Tribunal de Pontoise : « Vous êtes pédophile, c’est comme ça Monsieur »
Fin juillet, Gary a téléchargé des images pédopornographiques. Rapidement identifié, il est jugé en comparution immédiate le 7 septembre devant le tribunal de Pontoise.
Assis sur un banc du public, trois hommes sont venus assister au procès de Gary, frêle petit individu de 35 ans au front démesuré, au regard fuyant et à la voix de canard. Gary est mal à l’aise ; il dit sur un ton un peu trop faible qu’il consent à répondre aux questions et qu’il reconnaît les faits, globalement.
Gary comparaît pour détention et diffusion d’images pédopornographiques. Les trois hommes assis sur le banc sont les gendarmes qui ont mené l’enquête ayant conduit à son interpellation. Très attentifs, ils échangent des remarques sur l’attitude du prévenu.
« Tout ça, c’est du viol, Monsieur ! »
Le 29 juillet, les enquêteurs repèrent 588 fichiers partagés par Gary sur un réseau peer-to-peer, contenant des mots-clefs utilisés par ceux qui partagent du contenu pédopornographique. Rapidement, ils font une perquisition au domicile de Gary et de sa mère, saisissent l’ordinateur et trouvent des photos d’enfants, que la présidente va prendre le temps de décrire, d’une voix faussement mielleuse qui dissimule une colère froide.
« Sur cette photo, on voit une toute petite fille en train de faire une fellation à un grand Monsieur, elle est vraiment toute petite, ses mains peuvent à peine prendre le pénis du Monsieur. Là, elle se fait sodomiser. C’est toujours saisissant. » Elle se tourne vers Gary : « Tout ça, c’est du viol, Monsieur ! »
Gary semble très gêné, c’est à peine s’il ose émettre une version sensiblement divergente de celle des enquêteurs : il aurait téléchargé ces images par erreur, dans un lot de photos pornographiques représentant des adultes, et donc tout à fait légales. Sitôt les photos d’enfants découvertes, il se serait empressé de les supprimer. Il conteste également la diffusion des images, bien qu’il soit dans le principe de fonctionnement d’un réseau peer-to-peer de partager automatiquement les fichiers téléchargés, ce que Gary, utilisateur averti du logiciel eMule, sait pertinemment.
Gary ment beaucoup, estime le psychiatre
Dans le même temps, le prévenu ne nie pas ses penchants pédophiles. Mais quand la présidente lui demande « à quoi attribuez-vous ce goût pour la pédopornographie », la réponse de Gary est surprenante. Selon lui, il aurait « vu une vidéo représentant sa fille », puis aurait « paniqué et téléchargé la vidéo ». La présidente lui demande pourquoi il n’a pas tout simplement appelé les gendarmes : pas de réponse. Les trois enquêteurs échangent des sourires entendus.
Gary poursuit ses explications : « La vérité, c’est que ça fait huit ans que je me bats contre mon ex et sa mère qui diffusent beaucoup de choses. » Le tribunal n’en saura pas plus sur ce point. La présidente évoque les éléments du dossier : Gary est inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS) pour des faits de corruption de mineurs. Il a plusieurs condamnations à son actif, dont l’une pour avoir tenté d’établir une carte vitale afin de changer d’identité, une autre pour « entrave à la circulation ferroviaire », ou encore pour « diffusion de fausses informations ». Son frère aîné, détenu à la maison d’arrêt de Douai, est mis en cause pour avoir participé à un réseau international pédocriminel. Gary dit de lui qu’il l’a sexuellement agressé lorsqu’il était enfant. Le psychiatre constate que Gary ment beaucoup, dissimule et ne se dépare jamais de son ambiguïté.
Le prévenu a une fille, née en 2007 de sa relation avec Cindy. Il l’a connue alors qu’elle n’avait que 14 ans, et lui déjà 20 (sur la messagerie où ils discutaient, il s’était fait passer pour un adolescent de 17 ans). En 2013, la petite fille, alors âgée de 6 ans, confie à sa grand-mère que son père lui met son « zizi dans sa bouche ». Elle le rapporte à Cindy, qui dénonce les faits et se sépare de Gary, lequel bénéficiera d’un non-lieu. Mais en août 2021, dans le cadre de la présente procédure, la fille de Cindy réitère ses accusations à l’encontre de son père et décrit minutieusement les viols subis, ce qui pourrait donner lieu à l’ouverture d’une nouvelle enquête.
« Vous avez vu la couleur de ma robe ? Ici, c’est noir, c’est pas blanc. C’est pas hôpital »
L’évocation de ces faits jette un froid dans la salle. Les gendarmes ont les yeux rivés sur le prévenu. La présidente se replonge dans les photos, comme pour se convaincre de la réalité de ce qu’elle voit et confie à son assesseure : « Regarde, ça fend le cœur, ça se voit que l’enfant souffre. » Puis se tourne vers Gary et, glaciale, lui demande :
« — Pourquoi ne vous faites-vous pas aider ?
— J’ai demandé de l’aide, on m’a dit de revenir dans plusieurs mois. Moi je voudrais, mais… »
La présidente explose : « Vous avez eu trois mises à l’épreuve avec des obligations de soin, vous pouvez aller de vous-même voir un psy, ça fait des années que ça dure, et là, vous êtes à (la prison d’) Osny depuis trois semaines et vous vous plaignez que “toujours rien” ? Mais vous vous foutez du monde ! »
Gary est décontenancé. « J’essaie au maximum de me faire aider, je cherche à aller mieux.
— Je pense que vous n’êtes pas capable de résister à vos pulsions qui sont pédophiles. Vous êtes pédophile, c’est comme ça Monsieur.
— J’essaie d’être honorable, mais j’ai besoin d’aide.
— Vous avez vu la couleur de ma robe ? Ici, c’est noir, c’est pas blanc. C’est pas l’hôpital. »
Une autre robe noire se lève. La procureure balaye rapidement les arguments qui ne tiennent pas, constate des faits « extrêmement graves » et souligne l’inquiétude que suscite la personnalité de Gary. Elle requiert 4 ans de prison, dont deux ans de sursis probatoire renforcé d’une durée de trois ans. Gary aura l’obligation de se faire soigner, trouver un travail ou suivre une formation. Elle requiert également l’interdiction d’exercer une activité en contact avec des enfants pour une durée de dix ans et son maintien en détention.
La défense a beau plaider la relaxe pour ce qui est de la diffusion des images, en soulignant qu’il n’avait pas l’intention de les diffuser, et donc qu’il manquerait l’élément intentionnel. Elle a beau dire qu’il souffre, qu’il est timide et inhibé, que le traumatisme de l’agression commise par son frère a pu « provoquer ce genre de maladie », il n’aura pas fallu plus de 10 minutes au tribunal pour décider de condamner Gary à la peine demandée par le parquet.
Référence : AJU242570