Actualité du droit du lobbying

Publié le 27/12/2017

Si un sujet est par excellence au cœur de l’interpénétration des ordres juridiques, c’est bien celui du lobbying. En effet, en matière économique, les normes nationales se mêlent aux normes européennes et internationales. Les acteurs du lobbying doivent donc être parfaitement au fait des normes en présence. Pour autant, il n’existe pas de législation internationale uniforme. Il existe des normes supranationales et des normes nationales, qui se concilient. Déontologie et transparence sont les maîtres mots de législations qui ne sont pas homogènes pour autant. Le niveau européen, comme le niveau français, connaissent des évolutions récentes qui, allant dans le sens d’un renforcement de la transparence, n’en sont pas encore pour autant pleinement achevées.

Bruxelles compte plus de lobbyistes que Washington, peut-on souvent lire, ce résumé étant souvent employé pour marquer les esprits. Ces deux capitales sont mises en parallèle car les États-Unis sont traditionnellement perçus comme le pays du lobbying, souvent par opposition à un État comme la France dans lequel l’intérêt général semblait devoir empêcher l’avènement des lobbies. Cette conception a cependant fait long feu. La construction européenne a dans une large mesure engendré la présence de nombreux groupes d’intérêts. En effet, la logique de construction d’un marché unique a rapidement suscité l’inquiétude et l’intérêt des acteurs économiques, soucieux de ne pas se voir imposer de normes défavorables. Ils ont ainsi pris soin peu à peu et de manière de mieux en mieux organisée, de chercher à influer sur les normes européennes. La question s’est alors rapidement posée de l’encadrement de ces lobbies. L’enjeu est simple à imaginer, il se situe autour des risques de conflits d’intérêts. L’encadrement prend du temps, les nombreux paramètres inhérents à la conciliation entre action d’influence légitime et vigilance sur la légalité à respecter, devant être pris en considération. Les législations européennes et nationales doivent en outre s’harmoniser à la fois pour l’efficacité et la lisibilité du dispositif.

Ainsi, au niveau supranational, depuis 2011, il faut être inscrit sur un registre pour avoir accès à la Commission européenne. Il a été progressivement décidé de l’étendre aux parlementaires européens et au Conseil européen. S’il est admis que ces évolutions vont dans le bon sens, des améliorations sont encore nettement possibles.

La difficulté de la réglementation est accrue par le fait que le lobbying est protéiforme, il n’existe pas de définition unique, ce qui engendre, en soi, des difficultés lorsque l’on cherche à le réglementer. Ainsi, en octobre 2016, au Parlement européen, il a été défini autour des notions d’interaction, promotion de l’intérêt, ou encore de volonté d’influence1.

La France a renforcé son dispositif législatif à la faveur de la loi dite Sapin de 20162. C’est dans ce contexte que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a effectué une étude comparative sur l’encadrement du lobbying dans dix pays ainsi qu’au sein des institutions européennes. Cette analyse permet de mettre en lumière les meilleures pratiques et de dégager les principaux critères indispensables à la mise en place d’un cadre sécurisé entourant les pratiques de lobbying3.

Près de la moitié des pays membres de l’OCDE ont ainsi déjà adopté des textes législatifs et réglementaires relatifs aux activités de lobbying. Entre 1946, date d’entrée en vigueur du premier Lobbying Act aux États Unis, et le début des années 2000, l’étude de la Haute autorité montre que seuls quatre pays disposaient d’une réglementation sur les pratiques de lobbying. Depuis 2005, une dizaine d’autres ont adopté une législation nationale instaurant un registre des lobbies unique, obligatoire, et accessible en ligne à tous les citoyens.

La Haute autorité a recensé les réglementations étrangères en matière d’encadrement du lobbying, et étudié onze de ces dispositifs : États-Unis, Allemagne, Australie, Canada, Lituanie, Pologne, Taïwan, Slovénie, Royaume-Uni, Chili, Irlande, et institutions européennes. Cette analyse permet de dégager cinq critères déterminants dans la mise en place d’un cadre de lobbying assurant un exercice sécurisé des activités de représentation d’intérêts auprès des décideurs publics premièrement, le périmètre des catégories de lobbyistes qui sont tenus de s’enregistrer ; deuxièmement, les décideurs publics concernés par les activités de lobbying ; en troisième lieu, les informations devant être déclarées et la fréquence à laquelle elles doivent être mises à jour ; quatrièmement, les engagements déontologiques auxquels sont soumis les représentants d’intérêts une fois inscrits au registre ; enfin, en cinquième lieu, la structure en charge de contrôler le respect des obligations déclaratives et déontologiques et le régime de sanctions applicables aux représentants qui manqueraient à leurs obligations.

L’étude porte aussi sur le point de savoir qui sont les lobbyistes qui ont l’obligation de s’inscrire au registre. Sur ce point, l’étude montre que les États-Unis, l’Irlande et le Canada prennent en compte toutes les personnes morales de droit privé et toutes les personnes physiques, que ce soient des lobbyistes professionnels ayant pour objet d’exercer des activités de lobbying au nom d’un client, ou des lobbyistes intervenant au sein de sociétés ou organisations. Par exemple, la législation canadienne différencie les « lobbyistes-conseils » des « lobbyistes salariés »4.

En revanche, l’étude montre qu’au Royaume-Uni et en Australie, le périmètre retenu ne prend en compte que les représentants d’intérêts agissant au nom de clients, ce qui exclut ainsi toutes les entreprises, associations, organisations et syndicats faisant du lobbying pour leur propre compte.

D’autres législations ont adopté une définition plus générale de ce que constitue une activité de lobbying (Pologne, Lituanie, Chili), ce qui laisse des marges de manœuvre – et donc des incertitudes quant aux catégories de représentants d’intérêts qui sont tenus de s’enregistrer.

L’étude porte aussi sur les décideurs publics concernés. Aux États-Unis et au Canada, les législations dressent une liste détaillée des responsables publics susceptibles d’être des « cibles de lobbying », allant des plus hauts représentants de l’exécutif et du pouvoir législatif, jusqu’à tous les échelons de l’Administration. Inversement, d’autres législations ont un périmètre beaucoup plus restreint, comme l’Allemagne, où seuls les membres du Bundestag et du gouvernement fédéral sont pris en compte.

L’étude porte aussi sur la fréquence et la nature des informations déclarées. L’inscription au Registre constitue, dans la plupart des pays étudiés, un préalable obligatoire à la mise en œuvre d’une activité de représentation d’intérêts. Aux États-Unis et au Canada, l’enregistrement se fait toujours au nom de l’entité bénéficiaire. Un lobbyiste qui représenterait plusieurs clients doit ainsi effectuer un enregistrement pour chacun d’entre eux. Le Registre canadien propose un formulaire d’inscription adapté à chaque catégorie de représentants d’intérêts, dans lequel doivent figurer des renseignements détaillés sur le lobbyiste, l’entité qu’il représente, et les activités de lobbying qu’il compte mener, en précisant notamment les sujets d’intérêts et les résultats visés par ces activités5.

Après la déclaration initiale effectuée, les informations figurant sur le registre doivent être régulièrement mises à jour. Dans la plupart des pays, cette responsabilité pèse sur les représentants d’intérêts. Aux États-Unis par exemple, chaque lobbyiste enregistré doit fournir, tous les quatre mois, un rapport détaillé incluant notamment des informations financières précises sur les dépenses engagées pour chaque client représenté. Au Canada, des « rapports mensuels de communication » doivent mentionner toutes les rencontres effectuées avec un responsable public au cours du mois écoulé, et préciser les sujets abordés lors des échanges. Dans certains pays, cette obligation de mise à jour des informations pèse sur les responsables publics. C’est le cas à Taïwan, en Pologne, au Chili et en Slovénie. Tous les responsables publics slovènes doivent ainsi, chaque fois qu’ils sont contactés par un représentant d’intérêt, remplir une fiche détaillée précisant les sujets abordés lors des échanges.

S’agissant des engagements déontologiques des représentants d’intérêts, l’étude montre que l’Australie, le Canada, la Lituanie, l’Irlande et le Registre de transparence européen ont un code de conduite que les représentants d’intérêts sont tenus de respecter une fois enregistrés. Des sanctions sont prévues en cas de manquement au code. Au Canada par exemple, toute violation au code déclenche automatiquement une enquête du commissariat au lobbying suivie d’un rapport au Parlement rendu public.

Enfin, s’agissant des sanctions pour les représentants qui manqueraient à leurs obligations, en Lituanie, en Slovénie, en Irlande et au Canada, la gestion du registre, ainsi que le contrôle des obligations déclaratives et déontologiques sont confiés à une institution indépendante investie de pouvoirs d’enquête et de sanction. Le non-respect des dispositions prévues par la loi entraîne des sanctions proportionnées (suspension du registre et interdiction d’exercer des activités de lobbying pendant une période donnée, amende) ou des poursuites judiciaires pouvant mener, dans les cas les plus graves, à une peine d’emprisonnement6.

En France, les relations entre parlementaires français et représentants d’intérêts, jusqu’ici régies par des instruments de droit souple dont des codes de conduite, évoluent également dans le sens d’une plus grande transparence. En effet, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin 2) confie à la Haute autorité la gestion d’un registre numérique commun aux autorités gouvernementales, aux assemblées parlementaires et à certaines autorités locales sur lequel les représentants d’intérêts devront obligatoirement déclarer une série d’informations liées à leurs activités d’influence (intérêts représentés, actions menées, dépenses liées, etc.). Ce registre devait être assorti d’obligations déontologiques dont le non-respect pourra être sanctionné7.

Tel est le panorama général que l’on peut avoir à l’esprit pour aborder l’actualité de l’encadrement juridique du lobbying. Si ces actions peuvent être jugées légales et légitimes, en ce que chaque acteur économique est fondé à défendre au mieux ses intérêts, les domaines concernés ne se valent pas tous. Médicament, tabac, gaz de schiste, éoliennes, etc., les sujets sont en effet nombreux pour lesquels l’action des lobbies est régulièrement contestée. En France, les lobbies sont traditionnellement considérés comme des défenseurs d’intérêts particuliers contre l’intérêt général. Leur action est avérée mais ne revêt aucun caractère officiel. Cependant, au nom de la transparence, le lobbying tend à être progressivement reconnu pour être mieux encadré8.

Plusieurs définitions peuvent être trouvées9. De manière générale, un groupe de pression est défini comme une entité organisée qui cherche à influencer les pouvoirs publics et les processus politiques dans un sens favorable à ses intérêts, sans pour autant participer à la compétition électorale, ce qui le distingue du parti politique… En théorie, le terme « groupe d’intérêts » renvoie plus largement à une entité qui cherche à représenter et promouvoir les intérêts d’un secteur spécifique de la société. Cette représentation s’exerce vis-à-vis de la société et elle ne se traduit pas nécessairement par une démarche visant à faire pression. Ainsi, les trois termes, lobby, groupe de pression, groupe d’intérêts sont employés indifféremment dans le langage courant.

On peut retenir que le lobbying désigne toute communication directe ou indirecte avec des responsables publics afin d’influencer la décision publique en fonction d’intérêts particuliers. Le lobbying recouvre le démarchage politique qui peut prendre diverses formes : rencontrer des responsables politiques, fournir des expertises aux ministères, participer à des auditions ou des comités d’experts, créer des coalitions de groupes plus influents, etc. Le lobbying recouvre aussi la veille informationnelle qui consiste à surveiller un secteur donné afin de pouvoir réagir dans les délais les plus brefs dès lors que les intérêts du groupe sont en jeu10.

Dans la conception anglo-saxonne à laquelle on pense spontanément en matière de lobbying, la notion de groupes sociaux est inhérente à la notion de démocratie. Ces groupes sont admis comme aptes à prendre en compte le bien public et l’intérêt général. La régulation est conçue comme s’effectuant à la faveur de la concurrence entre chacun. Le fonctionnement des institutions européennes s’inspire de cette conception et les lobbies y sont reconnus officiellement. Les groupes qui interviennent auprès du Parlement européen et de la Commission européenne sont inscrits dans un « Registre de la transparence ». Au 28 août 2015, le registre comptabilise 8 199 entités11. Au 8 septembre 2017, on en dénombre 11 44512, soit une croissance non négligeable en deux ans.

Dans la conception française, l’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers13. Au contraire, l’existence et la manifestation des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l’intérêt général qui, dépassant chaque individu, est en quelque sorte l’émanation de la volonté de la collectivité des citoyens en tant que telle. Cette conception, exprimée par Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social, a fortement influencé l’histoire juridique française. Elle considère que « la loi est l’expression de la volonté générale » (art. 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, 26 août 1789). En conséquence, il ne peut être admis que des groupes d’intérêts puissent tenter d’influencer son auteur, à savoir les parlementaires. La tradition issue de la période révolutionnaire est dès lors marquée par la défiance, la suspicion envers toute tentative de manifestation d’appartenance à un groupe d’intérêts particulier. Il n’est que tardivement admis que l’État puisse être concurrencé dans sa mission de détermination et de poursuite de l’intérêt général. Si l’action des lobbies est avérée en France, elle n’a donc aucun caractère officiel.

Cependant, l’évolution récente tend à infléchir cette conception. Le lobbying fait désormais partie du paysage institutionnel français. Le processus de l’élaboration de la loi ne peut se limiter à une simple analyse des relations entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Cette vision est désormais dépassée par une réalité plus dynamique, moins institutionnelle, qui place le Parlement au centre d’un flux d’informations. Sur le modèle de la culture anglo-saxonne, plus ouverte aux groupes de défense d’un intérêt particulier, une autre conception du lobbying tend à émerger, qui fait des lobbies des acteurs nécessaires de l’élaboration de la loi.

En somme, c’est à une véritable mutation de la conception de la volonté générale que l’on assiste dans la conception française. Autrefois conçue comme émanant quasi exclusivement du législateur, lui-même composé de représentant de la nation prise comme unité englobante, la loi est désormais en partie européenne, et issue non plus seulement de discussions parlementaires mais est le fruit de discussions avec les acteurs économiques, de plus en plus présents dans la prise de décision. De cette mutation est née la nécessité d’encadrer le lobbying, cet encadrement s’observant tant au niveau national qu’au niveau européen (I). Il en est résulté de nombreuses réalisations concrètes (II).

I – Les tentatives nationales et européennes d’encadrement du lobbying

C’est au niveau européen que l’activité de lobbying a commencé à se développer. C’est donc chronologiquement les institutions européennes (A) qui ont commencé à adopter des règles de conduites, avant que les États ne s’attellent à apporter aussi un encadrement juridique à l’activité de lobbying, la législation française ayant été récemment mise à jour (B).

A – Les bases juridiques européennes de la réglementation du lobbying

Avant 2011, il n’y avait pas véritablement d’encadrement, alors qu’il existe depuis 1946 aux États-Unis14. En 2011, un registre a été créé dans lequel peuvent s’inscrire tous ceux qui veulent influencer la décision publique. On y trouve des ONG, des organisations professionnelles, le Medef, notamment.

La Commission européenne a défendu à l’automne 201615 devant les parlementaires européens son projet d’encadrement des lobbys. La démarche semble aller dans le bon sens bien que le chemin semble long. Il faut rappeler, comme on l’a dit plus haut qu’il y a autant, sinon plus de lobbyistes à Bruxelles qu’à Washington. 10 000 organisations sont inscrites, plus que sur le registre américain, selon Frans Timmermans16.

Ce registre des lobbys n’est pas obligatoire, mais si on n’est pas inscrit, on n’a pas le droit de rencontrer officiellement un commissaire européen, les membres de son cabinet et les directeurs généraux de la Commission. Il est cependant possible de rencontrer les équipes techniques qui, évidemment, ont la main sur une série de détails qui ont tous leur importance.

Depuis quelques mois, les commissaires européens mettent en ligne tous leurs rendez-vous à la rubrique « agenda » de leur page personnelle. Il est ainsi possible de savoir que Pierre Moscovici a rencontré le 19 septembre 2016 des représentants d’Universal Music au sujet du copyright et que les membres de son cabinet ont, quant à eux, reçu dernièrement le lobby des industries high-tech américaines pour discuter notamment de questions de taxes17. La Commission propose d’étendre ce dispositif pour les parlementaires européens, et les membres du Conseil, qui représentent les États à Bruxelles.

Le système actuel fait l’objet de critiques qui pointent une série d’insuffisances. Des parlementaires européens l’ont soulevé. La première raison en est qu’il n’est pas légalement contraignant. Aucune sanction n’est prévue si un lobbyiste fait du lobbying sans être inscrit… La seule sanction qui existe, c’est d’être sorti du registre dans l’hypothèse où sont mal renseignées les informations demandées, notamment les sources de financement et les clients que l’on défend. La difficulté tient dans les ressources à disposition d’un tel contrôle. Elles sont évidemment insuffisantes au regard du nombre de groupes d’intérêt présents. D’ailleurs, il a pu être relevé que, dans sa présentation, Frans Timmermans n’a assorti la présentation de son projet d’aucune annonce de moyens financiers ou humains18. Néanmoins, pour la Commission européenne, ce registre est obligatoire puisque le Code de conduite prévoit qu’il ne peut y avoir de réunion avec des commissaires ou des fonctionnaires sans inscription préalable dans le Registre. Les informations sur ces réunions sont toutes publiées. En septembre 2016, la Commission européenne a en effet proposé que le registre de transparence soit obligatoire pour toutes les institutions de l’UE, y compris le Parlement européen et le Conseil de ministres.

Il faut noter aussi que les cabinets d’avocats font du lobbying, ce qui correspond à la catégorie de « public affairs ». Or ils sont peu nombreux à être inscrits sur ce registre européen. Il a pu être relevé que le même cabinet inscrit sur le registre américain, avec chacun de ses clients détaillé, ne figure pas sur le registre européen. Ainsi par exemple, en cherchant un grand cabinet américain, en tapant son nom dans la base de recherche américaine. Quelques semaines plus tard, ce cabinet n’est pas inscrit au registre européen. La raison en est que le fichier américain a été rendu obligatoire par une loi, alors qu’au niveau européen, il reste une forme d’autorégulation19.

Ainsi, la Commission européenne a récemment présenté une proposition de révision du « Registre de transparence » visant à harmoniser et à rendre contraignante l’inscription au registre recensant les lobbyistes auprès de l’Union. Un Registre de transparence a été créé. Il est géré conjointement par le Parlement européen et la Commission européenne. Toutes les activités menées dans le but d’influencer – tant le processus législatif des institutions de l’UE que le processus de mise en œuvre de leurs politiques – y sont enregistrées. Le registre facultatif actuel compte plus de 11 254 entités enregistrées, dont 1 315 cabinets de consultants/cabinets d’avocats, 5 605 associations syndicales et professionnelles, et 2 909 organisations non gouvernementales20.

Le 16 janvier 2017, une nouvelle version du Code de conduite des députés européens est entrée en vigueur. Cette mise à jour, adoptée le 13 décembre 2016 en session plénière, vise à donner un cadre plus strict à la déontologie des parlementaires et à définir plus précisément les relations entre parlementaires et lobbyistes. Il s’inscrit dans la mise en œuvre des dispositions de l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » du 13 avril 2016 qui entend améliorer la coopération entre les institutions de l’UE « en vue d’obtenir une législation de meilleure qualité »21.

Le Code de conduite des députés européens leur interdit dorénavant d’exercer des activités de lobbying parallèlement à leur mandat22. Il leur impose également de communiquer des déclarations d’intérêts financiers plus détaillées et à échéances plus rapprochées. Le code incite les députés à ne rencontrer que des lobbyistes préalablement inscrits au registre comme c’est le cas, depuis décembre 2014, pour les rencontres entre lobbyistes et commissaires, membres de leurs cabinets et directeurs généraux. Enfin, les anciens députés devront nécessairement informer le Parlement s’ils obtiennent un nouvel emploi de lobbyiste après leur mandat. Toutes ces règles participent d’un mouvement plus global qui tend à encadrer plus strictement le lobbying au sein de l’UE23.

Le Registre de transparence n’est que l’une des initiatives de l’UE visant à rendre le processus décisionnel plus ouvert. La commission Juncker, attachée à favoriser une plus grande transparence inscrite dans ses orientations politiques, a déjà mené plusieurs actions dans ce sens. La Commission a ainsi donné plus largement accès aux documents relatifs aux négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) avec les États-Unis. L’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer », signé en avril 2016, a encore favorisé la transparence grâce à l’adoption d’une série de mesures visant à renforcer l’ouverture du processus décisionnel de l’UE, y compris le droit dérivé24. En mai 2016, la Commission a adopté de nouvelles règles relatives aux groupes d’experts renforçant les exigences en matière de transparence et créant des synergies avec le registre de transparence.

La Commission européenne fait aussi un effort particulier de consultation de toutes les parties prenantes, au-delà des représentants des entreprises, à travers les consultations publiques systématiques et les dialogues structurés qu’elle met en place.

À la suite de la controverse relative à l’ancien président de la Commission, M. Barroso, le président Juncker a décidé, le 23 novembre 2016, de renforcer le Code de conduite pour les membres de la Commission afin d’établir les normes éthiques les plus élevées possible en cas de conflit d’intérêts. La période « de refroidissement » pendant laquelle les anciens commissaires doivent informer la Commission de leur intention de s’engager dans une nouvelle activité professionnelle après leur cessation de fonction serait portée de 18 mois à 2 ans pour les membres de la Commission et à 3 ans pour le président de la Commission. Ce délai et ces règles peuvent sembler supérieurs à ce qui existe dans la plupart des États membres. La France, dont la culture n’est pas celle du lobbying, loin s’en faut, a progressivement et encore récemment, à la faveur de la loi dite Sapin de la fin de l’année 2016, adopté des bases juridiques visant à mieux encadrer les activités de lobbying.

B – Les bases juridiques de la réglementation du lobbying renouvelées en France

Comme on l’a évoqué en introduction, la conception française de l’intérêt général avait ceci de particulier qu’elle semblait étanche, voire étrangère à la notion même de lobbying. L’intérêt général n’étant pas conçu comme la somme d’intérêts particuliers mais comme une abstraction émanant de la volonté générale, il n’existe pas de tradition du lobbying en France. Pour autant, la construction européenne, sa nature, le contenu des compétences transférées, ainsi que les modalités de prise de décision au niveau européen, ont nécessairement conduit la France à faire évoluer sa conception. Cette évolution est à replacer dans un cadre de réflexion plus large autour de la notion même de loi conçue comme « expression de la volonté générale » et ne pouvant mal faire. En effet, les principes de primauté et d’effet direct ont conduit les juges nationaux à accepter de faire primer les traités et les actes de droit dérivé sur la loi nationale. À partir de cette conception renouvelée et des modalités de prise de décision au sein de l’Union européenne, l’étanchéité entre volonté générale et groupes d’intérêts s’atténue.

C’est ainsi que par un certain effet d’acculturation, les gouvernants français, ainsi que les acteurs économiques, admettent ensemble que les représentants d’intérêts sont un moyen pour le législateur de s’informer sur la manière dont la loi est appliquée et sur les moyens de l’améliorer. Il est vrai que ces informations sont, par nature, orientées puisqu’elles défendent un objectif particulier. Cependant l’enjeu est de parvenir à intégrer qu’il revient au parlementaire de faire l’analyse des données qui lui sont transmises et de les confronter à d’autres pour en vérifier la véracité et la cohérence. L’activité des représentants d’intérêts est également progressivement réputée utile pour permettre au décideur public de mieux connaître les attentes de la société civile.

C’est la fin des années 2000 qui marque le tournant sur la réglementation du lobbying dans le système parlementaire français. Les années 2010 et le plus récemment, l’année 2016-2017 voit, à la faveur de la loi dite Sapin, l’avènement d’une tentative plus précise de définition du lobbying et de son encadrement.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont, chacun, modifié leur règlement en 2009 et créé un Registre des représentants d’intérêts. À l’Assemblée, l’inscription est volontaire. En contrepartie de leur inscription, les représentants d’intérêts disposent d’un badge qui leur donne accès à certaines salles de l’Assemblée pour rencontrer des députés. Au Sénat, l’inscription est en principe obligatoire. Les représentants d’intérêts sont tenus de déclarer les invitations à des déplacements à l’étranger proposées à des sénateurs, à leurs collaborateurs ou aux fonctionnaires du Sénat.

En 2013, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle réglementation. Celle-ci prévoit une inscription de droit sur le registre pour tout représentant d’intérêts qui accepte de jouer le jeu de la transparence en remplissant un formulaire détaillé, rendu public. En remplissant ce formulaire, le représentant d’intérêts souscrit à un Code de bonne conduite, qui édicte des droits et des devoirs. Cette adhésion engage le représentant d’intérêts et indique qu’il accepte d’appliquer pleinement les principes éthiques arrêtés par le bureau de l’Assemblée nationale.

L’inscription sur le Registre des représentants d’intérêts donne droit, en contrepartie, à des modalités d’accueil facilitées à l’Assemblée nationale, sur présentation d’une carte spécifique remise aux personnes inscrites sur le registre. Par ailleurs, l’inscription sur le registre est mentionnée quand les représentants d’intérêts sont auditionnés dans le cadre d’un travail parlementaire.

Cette reconnaissance passe également par la possibilité, pour les représentants d’intérêts inscrits, d’être informés de l’actualité de l’Assemblée nationale par le biais d’outils de veille, ainsi que par la possibilité de mettre en ligne, sur le site internet de l’Assemblée nationale, des contributions en lien avec le travail parlementaire. En outre, le nombre de badges de collaborateurs bénévoles est limité à deux par député avec des critères précis d’attribution. Il s’agit d’éviter que certains représentants d’intérêts ne bénéficient de badges permanents.

À un moment donné de la réflexion, la question s’est posée de savoir s’il valait mieux favoriser ou encadrer davantage le lobbying ? En réalité, la question s’est rapidement déplacée vers la nécessité d’encadrer un état de fait qui s’était rapidement développé après avoir été relativement absent du paysage institutionnel français. Ainsi, en 2008, le député Jean-Paul Charié publiait un rapport d’information dans lequel il militait pour le développement des lobbies et leur reconnaissance dans le processus démocratique. Le député considère que les parlementaires ne peuvent pas tout savoir seuls. Les lobbies contribuent à leur information et leur permettent de sortir de « l’isolement des politiques ». Selon Jean-Paul Charié, le lobbyiste représente une personne morale privée ou une catégorie spécifique d’acteurs publics qui aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le lobbyiste fournit directement au monde politique les informations ou expertises dont le politique a besoin dans l’exercice de ses missions. Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l’acteur politique ; il est un partenaire du politique, mais il ne se substitue pas à lui ; il n’est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques. Pour prévenir des dérives, le rapport contient un certain nombre de recommandations25, tels Code d’éthique, registre des lobbyistes, par exemple.

D’autres responsables politiques regrettent, en revanche, une trop forte influence des lobbies qui pourrait être un frein dans la mise en place de réformes, notamment dans le domaine de la protection de l’environnement. S’il paraît vain de tenter d’empêcher tout lobbying, ces responsables, mais aussi des organisations non gouvernementales (ONG), telle la branche française de Transparency International, militent pour un meilleur encadrement et une plus grande transparence.

Dans son rapport sur le lobbying en France, Transparency International évalue l’encadrement du lobbying et la transparence de la vie publique. L’ONG attribue une note de 24/100 à la France, notamment à cause de l’absence de décisions publiques. « L’empreinte législative », qui consiste pour un décideur public à indiquer les personnes et les organisations qu’il a consultées et les contributions qu’il a reçues lors de l’élaboration d’un texte, n’est pas une pratique répandue en France. De plus, l’équité entre groupes d’intérêts doit être assurée et les décideurs publics doivent consulter de manière équilibrée les différents groupes d’intérêts concernés par un sujet. Transparency International regrette que les procédures de consultation soient trop hétérogènes et trop complexes et que les contributions reçues ne soient pas souvent rendues publiques. L’Administration n’a pas l’obligation de dire quels arguments ont été – ou n’ont pas été – pris en compte (aucun droit de suite), ce qui peut décourager les acteurs à participer à des processus consultatifs ou participatifs. Enfin, lorsque des consultations sont organisées, l’équilibre des intérêts représentés n’est pas suffisamment garanti26.

Il faut souligner, plus particulièrement, un sujet sur lequel les responsables français ont souhaité porter une attention particulière, il s’agit du cas des conflits d’intérêts Ainsi, le 26 janvier 2011, la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, a remis son rapport au président de la République. Le conflit d’intérêts désigne une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne. Cet intérêt privé peut cependant être dépendant des intérêts d’une entreprise, d’une organisation, etc. Le rapport proposait que les personnalités les plus exposées (ministres et leurs proches) soient dans l’obligation de faire une déclaration d’intérêts à leur entrée en fonction. Cette procédure pouvait permettre d’identifier préventivement les intérêts (relatifs au patrimoine ou aux activités professionnelles exercées) en relation avec les fonctions exercées, ou susceptibles de l’être, et pouvant susciter un doute sur leur impartialité et leur objectivité. Chaque administration devait être dotée de dispositifs de prévention et d’alerte (chartes de déontologie, codes de conduites, etc.). À la suite de ce rapport, un projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres du 27 juillet 2011, mais il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.

Le 9 novembre 2012, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, remet son rapport au président de la République. Le rapport, considérant que la prévention des conflits d’intérêts est un enjeu essentiel pour conforter la confiance des citoyens dans les institutions, recommande une stratégie globale de prévention. Il souhaite que la définition du conflit d’intérêts soit inscrite dans la loi : « Constitue un conflit d’intérêts une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». Reprenant certaines propositions du rapport, la loi relative à la transparence de la vie publique a été promulguée le 11 octobre 2013. La loi reprend la définition du conflit d’intérêts proposée par la commission. Elle prévoit des obligations d’information pour les responsables administratifs ou politiques qui estimeraient se trouver dans une telle situation.

Comme le souligne le rapport Nadal de 2015 sur l’exemplarité des responsables publics27, « les relations entre responsables publics et représentants d’intérêts restent marquées par le secret, ce qui est susceptible d’alimenter l’inquiétude des citoyens quant à la probité de leurs dirigeants. L’idée d’une forme de collusion entre les groupes d’intérêts, qui tenteraient par tous les moyens d’imposer leur intérêt particulier, et les hommes politiques, qui le feraient primer sur l’intérêt général, est largement répandue et contribue à l’érosion de la confiance des citoyens dans leurs institutions. Rendre ces relations plus transparentes contribuerait à dissiper les fantasmes sur l’influence réelle ou supposée des représentants d’intérêts »28. Le 20 janvier 2015, le président de la République François Hollande a, dans ses vœux aux corps constitués et aux bureaux des assemblées, annoncé un meilleur encadrement des groupes de pression : « Les citoyens sauront qui est intervenu, à quel niveau, auprès des décideurs publics, pour améliorer, corriger, modifier une réforme, et quels ont été les arguments utilisés ». Un projet de loi pour la transparence économique doit être préparé29.

Cependant, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique marque une nouvelle étape pour la transparence des relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics. La loi du 9 décembre 2016 poursuit en effet l’action engagée par les lois de 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Ces lois ont généralisé, pour les membres du gouvernement, les parlementaires et les principaux élus locaux et décideurs publics, l’obligation d’établir des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts. Elles ont mis en place un ensemble de mécanismes de prévention et de traitement des conflits d’intérêts, sous le contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui est une autorité administrative indépendante, qui a succédé à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Pour la première fois dans le droit français, la loi Sapin 2 apporte une définition des représentants d’intérêts en établissant la liste des personnes susceptibles d’être reconnues comme telles. Sont des représentants d’intérêts les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les chambres de commerce et de l’industrie et les chambres des métiers et de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire.

Sont également des représentants d’intérêts les personnes physiques qui ne sont pas employées par une personne morale mais qui exercent à titre individuel une activité professionnelle de lobbying. Pour influer sur la décision, le représentant d’intérêts peut entrer en communication avec un membre du gouvernement, ou un membre de cabinet ministériel, un parlementaire ou collaborateur parlementaire, un collaborateur du président de la République, certains membres d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, le président d’un conseil régional ou un conseiller régional, notamment. Pour reconnaître un représentant d’intérêts, la loi exige, en outre, que l’activité d’influence sur la décision publique soit exercée de façon principale ou régulière.

En revanche, sont exclus de la définition légale : les élus dans l’exercice de leur mandat, les partis et groupements politiques, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs, les associations à objet cultuel, les associations représentatives des élus.

Des associations telle que Transparency International France ou Anticor regrettent cette liste restrictive des représentants d’intérêts : « Le Medef, par exemple, sera soustrait à toute déclaration au titre de sa mission de dialogue social et seuls les lobbies ayant pour activité principale ou régulière d’influer sur la loi devront déclarer annuellement leurs actions de lobbying. Libre à eux de définir ce qu’est une action régulière » (Anticor).

II – Les réalisations concrètes visant à encadrer le lobbying

Comme nous l’avons abordé en introduction, la loi du 9 décembre 2016 prévoyait la création, au plus tard à compter du 1er juillet 2017, d’un Registre numérique des représentants d’intérêts, tenu par une autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ce répertoire, rendu public, s’effectue dans un format ouvert, librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Les représentants ont ainsi l’obligation de déclarer une série d’éléments suivants : leur identité ; l’organisme pour lequel ils travaillent ; les intérêts ou entités qu’ils représentent ; les actions relevant de leur champ de compétence en précisant le montant des dépenses qui y sont liées ; les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés auxquelles ils appartiennent.

Dans sa décision du 8 décembre 201630, le Conseil constitutionnel a précisé que la loi se borne à prévoir que tout représentant d’intérêts communique à la HATVP les actions relevant du champ de la représentation d’intérêts menées auprès des responsables publics en précisant le montant des dépenses liées à ces actions durant l’année précédente. La loi n’a pas pour objet de contraindre le représentant d’intérêts à préciser chacune des actions qu’il met en œuvre et chacune des dépenses correspondantes.

Les modalités et conditions de transmission des informations relatives à l’identité et aux champs d’activité du représentant d’intérêts ainsi que les modalités de présentation des activités du représentant d’intérêts ont été précisées par un décret publié au Journal officiel du 10 mai 2017. Dans une délibération du 5 avril 2017, la HATVP s’était prononcée sur le projet de décret. Elle considérait que le répertoire des représentants d’intérêts, tel que prévu dans le texte, ne correspondait pas au champ que le législateur avait entendu lui donner31.

Un autre décret devait être également pris pour codifier les règles déontologiques relatives aux représentations d’intérêts. Afin d’être autorisés à exercer leur activité, les lobbyistes seront tenus de respecter un certain nombre d’obligations et de s’abstenir dans une série de domaines : de proposer ou de remettre des présents, dons ou avantages quelconques d’une valeur significative aux responsables d’une décision publique ; de toute incitation à l’égard de ces personnes à enfreindre les règles déontologiques qui leur sont applicables ; de toute démarche auprès de ces personnes en vue d’obtenir des informations ou des décisions par des moyens frauduleux ; d’obtenir ou d’essayer d’obtenir des informations ou décisions en communiquant délibérément à ces personnes des informations erronées ou en recourant à des manœuvres destinées à les tromper ; d’organiser des colloques, manifestations ou réunions, dans lesquels les modalités de prise de parole sont liées au versement d’une rémunération sous quelque forme que ce soit ; d’utiliser, à des fins commerciales ou publicitaires, les informations obtenues auprès des décideurs publics ; de vendre à des tiers des copies de documents provenant du gouvernement, d’une autorité administrative ou publique indépendante ou d’utiliser du papier à en-tête ainsi que le logo de ces autorités publiques et de ces organes administratifs.

C’est la HATVP qui est l’autorité compétente pour contrôler le respect de ces règles. Elle pourra se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé. Elle pourra également procéder à des vérifications dans les locaux des représentants, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris. Elle dispose, en outre, de la faculté de mettre en demeure des représentants d’intérêt qui ne respectent pas leurs obligations.

Les sanctions encourues en cas de manquement aux obligations légales à la suite de mises en demeure de la HATVP auprès des décideurs publics, autres que les parlementaires, sont d’1 an de prison et 15 000 €. Ces dispositions seront applicables au plus tard à compter du 1er janvier 2018. Conformément à la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, la Haute autorité s’est prononcée sur le projet de décret relatif au registre des représentants d’intérêts transmis par le gouvernement au Conseil d’État.

Ce décret, « pris après un avis public de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique », doit en effet préciser les contours du dispositif, notamment la définition des représentants d’intérêts, le rythme et les modalités de communication et de publication des informations demandées aux représentants d’intérêts ainsi que les procédures de contrôle mises en œuvre. L’avis, pris après consultation des expériences étrangères, relève qu’en l’état actuel le projet de décret ne paraît pas correspondre parfaitement au dispositif voulu par le législateur. Il pointe notamment qu’à défaut d’un renforcement des informations pertinentes devant être déclarées, ce registre pourrait se résumer à un simple annuaire sans portée alors qu’il fera peser des contraintes importantes sur les représentants d’intérêts.

Le décret du 9 mai 2017 est relatif au Répertoire numérique des représentants d’intérêts32. Son objet est l’encadrement du Répertoire des représentants d’intérêts et de la procédure applicable devant la Haute autorité pour la transparence de la vie publique33. Il vise à ce que les représentants d’intérêts soient tenus de s’inscrire au répertoire numérique tenu par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Le décret précise, d’une part, certaines notions figurant à l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 et explicite notamment les adjectifs « principale » et « régulière » en fixant la fréquence des actions sur une période d’une année.

Le décret définit, d’autre part, le rythme et les modalités de communication des informations devant être transmises à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il détermine également les modalités de publicité de ces informations. Il précise les règles applicables aux vérifications sur place opérées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il fixe enfin les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris statue sur l’autorisation de visite ou de vérification sur place34.

Les dispositions du décret sont applicables à toute personne mentionnée au premier alinéa de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 201335, dont un dirigeant, un employé ou un membre consacre plus de la moitié de son temps à une activité qui consiste à procéder à des interventions à son initiative auprès des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d’influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires. Ces dispositions sont également applicables à toute personne mentionnée au premier alinéa de l’article 18-2 de cette même loi, dont un dirigeant, un employé ou un membre entre en communication, à son initiative, au moins 10 fois au cours des 12 derniers mois avec des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d’influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires.

Ne constitue pas une entrée en communication au sens du décret, le fait de solliciter, en application de dispositions législatives ou réglementaires, la délivrance d’une autorisation ou le bénéfice d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir, ainsi que le fait de présenter un recours administratif ou d’effectuer une démarche dont la réalisation est, en vertu du droit applicable, nécessaire à la délivrance d’une autorisation, à l’exercice d’un droit ou à l’octroi d’un avantage.

Le titre premier du décret est consacré au répertoire des représentants d’intérêt. Il précise le rythme et les modalités de communication. Selon le décret, tout représentant d’intérêts communique à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle l’une des conditions fixées à l’article 1er est remplie, les informations figurant aux 1°, 2° et 5° ainsi qu’au 7e alinéa de l’article 18-3 de la loi du 11 octobre 2013 précitée. Toute modification de l’un de ces éléments donne lieu à une actualisation des informations communiquées à la Haute autorité dans un délai d’1 mois. En application du 3° de l’article 18-3 de cette même loi, tout représentant d’intérêts adresse à la Haute autorité, dans un délai de 3 mois à compter de la clôture de son exercice comptable, les informations suivantes relatives au dernier exercice : 1° Le type de décisions publiques sur lesquelles ont porté les actions de représentation d’intérêts engagées, au regard de la liste figurant en annexe du décret ; 2° Le type d’actions de représentations d’intérêts engagées, au regard de la liste figurant aussi en annexe ; 3° Les questions sur lesquelles ont porté ces actions, identifiées par leur objet et leur domaine d’intervention ; 4° Les catégories de responsables publics mentionnées aux 1° à 7° de l’article 18-2 de la même loi, avec lesquelles il est entré en communication, les déclarations relatives aux catégories mentionnées aux 1°, 4° et 6° du même article 18-2 s’effectuant au regard des listes annexées au décret ; 5° Lorsque le représentant d’intérêts a effectué les actions pour le compte d’un tiers, l’identité de ce tiers ;

6° Dans le cadre d’une liste de fourchettes établie par arrêté du ministre chargé de l’Économie sur proposition de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le montant des dépenses consacrées aux actions de représentation d’intérêts pour l’année écoulée par le représentant d’intérêts, ainsi que, le cas échéant, le montant du chiffre d’affaires de l’année précédente liée à l’activité de représentation d’intérêts.

Constituent des dépenses consacrées aux actions de représentation d’intérêts au sens du même article 18-2, l’ensemble des moyens humains, matériels et financiers mobilisés, par le représentant d’intérêts, en vue d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire, dans les conditions prévues au même article 18-2.

Lorsqu’un représentant d’intérêts se déclare en cours d’année auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, les informations mentionnées à l’article 3 portent sur l’ensemble des actions menées entre la date de déclaration et la clôture du prochain exercice comptable, sur le montant des dépenses correspondantes ainsi que sur le montant de chiffre d’affaires dégagé au cours de cette période. Lorsqu’un représentant d’intérêts déclaré cesse son activité en cours d’année, les informations mentionnées à l’article 3 portent sur l’ensemble des actions menées entre la clôture du précédent exercice comptable et la date à laquelle il informe la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de l’arrêt de ses activités, sur le montant des dépenses correspondantes ainsi que sur le montant de chiffre d’affaires dégagé au cours de cette période.

Les représentants d’intérêts communiquent à la Haute autorité les éléments mentionnés aux articles 2 et 3 par l’intermédiaire d’un téléservice établi conformément aux règles fixées par le référentiel général de sécurité annexé au décret n° 2010-112 du 2 février 2010.

Lorsque le représentant d’intérêts est une personne physique, il procède lui-même à son inscription au téléservice. Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, son inscription est réalisée par une personne physique désignée en qualité de contact opérationnel par son représentant légal.

L’inscription s’effectue lors de la première connexion au téléservice. Elle nécessite la transmission de son nom, de son prénom, de son adresse électronique et de son numéro de téléphone ainsi que le choix d’un mot de passe devant répondre à des critères de robustesse vérifiés par le téléservice. Lors des connexions suivantes, l’authentification s’effectue par l’intermédiaire de l’adresse électronique communiquée lors de l’inscription et du mot de passe choisi par l’intéressé.

Lorsque le représentant d’intérêts est une personne physique, il communique lui-même à la Haute autorité les éléments mentionnés aux articles 2 et 3.

Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, la personne désignée comme contact opérationnel est chargée de communiquer à la Haute autorité les éléments mentionnés aux articles 2 et 3. Le contact opérationnel peut toutefois désigner une ou plusieurs autres personnes chargées de communiquer ces éléments, après inscription sur le téléservice.

Les inscriptions ainsi que la communication des éléments mentionnés aux articles 2 et 3 font l’objet d’un accusé de réception de la part de la Haute autorité, qui fait état de la date et de l’heure à laquelle l’inscription a été effectuée ou les éléments ont été communiqués.

Une délibération de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique précise les modalités techniques de fonctionnement du téléservice, et en particulier les conditions d’enregistrement des représentants d’intérêts, ainsi que le format dans lequel les éléments mentionnés aux articles 2 à 5 sont communiqués. Le chapitre 2 du décret porte sur la publication du répertoire. Le répertoire des représentants d’intérêts est rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne. Une délibération de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique détermine le format dans lequel les informations figurant sur le répertoire sont rendues publiques. La Haute autorité prend les mesures techniques nécessaires pour assurer l’intégrité du service. Elle assure l’information des représentants d’intérêts sur le recueil et la publicité des données les concernant. Les informations relatives aux actions de représentation d’intérêts demeurent publiques pendant une durée de 5 ans à compter de leur publication par la Haute autorité.

Lorsqu’une personne inscrite au répertoire cesse ses fonctions de représentation d’intérêts, elle en informe, par l’intermédiaire du téléservice mentionné à l’article 5, la Haute autorité qui mentionne cette information dans le répertoire rendu public.

Le titre 2 du décret est consacré à la procédure devant la Haute autorité. S’agissant de la saisine, le décret prévoit en son article 7 que la personne physique ou morale qui saisit, en application des 1° et 2° de l’article 18-6 de la loi du 11 octobre 2013, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique indique par écrit les éléments nécessaires à l’analyse de la situation.

La personne physique ou morale qui saisit la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, en application de l’article 18-7 de la même loi, indique par écrit, en apportant toutes précisions utiles, les faits qu’elle invoque au soutien de son signalement. Concernant la mise en demeure, la Haute autorité notifie au représentant d’intérêts le ou les manquements aux obligations lui incombant. Ce dernier peut adresser ses observations dans un délai d’1 mois.

À l’issue de ce délai, la Haute autorité peut, conformément au 1° de l’article 18-7 de la loi du 11 octobre 2013, adresser une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au représentant d’intérêts concerné.

Cette mise en demeure est susceptible de recours dans un délai de 2 mois à compter de sa réception. Lorsque la Haute autorité saisit le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement du 2e alinéa de l’article 18-6 de la loi du 11 octobre 2013 susvisée afin que celui-ci autorise les vérifications sur place dans les locaux professionnels, le juge statue dans les 48 heures.

L’ordonnance autorisant les vérifications sur place comporte l’adresse des lieux professionnels à visiter, le nom et la qualité du ou des agents habilités à procéder aux opérations de visite et de contrôle ainsi que les heures auxquelles ils sont autorisés à se présenter.

L’ordonnance, exécutoire au seul vu de la minute, est notifiée sur place, au moment de la visite, au responsable des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de visite.

L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé la visite et contre le déroulement des opérations de visite. Il mentionne également que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi d’une demande de suspension ou d’arrêt de cette visite.

En l’absence du responsable des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. À défaut de réception de la lettre recommandée, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.

Le juge des libertés et de la détention peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l’arrêt de la visite. La saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de suspension ou d’arrêt des opérations de visite et de vérifications n’a pas d’effet suspensif.

Lorsque la vérification sur place s’effectue dans les locaux professionnels d’un avocat, celle-ci ne peut être effectuée qu’en présence, selon les cas, du président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ou de son délégué, du bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ou de son délégué, informés par écrit au moins 3 jours avant la visite. Ces derniers peuvent saisir le juge d’une demande de suspension ou d’arrêt de la visite. À défaut du respect de cette procédure, l’avocat est en droit de s’opposer à la vérification de la Haute autorité. Selon l’article 10 du décret, l’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris suivant les règles prévues par les articles 931 et suivants du Code de procédure civile. Cet appel est formé par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe de la cour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif.

Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter. L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues aux articles 974 et suivants du même code. Le premier président de la cour d’appel de Paris connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite autorisées par le juge des libertés et de la détention. Le recours est formé par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe de la cour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du procès-verbal de la visite. Ce recours n’est pas suspensif. L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par les articles 974 et suivants du Code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de 15 jours.

Lorsque les demandes de communication d’informations ou de documents sont effectuées par la Haute autorité auprès d’un avocat, celles-ci sont présentées, selon les cas, au président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ou au bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit. L’avocat transmet à l’autorité dont il relève les pièces qu’elle lui demande. L’autorité les transmet à la Haute autorité. À défaut du respect de cette procédure, l’avocat est en droit de s’opposer à la communication des informations et documents demandés par la Haute autorité36. Les représentants d’intérêts qui remplissent la condition fixée à l’article 1er du présent décret au jour de l’entrée en vigueur de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée communiquent à la Haute autorité les informations mentionnées à l’article 2 dans un délai de 2 mois à compter de cette date. Les représentants d’intérêts adressent pour la première fois à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique les informations mentionnées à l’article 3, dans lesquelles ils font figurer les actions de représentation d’intérêts effectuées au cours du second semestre 2017, au plus tard le 30 avril 2018.

Une annexe au décret liste les types de décisions publiques concernées. Il en est ainsi des lois, y compris constitutionnelles ; des ordonnances de l’article 38 de la Constitution ; des actes réglementaires, des décisions mentionnées à l’article L. 221-7 du Code des relations entre le public et l’Administration ; des contrats entrant dans le champ d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens publiés au Journal officiel de la République française ; des contrats entrant dans le champ de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens publiés au Journal officiel de la République française ; des contrats mentionnés aux articles L. 2122-6 du Code général de la propriété des personnes publiques et L. 1311-5 du Code général des collectivités territoriales ; des contrats mentionnés aux articles L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales et L. 6148-2 du Code de la santé publique ; des contrats mentionnés aux articles L. 3211-1, L. 3211-2, L. 3211-13 et L. 3211-14 du Code général de la propriété des personnes publiques ; des délibérations approuvant la constitution d’une société d’économie mixte à opération unique prévue à l’article L. 1541-1 du Code général des collectivités territoriales ; et des autres décisions publiques.

Une annexe au décret est relative aux types d’actions de représentations d’intérêts. Selon cette annexe, les actions de représentations d’intérêts visant à influencer une décision publique peuvent consister à : organiser des discussions informelles ou des réunions en tête-à-tête ; convenir pour un tiers d’une entrevue avec le titulaire d’une charge publique ; inviter ou organiser des évènements, des rencontres ou des activités promotionnelles ; établir une correspondance régulière (par courriel, par courrier…) ; envoyer des pétitions, lettres ouvertes, tracts ; organiser des débats publics, des marches, des stratégies d’influence sur internet ; organiser des auditions, des consultations formelles sur des actes législatifs ou d’autres consultations ouvertes ; transmettre des suggestions afin d’influencer la rédaction d’une décision publique ; transmettre aux décideurs publics des informations, expertises dans un objectif de conviction. Une autre annexe est relative aux catégories de responsables publics concernés. Il en est ainsi des membres du gouvernement ou membres de cabinet ministériel : sont aussi concernés les responsables des autorités administratives indépendantes, conformément au 4° de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée : Agence française de lutte contre le dopage ; Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires ; Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; Autorité de la concurrence ; Autorité de régulation de la distribution de la presse ; Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ; Autorité de régulation des jeux en ligne ; Autorité des marchés financiers ; Autorité de sûreté nucléaire ; Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires ; Commission d’accès aux documents administratifs ; Commission du secret de la défense nationale ; Contrôleur général des lieux de privation de liberté ; Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ; Commission nationale du débat public ; Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Commission de régulation de l’énergie ; Conseil supérieur de l’audiovisuel ; Défenseur des droits ; Haute autorité de santé ; Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ; Haut conseil du commissariat aux comptes ; Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ; Haute autorité pour la transparence de la vie publique ; Médiateur national de l’énergie.

Sont aussi concernés les responsables locaux de la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement. Ainsi des communes, des établissements publics de coopération intercommunale ; des métropoles ; des départements ; des régions ; des collectivités à statut spécial et des collectivités outre-mer.

Il apparaît, à l’observation de la loi et des décrets d’application, que la France semble chercher à rattraper un certain retard dans la prise en compte de l’existence du lobbying et dans la recherche de son encadrement. Pour autant, les exigences sont nombreuses et seront sans doute délicates à contrôler. Le système européen en a fait l’expérience, même si l’accès et la lisibilité du registre semblent se renforcer. En effet, le site de la Commission européenne permet un accès aux groupes d’intérêts inscrits37. En exergue de la page internet dédiée, est inscrit que « les citoyens peuvent, et même doivent, attendre du processus décisionnel de l’UE qu’il soit aussi transparent et ouvert que possible. Plus le processus est ouvert, plus il est facile d’assurer une représentation équilibrée et d’éviter les pressions excessives et l’accès illégitime ou privilégié aux informations et aux décideurs politiques. La transparence est également essentielle pour encourager les citoyens européens à participer plus activement à la vie démocratique de l’UE. Le registre de transparence a été créé afin de répondre aux questions essentielles telles que celle de savoir quels sont les intérêts défendus, par qui et avec quels budgets. Le système est géré conjointement par le Parlement européen et la Commission européenne ».

Le site comporte une série de rubriques : les dernières « entités » inscrites, des statistiques régulièrement mises à jour avec le nombre d’inscrits, que nous avons cité plus haut, de 11 439 au 9 septembre, et les catégories. Ces dernières sont nommées de manière générique et seuls les détails de chaque catégorie permettent d’avoir une idée plus précise. Ainsi, les catégories sont les suivantes : cabinets de consultants spécialisés / cabinets d’avocats / consultants agissant en qualité d’indépendants (1 331), cabinets de consultants spécialisés (763), cabinets d’avocats (142), représentants internes, groupements professionnels et associations syndicales (5 628), autres organisations (333), organisations non gouvernementales, plates-formes, réseaux et assimilés (3 020), groupes de réflexion et organismes de recherche (861), organisations représentant des communautés religieuses (50), organisations représentants des autorités locales (549). Le site comporte un accès aux organismes enregistrés par mots-clés. Il permet aussi une mise à jour de son accréditation. Il rappelle que depuis l’ouverture du registre de transparence, le 23 juin 2011, les organisations et personnes doivent s’enregistrer dans le Registre avant de solliciter une accréditation auprès du Parlement européen (PE).

Toute décision sur une demande d’accès aux bâtiments du Parlement européen relève exclusivement des prérogatives du Parlement et l’enregistrement dans le registre de transparence ne confère pas un droit automatique à un titre d’accès.

Toute demande d’accès au Parlement doit être introduite par l’intermédiaire du Registre de transparence. Les demandes de renouvellement d’accréditations peuvent être présentées 2 mois avant la date d’expiration indiquée. Les accréditations octroyées aux particuliers ont une validité maximale de 12 mois.

Ce site est très riche dans la mesure où il donne accès à l’ensemble des organismes accrédités. Cependant, si l’on observe les réalisations concrètes européennes et nationales que l’on vient de présenter, plusieurs écueils ne manquent d’apparaître. Le nombre et la relation au contrôle en sont les principaux éléments. Avoir la liste des organismes accrédités, prévoir même, pour le système français, une autorité de contrôle, est un facteur certes essentiel de transparence et de régulation. Cependant, les activités elles-mêmes sont éminemment délicates à suivre et à contrôler au regard des règles déontologiques que chaque système juridique s’est donné. Les textes français sont encore trop récents pour que l’on puisse les évaluer. Ils s’inscrivent sans doute dans une démarche plus contraignante qu’il conviendra d’évaluer parallèlement au renforcement des dispositifs européens.

Notes de bas de pages

  • 1.
    http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2016/581950/EPRS_BRI(2016)581950_FR.pdf.
  • 2.
    L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • 3.
    http://www.hatvp.fr/thematique/lobbying/.
  • 4.
    Étude préc., note préc.
  • 5.
    Étude préc.
  • 6.
    Idem.
  • 7.
    V. plus bas la deuxième partie de la présente étude.
  • 8.
    Viepublique.fr.
  • 9.
    Idem.
  • 10.
    http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1844/lobbying-france-pratique-voie-reconnaissance.html.
  • 11.
    Site internet du Parlement européen.
  • 12.
    Idem.
  • 13.
    Cohen Tanugi L., Le droit sans l’État, 1re éd. 1985, PUF, réédité en 2016.
  • 14.
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/encadrement-des-lobbys-dans-lue-peut-mieux-faire.
  • 15.
    Idem.
  • 16.
    Idem.
  • 17.
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/encadrement-des-lobbys-dans-lue-peut-mieux-faire.
  • 18.
    Idem.
  • 19.
    Idem.
  • 20.
    Communiqué de presse de la Commission européenne, Atteindre l’objectif de transparence : la Commission propose un registre de transparence obligatoire pour toutes les institutions de l’UE, Bruxelles, 28 sept. 2016 : « La Commission européenne propose aujourd’hui un registre de transparence obligatoire commun aux trois institutions de l’UE – le Parlement européen, le Conseil et la Commission, honorant ainsi l’engagement prioritaire de la Commission Juncker en faveur de la transparence.
  • 21.
    La Commission a déjà montré l’exemple en imposant l’inscription des représentants d’intérêts dans un registre de transparence comme condition préalable à la tenue de réunions avec ses décideurs. Aujourd’hui, nous demandons au Parlement européen et au Conseil de faire de même, en rendant obligatoire l’inscription au registre pour tout représentant d’intérêts qui essaie d’influencer le processus d’élaboration des politiques à Bruxelles.
  • 22.
    M. Frans Timmermans, premier vice-président, a déclaré à ce propos : “Les institutions de l’UE doivent coopérer pour regagner la confiance de nos citoyens. Nous devons faire preuve de plus d’ouverture dans tout ce que nous faisons. Les propositions présentées aujourd’hui en vue de créer un registre de transparence obligatoire commun au Parlement, au Conseil et à la Commission constituent une étape importante dans la bonne direction. Les citoyens ont le droit de savoir qui tente d’influencer le processus législatif de l’UE. Nous proposons une règle simple : pas de réunion avec des décideurs sans enregistrement préalable. Grâce au registre, le public verra qui fait du lobbying, qui ces lobbyistes représentent et combien ils dépensent”.
  • 23.
    La Commission, s’appuyant sur le registre de transparence facultatif actuel du Parlement et de la Commission, a proposé aujourd’hui un accord interinstitutionnel (AII), qui instaurera un système solide garantissant la transparence des activités de lobbying. La Commission propose que les trois institutions – c’est-à-dire le Conseil compris – appliquent toutes pour la première fois les mêmes normes minimales. En vertu de ces propositions, la tenue de réunions avec les décideurs des trois institutions serait subordonnée à un enregistrement préalable dans le registre de transparence. Depuis que la Commission a instauré cette règle pour ses propres interactions avec les représentants d’intérêts en novembre 2014, il y a eu environ 4 000 nouvelles inscriptions dans le registre existant.
  • 24.
    La proposition présentée aujourd’hui précise également l’éventail des activités et les organismes concernés ; elle encourage le suivi et le respect effectif du code de conduite du registre auquel les lobbyistes doivent se conformer ; par ailleurs, elle simplifiera et améliorera la qualité des données grâce à la rationalisation des exigences relatives aux données à intégrer et à un meilleur contrôle de la qualité. La Commission propose d’accroître les ressources disponibles pour atteindre cet objectif. Les déclarants qui enfreindront le code de conduite pourraient faire l’objet d’une suspension temporaire, les privant de toute interaction avec les institutions, ou être radiés du registre ».
  • 25.
    http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-3182_fr.htm.
  • 26.
    Art. 3 du code de conduite des députés européens.
  • 27.
    http://www.hatvp.fr/la-thematheque/le-parlement-europeen-renforce-ses-regles-en-matiere-dencadrement-du-lobbying/.
  • 28.
    http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-3182_fr.htm.
  • 29.
    http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1844/lobbying-france-pratique-voie-reconnaissance.html.
  • 30.
    Idem.
  • 31.
    http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/154000023/index.shtml : « Un an après l’adoption des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique et la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le président de la République a souhaité une première évaluation de ce dispositif. Il a chargé Jean-Louis Nadal, ancien procureur général de la Cour de cassation et président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, d’une mission visant à : dresser un état des lieux de la législation française au regard notamment des règles et pratiques mises en œuvre dans les autres grandes démocraties ; émettre des recommandations s’agissant tant des règles applicables aux responsables publics, en matière de probité et de transparence, que des moyens dont dispose la haute autorité. Dans le cadre de sa mission, Jean-Louis Nadal a organisé plus de quatre-vingts auditions entre octobre et décembre 2014, et reçu une trentaine de contributions écrites. Au terme de ses travaux, il formule une série de recommandations, autour de quatre axes : guider l’action des responsables publics, afin de préciser le cadre déontologique dans lequel les responsables publics exercent leurs fonctions et de prévenir les éventuels manquements ; associer et informer les citoyens, pour renforcer la transparence de l’action publique et permettre à chacun de constater la probité des responsables publics ; garantir le juste usage des moyens publics, en veillant à ce que les contrôles dont font l’objet les responsables publics soient adaptés, proportionnés et efficaces ; améliorer la sanction des manquements à l’exemplarité, afin que les comportements individuels contraires la probité, qui discréditent l’ensemble de l’action publique, soient justement sanctionnés ».
  • 32.
    http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1992/loi-sapin-ii-vers-controle-accru-lobbies.html.
  • 33.
    Idem.
  • 34.
    Déc. Cons. const., 8 déc. 2016, n° 2016-741 DC.
  • 35.
    http://www.hatvp.fr/presse/registre-du-lobbying-la-haute-autorite-rend-public-son-avis-sur-le-projet-de-decret/
  • 36.
    D. n° 2017-867, 9 mai 2017.
  • 37.
    Entrée en vigueur : l’ensemble des dispositions entre en vigueur à la même date que les dispositions de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 et au plus tard le 1er juillet 2017. Le législateur a en effet prévu, au 1° du IV de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, que les articles 18-1 à 18-3, la sous-section 2 et la sous-section 3 de la section 3 bis de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 entrent en vigueur au plus tard le 1er juillet 2017. S’agissant de la transmission par les représentants d’intérêts des premiers éléments d’information mentionnés à l’article 3, le II de l’article 13 du décret précise qu’elle doit avoir lieu au cours du second semestre 2017 et au plus tard le 30 avril 2018.
  • 38.
    Enfin, conformément au b du 2° de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, les dispositions de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 ne sont applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication avec les personnes mentionnées aux 6° et 7° qu’à compter du 1er juillet 2018. C’est la raison pour laquelle le décret précise que « les informations mentionnées à l’article 3 ne font état des actions de représentation d’intérêts effectuées auprès des personnes mentionnées aux 6° et 7° de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, qu’à compter du 1er juillet 2018 ».
  • 39.
    Le décret est pris en application des articles 18-1 à 18-10 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans leur rédaction issue de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • 40.
    L. n° 2013-907, 11 oct. 2013, relative à la transparence de la vie publique, article 18-2 : créé par la loi du 9 décembre 2016 : sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du Code de commerce et au titre II du Code de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication avec :
  • 41.
    1° Un membre du gouvernement, ou un membre de cabinet ministériel ;
  • 42.
    2° Un député, un sénateur, un collaborateur du président de l’Assemblée nationale ou du président du Sénat, d’un député, d’un sénateur ou d’un groupe parlementaire, ainsi qu’avec les agents des services des assemblées parlementaires ;
  • 43.
    3° Un collaborateur du président de la République ;
  • 44.
    4° Le directeur général, le secrétaire général, ou leur adjoint, ou un membre du collège ou d’une commission investie d’un pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante mentionnée au 6° du I de l’article 11 de la présente loi ;
  • 45.
    5° Une personne titulaire d’un emploi ou d’une fonction mentionné au 7° du même I ;
  • 46.
    6° Une personne titulaire d’une fonction ou d’un mandat mentionné aux 2°, 3° ou 8° dudit I.
  • 47.
    7° Un agent public occupant un emploi mentionné par le décret en Conseil d’État prévu au I de l’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
  • 48.
    Sont également des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes physiques qui ne sont pas employées par une personne morale mentionnée au premier alinéa du présent article et qui exercent à titre individuel une activité professionnelle répondant aux conditions fixées au même premier alinéa.
  • 49.
    Ne sont pas des représentants d’intérêts au sens de la présente section : a) Les élus, dans l’exercice de leur mandat ; b) Les partis et groupements politiques, dans le cadre de leur mission prévue à l’article 4 de la Constitution ; c) Les organisations syndicales de fonctionnaires et, dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du Code du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ; d) Les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ; e) Les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leurs statuts.
  • 50.
    NOTA : Conformément au 1° du IV de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, les présentes dispositions entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article 18-8 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 et, au plus tard, le 1er juillet 2017. Par dérogation au 1° dudit IV et conformément au b de son 2°, ces dispositions ne sont applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication avec les personnes mentionnées aux 6° et 7° qu’à compter du 1er juillet 2018.
  • 51.
    Cet article est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
  • 52.
    http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/home.
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