Fiscalité personnelle : actualités conventionnelles et étrangères

Publié le 22/07/2020

Conséquences du confinement sur les transfrontaliers et l’application des conventions fiscales, intégration des prélèvements sociaux français dans le champ de la convention franco-américaine, égalité de traitement des résidents français et des résidents suisses au regard des exonérations immobilières, réforme du régime des expatriés résidents non habituels au Portugal : le point sur l’actualité fiscale conventionnelle et étrangère des personnes physiques.

Tour d’horizon des récentes décisions de fiscalité internationale intéressant les personnes physiques.

Confinement et transfrontaliers

Les travailleurs transfrontaliers se sont inquiétés des éventuelles conséquences fiscales du confinement et de la période de télétravail sur leur statut de transfrontaliers et l’imposition de leurs revenus. Rappelons qu’en principe, l’activité professionnelle doit être exercée exclusivement dans la zone frontalière de l’autre État et non en France.

Le 19 mars 2020, Bercy a indiqué avoir trouvé des accords avec l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse « pour que le maintien à domicile des travailleurs frontaliers n’entraîne pas de conséquence sur le régime d’imposition qui leur est applicable ». Sont concernés les frontaliers travaillant en Belgique, en Suisse ou en Allemagne, qui ne peuvent normalement travailler hors de la zone frontalière que dans la limite d’un certain nombre de jours par an, sous peine de devenir imposables à l’étranger. Cette limite, fixée par des accords amiables complétant les conventions fiscales bilatérales, s’élève à 30 jours pour la Belgique et à 45 jours pour la Suisse et l’Allemagne.

L’administration a indiqué qu’un accord a été trouvé avec la Belgique et la Suisse en vertu duquel les jours télétravaillés en France pendant le confinement, à compter du 14 mars 2020 et jusqu’à nouvel ordre ne seront pas pris en compte pour le décompte de la limite applicable.

Pour les travailleurs transfrontaliers avec l’Allemagne, la situation de télétravail à domicile est déjà neutralisée par l’accord amiable conclu par les deux pays en 2006 : « les activités exercées dans la zone frontalière de l’État de résidence du salarié sont réputées effectuées dans la zone frontalière » de l’autre État.

Concernant le Luxembourg, la convention passée avec la France ne prévoit pas de régime spécifique pour les travailleurs frontaliers. C’est la règle générale d’imposition des salaires au lieu d’activité qui prévaut, soit au Luxembourg pour les travailleurs frontaliers résidents de France. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise du 20 mars 2018, les frontaliers français peuvent télétravailler depuis la France au profit de leur employeur luxembourgeois, jusqu’à 29 jours, sans que la rémunération afférente ne soit imposée en France (point 3 du protocole attaché à la convention entrée en vigueur au 1er janvier 2020). Les autorités françaises et luxembourgeoises estiment que la situation actuelle liée au coronavirus constitue un cas de force majeure. Dès lors, il a été convenu que la présence d’un travailleur à son domicile pour y exercer son activité, pourra ne pas être prise en compte dans le calcul du délai de 29 jours. Cette mesure est applicable jusqu’à nouvel ordre. Ces décisions ont pris effet à compter du 14 mars dernier.

Bercy n’a pas communiqué sur la situation des frontaliers exerçant leur activité en Espagne ou en Italie. En principe, ces travailleurs sont exclusivement imposables en France en vertu de régimes dérogatoires, à condition que le salarié retourne chaque jour à son domicile en France, sans condition précise relative au nombre de jours passés dans le pays d’activité professionnelle (Espagne ou Italie) et le pays de résidence. Leur régime fiscal ne devrait pas être perturbé.

Portugal : imposition des nouveaux expatriés

Le Portugal est connu pour son attractivité fiscale à l’égard des non-résidents, experts professionnels dans des activités à haute valeur ajoutée ou de la propriété intellectuelle, industrielle, ainsi que des bénéficiaires de pensions perçues à l’étranger. Ce régime des résidents non habituels a été modifié, perdant de son attractivité.

Depuis 2009, ce régime offrait une exonération totale d’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRS) à de nombreux Français de leur pension de retraite, et ce, pendant 10 ans. Les actifs qui s’installaient au Portugal pour y exercer une activité professionnelle, bénéficiaient quant à eux, d’une taxation à taux fixe à 20 % au titre de l’impôt sur le revenu. Pour bénéficier du régime, la personne physique doit résider dans le pays plus de 183 jours, consécutifs ou non, sur une période de 12 mois ou de louer ou posséder un logement occupé comme une résidence habituelle. La personne physique doit également percevoir une retraite issue d’une activité salariée dans le secteur privé, être ressortissant d’un État lié par une convention fiscale avec le Portugal et enfin, faire une demande à l’administration fiscale portugaise avant le 31 mars de l’année suivant l’installation.

Suite à la pression exercée par plusieurs États dont les ressortissants bénéficient de ce régime, le Portugal a profondément modifié celui-ci dans sa loi de finances pour 2020. Désormais, les pensions de source étrangère sont taxées à un taux de 10 % au Portugal. Ce nouveau régime ne s’applique pas aux résidents non habituels déjà inscrits en tant que tels, ni à ceux qui ont établi leur résidence avant l’entrée en vigueur de la loi de finances portugaise pour 2020, à savoir le 31 mars dernier.

Contrôle fiscal Covid
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Convention franco-suisse et plus-values immobilières

Le Conseil d’État a rendu un arrêt en matière de taxation des plus-values immobilières dans le cadre de la convention franco-suisse jugeant qu’un résident suisse peut bénéficier de l’exonération de la première cession d’un logement autre que la résidence principale, lorsqu’il n’a pas été propriétaire de celle-ci au cours des 4 années précédant la cession (CE, 9e et 10e ch. réu., 12 févr. 2020, n° 415475).

Dans cette affaire, à l’occasion de la cession d’un bien immobilier situé à Paris, un couple de résidents fiscaux suisses avait réalisé le 15 mai 2012 une plus-value qui a été soumise, en France, au prélèvement d’un tiers prévu par l’article 244 bis A du Code général des impôts (CGI). Par voie de réclamation, le couple avait demandé à être déchargé de cette imposition en invoquant le bénéfice de l’exonération prévue au 1° bis du II de l’article 150 U du CGI et, à titre subsidiaire, l’application d’un taux réduit de 19 %. Leur réclamation ayant été rejetée, le couple avait saisi le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 30 juin 2015, a partiellement fait droit à sa demande.

Le tribunal a jugé que si les époux ne pouvaient, faute d’être résidents fiscaux à la date de la cession de leur bien, être exonérés de l’imposition litigieuse, ils étaient fondés, en application des dispositions de l’article 15-4 de la convention fiscale franco-suisse, à bénéficier du taux d’imposition de 19 % applicable aux plus-values de cession de biens immobiliers pour les résidents fiscaux français. Le 12 octobre 2017, la cour administrative d’appel de Versailles a prononcé la décharge du reliquat d’imposition restant à la charge des époux. L’administration fiscale s’est donc pourvue en cassation.

L’article 244 bis A, I, du CGI, dans sa rédaction applicable à l’imposition en litigieuse, prévoit que les personnes physiques non-résidentes sont soumises, sous réserve des conventions internationales, à un prélèvement spécifique sur les plus-values résultant, notamment, de la cession de biens immobiliers. Pour l’application de ce prélèvement, les plus-values sont déterminées par renvoi aux articles 150 U, I et II ° à 9°, 150 UB II, III, et 150 V à 150 VD du CGI. Or l’article 150 U, II, 1er bis du CGI prévoit l’exonération de la plus-value immobilière de la première cession d’un logement autre que la résidence principale, lorsque le cédant n’a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des 4 années précédant la cession.

Les résidents suisses pouvaient-ils en bénéficier ? Le Conseil d’État répond par l’affirmative. En effet, la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, adoptée en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales prévoit une clause d’égalité de traitement applicable notamment aux plus-values de cession de biens immobiliers ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière. L’article 15 paragraphe 4 dispose que « Les gains provenant de l’aliénation des biens [immobiliers] (…), tels qu’ils sont retenus pour l’assiette de l’impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l’un ou de l’autre État contractant. Si ces gains sont soumis dans un État contractant à prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l’un ou de l’autre État contractant ».

Pour les juges de la haute cour administrative, « ces stipulations doivent être interprétées en ce sens que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers sont imposées dans les mêmes conditions que le bénéficiaire soit résident fiscal français ou suisse, ce qui implique notamment qu’un résident suisse ne peut être exclu du bénéfice de l’exonération prévue par le 1° bis du paragraphe II de l’article 150 U du CGI, s’il en remplit les conditions ».

Rappelons que le Conseil d’État (CE, 20 nov. 2013, n° 361167) avait procédé à un tel alignement des règles d’assiette et de taux pour l’imposition des plus-values de cession de parts de société à prépondérance immobilière, en jugeant que le taux du prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu applicable aux plus-values concernant des immeubles situés en France ne peut excéder pour un résident fiscal de Suisse celui prévu pour un résident fiscal de France.

Convention France-US et prélèvements sociaux français

À l’occasion d’une mise à jour de la base Bofip du 19 février 2020, l’administration fiscale a pris acte de la reconnaissance, par les États-Unis d’Amérique, du fait que la CSG et la CRDS entrent dans le champ de la convention fiscale franco-américaine (BOI-INT-DG-20-20-100-20200219).

Pour l’application de ses conventions fiscales, la France considère que ces contributions sont assimilées à l’impôt sur le revenu. Certaines administrations fiscales étrangères contestent cette lecture et considèrent que ces contributions ne sont pas assimilables à l’impôt sur le revenu pour l’application de la convention liant les deux États. Ainsi, jusqu’au 19 juillet 2019, les termes de l’article 24 de la convention fiscale du 31 août 1994 passée entre la France et les États-Unis d’Amérique qui précisent les modalités selon lesquelles les États-Unis déterminent le crédit déductible de l’impôt américain sur le revenu, ont pu conduire l’administration fiscale américaine (Internal Revenue Service – IRS) à considérer comme hors champ, la CSG et la CRDS (Rép. Min. Narassiguin, 15 janv. 2013, JOAN, n° 7429, p. 510).

Cette position a été abandonnée par l’administration fiscale américaine dans une publication officielle du 19 juillet 2019. Celle-ci reconnaît que la CSG et la CRDS sont des impôts à ce titre inclus dans le champ de la convention fiscale, et non des cotisations sociales. Désormais, la CSG et la CRDS sont prises en compte dans le calcul du crédit d’impôt déductible de l’impôt américain sur le revenu accordé aux résidents américains percevant des revenus de source française ainsi qu’aux résidents de France soumis à l’impôt américain en raison de leur nationalité américaine.

Par conséquent, les contribuables peuvent prendre rétroactivement en compte la CSG et la CRDS au titre des années précédentes dans la détermination du crédit d’impôt imputable sur l’impôt américain. Pour ce faire, il convient de déposer des déclarations rectificatives auprès de l’IRS, qui a indiqué accepter de recevoir ces demandes à compter de l’année fiscale 2009. Dans sa mise à jour au Bofip, l’administration a précisé que l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est compris dans le champ de la convention fiscale franco-américaine.

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