La région Île-de-France veut « sauvegarder et renouveler son tissu industriel » face à la crise sanitaire

Publié le 29/01/2021

Face à la crise sanitaire, l’industrie a connu une chute de son activité, notamment pour l’automobile et l’aéronautique. Ces deux secteurs sont fortement représentés dans la filière en Île-de-France. Dans ce contexte, le conseil régional a décidé de lancer une aide spécifique à l’industrie, un plan baptisé « Nouvel R » pour la ré-industrialisation, la relocalisation, la relance et la résilience du tissu industriel francilien. Alexandra Dublanche, vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France, en charge du développement économique et de l’attractivité, de l’agriculture et de la ruralité, décrypte la situation pour un pan important de l’économie régionale. 

Actu Juridique : Comment pouvez-vous caractériser la filière industrielle en Île-de-France ? 

Alexandra Dublanche : L’industrie francilienne, malgré une baisse continue de ses effectifs depuis 40 ans, représente encore l’un des principaux pôle industriel national en termes d’emplois. Plus de 45 000 établissements employaient 432 000 personnes en 2018, soit 7 % de l’emploi régional. Elle se caractérise par la présence de très grands établissements, ce qui est une spécificité par rapport au reste de la France. Cela tient à la forte présence de sièges d’entreprises et de groupes, ainsi que celle de grands centres de R&D qui sont surreprésentés au sein de la région capitale. Au-delà des très grands établissements qui marquent les esprits et occupent des espaces parfois conséquents (170 ha pour le site de PSA à Poissy), figurent de très nombreux petits et très petits établissements (PME, PMI, TPE) de moins de 50 salariés, qui constituent l’essentiel des établissements franciliens (94 %) et emploient près de 50 % des salariés de cette branche. La région Île-de-France est particulièrement bien positionnée sur les activités de moyenne et haute technologie. Nous sommes ainsi la première région française pour l’automobile, notamment dans la Vallée de la Seine,  ainsi que pour la construction aéronautique et spatiale.

AJ : Comment l’industrie francilienne a-t-elle traversé la crise sanitaire depuis le mois de mars ? 

A. D. : Lors du premier confinement, en avril, l’activité de l’industrie francilienne ne représentait que la moitié d’un mois traditionnel. L’activité industrielle francilienne s’est globalement maintenue au cours du 2e confinement, à un niveau d’activité en deçà de son niveau traditionnel pour la période, à 85 %, avec de fortes disparités selon les secteurs. Une baisse a été observée dans l’agroalimentaire, le matériel de transport, le bois-papier imprimerie et la chimie, tandis que les produits en caoutchouc, plastique et autres, et les autres industries manufacturières, réparation, installation, ont enregistré une progression.

« En décembre, l’industrie francilienne atteint des niveaux d’activité de  89 % »

En décembre, l’industrie francilienne atteint des niveaux d’activité de  89 %. Ils sont toujours 10 points en dessous de la normale et il se maintient une grande hétérogénéité selon les secteurs. Les chefs d’entreprises anticipent une stabilité de leur activité en janvier. Dans la région, le taux d’utilisation de l’outil de production a progressé légèrement sur un mois, à 71,4 % en décembre. Les carnets de commande sont en baisse et particulièrement insuffisants dans la métallurgie, l’agroalimentaire, et le secteur papier-imprimerie.

AJ : Quelle est la stratégie de la région Île-de-France par rapport à la filière industrielle, suite à cette crise sanitaire ? 

A. D. : Nous sommes à un moment historique pour notre pays et notre région. Nous avons connu un arrêt brutal de notre économie, et nos entreprises traversent de multiples difficultés : difficultés de trésorerie, en passant par le remboursement des emprunts qui arrive. Elles doivent aussi faire face à de grands défis tels que la transition écologique et la transformation numérique. La crise ne fait d’ailleurs qu’accélérer des changements à l’œuvre depuis plusieurs années, et déjà identifiés par la région, avec comme objectif majeur : la ré-industrialisation et le soutien aux entreprises dans un territoire toujours plus vert, durable et social. Cet objectif est concrétisé par notre plan « Nouvel R », pour la ré-industrialisation, la relocalisation, la relance et la résilience du territoire francilien.

« Nous sommes à un moment historique pour notre pays et notre région »

Ainsi, suite au choc de la crise sanitaire et face à la nécessité de relancer rapidement l’investissement industriel, nous lancions en juillet 2020 l’appel à projet « Relance industrie », destiné aux TPE, PME et ETI industrielles portant un projet de relocalisation, d’implantation de nouveaux sites sur le territoire francilien, de transformation ou de diversification de sites industriels. À ce jour, nous avons sélectionné  161 projets, pour un montant total de près de 70 M€ d’aides à destination de TPE, PME ou ETI franciliennes pour un investissement total de 162 M€, les financements pouvant aller jusqu’à 800 000 € par entreprise. Cela va permettre la création ou le maintien de 6 600 emplois. Et on ne va pas s’arrêter là !  Avec Valérie Pécresse, nous prévoyons d’en soutenir 100 de plus d’ici le 1er avril.

AJ : Sur quels critères avez-vous sélectionné les 161 projets dans le cadre du programme « Relance industrie » ? 

A. D. : «Relance Industrie » est destiné aux entreprises (TPE-PME-ETI, associations) ayant une activité industrielle de fabrication ou d’assemblage de biens, quelle que soit leur forme juridique, employant au maximum 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 Md€. Ces entreprises doivent également avoir au moins un établissement en Île-de-France ou projetant d’en créer un dans le cadre du projet subventionné.

Les projets soutenus par «Relance Industrie » visent à :

  • relocaliser certaines briques de la chaîne de valeur en Île-de-France ;
  • transformer, moderniser et optimiser une chaîne de production ;
  • diversifier l’activité ou réorienter le modèle économique de l’entreprise.

À travers ce dispositif, nous voulons sauvegarder le tissu industriel francilien mais aussi accélérer son renouvellement en veillant à intégrer les transformations numériques et écologiques indispensables à sa compétitivité et sa pérennité.

AJ : Quels types de société et d’activité retrouve-t-on dans ce programme ? Avez-vous quelques exemples notables ? 

A. D. : Les activités visées sont à forte valeur ajoutée, une industrie propre et innovante qui permettra de répondre aux enjeux écologiques du moment. Un certain nombre de filières sont privilégiées et sont des filières d’excellence régionales : la santé et les biotechnologies, la mobilité au sens large, l’agroalimentaire, l’aéronautique et le spatial, la ville durable, les technologies propres, le recyclage, etc. Je ne peux les citer  tous mais je voudrais ici illustrer la diversité des entreprises et des territoires soutenus.

Je pense au groupe Krys à Bazainville (78), qui va moderniser son site de production pour relocaliser la fabrication des verres à forte valeur ajoutée — auparavant produits en Chine — et ce grâce à une subvention régionale de 600 000 €, pour 23 emplois créés et 320 maintenus.

Nous avons également soutenu à hauteur de 800 000 € la société Saditec à Vert-le-Grand (91) pour relocaliser certaines étapes de production externalisées à l’étranger et pour la modernisation de l’appareil productif spécialisé dans la conception et la fabrication de câblages filaires et de cartes électroniques.

Mais aussi la dernière scierie d’IDF, Roëser à Crecy La Chapelle (77) qui a reçu une subvention de 800 000 € pour acquérir une nouvelle ligne de scierie et développer l’économie circulaire grâce à la valorisation des produits connexes (écorces, sciures, chutes).

Enfin, nous avons aussi apporté 800 000 € à la société Dunlopillo pour faciliter la reprise des 90 salariés à Limay (78). C’est un beau succès qui montre que nous pouvons lutter contre la désindustrialisation. Preuve que c’est une bonne idée, l’État a lancé un appel à projet similaire fin août dans le cadre de « Territoire d’industrie ». Ce sont donc 19 entreprises aidées par l’État qui s’ajoutent au 161 aidées par la région… ce qui porte le total à 180 entreprises industrielles soutenues en Île-de-France à ce jour.

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AJ : Quelle est la stratégie sur le plus long terme par rapport au secteur industriel ? 

A. D. : Avec Valérie Pécresse, notre plan de relance vise aussi à aider certaines entreprises de filières stratégiques à se projeter vers l’avenir, à renforcer leur R&D. Cette crise a conforté la stratégie économique que nous portons depuis le début de la mandature, que nous devons davantage investir sur le long terme, et mieux prendre en compte les questions de souveraineté. Nous nous positionnons ainsi avec force dans la course mondiale aux batteries du futur, avec des projets ambitieux comme avec le groupe Solvay, afin de pérenniser à terme les activités de R&D du groupe dans la région et d’affirmer la place de la chimie francilienne sur des enjeux stratégiques de souveraineté industrielle et de verdissement de notre économie. Idem pour la filière aéronautique et spatiale ! La région Île-de-France est leader en matière spatiale, et une partie de la filière aéronautique doit pouvoir trouver de nouveaux débouchés sur le secteur du New Space en pleine expansion. Nous finançons à hauteur d’1 M€ Airbus Defense Space dans la modernisation de son usine de production de cartes électroniques pour satellites d’Élancourt. Ce projet qui a pour but de diminuer l’impact environnemental des activités du groupe pérennisera les 1 700 emplois du site et créera 20 emplois supplémentaires à Élancourt. Je pense aussi à la filière quantique, pour laquelle nous souhaitons continuer à positionner la région Île-de-France comme une région leader dans le monde. Nous allons ainsi soutenir le premier réseau de communication quantique entre Saclay, Chatillon et Paris, Paris Région Quantum Communication Infrastructure (QCI), qui va être mis en place entre grands groupes, startup et le LIP6 (Jussieu), l’Institut d’Optique et Telecom Paris. Nous subventionnerons ce projet à hauteur d’1 M€.

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