Souveraineté, unité, démocratie. À propos du discours européen du président de la République du 26 septembre 2017

Publié le 07/05/2018

Le président de la République a prononcé un discours d’une heure et demie, devant des étudiants, à la Sorbonne, le 26 septembre 2017. Si ses propositions sont nombreuses et audacieuses, elles appellent une réflexion juridique autour des trois termes-clés que le président a martelés tout au long de son discours : souveraineté, unité et démocratie. Directement issus du champ du droit constitutionnel, ces trois termes, appliqués à la construction de l’Union européenne, tendent résolument à lui donner une perspective fédérale, malgré l’absence du terme dans le discours.

« Souveraineté, unité et démocratie sont, pour l’Europe, indissociables. Et ceux qui pensent qu’on pourrait choisir la souveraineté sans la démocratie se trompent ! Ceux qui pensent qu’on pourrait simplement, de manière anecdotique, donner des “gadgets” démocratiques, sans vouloir un projet de souveraineté et d’unité se trompent tout autant ! C’est ce triptyque indissociable que nous devons porter ».

Parler d’une « souveraineté européenne » pouvait sans doute encore sembler inconcevable il y a une dizaine d’années1. Pourtant, l’expression a été répétée à l’envi par le président de la République. Concept de droit constitutionnel, traditionnellement inhérent à la qualité d’État, la souveraineté ne peut désormais plus être considérée comme indivisible. Le président en tire les ultimes leçons en franchissant le Rubicon constitutionnel et en considérant que la souveraineté européenne doit être encore renforcée. Ce terme doit se lire au miroir des deux autres martelés par le discours présidentiel : unité et démocratie. La notion d’unité pour parler d’Europe politique n’est pas nouvelle. En effet, l’idée d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, présente dès les premiers préambules des traités européens, en atteste. Cependant, dans le discours de septembre, la notion d’unité va plus loin par les propositions de constructions concrètes qui sont faites, notamment en matière de sécurité et de défense. La faisabilité politique et juridique est évidemment la première question à poser au regard de la nature intrinsèque de la construction de l’Europe politique, fondée sur le consensus entre des États qui, quand bien même ont souverainement accepté de limiter leurs souverainetés respectives, n’en tiennent pas moins à la préservation d’un certain noyau dur de souveraineté. La deuxième question à poser au regard de la recherche d’unité et de souveraineté correspond exactement au troisième terme du triptyque développé dans le discours ; il s’agit de la notion centrale de démocratie. Ce dernier terme, lui aussi, a été difficilement admis comme pouvant s’appliquer non uniquement à la nation, mais aussi à l’ensemble supranational constitué par l’Union européenne. Pour autant, le principe démocratique a, de longue date, pénétré la construction européenne, par touches successives, puis, été consacré par le traité de Lisbonne qui, sur ce point, met, d’une certaine manière, fin à un débat doctrinal.

Ce qui importe dans ce triptyque, outre l’orientation fédéraliste du propos, même si le terme n’a pas été employé, c’est évidemment son contenu, marqué par l’audace voulue par le président. Ce contenu se décline en de nombreuses propositions sur de futures avancées de l’intégration. L’élan démocratique européen ainsi proposé est fondé sur une double dialectique, celle de la souveraineté des peuples et celle de la souveraineté européenne (I), d’une part, et d’autre part, celle de la dialectique de l’unité et de la recherche de compromis (II).

I – La dialectique de la souveraineté des peuples et de la souveraineté européenne

Deux assertions qui peuvent de primes abords paraître contradictoires, mais qui sont en réalité complémentaires, sont présentes dans le discours du 26 septembre 2017. Il s’agit, en premier lieu, d’une certaine reconnaissance de ce que l’Union européenne a pu, par certains moments, être construite sans l’aval des peuples, et en deuxième lieu, de ce qu’il revient aux gouvernants de donner l’impulsion nécessaire à la construction d’une Europe plus forte et plus protectrice, sans en passer par des référendums. La thèse retenue est que le référendum, posé sur des questions illisibles, telle la lecture d’un traité de plusieurs dizaines de pages comportant des clauses techniques nombreuses, n’est pas un instrument de démocratie apte à pallier l’insuffisante association des peuples à la prise de décision européenne (A). Ce sont de nouveaux instruments de démocratie qui peuvent désormais jeter les bases politiques et juridiques d’une démocratie supranationale européenne (B).

A – L’insuffisante association des peuples à la prise de décision européenne et la notion de démocratie européenne

Si la démocratie signifie le pouvoir du peuple, conformément à son étymologie, la mise en pratique de ce pouvoir du peuple est une des questions essentielles de la réalisation effective de la démocratie. Les régimes politiques des États organisent, selon les choix constitutionnels retenus, des mécanismes de démocratie directe et des mécanismes, souvent majoritaires, de démocratie représentative. À l’échelle européenne, la plupart des traités ont été adoptés par voir parlementaire, correspondant au modèle de la démocratie représentative. Un certain nombre de référendums a pourtant pu avoir lieu dans plusieurs États membres. Cette expérience s’est, selon le discours présidentiel, révélée insuffisante à plusieurs titres. Si l’exercice démocratique au niveau national doit, de ce fait, être amélioré, les traités européens consacrent désormais, pleinement, depuis le traité de Lisbonne, le principe démocratique à plusieurs niveaux.

Les réflexions sur le référendum sont nombreuses et les écueils ne concernent pas seulement la construction européenne. En effet, sans être exhaustif, et en restant sur les écueils concernant l’usage du référendum pour la ratification des traités européens, il importe d’en souligner quelques-uns. En premier lieu, l’usage du référendum peut rapidement se transformer en plébiscite ou non sur la personne qui pose la question. Or, pour ne mentionner sur ce point que l’exemple français, le régime de la Ve République consacre un président de la République doté de forts pouvoirs. Il est en outre, depuis la réforme constitutionnelle de 1962 relative à son élection au suffrage universel direct, dans une relation de légitimation directe par le peuple français. Si l’on ajoute à ces éléments le fait que le président de la République est, selon la constitution, l’autorité qui décide ou non de soumettre un traité au référendum, les risques de détournements, volontaires ou pas, du référendum en plébiscite, sont indéniables.

Le deuxième écueil à mentionner, en ce qu’il vérifie sur les questions telles que celles posées lors de la ratification d’un traité, tient dans la nature de la question posée. La réponse binaire par le oui ou par le non, à un référendum, s’accommode certes mal de questions complexes. L’exemple des référendums ayant été organisés en France sur les questions européennes en témoigne de manière patente.

Trois référendums ont été organisés en France sur les questions européennes. Le premier évitait, sans doute pour l’essentiel, ces écueils. Il a été largement oublié en ce qu’il n’avait pas suscité d’hostilité majeure, mais il n’en reste pas moins illustratif à plusieurs titres. Organisé le 23 avril 1972, alors que le Royaume-Uni demande son adhésion à la Communauté économique européenne de l’époque, ce référendum donne une base démocratique au premier élargissement communautaire. La question soumise au vote était formulée ainsi : « Approuvez-vous, dans les perspectives nouvelles qui s’ouvrent à l’Europe, le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République, et autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la Grande-Bretagne, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège aux Communautés européennes ? ».

Il faut rappeler sur ce point que le Royaume-Uni n’avait pas souhaité participer aux premières Communautés européennes, pour des raisons justement liées au principe de souveraineté. La tension entre la notion de coopération – moins intégrée ou, dit encore autrement, moins contraignante – et celle d’intégration ou de supranationalité – plus contraignante – ont conduit à la construction parallèle de deux Europe que sont l’Europe dite communautaire, et l’Europe du Conseil de l’Europe. Cette dernière correspondait davantage à la conception britannique du rapprochement des peuples européens. Dans un second temps, la Grande-Bretagne a changé d’avis et a manifesté sa volonté de devenir membre de la Communauté économique européenne d’alors. Le Général de Gaulle avait rejeté cette idée. C’est ainsi au terme de sa présidence de la République que les négociations ont pu aboutir avec la signature puis la ratification du premier traité d’élargissement. La Norvège refusera finalement d’adhérer par référendum.

Outre ce premier référendum français sur les questions européennes, caractérisé par la simplicité de la question posée, gage de bon fonctionnement du référendum, les deux autres référendums tombèrent indéniablement dans les écueils mentionnés nonobstant des résultats opposés pour l’un et l’autre. Ces deux moments de consultation populaires ont porté d’une part sur la ratification du traité de Maastricht et d’autre part sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le traité de Maastricht, par les avancées intégrationnistes qu’il comporte, n’a pas manqué de susciter des débats passionnés sur la souveraineté. Le Conseil constitutionnel a ainsi, pour la première fois de son histoire, censuré le traité européen pour des motifs d’atteinte à la souveraineté2. Plus précisément, il a relevé plusieurs atteintes aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », expression forgée depuis les années 1970. Le traité était long, complexe, avec des termes juridiques techniques, nécessairement peu accessibles au citoyen non averti. Ainsi la soumission de ce texte à référendum en 1992, conduisit à des débats certes nombreux, mais difficiles à saisir pour tout un chacun. L’intérêt de ce moment avait néanmoins été de mettre l’Europe sur la place publique et de susciter un certain intérêt pour la discussion sur l’Europe. Pour autant, les enjeux n’étaient pas assez clairement exposés, en raison de la complexité du texte. Si le « oui » l’a emporté, ce fut de peu, et au terme de débats ayant donné naissance à un courant souverainiste qui demeura très critique du traité ensuite. Le traité établissant une constitution pour l’Europe fut, quant à lui, un sujet encore plus délicat. En effet, le terme de « constitution », pas loin de celui de souveraineté, d’ailleurs, créa des controverses encore plus virulentes qu’en 1992. Les débats étaient souvent faussés, par des erreurs volontaires ou non3, créant une ambiance peu propice à une expression référendaire informée et sereine.

C’est le sens que prend l’idée selon laquelle le référendum n’est pas nécessairement un instrument pertinent pour permettre aux peuples européens de s’approprier l’Union européenne. Pour autant, ces référendums négatifs, en France, mais aussi aux Pays-Bas4 et en Irlande5, doivent être pris en compte. Le président le formule ainsi comme suit : « doute démocratique européen, celui que les “non” aux référendums français et néerlandais nous ont fait vivre. Et je pense que nous n’avons pas eu raison de faire avancer l’Europe malgré les peuples. Il y a eu un moment où on a pensé qu’on devait, en quelque sorte, bousculer nos démocraties en faisant avancer l’Europe malgré tout. C’était une erreur, et cette erreur s’est doublée d’une absence de propositions : on a forcé la main et on a dit “mais attention, on ne proposera plus et on ne viendra plus vous demander votre avis”. Et nous sommes rentrés dans cette “glaciation” où la France, comme beaucoup d’autres, avait peur de proposer parce qu’elle avait peur d’un indicible, de quelque chose d’affreux : le changement de traité. »

Le président de la République, par ce discours sur la démocratie, met en évidence le paradoxe d’une Europe nécessairement complexe compte tenu de sa nature intrinsèque même, et la nécessité de faire approuver cette même Europe par les peuples. Derrière cet argumentaire se retrouve, en profondeur, le débat sur la complémentarité de la démocratie directe et de la démocratie représentative. Il n’est certes pas nouveau de s’interroger sur la possibilité de faire adopter par la voie référendaire des sujets complexes. Il est des écueils à plusieurs titres quant au référendum. Que l’on songe à l’abolition de la peine de mort et aux sondages d’opinion de la période de la fin des années 1970 et du début des années 1980 et l’on comprend les risques de déviances démagogiques d’un référendum sur un sujet soit trop complexe soit trop passionné. Pour autant, la nature même de la construction européenne, par les transferts de souveraineté qu’elle comporte, exige dans le même temps une légitimation par les peuples, et pas seulement par la voie représentative.

Les débats réguliers et non au moment d’un acte particulier sont sans doute une des clés d’une démocratie européenne apte à faire des peuples européens de véritables acteurs de la chose publique européenne. C’est le cœur même de la dialectique entre la souveraineté des peuples et la souveraineté européenne. Il est à cet égard remarquable que le traité de Lisbonne consacre un titre entier au principe démocratique.

B – La consécration du principe démocratique dans les traités européens

En rédigeant le traité de Lisbonne et ce titre, inédit, consacré à la démocratie européenne, les États développent implicitement la dialectique de la souveraineté européenne et de la souveraineté nationale. En effet, la structure même de ce titre l’illustre parfaitement. La démocratie européenne s’exerce en effet non seulement au niveau supranational, mais au niveau des parlements nationaux. Ainsi la démocratie européenne s’exerce d’abord par le Parlement européen, démocratiquement et directement élu par les citoyens européens. Le fait que tout citoyen résidant dans un État membre puisse se présenter aux élections européennes et voter montre aussi cette notion de peuple européen en devenir. Elle s’exerce aussi par les parlements nationaux. Ainsi le titre II du traité sur l’Union européenne, tel qu’issu du traité de Lisbonne, consacre des dispositions relatives aux principes démocratiques. Ainsi selon l’article 9 du traité sur l’Union européenne, dans toutes ses activités, l’Union respecte le principe de l’égalité de ses citoyens, qui bénéficient d’une égale attention de ses institutions, organes et organismes. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. Selon son article 10, le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative. Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen. Les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d’État ou de gouvernement et au Conseil par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs parlements nationaux, soit devant leurs citoyens. Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens. Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union.

Selon son article 11, les institutions donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d’action de l’Union. Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile. En vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission européenne procède à de larges consultations des parties concernées. Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités. Les procédures et conditions requises pour la présentation d’une telle initiative sont fixées conformément à l’article 24, premier alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

L’article 12 du traité sur l’Union européenne consacre, dans ce même titre consacré aux principes démocratiques, le rôle des parlements nationaux dans le processus de construction européenne. Ainsi, selon cet article 12, les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union : a) en étant informés par les institutions de l’Union et en recevant notification des projets d’actes législatifs de l’Union conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne ; b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ; c) en participant, dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, aux mécanismes d’évaluation de la mise en œuvre des politiques de l’Union dans cet espace, conformément à l’article 70 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et en étant associés au contrôle politique d’Europol et à l’évaluation des activités d’Eurojust, conformément aux articles 88 et 85 dudit traité ; d) en prenant part aux procédures de révision des traités, conformément à l’article 48 du présent traité ; e) en étant informés des demandes d’adhésion à l’Union, conformément à l’article 49 du présent traité ; f) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne.

Cet ensemble de dispositions est riche d’une nouvelle conception de la démocratie : une démocratie supranationale, dont le traité prend pleinement acte du caractère éminemment décentralisé. Chaque niveau, supranational, national, dans le respect du principe de subsidiarité, participe au bien commun de l’Union européenne. Si une unité est ainsi affirmée, elle n’existe que dans la diversité de ce qui fait le génie européen. C’est ce que l’on peut nommer la dialectique de l’unité et de la recherche du compromis.

II – La dialectique de l’unité et de la recherche de compromis

Le troisième volet du triptyque martelé par le président de la République est le terme d’unité. Les projets d’Europe plus unie ne manquent pas dans le discours (A). Cependant, la culture du compromis et la difficulté de son existence conduisent le président à se placer sur le terrain déjà connu des traités, des coopérations renforcées, facteurs de compromis (B).

A – Des projets d’Europe unie multiples

Les projets d’Union plus étroite sont nombreux. Certains comportent déjà des bases juridiques existantes, tandis que d’autres sont plus novateurs. Les deux grands domaines concernés sont d’une part les aspects de sécurité au plan interne et externe, et d’autre part, le renouvellement de politiques déjà largement engagées à l’échelle de l’Union européenne comme la politique environnementale et la politique agricole commune.

On relèvera en premier lieu, en ce que l’idée est ancienne et que des prémisses existent, l’idée de défense européenne. Le président propose ainsi : « En matière de défense, notre objectif doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN. Le socle de cette autonomie a été posé, avec des progrès historiques intervenus ces derniers mois. En juin dernier, nous avons posé les bases de cette Europe de la Défense ; une coopération structurée permanente, permettant de prendre des engagements accrus, d’avancer ensemble et de mieux nous coordonner ; mais aussi un Fonds européen de défense afin de financer nos capacités et notre recherche. Ce socle indispensable, nous sommes en train de lui donner un contenu, à travers les échanges des différents États membres qui souhaitent avancer en cette direction.

Mais il nous faut aller plus loin. Ce qui manque le plus à l’Europe aujourd’hui, cette Europe de la défense, c’est une culture stratégique commune. Notre incapacité à agir ensemble de façon convaincante met en cause notre crédibilité en tant qu’Européens. Nous n’avons pas les mêmes cultures parlementaires, historiques, politiques ni les mêmes sensibilités. Et nous ne changerons pas cela en un jour. Mais je propose dès à présent d’essayer de construire cette culture en commun, en proposant une initiative européenne d’intervention visant à développer cette culture stratégique partagée.

Pour créer ce rapprochement, nous avons besoin d’un changement profond. Je propose ainsi à nos partenaires d’accueillir dans nos armées nationales – et j’ouvre cette initiative dans les armées françaises – des militaires venant de tous les pays européens volontaires pour participer, le plus en amont possible, à nos travaux d’anticipation, de renseignement, de planification et de soutien aux opérations. Au début de la prochaine décennie, l’Europe devra ainsi être dotée d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir. »

En matière de défense, il convient de rappeler les bases juridiques des traités et les réalisations effectuées.

Les objectifs de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) sont définis par l’article 42 du TUE. Celui-ci stipule que l’UE peut avoir recours à des moyens civils et militaires en dehors de l’Union « afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies ».

Sans remettre en cause le caractère spécifique des politiques de sécurité et de défense de chaque État membre (notamment dans le cadre de l’OTAN dont 22 des 28 pays de l’Union sont membres), la PSDC poursuit également l’objectif, à terme, d’une défense commune (art. 42 TUE)6.

L’Union européenne ne possède pas d’armée, mais elle est capable de conduire des opérations de gestion de crise avec une « force de réaction rapide » et des structures de commandements appropriées. Elle peut également fournir des agents de police pour les aspects civils de la gestion des crises. Ces capacités civiles et militaires sont mises à la disposition de l’UE par les États membres lorsqu’une mission est décidée, la PSDC fournissant le cadre pour identifier et développer ces capacités, les coordonner et les utiliser de façon autonome.

Les États membres peuvent déjà, en fonction du traité, mettre en œuvre un certain nombre d’opérations communes de sécurité et de défense. Celles-ci incluent (art. 43 TUE) : les actions conjointes en matière de désarmement, les missions humanitaires et d’évacuation, les missions de conseil et d’assistance en matière militaire, les missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. La PSDC vise également à lutter contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers sur leur territoire.

L’Union européenne est d’ailleurs présente aujourd’hui sur 3 continents au travers de missions de gestion des crises variées. En matière d’opérations militaires, des forces européennes autonomes sont aujourd’hui présentes sur plusieurs terrains. Ainsi, en Méditerranée (mission de lutte contre le trafic de migrants EUNAVFOR Med) ; en République centrafricaine (mission de stabilisation EUFOR RCA, lancée en 2014) ; au Mali (mission de formation militaire EUTM, lancée en 2013) ; en Somalie (mission de formation militaire EUTM, lancée en 2010) ; sur les côtes somaliennes (opération navale ATALANTE contre la piraterie, lancée en 2008) ; en Bosnie-Herzégovine (mission de maintien de la paix ALTHEA, lancée en 2004).

Une première mission militaire commune a résidé dans la mission ARTEMIS (du 12 juin au 1er septembre 2003), en République démocratique du Congo, qui avait pour objet de stabiliser la région de Bunia et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire.

Il faut aussi souligner que l’Union assure aussi des missions de gestion civile des crises. En effet, elle assure une dizaine de missions de police et de soutien aux forces de sécurité ou à la justice : en Europe (EULEX au Kosovo, EUBAM en Moldavie, EUAM en Ukraine) ; au Moyen-Orient (EUPOL dans les territoires palestiniens, EUJUST en Irak) ; en Asie centrale (EUPOL en Afghanistan) ; en Afrique (EUCAP SAHEL au Mali, EUCAP au Niger, EUAVSEC au Soudan du sud, EUCAP sur la corne de l’Afrique, EUSEC et EUPOL en République démocratique du Congo).

Enfin, il faut noter que l’Union européenne assure également des missions d’assistance au contrôle des frontières ou de supervision d’accords de paix : en Libye, dans les territoires palestiniens (surveillance du point de passage entre la bande de Gaza et l’Égypte à Rafah), en Géorgie (mission d’observation en vue de stabiliser la région). Les organes de la PSDC sont aussi définis par les traités. Plusieurs structures permanentes participent à la PSDC : constitué de représentants des États, le comité politique et de sécurité (COPS) exerce, sous l’autorité du Conseil et du haut représentant, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion des crises. Il reçoit des conseils et des recommandations du comité militaire de l’UE (CMUE). L’état-major militaire de l’UE (EMUE) planifie, exécute et met en œuvre les décisions. La capacité civile de planification et de conduite (CPCC) assure la conduite des opérations civiles. Enfin, l’agence européenne de défense (AED) vise à améliorer les capacités militaires des États membres7.

S’agissant du thème de la sécurité intérieure, le président a aussi apporté des propositions. Ainsi, il propose « une force européenne de protection civile qui mettra en commun nos moyens de secours et d’intervention, qui permettra ainsi de répondre aux catastrophes de moins en moins naturelles, des incendies aux ouragans, des inondations aux séismes. Une Europe qui s’unit pour protéger, intervenir, sauver des vies, c’est une Europe qui retrouve le sens de cette fraternité que nous avons placée en son centre, qui sort de l’incantation pour agir concrètement et démontrer la force de l’action collective. »

Sur ce sujet de force européenne de protection civile, il faut rappeler que des bases existent déjà. En 2001, le mécanisme européen de protection civile a été créé pour favoriser la coopération entre les autorités nationales de protection civile des différents pays européens. Le mécanisme regroupe actuellement les 28 États membres de l’UE ainsi que l’Islande, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Turquie.

Le mécanisme a été mis en place pour coordonner l’aide apportée par les États participants aux victimes des catastrophes d’origine naturelle et humaine frappant l’Europe et le reste du monde.

Un centre opérationnel a été mis en place. Le Centre de coordination des interventions d’urgence (ERCC) dirige les opérations du mécanisme. À ce titre, il surveille les situations critiques aux quatre coins du monde 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et, en cas de crise, coordonne les interventions des pays participants. Grâce aux modules de protection civile prépositionnés et autonomes, les équipes de l’ERCC sont prêtes à intervenir dans des délais très rapides tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières européennes. Elles effectuent des opérations spécialisées de recherche et de sauvetage des victimes, déploient des moyens aériens de lutte contre les incendies de forêt et installent des postes médicaux avancés.

N’importe quel pays au monde peut solliciter l’aide du mécanisme européen de protection civile. Depuis sa création en 2001, le mécanisme européen de protection civile a assuré le suivi de plus de 300 catastrophes et a reçu plus de 200 demandes d’aide. Il est intervenu après les dégâts dévastateurs occasionnés par le tremblement de terre à Haïti (2010), la triple catastrophe au Japon (2011), le typhon Haiyan aux Philippines (2013), les inondations en Serbie et en Bosnie-Herzégovine (2014), la crise Ebola (2014), le conflit en Ukraine (2014) et le séisme au Népal (2015), et la crise des réfugiés en Europe.

Une capacité européenne de réaction d’urgence (EERC) a aussi été mise en place. L’EERC consiste en une réserve de volontaires pouvant être mobilisés pour intervenir dans les situations d’urgence. Les pays qui participent au mécanisme européen de protection civile engagent ces ressources par anticipation. Cette réserve de volontaires permet de préparer de manière plus prévisible, plus rapide et plus fiable les interventions de l’UE lors de catastrophes. Elle a également pour objectif de faciliter la planification et la coordination aux échelons européen et national. Jusqu’à présent, elle a été déployée à deux reprises, dans le cadre de l’intervention des autorités européennes face à l’épidémie de fièvre Ebola. Le corps médical européen fait partie intégrante de l’ERCC.

Le mécanisme propose une aide en cas d’urgence de pollution marine. Il collabore alors étroitement avec l’agence européenne de sécurité maritime (EMSA). Lorsqu’une crise a lieu dans un pays en développement, l’aide en matière de protection civile va généralement de pair avec l’aide humanitaire de l’UE.

Le mécanisme offre aussi aux pays participants la possibilité de former leurs équipes de protection civile. Au travers d’échanges de bonnes pratiques et d’un apprentissage, les équipes augmentent leurs capacités et l’efficacité de leur réponse aux catastrophes. En outre, le mécanisme met à leur disposition une communication d’urgence et des outils de veille, supervisés par l’ERCC au travers du système commun de communication et d’information d’urgence (CECIS), une application en ligne d’alerte et de notification qui permet un échange en temps réel d’informations entre les États participants et l’ERCC8.

En matière de politique migratoire, le président propose « que soit créé un véritable office européen de l’asile, qui accélère et harmonise nos procédures, que l’on ait enfin des fichiers connectés et des documents d’identité biométriques sécurisés, car on traite aujourd’hui en France des dizaines de milliers de demandes d’asile que nos partenaires européens ont déjà refusées ; que l’on établisse progressivement une police des frontières européennes qui garantisse partout en Europe une gestion rigoureuse des frontières et assure le retour de ceux qui ne peuvent rester. Que l’on finance de manière solidaire un large programme de formation et d’intégration pour les réfugiés, car faire une place aux réfugiés qui ont risqué leur vie, chez eux et sur leur chemin, c’est notre devoir commun d’Européen et nous ne devons pas le perdre de vue. »

Si les grands enjeux de sécurité au niveau interne et externe au regard de la géopolitique mondiale sont décisifs, les thèmes relatifs aux politiques quotidiennes telles l’environnement ou la politique agricole commune n’en sont pas moins essentiels.

Le président propose ainsi que « nous puissions ouvrir de manière décomplexée et inédite une Politique agricole commune qui se pense d’abord avec deux objectifs : nous protéger face à ces grands aléas, à la volatilité des marchés mondiaux qui pourrait mettre en péril la souveraineté alimentaire de l’Europe ; favoriser la grande transition agricole européenne et laisser plus de flexibilité au niveau des pays pour organiser la vie des territoires et des filières, mettre moins de bureaucratie, laisser au niveau régional, accompagner de manière plus souple les filières partout où des choix qui restent des choix collectifs de terrains sont nécessaires.

L’exigence des Européens, c’est d’avoir confiance dans les aliments et les produits qu’ils utilisent au quotidien et cela participe de cette sécurité alimentaire que j’évoquais. Et on voit là aussi que l’échelle européenne est incontournable. Nous l’avons vécu l’été dernier avec ce qu’il convient d’appeler désormais “la crise des œufs”. Nous avons vu que les dysfonctionnements à un endroit de l’Europe, parce que nous sommes un marché intégré, ont des conséquences partout en Europe qui peuvent jeter le doute sur notre sécurité alimentaire, avec une demande parfaitement légitime de nos concitoyens qui est d’avoir la vérité en temps réel sur tous ces sujets. »

Outre les grands enjeux de sécurité, d’environnement et de politique agricole commune, le président a mis en exergue la question d’actualité du numérique. « Cette révolution du numérique est celle des talents et les attirer, c’est en attirer d’autres et c’est bien le sens de ce que le gouvernement conduit, ce que le Premier ministre, le ministre de l’Économie et des Finances et la ministre de l’Innovation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche entre autres mènent au sein du gouvernement.

Nous continuerons à poursuivre ces réformes mais l’Europe a aussi besoin d’une ambition sur ce point. Je souhaite que l’Europe prenne la tête de cette révolution par l’innovation radicale. Créons dans les deux ans qui viennent une agence européenne pour l’innovation de rupture, à l’instar de ce qu’ont su faire les États-Unis avec la DARPA au moment de la conquête spatiale. Cette ambition doit être la nôtre. Nous avons aujourd’hui une fenêtre unique pour le faire. Prenons cette ambition, finançons les recherches dans les domaines nouveaux comme l’intelligence artificielle, acceptons la prise de risque. Cette agence mettrait l’Europe en situation d’innovateur et non de suiveur.

Et plutôt que de déplorer que les grands champions du numérique soient aujourd’hui américains, demain chinois, mettons-nous en situation de créer des champions européens, sachons inventer dans ce bouleversement global les sécurités justes et les régulations efficaces. Je veux une Europe qui réussisse dans cette transition numérique mais elle bouscule à la fois nos repères et nos organisations économiques et sociales. Et aujourd’hui, ce continent du numérique n’a pas de normes ou, plus exactement, il a une loi, la loi du plus fort. C’est à l’Europe d’en définir le cadre de régulation pour ne pas subir de fait la loi du plus fort qui s’importe chez nous.

Le projet du marché unique du numérique est à ce titre une occasion unique que nous devons saisir pour construire les modalités qui nous permettront de défendre les règles qui protégeront les libertés individuelles et le respect du secret auquel chacun a droit, qui permettra de protéger les données économiques de nos entreprises et qui permettra de créer précisément la régulation européenne qui tout à la fois protégera les personnes, les entreprises de manière légitime, qui permettra aux acteurs européens d’émerger dans un marché loyal et qui permettra aussi de compenser les profondes désorganisations sur l’économie traditionnelle que cette transformation parfois crée. Les grandes plateformes numériques, la protection des données sont au cœur de notre souveraineté à cet égard. »

Ces projets, nombreux, s’inscrivent à n’en pas douter dans la perspective d’une Europe unie, souveraine et active sur la scène internationale. Cependant, l’Union européenne est fondée sur des mécanismes de prise de décision9 qui, fussent-ils en partie intégrés, n’en appellent pas moins régulièrement une culture de consensus. Un équilibre entre consensus et possibilités de coopérations renforcées devra donc être trouvé.

B – Un équilibre à trouver entre consensus et coopérations renforcées

Les questions de défense, mais aussi celles relatives à la fiscalité, sont largement régies par le principe du vote à l’unanimité. Or toute volonté politique, si ambitieuse et audacieuse soit-elle, demande une force de conviction des partenaires européens et une réelle volonté politique du tout. Ainsi, la piste des coopérations renforcées pourra être privilégiée en cas d’absence de consensus.

La matière de la défense a été largement développée par le président. Nous avons rappelé plus haut que de nombreuses bases juridiques existaient déjà dans les traités en la matière et que des réalisations concrètes s’en étaient suivies. Cependant la prise de décision demeure peu intégrée. Les décisions en matière de politique de sécurité et de défense commune sont en effet adoptées à l’unanimité par le Conseil de l’Union européenne sur proposition du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ou sur initiative d’un État membre. Le Conseil européen identifie quant à lui « les intérêts stratégiques de l’Union, fixe les objectifs et définit les orientations générales de la PESC, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense ». Comme la PESC, la PSDC est exécutée par le haut représentant de l’Union.

Le haut représentant doit régulièrement consulter le Parlement européen sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC et de la PSDC, en veillant à ce que ses vues soient prises en considération. Le Parlement peut également adresser des questions ou formuler des recommandations à l’intention du Conseil et du haut représentant de l’Union, et organise deux fois par an un débat sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la PESC, y compris la PSDC. Ces méthodes impliquent sans doute que de fortes avancées nécessiteraient la mise en place de coopérations renforcées ou structurées.

De même, en matière fiscale, le président a décliné plusieurs domaines. S’agissant du numérique, le président souligne que « la France a commencé avec ses partenaires à pousser au niveau des ministres de l’Économie et des Finances une initiative que je souhaite voir reprendre au niveau des chefs d’État et de gouvernement, celle de la taxation de la valeur créée, là où elle est produite, qui nous permettra de revoir profondément nos systèmes fiscaux, de taxer sans complaisance les entreprises qui s’implantent hors d’Europe dans le seul but d’échapper à l’impôt. Cette taxe est juste parce qu’elle taxe partout pour la valeur qui est créée dans un pays et elle rappelle simplement un élément fondamental de nos philosophies communes et démocratiques, c’est qu’il y a des biens communs à financer et que tous les acteurs économiques doivent y contribuer. Il ne peut pas y avoir des acteurs de la nouvelle économie qui sont les passagers clandestins du monde contemporain parce que cette nouvelle économie, on le sait, elle crée aussi des désorganisations, elle crée des inégalités, elle perturbe des territoires et donc elle crée des situations qui supposent des compensations et des accompagnements que la puissance publique doit justement permettre de résoudre. Il est donc juste et légitime qu’accumulant des profits par ailleurs, elle participe à cette solidarité là où elle crée de la valeur. »

Le domaine fiscal et le domaine social, domaines sensibles et inhérents à la souveraineté, sont largement inclus dans le discours du président. « Deux propositions concrètes. La première sur l’impôt sur les sociétés : nous avons commencé, mais nous devons accélérer l’harmonisation des bases de cet impôt ; et entre la France et l’Allemagne les quatre prochaines années doivent permettre de la finaliser. Nous avons l’opportunité d’une mandature claire, achevons-la. Mais au-delà, dans l’Union européenne, nous ne pouvons pas avoir une telle divergence des taux d’impôt sur les sociétés. Cette divergence fiscale elle aussi nourrit une forme de désunion, désagrège nos propres modèles et fragilise toute l’Europe.

C’est pourquoi je souhaite que nous puissions définir d’ici le prochain budget européen en 2020 une fourchette de taux qui engagerait les États membres. Le respect de cette fourchette conditionnerait l’accès aux fonds européens de cohésion, car on ne peut pas bénéficier de la solidarité européenne et jouer contre les autres. À cet égard, je salue la Commission européenne qui a commencé ces derniers mois à bouger et qui, par le travail de Margrethe Vestager et de Pierre Moscovici, a commencé à bousculer certains acteurs ou certains pays. Nous devons aller plus loin, on ne peut pas avoir des fonds structurels qui financent la baisse des taux d’impôt sur les sociétés. C’est l’Europe qui marche à l’envers, c’est l’Europe qui se désunit.

La deuxième proposition, c’est que nous puissions définir une vraie convergence sociale et rapprocher progressivement nos modèles sociaux, c’est profondément compatible avec notre compétitivité mondiale. Je ne veux pas que nous opposions ces ambitions, pourquoi ? Parce que regardez le monde tel qu’il va, certains il y a quelques années disaient : “Vous savez, avoir une ambition européenne pour nous c’est une mauvaise idée, nous, c’est la compétitivité notre priorité” ; ceux qui l’ont essayé ont perdu leur peuple. Qu’a dit le peuple britannique au moment du Brexit ? Les classes moyennes britanniques ont dit : “J’aime bien votre compétitivité mais elle ne me concerne pas, l’attractivité de la place de Londres n’est pas faite pour moi”. Qu’a dit le peuple américain quand on écoute bien ? “Cette Amérique ouverte à tous les vents, cette compétitivité que vous nous avez expliquée, elle n’est pas faite pour nous classes moyennes”. Un repli s’opère, qui vient de là, partout où les démocraties ont été au bout de cette ambition unique pour une compétitivité sans justice, elles en ont touché les limites.

Donc en Europe nous avons besoin de reconstruire la grammaire d’un modèle social rénové, pas celui du XXe siècle, pas celui d’une économie de rattrapage, non. Mais nous devons en penser les termes et les construire au niveau européen, c’est pour cela que c’est la bonne échelle pour mener ce combat. Je souhaite donc dès le mois de novembre prochain que nous ayons une discussion concrète sur ce qu’est ce socle social européen et pour le bâtir je souhaite que nous construisions là aussi des règles de convergence. Nous devrions définir un salaire minimum adapté à la réalité économique de chaque pays, mais progressivement rentrer dans cette logique pour les faire converger. »

Si l’unanimité n’était pas trouvée sur ces sujets d’importance, le président s’exprime ainsi : « Allons vers ces différenciations, vers cette avant-garde, ce cœur de l’Europe dont je parlais tout à l’heure. Sur tous nos grands défis, nous devons avancer en accélérant le rythme et en élevant nos ambitions. Aucun État ne doit être exclu de cette dynamique, mais aucun pays ne doit pouvoir bloquer ceux qui veulent avancer plus vite ou plus loin.

Je le dis ici, reprenant les propositions de Mario Monti et Sylvie Goulard faites il y a quelques années, l’idée que celui qui veut le moins peut bloquer les autres est une hérésie. Acceptons ces différences multiples et, comme à chaque moment clé de son histoire, l’Europe avancera d’abord par la détermination de quelques-uns. Cette ambition n’est jamais une source d’exclusion, elle est le ferment de l’unité et de la souveraineté européennes ».

C’est un retour du thème apparu dès les années 1990 auquel on assiste dans le discours présidentiel, mais avec des ambitions renouvelées et un élan salué par les responsables européens. Ce thème est celui de l’Europe à géométrie variable, du noyau dur, ou encore, si l’expression est à connotation négative, d’Europe à la carte. Cette dernière a été retenue dans le cadre des nombreuses clauses dites d’opting out dont, notamment le Royaume-Uni a bénéficié.

En revanche, sans connotation négative est l’expression finalement consacrée par les traités à travers la notion de « coopérations renforcées ». Le traité d’Amsterdam consacre l’expression, tandis que les traités successifs, et le dernier en date, le traité de Lisbonne, apporte des précisions sur chaque domaine pouvant être concerné.

Les coopérations renforcées sont organisées par les États membres dans le cadre des politiques européennes. Elles permettent aux États participants d’organiser une coopération plus approfondie que celle initialement prévue par les traités dans la politique concernée. Les coopérations renforcées s’effectuent dans le cadre de l’Union européenne, au moyen des institutions et des procédures européennes.

Les coopérations renforcées visent ainsi à accélérer la construction européenne pour les États membres les plus ambitieux. La porte est cependant laissée ouverte aux autres États membres qui souhaiteraient les rejoindre ultérieurement.

Les coopérations renforcées peuvent être organisées dans le cadre de toutes les politiques européennes, sauf celles pour lesquelles l’UE dispose de compétences exclusives.

De manière générale, les coopérations renforcées doivent renforcer le processus d’intégration de l’Union et ne doivent pas porter atteinte au marché intérieur ni à la cohésion économique et sociale de l’Union. Le traité de Lisbonne fixe à neuf États membres le seuil minimum pour une coopération renforcée.

Les coopérations renforcées sont régies par le principe d’ouverture. Elles doivent en effet demeurer ouvertes, lors de leur instauration, et ensuite aussi, à la participation de tous les États membres. Elles le sont également à tout moment, sous réserve que l’État membre en question se conforme aux décisions prises dans le cadre de la coopération renforcée. La Commission et les États membres veillent à ce qu’une coopération renforcée comprenne le plus grand nombre possible d’États membres.

Les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne peuvent pas être considérées comme faisant partie intégrante de l’acquis de l’Union européenne. Ils n’ont à être appliqués que par les États membres participants. Le Conseil et la Commission ont pour mission d’assurer la cohérence des actions entreprises dans le cadre d’une coopération renforcée avec les autres politiques et actions de l’Union.

Le traité de Lisbonne permet l’application des « clauses passerelles » aux coopérations renforcées, excepté pour les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. Ces clauses passerelles permettent de passer de l’unanimité à la majorité qualifiée ou d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire.

La procédure d’enclenchement des coopérations renforcées concerne toutes les coopérations renforcées exceptées celles mises en place dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Les États membres qui envisagent d’instaurer une coopération renforcée adressent leur demande à la Commission qui soumet ensuite une proposition au Conseil. Après avoir obtenu l’approbation du Parlement, le Conseil peut autoriser l’instauration de la coopération renforcée.

Un État membre qui souhaiterait rejoindre une coopération renforcée en cours doit soumettre une demande à la Commission et au Conseil. La Commission décide en premier lieu d’autoriser ou non l’État membre à rejoindre la coopération renforcée. En cas de refus réitéré de la Commission, l’État membre peut alors saisir le Conseil pour qu’il se prononce sur sa demande.

Contrairement à la procédure générale, les coopérations renforcées dans le domaine de la PESC ne font pas l’objet d’une proposition de la Commission ni d’une approbation par le Parlement européen. Le lancement de telles coopérations est essentiellement décidé au sein du Conseil. Celui-ci autorise, ou non, la coopération renforcée demandée par les États membres intéressés. Il statue alors à l’unanimité. En outre, la Commission et le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doivent donner leur avis. Le Parlement européen est quant à lui simplement informé de la demande.

Le traité de Lisbonne a créé trois types de coopération spécifiques au domaine de la défense.

Les États membres qui le souhaitent peuvent mettre en place une coopération structurée permanente. Ils s’engagent alors à participer à des programmes européens d’équipement militaire et à fournir des unités de combat pour les missions entreprises dans le cadre de l’UE. La procédure dans ce domaine est très souple ; aucun seuil minimum d’État membre n’est requis et le Conseil autorise la coopération structurée permanente à la majorité qualifiée.

Les États membres peuvent également participer à certaines missions relevant de la politique de sécurité et de défense commune. Ces missions sont celles visées à l’article 43 du traité sur l’UE. Il s’agit, par exemple, des missions humanitaires ou de maintien de la paix. De telles coopérations entre États membres doivent faire l’objet d’une décision du Conseil statuant à l’unanimité.

Enfin, la nouvelle agence européenne de défense offre un cadre de coopération aux États membres qui souhaiteraient améliorer leurs capacités militaires. Cette agence est ouverte à tous les États membres qui souhaitent y participer.

Le traité de Lisbonne facilite aussi le recours aux coopérations renforcées dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale. La procédure d’enclenchement est ainsi assouplie lorsqu’un État membre a fait jouer la « clause frein » pour s’opposer à l’adoption d’un acte législatif dans ce domaine. Dans ce cas, une coopération renforcée est instaurée d’office sur la base du projet législatif concerné si au moins neufs États membres y participent. Cette clause, qualifiée d’« accélérateur », compense ainsi la clause de « frein ».

Par ailleurs, deux autres clauses dites d’accélérateur ont été instaurées pour la création d’un parquet européen ainsi que pour la coopération policière. Dans les deux cas, neuf États membres au moins peuvent mettre en place une coopération renforcée. L’autorisation d’une telle coopération ne nécessite alors pas de proposition de la Commission ni de vote au Conseil.

En somme, parmi les nombreuses propositions avancées, plusieurs reprennent des éléments déjà enclenchés ou ayant déjà des bases juridiques. Il restera à trouver la volonté politique, sinon de l’ensemble des États, au moins d’un nombre donné afin de parvenir à la mise en place de coopérations renforcées pouvant servir de moteur à un nouvel élan européen.

Pour parvenir à cette souveraineté européenne, ainsi qu’à ce nouvel élan, le discours innove sur certains points et relance des méthodes déjà expérimentées au moins en partie. En premier lieu, le président propose de se saisir des sièges laissés vacants par les députés élus en Grande-Bretagne pour créer des listes transnationales. Il faut rappeler que la citoyenneté européenne pose déjà le principe du droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes. L’idée de mettre en place des listes transnationales va encore plus loin. Le président s’est exprimé ainsi : « C’est aussi pour construire cet espace démocratique inachevé que je défends, pour 2019, des listes transnationales qui permettront aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun. Comment ? Et je rends ici la paternité de cette idée à quelques-uns et quelques-unes dans cette salle… Les Britanniques ont décidé de nous quitter, libérant 73 postes de députés européens. Nous avons un choix simple : nous répartir les dépouilles, avec élégance et dignité ; et décider que l’Europe, à défaut d’avoir un souffle commun, c’est un syndic de copropriété ; avec une clé de répartition savamment étudiée, nous nous répartirons les postes de députés laissés vacants. Ou vous décidez que ces 73 députés doivent être la réponse européenne au Brexit. Et ce sera une liste transnationale où l’on vote pour les mêmes parlementaires européens partout en Europe. Chiche !

Et à tous les grands partis européens qui nous ont expliqué que ce serait formidable d’avoir un “Spitzenkandidat” pour la Commission européenne, qui voulaient communautariser, européaniser ces élections, je leur dis : “Allez jusqu’au bout du raisonnement ! N’ayez pas peur ! Ayez des vraies élections européennes ! N’ayez pas des calculs au trébuchet pour vos intérêts d’hier ! Allons !” Mais vous verrez ainsi, les uns et les autres au niveau européen, ce qui est apparu clairement en France en mai dernier, c’est que ce qui vous tient parfois dans des partis communs n’existe plus. C’est que votre rapport à l’Europe n’est plus le même, au sein des mêmes grands partis. C’est que vous ne croyez plus dans les mêmes choses.

Je ne laisserai pas à ces grands partis européens le monopole du débat sur l’Europe et les élections européennes ! Parce qu’il faut que les citoyens le refondent, par la base, par le bas, par le vrai. Et je souhaite qu’aux élections suivantes, le vrai pas en avant puisse être que la moitié du Parlement européen soit élue sur ces listes transnationales. »

Il n’est cependant pas certain que ce projet suscite l’adhésion de l’ensemble des États membres. Déjà les pays de plus petite taille s’interrogent sur la possibilité d’être véritablement partie prenante à un tel projet, au regard de la notoriété des responsables politiques de chaque État membre.

En second lieu, le président propose de reprendre la méthode des conventions démocratiques. « Que nous passions par des conventions démocratiques qui feront partie intégrante de la refondation européenne. Je souhaite qu’une fois que nous aurons défini des termes simples d’une feuille de route partagée par les principaux gouvernements qui seront prêts à aller dans ce sens, nous puissions, pendant six mois, l’année prochaine, dans tous les pays qui le souhaitent, organiser autour des mêmes questions un vaste débat pour identifier les priorités, les préoccupations, les idées qui nourriront notre feuille de route pour l’Europe de demain. Remettre les choses dans le bon ordre, au lieu de demander, en fin de course, perclus de fantasmes et d’incompréhension, si c’est oui ou si c’est non, sur un texte illisible, écrit dans le secret, organisons un débat ouvert, libre, transparent, européen pour construire ce projet qui donnera ? enfin un contenu et un enjeu à nos élections européennes de 2019. »

Il ne faut cependant pas oublier que la méthode de la Convention a déjà été utilisée. Le principe de la convocation de la Convention sur l’avenir de l’Europe a été décidé lors du Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre 2001. Cette dernière a alors reçu la mission « d’examiner les questions essentielles que soulève le développement futur de l’Union et de rechercher les différentes réponses possibles », ce qui lui laissait une marge de manœuvre non négligeable.

Les conventionnels se sont montrés très attachés au maintien en l’état de leur projet constitutionnel. Le Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin 2003 n’en a pas moins « décidé que le texte du projet de traité constitutionnel [n’]était [qu’]une bonne base de départ pour la conférence intergouvernementale », chargée d’entériner, entre octobre 2003 et le printemps 2004, la nouvelle réforme de l’UE.

Les résultats auxquels la Convention est parvenue sont contrastés, ménageant tantôt l’intérêt des États, tantôt celui de l’Union. La composition de la Convention se prêtait en effet à cela. Forte de 105 membres, elle comportait, outre son président et ses deux vice-présidents, 28 représentants des gouvernements des États membres et des pays candidats, 56 représentants des parlements nationaux des pays membres et candidats, 16 représentants du Parlement européen et 2 représentants de la Commission européenne.

Les résultats de la Convention dépendaient notamment de l’attitude des députés nationaux : allaient-ils chercher à préserver les prérogatives des États ou, au contraire, à renforcer le pouvoir législatif dans l’Union ? D’une question à l’autre, l’équilibre des forces a varié permettant à la présidence de trouver un consensus en toutes circonstances10.

Cette convention a été suivie à la fois de la consécration de la charte européenne des droits fondamentaux et du projet de traité établissant une constitution pour l’Europe. La proposition présidentielle apparaît comme davantage ouverte sur la société civile. En somme, parmi la liste importante de propositions, certaines d’entre elles sont déjà dans les projets en cours, d’autres disposent de bases juridiques, certaines encore ont déjà été, au moins partiellement, expérimentées.

Il reste que le mérite d’un discours présidentiel comme celui prononcé le 27 septembre à la Sorbonne apparaît comme un discours fondateur au sens profond du terme. En systématisant le triptyque de la souveraineté, de l’unité et de la démocratie, avec des moyens concrets comme une recherche de véritable association des peuples au processus européen, c’est un président mettant en valeur la construction d’un véritable droit constitutionnel européen qui s’exprime.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. nos travaux : La souveraineté de l’État et l’Union européenne, l’exemple français, 2000, LGDJ, Bibliothèque des thèses ; et Naissance du peuple européen, 2006, Odile Jacob. Une partie du premier ouvrage est consacré à l’émergence d’une souveraineté européenne.
  • 2.
    Cons. const., 9 avr. 1992, n° 92-308 DC : jugeant alors notamment « que, s’agissant de la politique monétaire, il convient de relever qu’est posé par l’article 107 le principe de l’indépendance tant de la Banque centrale européenne que des banques centrales nationales, lesquelles constituent le Système européen de banques centrales ; qu’il revient à ce dernier, conformément aux dispositions combinées de l’article 105, paragraphe 2, et de l’article 3 du protocole n° 3, de « définir et mettre en œuvre la politique monétaire de la Communauté » ; que la Banque centrale européenne (BCE) est, en vertu du paragraphe 1 de l’article 105 A, « seule habilitée à autoriser l’émission de billets de banque dans la Communauté » ; que le paragraphe 2 du même article ne permet aux États membres d’émettre des pièces que « sous réserve de l’approbation, par la BCE., du volume de l’émission » ; qu’en outre, suivant le deuxième alinéa de l’article 109 G, « dès le début de la troisième phase, la valeur de l’Écu est irrévocablement fixée, conformément à l’article 109 L, paragraphe 4 » ; que selon ce texte, le jour de l’entrée en vigueur de la troisième phase, le conseil des ministres des Communautés, statuant à l’unanimité des États membres non dérogataires, « arrête les taux de conversion auxquels leurs monnaies sont irrévocablement fixées et le taux irrévocablement fixé auquel l’Écu remplace » les monnaies des États concernés ; que l’Écu deviendra ainsi « une monnaie à part entière » ; que suivant la même procédure, le Conseil « prend également les autres mesures nécessaires à l’introduction rapide de l’Écu en tant que monnaie unique" des États membres non dérogataires ; Considérant que, s’agissant de la politique de change, le paragraphe 1 de l’article 109 investit le conseil des ministres des Communautés, statuant à l’unanimité des États membres non dérogataires, du pouvoir de conclure des « accords formels portant sur un système de taux de change pour l’Écu, vis-à-vis des monnaies non communautaires » ; qu’il lui revient aussi, en se prononçant à la majorité qualifiée des États membres non dérogataires, d’« adopter, modifier ou abandonner les cours centraux de l’Écu dans le système des taux de change » ; que cette procédure de décision est également applicable, en vertu du paragraphe 2 de l’article 109, à l’effet de permettre au Conseil de formuler les orientations générales de politique de change vis-à-vis d’une ou de plusieurs monnaies non communautaires, en l’absence de système de taux de change ; Considérant qu’il résulte des dispositions applicables à compter du début de la troisième phase de l’Union économique et monétaire que la réalisation d’un semblable objectif se traduira par la mise en œuvre d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques suivant des modalités telles qu’un État membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
  • 3.
    V. notre essai, publié après ce référendum, Naissance du peuple européen, 2006, Odile Jacob.
  • 4.
    Le 2 juin 2005, Les Néerlandais ont rejeté le traité constitutionnel européen avec près de 62 % des voix.
  • 5.
    Le 13 juin 2008, Les Irlandais ont nettement rejeté le traité de Lisbonne, avec 53,4 % de « non » contre 46,6 % de « oui ». Ils avaient aussi refusé le traité de Nice le 7 juin 2001. Chacun des traités a fait l’objet de discussions ultérieures avec les Irlandais afin de trouver un accord.
  • 6.
    V. le site Toute l’Europe sur ce sujet www.touteleurope.eu.
  • 7.
    Idem. www.touteleurope.eu.
  • 8.
    http://ec.europa.eu/echo/what/civil-protection/mechanism_fr.
  • 9.
    V. notre ouvrage à paraître à la Documentation française sur le processus de décision européen, 2018.
  • 10.
    www.vie-publique.fr.