Violences conjugales : 6 964 appels et sms d’insultes en cinq semaines

Publié le 22/12/2021

Un homme de 43 ans, chef de projet dans l’événementiel, est jugé par le Tribunal judiciaire de Bobigny pour harcèlement moral envers sa compagne et violences sur leur petite fille de quatre ans. Le couple est en procédure de divorce.

Violences conjugales : 6 964 appels et sms d'insultes en cinq semaines
Tribunal judiciaire de Bobigny (Photo : ©I. Horlans)

« Votre femme dit que, si elle devait choisir entre les violences physiques et psychologiques, elle préfèrerait les violences physiques parce qu’au moins ça s’arrête, Monsieur… ». La présidente fixe du regard l’homme qui est dans le box. Il est mis en cause pour le harcèlement moral de sa femme depuis leur séparation en juillet 2020 et pour avoir tiré par le bras sa fille de quatre ans.

Trois fois la mère a déposé plainte. Le médecin a établi une incapacité temporaire totale de travail (ITT) de cinq jours à cause des troubles du sommeil, du sentiment de honte, de l’anxiété…

« Ah…Mauvaise mère »

Au cours de sa dernière déposition au commissariat, le mari l’a appelée au téléphone. Les policiers ont pu entendre ses propos « véhéments et insultants » crachés par le haut-parleur. Les relevés téléphoniques révèlent 6 964 appels et SMS du même tonneau en cinq semaines. Chaque jour, du lever au coucher : « Nique ta race, ta mère la pute, sale pute…  ça va finir par un drame. » Dans l’un des messages vocaux, c’est la petite fille qui parle, mais on entend son père lui souffler des mots qu’elle répète : « Ah… Mauvaise mère ! »

Pendant un temps, la fillette et son frère, encore plus jeune, ont été séparés : elle chez le père, le garçon chez la mère. Un jour, comme le père ne voulait pas ramener la petite chez sa mère, la police s’est présentée chez lui. Une policière a parlé avec la fillette qui lui a confié : « J’ai envie de voir mon frère, mais je ne vois pas maman. Elle est partie. Elle ne veut pas de nous. Elle nous a abandonnés. »

« — Vous vous rendez compte, Monsieur ? demande la présidente. Une petite fille de quatre ans, qui dit ça ? Ces enfants qui sont coupés en deux. On ne fait pas moitié moitié ! Je ne suis pas psychologue mais enfin…
Vous avez reconnu que vous rabaissiez leur mère auprès de vos enfants. Vous avez vu le décompte des SMS ?

— Je voulais avoir des nouvelles… Je ne sais pas pourquoi je l’insulte autant ».

Une autre fois, les deux parents se présentent tous deux à la sortie de l’école. La mère prend ses enfants par la main, l’un à gauche, l’autre à droite. Le père tente de récupérer la fille, la tire. La sœur de Madame assiste à la scène et filme. Des photos issues de la vidéo circulent maintenant entre les mains des juges qui essaient de reconstituer le pugilat.

Le père se défend :

« — Je n’ai pas tiré ma fille, j’ai voulu la protéger.

— La protéger de quoi ? De sa mère ? Vous êtes en train de bousiller vos enfants Monsieur ».

A chaque question, il n’a qu’une réponse : la peur panique de perdre ses enfants. Il reconnaît le harcèlement, mais pas les violences.

Alcool et cannabis

L’homme est chef de projet dans l’évènementiel en intérim. « Il y a du boulot, ça a repris très, très bien ! » dit-il. L’alcool et le cannabis ? « J’ai tout diminué ces derniers mois. »

De son casier remonte une condamnation pour violences sur conjointe en 2014 : huit mois dont quatre avec sursis et obligation de suivi psychologique. « Vous auriez dû continuer le suivi », commente la présidente.

Dans ses réquisitions, le procureur reste prudent sur les violences : « Avec cette vidéo, je n’arrive pas à constater cette infraction. » En revanche, il insiste sur le harcèlement, énumère de nouveaux détails : « Monsieur surveillait les achats de Madame via la carte de réduction du supermarché, il a menacé sa sœur et ses parents… ».

Le procureur constate « l’absence de prise de conscience » au cours des débats et redoute « un risque de renouvellement ». Il retient l’état de récidive légale pour requérir 24 mois de prison, dont 12 mois ferme sans aménagement et 12 avec sursis probatoire, interdiction de contact avec la victime, de paraître à son domicile, obligation de soin psychologique et addictologique, interdiction de posséder une arme.

L’avocat du mari contient difficilement sa colère devant cette sévérité. « Si cette audience doit permettre une chose c’est que chacun des deux arrête de s’essuyer les pieds sur l’image de l’autre. Quel dommage de ne pas pouvoir saisir en urgence un juge aux affaires familiales. » Le défenseur conteste la récidive, interprète le casier de son client comme une « désescalade » et interpelle le tribunal : « Contrairement à ces deux parents qui ont complètement perdu le sens du réel, gardez-le ! Je ne vois pas l’intérêt d’une peine ferme. La sanction sera déjà prise en compte par le juge aux affaires familiales… » Le divorce devrait être prononcé le 16 décembre.

« Pas d’appel, pas de sms, pas de mail, rien ! »

Le mari promet que ça ne se reproduira pas : « S’il y a une décision du JAF, {ma femme] n’entendra plus parler de moi. »

Il est relaxé des violences sur mineur mais condamné pour le harcèlement à 15 mois avec sursis probatoire renforcé, interdiction de contact, de paraître au domicile de Madame, obligation de soins, de suivre un stage sur les violences conjugales et sexistes.

« Pas de SMS, pas d’appels, pas de mail, rien ! explique la présidente. Pour aller chercher les enfants et les ramener, vous devez passer par une personne de confiance. »

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