctionnement.

La commission analyse ces garanties afin de démontrer qu’elles ne sont pas nécessairement suffisantes. Le consentement libre est effectivement un concept ardu : il ne suffit pas que le consentement soit prononcé, il faut également que la personne en comprenne les conséquences. La CNCDH poursuit en expliquant qu’un consentement ne serait pas libre si son absence entraînait des conséquences pernicieuses, comme un confinement ou une interdiction d’entrée dans certains lieux par exemple. Il ne serait pas libre non plus si le droit était donné aux employeurs de contraindre leurs employés à l’utiliser. Le consentement serait également mis en péril si la pression collective étouffait toutes raisons légitimes de ne pas télécharger l’application afin de présenter l’individu comme responsable ou égoïste selon qu’il l’utilise ou refuse de le faire. Il s’agirait alors d’une présentation des faits extrêmement dangereuse, manichéenne, mais susceptible d’advenir très rapidement.

Le consentement libre n’est pas la seule garantie dont la CNCDH démontre les limites. L’anonymat est également une sécurité que le gouvernement assure, mais qui est pourtant difficile à garantir, car la possibilité d’identifier une personne ne peut jamais être exclue. De cette éventualité peut découler un affaiblissement de la cohésion sociale : la volonté d’identifier les responsables des contaminations créera inévitablement leur stigmatisation, une discrimination et une suspicion généralisée.

L’usage temporaire de l’application ne peut pas être garanti non plus. On ne peut pas écarter le fait que le virus pourrait circuler encore longtemps. Plusieurs vagues de contamination sont également possibles. Plus l’usage de cette application s’inscrit dans le temps, plus les risques de piratage des données privées sont élevés et plus les usagers banalisent les dangers de son utilisation.

L’utilité d’une telle application est aussi mise en cause par la CNCDH. L’efficacité de ce logiciel est incertaine, dans la mesure où un pourcentage élevé d’utilisateurs, un minimum de 60 %126, est nécessaire pour rendre l’application performante. Un pourcentage d’autant plus difficile à atteindre du fait de la faible utilisation d’internet par les personnes âgées.

Aujourd’hui, le gouvernement lance l’application sur la base du volontariat et de l’anonymat. Cet usage pourrait néanmoins rapidement évoluer vers une véritable obligation. La peur et la panique collectives engendrées par une énième vague peuvent convaincre la Nation et ses représentants de l’impératif d’une telle solution.

Il s’agit de la Covid aujourd’hui, mais il pourra s’agir d’un autre fléau demain. Le suivi de masse peut devenir la norme en cas d’épidémie, et s’appliquer progressivement à d’autres domaines comme le suivi de manifestants, d’étrangers, ou plus généralement pour toute mesure relevant de la sécurité publique127.

Entre l’application proposée et le futur orwellien, le chemin est long, mais prévisible. Étape par étape, par une dérive lente mais constante, un tel avenir est envisageable ; c’est l’avertissement ainsi que la conclusion de la CNCDH. Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Pour toutes ces raisons, « la CNCDH recommande au gouvernement de ne pas recourir aux mesures de suivi numérique des personnes »128.

Omri SCHWARTZ

Notes de bas de pages

  • 1.
    Par exemple, en ce qui concerne le DDD, voir le courrier adressé au ministre de l’Intérieur sur la situation des personnes étrangères actuellement retenues dans les centres de rétention administrative le 19 mars 2020, le courrier adressé à la garde des Sceaux sur les conditions de détention le 20 mars 2020, et le courrier adressé aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’aux deux présidents des commissions des lois en vue de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire le 3 mai 2020.
  • 2.
    Par ex., v. Défenseur des droits, déc. n° 2020-094, 14 avr. 2020, relative à des observations devant le conseil d’État à la suite de la saisine par deux ordres des avocats qui sollicitaient que l’État soit enjoint de fournir des masques de protection et du gel hydro-alcoolique aux avocats dans l’exercice de leurs missions.
  • 3.
    Cette activité, également intense, sera l’objet du prochain numéro de cette chronique.
  • 4.
    Par exemple, voir l’audition de la Cnil par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 8 avril 2020 ; l’audition du CGLPL par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 15 avril 2020, l’audition du président de l’Arcep par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable le 22 avril 2020.
  • 5.
    Communiqué du 13 mars 2020 informant qu’aucune réunion publique ne sera organisée jusqu’à nouvel ordre.
  • 6.
    Communiqué du 23 mars 2020 dans lequel la HAS précise que les actions de mesure de la qualité et sécurité des soins dans les établissements de santé sont reportées afin de libérer les équipes de santé.
  • 7.
    https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/covid-19-et-urgence-sanitaire-le-role-du-defenseur-des-droits.
  • 8.
    Défenseur des droits, rapport d’activités pour 2019 ; Défenseur des droits, « Synthèse. Urgence sanitaire », juin 2020, p. 5.
  • 9.
    « Sauvegardons les droits fondamentaux », 20 mars 2020, Le Monde.
  • 10.
    CCNE, « Le CCNE instance de veille éthique dans le contexte exceptionnel de la crise du Covid-19 », bulletin de veille n° 1, 23 mars 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/fichier_communiques_presse/bulletin_de_veille_ethique_codid19_ccne_23_mars_2020.pdf ; CNPEN, « Réflexions et points d’alerte sur les enjeux éthiques du numérique en situation de crise sanitaire aiguë », bulletin de veille n° 1, 7 avr. 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/bulletin-1-ethique-du-numerique-covid19-2020-04-07.pdf ; CNPEN, « Enjeux d’éthique dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation », bulletin de veille n° 2, 21 juill. 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/cnpen-desinformation-2020-07-21.pdf ; CNPEN, « Enjeux d’éthique liés aux outils numériques en télémédecine et télésoin dans le contexte de la Covid-19 », bulletin de veille n° 3, 21 juill. 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/cnpen-bulletin-telemedecine-2020-07-21.pdf.
  • 11.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie, 13 mars 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/reponse_ccne_-_covid-19_def.pdf.
  • 12.
    Villani C. et a., Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne, rapp., 28 mars 2018.
  • 13.
    CCNE, 25 sept. 2018, avis n° 129, contribution à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019.
  • 14.
    Trois saisines du Premier ministre sont en cours d’examen sur les agents conversationnels, sur le véhicule autonome et sur le diagnostic médical à l’ère de l’intelligence artificielle.
  • 15.
    CNPEN, « Réponse à la saisine ministérielle. Enjeux d’éthique concernant des outils numériques pour le déconfinement », 14 mai 2020.
  • 16.
    CNPEN, « Contribution dans le cadre de la consultation sur le Livre blanc sur l’intelligence artificielle. Une approche européenne », 15 juin 2020.
  • 17.
    CNCDH, « Avis relatif à l’approche fondée sur les droits de l’Homme », 3 juill. 2018.
  • 18.
    Déc. n° 2020.006/DC/SA3P/SBPP, 30 mars 2020, du collège de la HAS adoptant la méthode d’élaboration des réponses rapides dans le cadre de la Covid-19.
  • 19.
    Le guide méthodologique, « Covid-19. Méthode rapide d’élaboration des contributions du champ social et médico-social », a été mis en ligne le 9 mai 2020.
  • 20.
    HAS, « Covid-19. Méthode rapide d’élaboration des contributions du champ social et médico-social », guide méthodologique, 9 mai 2020.
  • 21.
    « Confinement et évolution du trafic internet ».
  • 22.
    L’ARCEP souligne par exemple le fait que les box actuelles disposent généralement de deux Wi-Fi indépendants permettant de scinder son activité sur le réseau en fonction des usages consommateurs de bande passante.
  • 23.
    « Accord de Paris et urgence climatique : enjeux de régulation », mai 2020.
  • 24.
    Cahier des charges adopté par le collège de la HAS par la décision n° 2020.0097/DC/SEAP du 16 avril 2020.
  • 25.
    Note de cadrage validée par le collège de la HAS le 24 avril 2020.
  • 26.
    Validation par la décision n° 2020.0103/DC/SEAP du 1er mai 2020 du collège de la HAS.
  • 27.
    Adoption du rapport mis à jour par décision n° 2020.0109/DC/SEAP du 14 mai 2020 du collège de la HAS.
  • 28.
    Pr. Isabelle Adenot, président de la CNEDiMTS, 17 mars 2020, « Période d’épidémie Covid-19. Priorisation de programmation des dossiers pour passage en commission CNEDiMTS », 17 mars 2020 et pr. Christian Thulliez, président de la CT, « Période d’épidémie Covid-19. Priorisation de programmation des dossiers pour passage en CT » 20 mars 2020, courriers disponibles sur le site de la HAS.
  • 29.
    HAS, « Les commissions priorisent les produits de santé à évaluer », Actualité presse, 27 mars 2020.
  • 30.
    CE, ord., 19 juin 2020, n° 440916.
  • 31.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie », 13 mars 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/reponse_ccne_-_covid-19_def.pdf ; CCNE, « Réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD », 30 mars 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne-_reponse_a_la_saisine_du_26.03.20_renforcement_des_mesures_de_protection_en_ehpad_et_usld_0.pdf ; CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne-_reponse_a_la_saisine_du_26.03.20_renforcement_des_mesures_de_protection_en_ehpad_et_usld_0.pdf.
  • 32.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie », 13 mars 2020, p. 4.
  • 33.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie », 13 mars 2020, p. 3.
  • 34.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie », 13 mars 2020, p. 4.
  • 35.
    CCNE, « Réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD », 30 mars 2020, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne-_reponse_a_la_saisine_du_26.03.20_renforcement_des_mesures_de_protection_en_ehpad_et_usld_0.pdf.
  • 36.
    CCNE, « Réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD », 30 mars 2020, p. 2.
  • 37.
    CCNE, « Réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD », 30 mars 2020, p. 2.
  • 38.
    CCNE, « Réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD », 30 mars 2020, p. 3.
  • 39.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 13, https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne-_reponse_a_la_saisine_du_26.03.20_renforcement_des_mesures_de_protection_en_ehpad_et_usld_0.pdf.
  • 40.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 10.
  • 41.
    CCNE, « Covid-19. Contribution du Comité consultatif national d’éthique : Enjeux éthiques face à une pandémie, 13 mars 2020, p. 10.
  • 42.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 17.
  • 43.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 19.
  • 44.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 21.
  • 45.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 23.
  • 46.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 24.
  • 47.
    CCNE, « Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité, confiance », 20 mai 2020, p. 27.
  • 48.
    Défenseur des droits, avis n° 20-03, 27 avr. 2020, relatif à la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la pandémie du Covid-19, ainsi que des ordonnances et décrets pris pour son application.
  • 49.
    CEDH, 25 janv. 2005, n°56529/00.
  • 50.
    CNCDH, lettre ouverte, « Observations de la CNCDH concernant le PJL et le PJLO d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 », 20 mars 2020 ; CNCDH, avis, « État d’urgence sanitaire et État de droit », 28 avril 2020 ; CNCDH, communiqué, « Prolongation de l’état d’urgence sanitaire : le Sénat apporte de nouvelles garanties, mais qui restent insuffisantes au regard des droits de l’Homme », 6 mai 2020 ; CNCDH, communiqué, « État d’urgence sanitaire : il est urgent de mettre fin aux atteintes aux droits et aux restrictions aux libertés non adaptées » et CNCDH, avis, « Prorogation de l’état d’urgence sanitaire et libertés », 26 mai 2020 ; CNCDH, communiqué, « Une sortie de l’état d’urgence sanitaire en trompe-l’œil : les menaces sur les droits et libertés perdurent », 15 juin 2020 ; CNCDH, « Déclaration relative au projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire », 23 juin 2020.
  • 51.
    La formule est employée dans les courriers du 17 mars (annexes 2 et 3) et du 20 avril (annexe 6).
  • 52.
    Annexes 2 et 5 du rapport, lettres adressées au garde des Sceaux.
  • 53.
    CGLPL, lettre, 5 mai 2020, annexe 5, p. 2.
  • 54.
    CGLPL, lettre, 5 mai 2020, annexe 5, p. 3.
  • 55.
    Lettre du 20 avril 2020 adressée au ministre de l’Intérieur (v. annexe 6, p. 3).
  • 56.
    Défenseur des droits, « Synthèse. Urgence sanitaire », juin 2020, p. 10.
  • 57.
    Défenseur des droits, « Un numéro vert pour accompagner les parents durant le confinement », 7 avr. 2020 ; Défenseur des droits, « École à la maison : aborder le droit avec des enfants avec le site Éducadroit », 26 mars 2020.
  • 58.
    Défenseur des droits, « Synthèse. Urgence sanitaire », juin 2020, p. 12 ; v. aussi la déclaration du CPT du Conseil de l’Europe du 20 mars 2020 ; HCDH, communiqué, 25 mars 2020 ; OIP-SF, « DEDANS DEHORS. La prison à l’épreuve du coronavirus », n° 107, juin 2020 ; CGLP, Les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire, rapp., 2 juill. 2020.
  • 59.
    Défenseur des droits, « Synthèse. Urgence sanitaire », juin 2020, p. 8.
  • 60.
    Le DDD a rappelé l’obligation scolaire en vertu du droit à l’éducation des enfants.
  • 61.
    Notamment afin d’assurer le service de la cantine, le repas de midi à la cantine scolaire étant pour des millions d’enfants le principal repas : v. « Police, virus, libertés : Jacques Toubon alerte », 8 juin 2020, Direct BFMTV ; Défenseur des droits, L’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire, rapp., mars 2013 ; Défenseur des droits, Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants, rapp., mai 2019.
  • 62.
    Enfants handicapés : Défenseur des droits, déc. n° MLD/2012-167, 30 nov. 2012, ; Mineurs en situation de précarité sociale : Défenseur des droits, déc. n° MDE-2013-91, 7 mai 2013 ; Mineurs étrangers : Défenseur des droits, déc. n° MDE-MLD-MSP-2015-115, 20 juin 2015 ; v. les rapports annuels sur les droits de l’enfant.
  • 63.
    Défenseur des droits, « Vie quotidienne. Droits. Consommation », 27 mai 2020.
  • 64.
    Défenseur des droits, « Le Défenseur des droits s’inquiète des conditions de retour à l’école des enfants des personnels soignants », 14 mai 2020.
  • 65.
    Société française de pédiatrie, « Retour à l’école et Covid-19 : il est urgent de maîtriser nos peurs et aller de l’avant pour le bien des enfants », Tribune, 13 mai 2020.
  • 66.
    Défenseur des droits, « Le Défenseur des droits s’inquiète des conditions de retour à l’école des enfants des personnels soignants », 14 mai 2020.
  • 67.
    Défenseur des droits, « Le Défenseur des droits alerte sur des refus d’accès aux supermarchés opposés aux enfants », 8 avr. 2020.
  • 68.
    Défenseur des droits, « Vie quotidienne. Droits. Consommation », 27 mai 2020.
  • 69.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-082, 25 mars 2020, relative au maintien en activité des centres de rétention administrative des étrangers dans le contexte d’urgence sanitaire caractérisé par l’épidémie de Covid-19, p. 1.
  • 70.
    Les observations du DDD n’ont pas été retenues par le juge des référés, qui a estimé qu’il n’avait pas été apporté de preuves d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et que de surcroît la situation allait se réguler d’elle-même eu égard au ralentissement mécanique des mesures de rétention notamment. CE, ord., 27 mars 2020, n° 439720, GISTI et a. : De Montecler M.-C., « Le juge des référés du Conseil d’État sur le front du coronavirus », AJDA 2020, p. 700.
  • 71.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-082, 25 mars 2020, p. 3.
  • 72.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-082, 25 mars 2020, p. 5.
  • 73.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-082, 25 mars 2020, p. 6.
  • 74.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, relative au choix fait de maintenir les centres de rétention administrative en activité durant la période d’épidémie du Covid-19, p. 1.
  • 75.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, p. 1.
  • 76.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, p. 3.
  • 77.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, p. 4.
  • 78.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, p. 5.
  • 79.
    Défenseur des droits, déc. n° 2020-096, 17 avr. 2020, p. 7.
  • 80.
    Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
  • 81.
    Il faut souligner que l’usage de la visio-conférence qui a déjà fait l’objet d’une généralisation dans les lieux de rétention des étrangers, est critiqué pour les atteintes aux droits de la défense qu’il permet. V. également l’avis du 25 juin 2020, relatif à la défense dans lieux de privation de liberté.
  • 82.
    Recommandations en urgence relatives à l’établissement public de santé Roger Prévot à Moisselles (Val-d’Oise), 19 juin 2020.
  • 83.
    V. HAS, « Prise en charge des patients Covid-19, sans indication d’hospitalisation, isolés et surveillés à domicile », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 7 mai 2020 ; HAS, « Prise en charge des patients post-Covid-19 en médecine physique et de réadaptation (MPR), en soins de suite et de réadaptation (SSR), et retour à domicile », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 17 avr. 2020 ; HAS, « Prise en charge des patients atteints de Covid-19 en orthophonie », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 3 juill. 2020.
  • 84.
    V. HAS, « Assurer la continuité de la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques somatiques pendant la période de confinement en ville », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 2 avr. 2020 ; HAS, « Assurer la continuité de la prise en charge thérapeutique des patients atteints d’une maladie rhumatologique chronique », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 29 mai 2020.
  • 85.
    Dans la contextualisation des réponses rapides « Prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques en situation de confinement à leur domicile », mises en ligne le 2 avril 2020, la HAS affirme qu’« il faut souligner la grande vulnérabilité des personnes souffrant de troubles psychiatriques ». Concernant, les domaines social et médico-social : « La CSMS de la HAS s’est saisie de l’impact de l’épidémie de Covid-19 dans ces deux domaines dans la mesure où la crise actuelle impacte toutes les dimensions de la vie et plus particulièrement l’accompagnement et le quotidien des publics vulnérables », « Impact de l’épidémie de Covid-19 dans les champs social et médico-social », Feuille de route dans le cadre du Covid-19, 24 avr. 2020.
  • 86.
    V. HAS, « Épidémie de Covid-19 : protéger et accompagner les publics fragiles », Actualité presse, 24 avr. 2020.
  • 87.
    HAS, « Épidémie de Covid-19 : protéger et accompagner les publics fragiles », Actualité presse, 24 avr. 2020.
  • 88.
    HAS, « Prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 2 avr. 2020.
  • 89.
    HAS, « Prise en charge ambulatoire des patients souffrant de troubles psychiques dans la période de post-confinement », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 5 juin 2020.
  • 90.
    HAS, « Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) médicamenteuse à la 8ème et à la 9ème semaine d’aménorrhée (SA) hors milieu hospitalier », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 10 avr. 2020, p. 2.
  • 91.
    HAS, CEU, avis n° 1/2020, 5 mai 2020.
  • 92.
    HAS, « Souffrance des professionnels du monde de la santé : prévenir, repérer, orienter », Réponses rapides dans le cadre du Covid-19, 12 mai 2020.
  • 93.
    La France a refusé de signer la convention européenne pour la protection des minorités de 1991 et émet toujours une réserve quant à l’article 30 de la convention relative au droit de l’enfant de 1989 pour la raison principale qu’elle ne reconnaît pas de minorités ou de majorités sur son territoire.
  • 94.
    CSA, « La représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-19 », étude, juin 2020, p. 5.
  • 95.
    V. www.expertes.fr/le-projet.
  • 96.
    CSA, « La représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-19 », étude, juin 2020, p. 15.
  • 97.
    CNDH, avis, 26 mai 2020, État d’urgence sanitaire : le droit à l’éducation à l’aune de la Covid-19, https://www.cncdh.fr/sites/default/files/avis_2020_-_7_-_avis_droit_education_et_eus.pdf.
  • 98.
    C. éduc., art. L. 111-1.
  • 99.
    CNCDH, avis, 26 mai 2020, état d’urgence sanitaire : le droit à l’éducation à l’aune de la Covid-19, p. 6.
  • 100.
    DUDH, 1948, art. 26.
  • 101.
    Constitution du 27 oct. 1946, préambule, al. 13.
  • 102.
    CNCDH, avis, 26 mai 2020, état d’urgence sanitaire : le droit à l’éducation à l’aune de la Covid-19, p. 6.
  • 103.
    Les recommandations nos 4 et 10 sont en effet textuellement identiques.
  • 104.
    Selon l’article L. 111-1 du Code de l’éducation, ce service public « contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative (…) La répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale ».
  • 105.
    Niquège S., « Covid-19 et libertés : l’oubli du service public ? », AJDA 2020, p. 1441.
  • 106.
    Phénomène sur lequel la Commission s’était déjà penchée l’année passée, v. CNCDH, « 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant : prenons les droits des enfants au sérieux ! », 20 nov. 2019 : JO n° 0273, 25 nov. 2018, texte n° 70.
  • 107.
    Houssaye J., « La gestion pédagogique des différences entre les élèves : variations françaises », Carrefours de l’éducation 2012, n° 34, p. 241.
  • 108.
    Circ. n° MENE20118068C de rentrée 2020 : BOEN n° 28, 10 juill. 2020, https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo28/MENE2018068C.htm.
  • 109.
    Sont par exemple prévus 1688 postes supplémentaires dans le premier degré et 8000 nouveaux postes d’accompagnants pour les élèves en situation de handicap.
  • 110.
    L. n° 2019-791, 26 juill. 2019, pour une école de la confiance : JO n° 0174, 28 juill. 2019, texte n° 3.
  • 111.
    Ord. n° 2020-204, 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété ; ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale.
  • 112.
    CEDH, 30 janv. 2020, nos 9671/15 et 31 autres, JMB et a. c/ France.
  • 113.
    Collectif des associations Unies, Les oubliés du confinement, rapp., 16 avr. 2020.
  • 114.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2013/33/UE, 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale transposée par L. n° 2015-925, 29 juill. 2015, relative à la réforme du droit d’asile.
  • 115.
    CE, ord., 30 avr. 2020, nos 440250 et 440253.
  • 116.
    Cnil, délib. n° 2020-046, 24 avr. 2020, portant avis sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid » ; Cnil, délib. n° 2020-056, 25 mai 2020, portant avis sur un projet de décret relatif à l’application mobile dénommée « StopCovid ».
  • 117.
    CNPEN, « Réflexions et points d’alerte sur les enjeux éthiques du numérique en situation de crise sanitaire aiguë », bulletin de veille n° 1, 7 avr. 2020.
  • 118.
    V. CCNE, avis n° 129, 25 sept. 2018, contribution à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019 et CCNE, « Numérique et santé : quels enjeux éthiques pour quelles régulations ? », 19 nov. 2018.
  • 119.
    CNPEN, « Enjeux d’éthique dans la lutte contre la désinformation et la mésinformation », bulletin de veille n° 2, 21 juill. 2020.
  • 120.
    Sa publication n’était d’ailleurs pas unanime et a été adoptée à 16 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.
  • 121.
    V. L. n° 2018-1202, 22 déc. 2018, relative à la lutte contre la manipulation de l’information.
  • 122.
    CNPEN, « Enjeux d’éthique liés aux outils numériques en télémédecine et télésoin dans le contexte de la Covid-19 », bulletin de veille n° 3, 21 juill. 2020.
  • 123.
    CCNE, avis n° 129, 25 sept. 2018, contribution à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019.
  • 124.
    CNPEN, « Enjeux d’éthique du numérique du suivi épidémiologique en sortie de confinement », communiqué, 29 avr. 2020.
  • 125.
    CNCDH, « Sur le suivi numérique des personnes », 28 avr. 2020, https://www.cncdh.fr/fr/actualite/avis-sur-le-suivi-numerique-des-personnes ; CNCDH, « La CNCDH souligne les dangers de l’application StopCovid », 26 mai 2020, https://www.cncdh.fr/fr/publications/la-cncdh-souligne-les-dangers-de-lapplication-stopcovid.
  • 126.
    CNCDH, « Sur le suivi numérique des personnes », 28 avr. 2020, p. 9.
  • 127.
    CNCDH, « Sur le suivi numérique des personnes », 28 avr. 2020, p. 11-12.
  • 128.
    CNCDH, « Sur le suivi numérique des personnes », 28 avr. 2020, p. 13.
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