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Le règlement de la taxe d’habitation doit être supporté par les coindivisaires à proportion de leurs droits

Publié le 16/08/2021

Le règlement de la taxe d’habitation ayant permis la conservation de l’immeuble indivis ainsi que les charges afférentes à ce bien, dont l’indivisaire avait joui privativement, devaient être supportées par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision.

Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, no 19-20957

« Totum in toto et totum in qualibet parte »1. En l’espèce2, M. K. décéda, laissant pour lui succéder ses trois enfants, H, X et F. Un des enfants, H, assigna ses frère et sœur en partage de la succession. Les juges du fond condamnent F. en ce qu’il est redevable envers l’indivision des taxes d’habitation de la villa indivise de (…) à compter du 1er janvier 2008 jusqu’à sa libération effective, dès lors qu’il occupait de façon privative le bien comme maison de vacances sans permettre à ses frère et sœur de faire de même. Les juges du fond estiment que M. F. J. est redevable envers l’indivision des taxes d’habitation de la villa indivise de (…) à compter du 1er janvier 2008 jusqu’à sa libération effective, et que ces taxes lui incombent en sa qualité d’occupant exclusif de l’immeuble. L’arrêt de la cour d’appel est censuré par la haute juridiction au visa de l’article 815-13 du Code civil, alinéa 1er, au motif que le règlement de cette taxe avait permis la conservation de l’immeuble indivis et que les charges afférentes à ce bien, dont l’indivisaire avait joui privativement, devaient être supportées par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision, le préjudice résultant de l’occupation privative étant compensé par l’indemnité prévue à l’article 815-9 du Code civil. Dorénavant, la Cour de cassation unifie sa jurisprudence sur celle de la taxe foncière en rappelant que la taxe d’habitation constitue une dépense de conservation (I) qui doit être réglée par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision (II).

I – La taxe d’habitation constitue manifestement une dépense de conservation d’un bien indivis

Droit civil et droit fiscal. La solution de la Cour de cassation procède à une unification du traitement fiscal de la taxe d’habitation avec celle de la taxe foncière (A) permettant ainsi la conservation du bien indivis (B).

A – Unification fiscale du traitement de la taxe d’habitation avec celle de la taxe foncière

Sources fiscales et évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation. Il résulte des articles combinés 1407 et 1417 du Code général des impôts (CGI) que la taxe d’habitation est due principalement par toute personne qui a, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance de locaux imposables3. Par ailleurs, selon la doctrine fiscale, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie annuellement sur les propriétés bâties et biens assimilés sis en France et non expressément exonérés, à titre permanent ou temporaire, par les dispositions codifiées de l’article 1382 du Code général des impôts à l’article 1387 du CGI4. Sur le plan civil, l’interprétation traditionnelle de la Cour de cassation était de considérer que ces impôts locaux et les charges de copropriété qui ne sont pas relatives à l’occupation privative et personnelle d’un indivisaire doivent figurer au passif du compte de l’indivision et seront supportés par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision5. Par un arrêt, la haute juridiction a finalement considéré que la taxe d’habitation est une dépense de conservation donnant droit à remboursement par l’indivisaire au coindivisaire l’ayant réglé personnellement. En cassant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation considère que : « que le règlement de cette taxe avait permis la conservation de l’immeuble indivis et que les charges afférentes à ce bien, dont l’indivisaire avait joui privativement, devaient être supportées par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision, le préjudice résultant de l’occupation privative étant compensé par l’indemnité prévue à l’article 815-9 du Code civil, la cour d’appel a violé le texte susvisé »6.

Taxe d’habitation et taxe foncière en cas de démembrement de la propriété. L’article 1400 II du CGI édicte que : « Lorsqu’un immeuble est grevé d’usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, soit par bail réel solidaire, soit par bail à réhabilitation ou fait l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public constitutive d’un droit réel, la taxe foncière est établie au nom de l’usufruitier, de l’emphytéote, du preneur à bail à construction ou à réhabilitation, du preneur du bail réel solidaire ou du titulaire de l’autorisation ». On s’accorde à admettre que l’usufruitier doit supporter d’une part, la taxe d’habitation en raison de la jouissance qu’il a sur le bien, et d’autre part, la taxe foncière qu’il doit également acquitter7. De tradition, on le sait, il n’existe pas d’indivision dans l’hypothèse d’un démembrement de propriété entre le nu-propriétaire et l’usufruitier8. Si besoin était, la jurisprudence sur le partage de biens démembrés suffirait à le rappeler dans les termes suivants : « Mais attendu qu’il n’y a pas d’indivision quant à la propriété entre l’usufruitier et le nu-propriétaire qui sont titulaires de droits différents et indépendants l’un de l’autre ; qu’ainsi, par suite de la vente simultanée et pour un même prix de l’immeuble appartenant pour l’usufruit à M. C. et pour la nue-propriété à ses deux enfants, l’usufruitier a, sur le prix total, un droit propre à la portion correspondant à la valeur de son usufruit »9. Il peut arriver, on le comprend aisément, qu’il existe plusieurs usufruitiers d’une même chose, tant et si bien qu’il y a indivision de l’usufruit10. Or en l’espèce, rien de tel dans l’indivision successorale.

B – Notion de conservation d’un bien indivis et taxe d’habitation

Sens de l’article 815-13 du Code civil : dépenses de conservation, d’amélioration d’un bien indivis. Aux termes de l’article 815-13 du Code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce que la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites sur ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. La notion de dépenses nécessaires mérite une attention particulière11 au regard du remboursement de l’indivisaire ayant engagé des deniers personnels pour conserver le bien indivis. En droit des régimes matrimoniaux, on enseigne généralement que la dépense d’amélioration est celle qui est utile et non pas nécessaire12, tant et si bien qu’en de telles circonstances, le profit subsistant correspond à l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur au jour de la liquidation et s’obtient en comparant, au jour de la liquidation, la valeur du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les améliorations13. Selon la doctrine : « Pour le remboursement des dépenses nécessaires à la conservation d’un bien indivis, il doit être tenu compte à l’indivisaire, selon l’équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu’il a faite et le profit subsistant »14 et que ce profit se détermine d’après la proportion dans laquelle les deniers de l’indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis15. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, seules les dépenses d’amélioration et de conservation du bien indivis peuvent donner lieu à une créance contre l’indivision si elles ont été assumées par un indivisaire sur ses deniers personnels à l’exclusion des dépenses d’entretien16. À l’instar des mesures conservatoires qui peuvent être des actes matériels et juridiques17, la notion de conservation d’un bien indivis peut être juridique ou matériel. Ainsi sont considérés comme des actes conservatoires, la réfection de la toiture, le remboursement d’un emprunt, le paiement des frais d’assurance, et les impôts locaux18 ou, en l’espèce, la haute juridiction harmonise sa jurisprudence en estimant que pour la taxe foncière, que la taxe d’habitation constitue une dépense de conservation et qu’elle doit être payée par l’indivision et non par le seul indivisaire qui occupe privativement du bien indivis19.

Taxe d'habitation
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II – Paiement de la taxe d’habitation constituant une dépense de conservation d’un bien indivis

Indivision post-communautaire et post-successorale. Si la solution retenue par la Cour de cassation semble logique au regard de l’indivision post-successorale (A), il n’en demeure pas moins des incertitudes au regard de l’indivision post-communautaire (B).

A – Taxe d’habitation et indivision post-successorale

Situation des indivisaires en période post-successorale. On enseigne que l’indivision est une situation juridique née de la loi ou de la convention des parties et qui se caractérise par la concurrence de droits de même nature exercés sur un même bien ou sur une même masse de biens par des personnes différentes (coindivisaires), sans qu’il y ait division matérielle de parts20. Pour autant, il peut arriver, on le comprend aisément, qu’il existe plusieurs usufruitiers d’une même chose, tant et si bien qu’il y a indivision de l’usufruit21. Dans la même perspective, il est impossible de rencontrer pour le même bien, une indivision sur la nue-propriété22. Ne sont pas moins fréquentes les successions dans lesquelles le de cujus a laissé à sa survivance son conjoint ainsi qu’un ou plusieurs enfants communs. En l’espèce, le de cujus laisse uniquement trois enfants qui se retrouvent en indivision post-successorale. L’un des coindivisaires occupe le bien indivis depuis le 1er janvier 2008, si bien que la cour d’appel jugea que F. était redevable envers l’indivision des taxes d’habitation d’une villa indivise, à compter du 1er janvier 2008 jusqu’à sa libération effective, dès lors qu’il occupait de façon privative le bien comme maison de vacances sans permettre à ses frère et sœur de faire de même23.

Évolution jurisprudentielle : impôt dû par l’occupant. L’évolution de la jurisprudence sur ce point montre l’abandon de la jurisprudence antérieure qui estimait que la taxe d’habitation devait être mise à la charge définitive de l’indivisaire occupant24. Mais depuis un revirement de jurisprudence intervenu le 5 décembre 201825, la haute juridiction a jugé que le règlement de cette taxe avait permis la conservation de l’immeuble indivis et que les charges afférentes à ce bien, dont l’indivisaire avait joui, devaient être supportées par les coindivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision le préjudice résultant de l’occupation privative étant compensé par l’indemnité prévue à l’article 815-9 du Code civil. Au cas d’espèce, l’arrêt démontre que la Cour de cassation maintient fermement sa position en ne remettant pas en cause le principe selon lequel la taxe d’habitation est une dépense de conservation qui incombe à l’indivision.

B – Taxe d’habitation et indivision post-communautaire

Doutes persistants. Cette décision rapportée est révélatrice de la situation délicate dans laquelle se trouvent les indivisaires en période post-communautaire. Ainsi il a été jugé qu’une femme mariée qui vit séparément dans un logement distinct de celui de son époux doit être personnellement assujettie à la taxe d’habitation à raison de ce logement même s’il s’agit d’une simple séparation de fait26 et a fortiori lorsque des époux sont en instance de divorce et que la femme a été autorisée à résider séparément, celle-ci doit être assujettie personnellement pour cette résidence à la taxe d’habitation27. Il n’est pas inutile de rappeler que la doctrine de l’administration fiscale arrive à harmoniser sa jurisprudence voire à être rigoureuse comme l’illustrent les conséquences fiscales liées à l’unicité de souche. On sait en effet que le Code civil ne prévoit pas la représentation de l’héritier exhérédé par testament. Il en résulte que les dispositions fiscales relatives au calcul des droits de succession dus en ligne collatérale par les frères et sœurs ne s’appliquent pas28.

Conclusion. L’arrêt rapporté démontre, si besoin était, la rigueur avec laquelle la Cour de cassation parvient à imposer une interprétation uniforme des impôts locaux concernant un bien indivis.

Charges de copropriété ordinaires

Impôts locaux (taxe d’habitation et taxe foncière) ; Remboursement d’un emprunt ;

Paiement des assurances ;

Charges extraordinaires de copropriété

Dépenses liées à l’occupation privative d’un coindivisaire du bien indivis

Oui

Non

Dépenses liées à la conservation du bien indivis

Non

Oui

Notes de bas de pages

  • 1.
    « Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier » Traduction modernisante de Victor Hugo. C. Albiges, Indivision (généralités), n° 34, Rép. Dr. imm. Dalloz ; « Totum in toto, totum in qualibet parte », RLDA 2007, p. 67, concl. M.-C. Piatti.
  • 2.
    A. Tani, « La taxe d’habitation incombe à l’indivision », Dr. famille 2021, comm. 58 ; L. Monégier, Indivision : la taxe d’habitation est une dépense de conservation donnant droit à remboursement, 11 mars 2021 : https://lext.so/UBfijZ.
  • 3.
    BOI-IF-TH BOI 10/10/2019, https://lext.so/-nGOmP.
  • 4.
    BOI-IF-TFB-10 BOI 22/12/2020, https://lext.so/wz_MkO.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n° 07-12224. E. Fragu, « Indivision post-communautaire : qui doit supporter la taxe d’habitation ? », RJPF 2019, n° 2.
  • 6.
    Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-31189.
  • 7.
    N. Petroni-Maudière, « Construction et démembrement de propriété » JCP N 2016, 1182.
  • 8.
    J. Patarin, « Le droit du nu-propriétaire de la moitié de la masse indivise de provoquer le partage de la nue-propriété à l’encontre du coindivisaire plein-propriétaire de l’autre moitié », RTD civ. 1996, p. 683.
  • 9.
    P. Delmas Saint-Hilaire, « Partage de biens démembrés : précisions jurisprudentielles et législatives », RJPF 2006, p. 22.
  • 10.
    A. Chamoulaud-Trapiers, Rép. imm. Dalloz, v° Usufruit, 2014, n° 113.
  • 11.
    J. Lafond et F. Collard, JCl. Liquidations – Partages, V° Indivision, fasc. 50, n° 106.
  • 12.
    BICC n° 721, 1er mai 2010, p. 24, https://lext.so/YxD6cM.
  • 13.
    BICC n° 721, 1er mai 2010, p. 24, https://lext.so/YxD6cM.
  • 14.
    J. Lafond et F. Collard, JCl. Liquidations – Partages, V° Indivision, fasc. 50, n° 106.
  • 15.
    Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-11599.
  • 16.
    A. Chamoulaud-Trapiers, « Pas d’indemnité contre l’indivision pour une dépense d’entretien du bien indivis », Defrénois 17 oct. 2019, n° 152q3, p. 33.
  • 17.
    P.-L. Niel, « L’élagage des arbres, arbrisseaux, et arbustes est une mesure conservatoire », actu-juridique.fr, n° AJU000p2, à paraître.
  • 18.
    J. Lafond et F. Collard, JCl. Liquidations – Partages, V° Indivision, fasc. 50, nos 107 et s.
  • 19.
    S. Alexandre, « L’indivision doit désormais payer la taxe d’habitation » 19 mars 2019 : https://lext.so/HoxDSy.
  • 20.
    S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques 2019-2020, Dalloz, p. 573.
  • 21.
    Rép. imm. Dalloz, v° Usufruit, 2014, n° 113.
  • 22.
    Rép. imm. Dalloz, v° Usufruit, 2014, n° 113.
  • 23.
    « La taxe d’habitation d’un immeuble occupé par l’un des indivisaires incombe à l’indivision », Defrénois flash 17 mars 2021, n° 160s0, p. 9.
  • 24.
    J. Lafond et F. Collard, JCl. Liquidations – Partages, V° Indivision, fasc. 50, n° 111.
  • 25.
    Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-31189.
  • 26.
    CE, 5 janv. 1972, n° 80223 : BOFIP-IF-TH – Champ d’application – Personnes imposable – Conditions d’assujettissement. En vigueur depuis le 12 sept. 2012
  • 27.
    BOFIP-IF-TH – Champ d’application – Personnes imposable – Conditions d’assujettissement. En vigueur depuis le 12 sept. 2012.
  • 28.
    P.-L. Niel, « Pas de représentation successorale de l’héritier exhérédé par testament » LPA 26 août 2019, n° 146t1, p. 10.
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