Des précisions sur le concept de holding animatrice

Publié le 01/08/2018

La Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la notion de holding animatrice. Les précisions du Conseil d’État sur la qualification d’holding animatrice devraient permettre de sécuriser les contribuables et leurs conseils.

Le Conseil d’État vient de rendre un nouvel arrêt relatif au sujet des holdings animatrices et en précise le concept (CE, 3e, 8e, 9e et 10e ch. réun., 13 juin 2018, n° 395495). Ces précisions sont particulièrement bienvenues dans la mesure où la notion de holding animatrice, une société qui est l’animatrice effective d’un groupe, participant activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales, se retrouve dans plus de dix régimes fiscaux, qu’il s’agisse d’abattement pour les pactes Dutreil, ou encore de réduction d’impôt sur les revenus pour souscription au capital d’une PME, d’abattement sur la plus-value de cession des dirigeants partant à la retraite, etc.

Or cette notion n’a pas été précisément définie par le législateur avant 2011, compliquant la tâche des contribuables et de leurs conseils. En outre, l’administration fiscale est très attentive à la notion de holding animatrice et n’hésite pas à remettre en cause le caractère animateur d’une holding.

En pratique, la charge de la preuve repose sur le dirigeant qui doit être capable d’établir le caractère effectif de cette animation aux moyens d’éléments matériels, par exemple des comptes-rendus de conseil d’administration, illustrant la conduite de la holding. La matérialité et l’effectivité du rôle animateur de la holding doivent pouvoir être démontrés. De plus, l’administration fiscale tend ces derniers temps, à développer une vision restrictive de la notion de holding animatrice. Il en est ainsi lorsque la holding ne posséde pas le contrôle exclusif de ses filiales : la doctrine écrite de l’administration requérant une participation effective à leur contrôle. L’administration fiscale a également commencé à refuser qu’il puisse y avoir plusieurs holdings animatrices dans un même groupe (notion de de co-animation) que la holding détienne une filiale foncière, etc. L’administration fiscale a également remis en cause, dans un certain nombre de cas, le caractère même de la société holding animatrice au motif que la celle-ci ne contrôlait pas la totalité de ses filiales. Le simple fait de ne pas animer une seule participation, si minime soit elle, peut suffire à disqualifier intégralement la holding en holding pure, privant le contribuable du bénéfice des dispositifs liés à la notion de holding animatrice.

Absence de définition sécurisée

Il n’existe pas de définition précise de la holding animatrice. Le législateur, en 2011, s’est contenté d’indiquer qu’il s’agit d’une société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Cette définition a été formulée à l’occasion de la loi de finances pour 2011, lors de la rédaction des articles 199 terdecies-0 A du CGI et 885-0 V bis du CGI. Elle reprend les critères d’animation établis par la doctrine administrative (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 n° 140) sans pour autant les définir précisément. Une réponse ministérielle est d’ailleurs venue rappeler récemment les insuffisances de cette définition. Le parlementaire à l’origine de cette réponse demandait que soient précisées « les conditions exactes permettant de déterminer le caractère animateur d’une holding ou, à défaut, les conditions ne permettant pas d’obtenir le statut de holding animatrice » (Rep. Min. C. A. Frassa, JO Sénat, 1er déc. 2016). Ce cadre sécurisé se fait attendre puisque le dernier projet d’instruction relatif à la holding animatrice est au point mort depuis l’été 2014. Le présent arrêt qui donne une définition précise de la holding animatrice présente donc un grand intérêt pratique.

Une cession d’actions

La nouvelle jurisprudence du Conseil d’État intervient dans le cadre d’une cession d’actions en décembre 2006. Quatre actionnaires ont cédé les actions de la société Cofices qu’ils détenaient. Ils ont estimé que les gains nets retirés de ces cessions ne devaient supporter aucune taxation à l’impôt sur le revenu, par application de l’abattement prévu par les dispositions combinées des articles 150-0 D ter et 150-0 D bis du Code général des impôts, en se prévalant, à titre subsidiaire, des prévisions de l’instruction 5 C-107 du 22 janvier 2007. Cette disposition relative aux plus values de cession réalisées prévoyait que celles-ci n’étaient pas taxables en raison d’un abattement de 500 000 euros prévu en cas de départ en retraite. Dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige, le I de l’article 150-0 D ter du Code général des impôts dispose que, sous réserve du respect des autres conditions qu’il énonce, l’abattement prévu à l’article 150-0 D bis de ce code s’applique aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d’actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, lorsque cette cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l’usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société. Cette disposition ne s’appliquant que lorsque les titres cédés sont détenus dans une holding animatrice, l’administration fiscale a remis en cause cette interprétation.

Les contribuables ont demandé aux tribunaux administratifs compétents de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2006. Les tribunaux administratifs sollicités ayant rejeté leur demande, ils se sont pourvus en appel sans plus de succès. En première instance, comme en appel, le juge administratif a validé la position de l’administration fiscale, estimant que la holding n’avait pas « participé activement, et de manière continue, à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales, au cours des cinq dernières années précédant la cession ».

Les contribuables se pourvoient donc en cassation contre les quatre arrêts des cours administratives d’appel de Nantes et de Paris qui ont jugé que l’administration avait à bon droit refusé l’application de cet abattement aux gains litigieux, dès lors que la condition tenant à l’activité de la société Cofices, posée tant par la loi fiscale que par l’interprétation qu’en a donnée l’administration dans cette instruction, n’était pas remplie.

Pour le Conseil d’État, une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe et doit, par suite, être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière au sens des dispositions du b du 2° du II de l’article 150-0 D bis du Code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, de laquelle elles sont issues. Par suite, en jugeant qu’une société exerçant une telle activité n’entrait pas dans le champ de ces dispositions, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit. En s’abstenant de rechercher si l’activité de la société Cofices la faisait entrer dans le champ de ces dispositions, la cour administrative d’appel de Nantes a, elle aussi, commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, les requérants sont fondés à demander l’annulation des arrêts qu’ils attaquent.

Des éléments de preuve tangibles

Le Conseil d’État invalide cette interprétation, précisant que pour être qualifiée d’animatrice, la holding doit l’être à titre principal. À cet effet, sa part animée doit représenter au moins 50 % de son actif. Elle doit également être en mesure de démontrer concrètement son activité d’animation. En l’espèce, la société Cofices, constituée dans le cadre du rachat de la société CES par ses salariés, détenait 95 % du capital de cette société. Son président-directeur général était également celui de la société CES. Les membres du conseil d’administration de la société Cofices étaient des personnalités qualifiées indépendantes, spécialisées dans le secteur d’activité de la société CES. Les procès-verbaux de conseils d’administration de la société Cofices attestaient, dès 1999, sa participation, conformément à ses statuts, à la conduite de la politique de la société CES et des filiales de celle-ci. Ils faisaient par ailleurs état de plusieurs actions concrètes, telles que la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement, allant au-delà de l’exercice des attributions que la société tirait de sa seule qualité d’actionnaire. En outre, les deux sociétés avaient conclu, le 6 décembre 2003, une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement, précisant que la société Cofices prendrait part activement à la stratégie et au développement de la société CES, sans pour autant remettre en cause son indépendance juridique en tant que personne morale.

Il résulte également de l’instruction, d’une part, que la société Cofices a été cédée pour un prix de 48,4 millions d’euros, dont 27,5 millions – soit 56,2 % – correspondaient à la valeur vénale de la société CES et, d’autre part, que les disponibilités de la société Cofices, investies en titres de placement, ont crû continûment pendant les cinq années précédentes du fait des résultats enregistrés par la société CES, ce qui permet de considérer que, pendant cette période de cinq ans, la part de la valeur vénale de la société CES dans l’actif de la société Cofices a décru pour atteindre, à la date de la cession, le chiffre de 56,2 %. Le ministre ne conteste aucun de ces éléments et se borne, en réponse à l’argumentation de la société, à faire état de la valeur comptable de la société CES à l’actif de la société Cofices, qui résulte d’une inscription beaucoup plus ancienne.

Dans ces conditions, conclut le Conseil d’État, la société Cofices doit être regardée comme ayant eu pour activité principale la participation active à la conduite du groupe et au contrôle de la société CES, de manière continue pendant les cinq années qui ont précédé la cession de ses titres. Par suite, elle constituait une société holding animatrice de groupe entrant dans le champ d’application du b du 2° du II de l’article 150-0 D bis du Code général des impôts. Les quatre arrêts des deux cours administratives d’appel sont annulés et les contribuables sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2006 à raison des gains nets retirés de la cession des titres de la société Cofices.

 

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