Économie numérique : la future directive DAC 7 pour une coopération administrative adaptée
Pour appréhender les revenus de l’économie numérique qui lui échappent, l’Union européenne étend l’échange automatique des informations aux recettes générées par les vendeurs sur les plateformes numériques situées ou non dans l’Union européenne.
Après l’abandon, en mars 2019, de son projet de taxation des services numériques, l’Union européenne a retenu la voie de la coopération administrative pour taxer les revenus de l’économie numérique. En décembre dernier, les États membres se sont mis d’accord pour étendre les règles de l’Union européenne en matière de transparence fiscale – condition préalable pour lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales – aux plateformes numériques, de sorte que ceux qui tirent des recettes de la vente de biens ou de services sur ces plateformes paient leur part de l’impôt.
Les enjeux
Les caractéristiques de l’économie des plateformes numériques rendent en effet très difficile de tracer et détecter les faits générateurs de l’impôt par les autorités fiscales, notamment lorsque ces transactions sont effectuées par des opérateurs établis dans une autre juridiction. Cette absence de déclaration par les vendeurs des revenus perçus par l’intermédiaire des plateformes numériques entraîne une importante perte de recettes fiscales pour les États membres. Sans compter que la situation créée les conditions favorables à une concurrence fiscale déloyale au détriment des personnes ou des entreprises qui n’exercent pas leurs activités par l’intermédiaire de plateformes numériques, ce qui cause une distorsion du fonctionnement du marché intérieur.
Lorsqu’elles existent, les dispositions nationales visant à lutter contre la fraude fiscale ne peuvent être pleinement efficaces lorsque les activités ciblées sont transfrontières, comme c’est le cas pour les plateformes en ligne. C’est pourquoi le seul terrain réglementaire efficace est un cadre harmonisé dans l’ensemble de l’Union européenne.
Pour l’heure, le seul moyen efficace pour appréhender les bénéfices repose donc sur une obligation de déclaration des revenus perçus à la charge des vendeurs. Ce mécanisme ne fonctionne que si les autorités fiscales reçoivent des informations appropriées en temps utile. La proposition prévoit donc d’élargir le champ d’application de l’échange automatique d’informations aux opérateurs de plateformes numériques en leur imposant l’obligation de déclarer les revenus perçus par les vendeurs qui les utilisent.
L’échange d’informations
Les États membres entendent établir la transparence sur le fondement de la proposition émise par la Commission européenne, le 15 juillet dernier, dans le cadre du plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance. Pour mémoire, ce plan comprend un train de mesures destinées à assurer l’équité fiscale et à aider efficacement les États membres à générer des recettes fiscales croissantes, rendues plus nécessaires que jamais en raison du contexte économique et social.
Au rang de ces mesures figure donc la proposition de directive COM (2020) 314 final, dite DAC 7. Elle impose aux opérateurs de plateformes des obligations de collecte et de vérification des informations relatives aux personnes vendant par leur intermédiaire, afin de leur permettre de les déclarer auprès des États membres qui pourront ensuite échanger ces données avec les autres États membres concernés. Les autorités nationales seront alors en mesure de repérer les situations devant donner lieu au paiement de l’impôt.
Champ d’application
Les activités qui devront faire l’objet d’une déclaration comprennent la location de biens immobiliers, la fourniture de services personnels, la vente de biens, la location de tout mode de transport ainsi que la réalisation d’investissements et l’octroi de prêts au titre d’un financement participatif.
Compte tenu du caractère numérique et de la flexibilité des plateformes numériques, l’obligation de déclaration est étendue aux opérateurs de plateformes qui exercent une activité commerciale dans l’Union mais ne sont ni des résidents à des fins fiscales, ni n’ont été constitués en société ou ne sont gérés, ni ne disposent d’un établissement stable dans un État membre.
Afin de faciliter cette pratique, les plateformes étrangères devraient être tenues de s’enregistrer et d’effectuer leur déclaration dans un seul État membre aux fins d’exercer leurs activités sur le marché intérieur. Les opérateurs de plateforme déclarants devront collecter les informations relatives aux transactions opérées par leurs utilisateurs.
Le mécanisme devra garantir que les opérateurs de plateformes numériques ne seront pas confrontés à des solutions nationales fragmentées en ce qui concerne leurs obligations fiscales de déclaration. Sera mis en place un point d’enregistrement et de déclaration unique. Enfin, l’application de sanctions en cas de non-respect demeurera sous le contrôle souverain des États membres, l’harmonisation se limitant à garantir que les autorités compétentes seront informées des revenus perçus.
Selon Paolo Gentiloni, commissaire européen chargé de l’Économie : « Il était grand temps d’actualiser nos règles fiscales afin de tenir compte de l’importance croissante des plateformes numériques pour l’économie européenne. Une fois que les nouvelles règles discutées aujourd’hui auront été adoptées et mises en œuvre, les autorités nationales échangeront automatiquement des informations sur les recettes générées par les vendeurs sur ces plateformes, et ces derniers bénéficieront de procédures administratives simplifiées. C’est une bonne nouvelle pour les deniers publics et pour les entrepreneurs honnêtes ».
L’adoption formelle de DAC 7 aura lieu une fois que le Parlement européen et le Comité économique et social auront rendu leurs avis. Ces nouvelles règles seront applicables à partir du 1er janvier 2023.
Accès aux données
Concrètement, une norme commune obligatoire de l’Union européenne garantira que toutes les administrations fiscales de l’UE auront accès au même type de données. Les autorités fiscales seront donc placées sur un pied d’égalité en ce qui concerne l’accès aux informations collectées et l’échange automatique d’informations s’effectuera au niveau de l’Union sur la base de normes et spécifications communes. Ce scénario retenu est le seul dans lequel les autorités fiscales de l’État membre de résidence du vendeur peuvent vérifier que le vendeur a correctement déclaré les revenus qu’il a perçus par l’intermédiaire de plateformes numériques, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à des demandes et des enquêtes ponctuelles.