Optimiser l’information et la programmation des contrôles fiscaux
Focus sur la phase de recherche du renseignement fiscal, qui créée les conditions d’une programmation efficace pour un meilleur ciblage des dossiers frauduleux, un élément essentiel dans la lutte contre la fraude fiscale.
La recherche de renseignements constitue le socle de base du contrôle fiscal. En matière de contrôle fiscal, les services de l’administration fiscale disposent de trois sources d’information essentielles. L’analyse risque repose sur le croisement des bases de données de la DGFiP et vise à identifier par des requêtes informatiques des incohérences et des ruptures de comportement. En matière d’analyse risque, les directions locales bénéficient du soutien des pôles de programmation mis en place en septembre 2016 dans les DIRCOFI. Les pôles prennent en charge les travaux informatiques les plus complexes et identifient au niveau de l’interrégion, les requêtes les plus pertinentes. La recherche d’informations fiscales repose sur la mobilisation et la fiscalisation de renseignements externes (police, gendarmerie, justice, affaires sociales, douane…) et incombe au plan local et interrégional aux brigades de contrôle et de recherche (BCR) et au plan national à la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF). Cette source de programmation est positionnée sur le terrain répressif. Premier maillon de la chaîne du contrôle fiscal, la recherche est une activité dont le pilotage et le suivi sont essentiels pour la réalisation des objectifs du contrôle fiscal, notamment en matière de lutte contre la fraude. Enfin, la mobilisation du renseignement interne et l’événementiel repose sur l’exploitation de faits constatés ou d’informations transmises par les différents services ou les vérificateurs, qu’il s’agisse d’un événement particulier survenant dans le dossier d’un contribuable ou dans un circuit économique et de nature à justifier un contrôle.
Le cadre de la collecte des informations
Les cinq types de procédures de collecte d’informations dont disposent les services de recherche sont strictement encadrés par la loi. Il s’agit du droit de communication, une procédure qui permet l’obtention de documents auprès d’entreprises, d’administrations ou d’organismes divers et le relevé d’informations comptables, du droit de communication non nominatif, qui permet de demander à des tiers des informations sans désigner nominativement des personnes, du droit d’enquête qui vise à rechercher au niveau des entreprises les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA et la procédure de visite et de saisie qui n’est possible que sur autorisation du juge et en présence d’un officier de police judiciaire. Cette procédure exceptionnelle est utilisée, beaucoup plus rarement, pour mettre en évidence des schémas de fraude élaborés ou de grande envergure.
En outre, l’administration fiscale a désormais la possibilité d’exercer un droit de communication non plus sur une personne ou une entreprise nommément désignée, mais également un droit de communication portant sur des informations relatives à des personnes non préalablement identifiées. Il est donc, notamment, possible de demander des listes de clients, fournisseurs, utilisateurs, etc., afin de détecter des opérations occultes, non déclarées ou minorées. Ce droit de communication non nominatif constitue un moyen d’investigation puissant, notamment pour la détection de la fraude opérée au moyen d’internet. Cette procédure est mise en œuvre depuis près de deux ans par les services de recherche et de programmation de la DGFiP. Si ce mode d’investigation est d’ores et déjà bien connu à des services de recherche et de programmation, toutes les réponses reçues des tiers sollicités n’ont pas encore été exploitées. D’une manière générale, les services font face à un volume important d’informations à traiter et doivent monter en puissance dans l’exploitation de ces données. Depuis le 1er janvier 2017, date à laquelle la DGFiP s’est dotée d’un outil de suivi des DCNN, plusieurs dizaines de contrôles ayant pour origine une information recueillie dans le cadre de ce dispositif, ont été engagés, mais aucun de ces contrôles n’est, pour l’heure, achevé.
Le rôle crucial de l’échange d’informations
L’appui des administrations fiscales étrangères s’avère également décisif. En matière d’échange d’informations sur demande, la France se montre particulièrement active. Son important réseau conventionnel en matière fiscale lui permet d’échanger des renseignements avec plus de 160 pays. La convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale est entrée en vigueur en 2016 pour des juridictions avec lesquelles la France ne disposait jusque-là d’aucun instrument juridique pour l’assistance administrative internationale, couvrant des territoires comme le Guatemala, Macao, les îles Marshall, la Colombie… En 2017, la DGFiP a formulé 4 257 demandes en matière de TVA et 3 624 en matière d’impôts directs, soit un total de 7 881 demandes (contre 7 331 en 2016 et 7 250 en 2015). Les demandes de renseignements sont, à titre principal, adressées aux États frontaliers (Suisse, Luxembourg, Belgique, Espagne, Royaume-Uni…), aux États avec lesquels les échanges économiques sont importants (États-Unis, Allemagne…) aux États dans lesquels sont implantés des centres financiers (Hong-Kong, Chypre) et ceux favorisant la création de sociétés offshore (Îles Vierges Britanniques, Panama).
L’apport de l’échange automatique d’information
L’importance grandissante des échanges automatiques constitue également un facteur de diversification de la programmation du contrôle fiscal. Depuis 2015, la France et les États-Unis s’échangent de façon bilatérale des informations sur les comptes financiers détenus directement ou indirectement au sein de leurs établissements financiers par les contribuables de l’autre État. Chaque année, environ 50 000 personnes ou entreprises sont mentionnées dans ces éléments d’informations en provenance des États-Unis. 2017 a marqué une transition majeure dans le domaine de la transparence fiscale internationale. Depuis septembre 2017, des renseignements financiers ont été échangés, en vertu de la nouvelle norme d’échange automatique de renseignements et de la directive 2014/107/EU, entre 49 juridictions pionnières, puis à partir de septembre 2018 avec 53 juridictions supplémentaires. Dans ce cadre, la France a reçu des informations sur plus d’un million de comptes détenus. Les données transmises comportent notamment le numéro du compte, le montant du solde à la fin de l’année concernée, le montant et le type de revenus générés par ce compte. Les données échangées sont collectées par les établissements financiers soumis à des obligations de diligence détaillées permettant d’assurer la fiabilité et la qualité des informations. Des travaux d’exploitation ont été engagés qui ont d’ores et déjà permis d’identifier plus de 80 % des personnes figurant dans les fichiers transmis par les autorités fiscales étrangères. Ce haut niveau d’appariement avec les bases de données de la DGFiP, permet désormais à l’administration fiscale d’engager rapidement des travaux d’exploitation fiscale de ces informations.
La lutte contre une fraude de plus en plus sophistiquée et internationalisée peut utilement s’appuyer sur des informations transmises à l’administration fiscale par des personnes tierces à l’administration qui, compte tenu des risques encourus, subordonnent cette transmission à une indemnisation. L’article 109 de la loi de finances pour 2017 a instauré, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, un dispositif d’indemnisation des personnes étrangères aux administrations publiques qui portent à la connaissance de l’administration fiscale des informations révélant des manquements graves aux règles et obligations déclaratives, utiles à la lutte contre la fraude fiscale internationale. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, adopté par l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier, a prévu la pérennisation de ce dispositif. L’information du Parlement est assurée au moyen de rapports précisant notamment le nombre de mises en œuvre et le montant des indemnisations versées.
Optimiser la programmation du contrôle fiscal
En matière de programmation, l’enjeu consiste à obtenir un ciblage toujours plus performant pour être présent sur les enjeux financiers les plus lourds et les nouvelles formes de fraude. Outre les formes usuelles de détection des dossiers frauduleux, la DGFiP s’intéresse à de nouvelles modalités d’exploitation des données pour améliorer sa programmation. À cette fin, la DGFiP a constitué, dès 2014, une équipe spécialisée qui analyse les données regroupées issues des applications professionnelles, personnelles et patrimoniales de la DGFiP. Cette cellule dispose ainsi d’une vision globale des entreprises et de leurs dirigeants ou associés afin d’effectuer des travaux informatiques actuellement impossibles ou réalisés de façon dispersée. Elle a étendu ses travaux, depuis juillet 2017, à la recherche des fraudes réalisées par les particuliers. Ces travaux sont menés en liaison étroite avec les huit pôles de programmation inter-régionaux, destinataires depuis l’automne 2016, de signalements issus de travaux d’analyse risque ou d’analyse prédictive (data-mining) qu’ils sont chargés de diffuser auprès des directions territoriales de la DGFiP. De janvier à août 2018, ces travaux ont été à l’origine de plus de 18 000 contrôles du bureau (13 000 en 2017) qui ont donné lieu à plus de 55 M€ de rappels de droits et pénalités (44 M€ en 2017) et à la programmation d’environ 4 300 contrôles fiscaux externes (3 000 en 2017). L’identification de ces affaires n’aurait pas été possible avec les méthodes traditionnelles de programmation, souligne Bercy. La valeur ajoutée de ces productions repose sur le décloisonnement des informations et sur la capacité à automatiser la détection d’anomalies ou d’incohérences qui n’auraient pu être détectées qu’au terme de consultations manuelles et répétitives des applications informatiques. Elle repose également sur la mise en œuvre des méthodes de recherche de la fraude fondées sur l’analyse prédictive et la détermination d’indicateurs statistiques. La Cnil a rendu le 20 juillet 2017, un avis favorable pour, à titre expérimental pendant deux ans, étendre les travaux aux fraudes réalisées par les particuliers.
Cibler les secteurs à risque
La DGFiP a également défini des axes prioritaires de programmation concernant certains secteurs à risques. Certains risques sont déjà bien identifiés, parmi lesquels la dissimulation d’activité dans le secteur des ventes à distance, la création à des fins frauduleuses de sociétés éphémères dans le secteur du bâtiment, l’utilisation abusive du régime de TVA sur la marge dans le secteur du négoce des véhicules d’occasion ou encore l’utilisation de logiciels d’encaissement frauduleux. D’autres sont apparus plus récemment, notamment avec le développement de l’économie numérique. Ainsi, le domaine des ventes à distance réalisées par des entreprises établies hors de l’Union européenne via les market places fait l’objet d’une attention particulière de l’administration. D’une façon générale, les services de contrôle sont régulièrement sensibilisés et particulièrement attentifs à la question de la fraude à la TVA. En 2017, les rappels de TVA (contrôle sur place, contrôle sur pièces et rejets de remboursements de crédits de TVA) se sont élevés à plus de 3,7 Mds€.
Le ciblage des particuliers
Jusqu’à fin 2017, les dossiers des contribuables à fort enjeu devaient faire l’objet d’un examen triennal systématique selon une technique de contrôle corrélé des revenus et du patrimoine. Le contrôle du bureau des particuliers est en pleine mutation grâce au développement de la sélection des dossiers à partir des requêtes d’analyse-risque et les travaux développés par la Mission requête valorisation. La Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) a été créée à l’origine pour contrôler les dossiers des personnes physiques les plus complexes et les plus significatifs tant en termes d’enjeux que de notoriété. Depuis septembre 2011, cette direction a connu une évolution avec l’attribution d’un portefeuille de compétence exclusive sur les dossiers à très forts enjeux. Elle assure une mission de contrôle fiscal externe des dossiers de particuliers les plus significatifs. Son périmètre d’intervention s’apprécie en fonction de critères, inchangés, relatifs à l’importance des revenus et du patrimoine, la qualité des personnes (notoriété…) et la complexité des situations. À ce titre, elle ne dispose pas d’un périmètre d’intervention dédié et n’assure donc pas de rôle de couverture sur un portefeuille de contribuables. Elle agit soit suite à proposition des directions locales, soit sur initiative propre. Elle assure également une mission de surveillance et de contrôle corrélé des revenus et du patrimoine d’un portefeuille dédié, constitué des dossiers de contribuables à très forts enjeux (DTFE) répondant aux critères suivants : revenu brut supérieur à 2 millions d’euros ou actif brut imposable à l’ISF supérieur à 15 millions d’euros. La DNVSF procède au contrôle approfondi et global de la situation des contribuables relevant de son portefeuille. Dans ce cadre, elle contrôle tous les impôts ou taxes dont le contribuable est ou devrait être redevable, et notamment l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune et les droits d’enregistrement (succession et donation)… Elle examine l’ensemble des revenus catégoriels figurant sur les déclarations souscrites et peut, le cas échéant, engager des vérifications de comptabilité d’une activité professionnelle non salariée ou des sociétés dont le contribuable est dirigeant. En parallèle, une organisation professionnalisée de contrôle des revenus et du patrimoine a été développée à l’échelon interrégional avec la création de brigades patrimoniales (BPAT) au sein des DIRCOFI en 2017. À l’échelon départemental, ce sont les pôles de contrôle revenus/patrimoine (PCRP) qui sont chargés d’effectuer le contrôle approfondi des dossiers des particuliers à partir des risques que peut présenter un dossier. Les brigades patrimoniales implantées dans chaque DIRCOFI effectuent la surveillance des dossiers des dirigeants, ou associés personnes physiques des entreprises relevant du seuil des DIRCOFI. Cela permet de disposer d’une vision globale de la situation fiscale des dirigeants et ainsi permet de remettre en cause des schémas de fraude par le biais de l’étude des intérêts financiers et patrimoniaux. En outre, les briagades patrimoniales assurent conjointement avec les pôles de contrôle revenus/patrimoine les contrôles engagés à partir des listes d’analyse risque produites par la Mission requêtes et valorisation.