Les prêts participatifs, un nouvel outil pour la relance des entreprises
Présentés le 4 mars dernier par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, les prêts participatifs doivent soutenir l’investissement des PME dans un contexte économique encore fragile. En plus des prêts garantis par l’État, ces nouveaux prêts pourront mobiliser jusqu’à 20 milliards d’euros issus de l’épargne des Français. C’est « une réelle opportunité de rebond », explique Guillaume Clouzard, avocat associé en restructuring chez Oratio Avocats.
Les Petites Affiches : En quoi un prêt participatif peut-il aider les entreprises à rebondir ? Est-il vraiment différent d’un prêt garanti par l’État ?
Guillaume Clouzard : En réalité, ces prêts participatifs ne sont pas nouveaux. Ils ont été introduits par la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978. C’est un outil financier qui est utilisé lors de chacune des crises économiques. Dans les années 70, c’était pour répondre à la crise pétrolière. Plus récemment, en 2008, l’État avait usé des prêts participatifs pour soutenir l’économie et plus précisément les constructeurs automobiles.
Le prêt participatif est un outil d’accompagnement pour des entreprises certes touchées par la conjoncture économique mais qui sont encore en bonne santé financière et qui ont donc de bonnes perspectives. Ces entreprises ont besoin d’un « coup de pouce » pour assurer un investissement par exemple. Le prêt participatif est en cela très différent du prêt garanti par l’État (PGE) qui a été instauré pour répondre aux conséquences de la crise, qui ne s’inscrit pas dans un temps très long et qui a inondé tout le champ de l’économie. Les critères d’éligibilité du PGE sont beaucoup plus souples que ceux des prêts participatifs. Ainsi, alors que 650 000 entreprises ont pu bénéficier d’un PGE pour un montant de 130 Md€, les prêts participatifs, eux, visent 10 000 entreprises pour un volume financier de 20 Md€. Ce sont deux échelles et deux objectifs très différents.
LPA : Quelles sont justement les entreprises visées par ces prêts participatifs ?
G.C. : Les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont les seules qui bénéficieront de ces prêts participatifs. Les très grands groupes, ainsi que les très petites entreprises sont donc exclus du dispositif, ce qui constitue là aussi une différence importante avec les PGE. Également, comme je vous le disais, les PME et ETI seront sélectionnées si elles sont bien notées auprès de la Banque de France, c’est-à-dire si elles présentent une capacité de remboursement de leurs crédits assez élevée. Les entreprises trop impactées par la crise seront de ce fait écartées du bénéfice des prêts participatifs. Autre critère d’éligibilité : le chiffre d’affaires. Ces produits seront accessibles aux PME dès 2 M€ de chiffre d’affaires en 2019 et à toutes les ETI sans aucune exception.
LPA : Pourquoi dit-on que ces prêts participatifs sont équivalents à des fonds propres ? Ne devront-ils pas être remboursés ?
G.C. : Selon la loi du 13 juillet 1978, les prêts participatifs ne sont pas traités ni comptablement, ni fiscalement, comme les autres prêts bancaires classiques. Avec cet outil, nous sommes face à une dette subordonnée. Cela signifie qu’une entreprise ne commencera à rembourser son prêt participatif qu’après le remboursement intégral de toutes ses autres créances bancaires. Et ce même si l’échéance du prêt (8 ans) est dépassée. C’est en cela que c’est un vrai instrument financier de relance, puisqu’il ne pèse pas, à court terme, sur le niveau d’endettement des entreprises et il leur offre une réelle opportunité de rebond. Pour celles qui le peuvent, et si elles n’ont pas d’autres échéances, le remboursement du capital de leur prêt participatif pourra débuter à partir de la cinquième année.
Concernant les autres modalités, il faut noter que ce sont les banques, à hauteur de 14 Md€, et les sociétés de gestion, pour 6 Md€, qui seront chargées de distribuer les prêts. Néanmoins, ce n’est ni leur argent ni celui de l’État qui sera mobilisé mais celui des Français à travers l’épargne qu’ils se sont constitués en assurance-vie, en fonds d’épargne salariale ou retraite durant l’année écoulée. Ce sont donc les Français, via leur épargne, qui vont aider à la relance des TPE/EPI qui profiteront de ces prêts participatifs.
Enfin, le montant d’un de ces prêts pourra atteindre 12,5 % du chiffre d’affaires pour une PME, et 8,4 % pour une ETI. Attention, si une entreprise a profité auparavant d’un PGE (jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires), le montant du prêt sera alors limité, respectivement, à 10 et 5 % du chiffre d’affaires de 2019. Les taux d’intérêt quant à eux, seront plus élevés que pour des prêts classiques, entre 4 et 5,5 %.
LPA : Pourquoi l’État se porte-t-il garant à hauteur de 30 % de ces prêts ? À quoi cela sert-il ?
G.C. : La garantie de l’État sert à rassurer les investisseurs privés, c’est-à-dire les gestionnaires privés, les assureurs, qui engagent l’argent des épargnants. Ainsi, si une entreprise fait faillite et ne peut pas rembourser son prêt participatif, l’État couvrira 30 % du montant qui était dû. Précisons tout de même que les risques seront limités puisque les entreprises bénéficiaires jouissent de bonnes notes auprès de la Banque de France.
LPA : Est-ce finalement un bon outil de relance pour les entreprises ?
G.C. : Oui, il me semble. Pour une entreprise qui a contracté un PGE, à hauteur maximum de 25 % de son chiffre d’affaires, l’année passée, et qui bénéficiera dans quelques semaines d’un prêt participatif jusqu’à 10 % de ce même chiffre d’affaires, l’aide cumulée est substantielle. Le principal avantage de ce nouvel instrument est l’échéance de son remboursement qui est repoussée tant que l’entreprise n’est pas libre de tous ses autres crédits. Chacun comprendra l’avantage d’une telle modalité dans le contexte économique actuel. La contrepartie, évidemment, ce sont des taux d’intérêts plus élevés.
Enfin, rappelons le temps de la campagne pour souscrire un prêt participatif : elle débutera en avril et s’achèvera le 30 juin 2022.