Chronique de contrats spéciaux

Publié le 23/08/2021
Chronique
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Cette chronique, rédigée par les enseignants-chercheurs affiliés au centre de recherche en droit Antoine Favre, de l’université Savoie Mont-Blanc, livre une analyse de quelques décisions de jurisprudence relatives aux contrats spéciaux. Les décisions retenues le sont pour leur intérêt du point de vue de l’état du droit et de son évolution, mais aussi pour la diversité des thématiques qu’elles présentent, et qui reflètent l’ambition collective de celles et ceux qui y participent.

Comme à l’accoutumée, le régime général du contrat de vente occupe une place privilégiée, avec des développements consacrés à la condition suspensive de la promesse de vente, au transfert des risques dans le cadre de la vente à distance, et à la garantie des vices cachés. L’autre partie de la chronique propose un commentaire d’arrêts divers, éclairant un point précis ou mettant en lumière une tendance jurisprudentielle, en droit privé comme en droit public.

I – Contrat de vente

A – Promesse de vente

« La condition suspensive de la promesse de vente en cas de prêt pour un montant inférieur au montant maximal prévu » (Cass. 3e civ., 14 janv. 2021, n° 20-11224). Le mécanisme de l’article L. 313-41 du Code de la consommation1, qui prévoit que lorsque la promesse de vente précise que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l’aide d’un ou plusieurs prêts régis par ce code, « cet acte est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assument le financement », existe depuis 19792. L’interdépendance légale du contrat de vente et du contrat de crédit suscite pourtant une jurisprudence abondante et implique encore un recours au droit commun des contrats pour l’application de cette règle protectrice du consommateur. Dans l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 14 janvier 20213, la haute Cour se réfère d’ailleurs uniquement aux dispositions du Code civil pour apprécier la réalisation ou la défaillance de la condition suspensive d’obtention du prêt.

Les faits de l’arrêt sont les suivants : l’acte sous seing privé prévoyait la vente d’une maison sous condition suspensive d’obtention d’un prêt principal et d’un prêt relais par les acquéreurs, la réitération de la vente par acte authentique devant intervenir 3 mois plus tard. Une fois le délai de la condition suspensive écoulé, les acquéreurs ont justifié, dans le délai de la mise en demeure qui leur avait été adressée par le vendeur, de l’obtention d’un prêt, matérialisé par une offre de la banque, pour un montant inférieur au montant prévu dans la promesse de vente. Le vendeur a ensuite notifié aux acquéreurs sa volonté de renoncer à poursuivre l’exécution de la vente, ces derniers n’ayant pas justifié de l’obtention de la totalité des prêts. Les acquéreurs ont alors assigné le vendeur en perfection de la vente et en paiement de la clause pénale stipulée en cas de défaillance du vendeur. Reconventionnellement, le vendeur a sollicité le constat de la caducité de la promesse de vente et le paiement du dépôt de garantie par application d’une clause pénale si le défaut de réalisation d’une des conditions suspensives était dû à la responsabilité de l’acquéreur.

En première instance, les juges du fond acquiescent à la demande des acquéreurs, mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme le jugement en déclarant caduque la promesse de vente et rejette la demande des acquéreurs en paiement de la pénalité contractuelle dans la mesure où elle estime que les acquéreurs n’ont pas justifié de la réalisation de la condition suspensive dans les termes prévus par la promesse. Les acquéreurs forment alors un pourvoi en cassation au motif que l’arrêt de la cour d’appel a violé l’article 1103 du Code civil, selon lequel « le juge doit respecter la loi des parties ». En effet, selon eux, ils avaient justifié, dans les délais, l’obtention d’un prêt conforme aux stipulations contractuelles, puisqu’il était inférieur au montant prévu, peu important que les acquéreurs aient antérieurement sollicité la banque pour un montant supérieur et que le prêt ne couvre pas le montant total de l’acquisition. Ils reprochent également à la cour d’appel de les avoir condamnés au paiement de la clause pénale. La Cour de cassation, au regard de l’article 1103 du Code civil qui dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », sanctionne la cour d’appel dès lors qu’elle considère « qu’un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles ». Elle casse également la décision condamnant les acquéreurs au paiement de la clause pénale.

Si la Cour de cassation ne cite jamais les dispositions du Code de la consommation4, elle se réfère toutefois au Code civil pour l’application de l’article L. 313-41 de ce code. Bien que la condition suspensive d’obtention du prêt soit considérée comme stipulée dans l’intérêt exclusif d’un acquéreur consommateur5, ce dernier doit faire preuve de loyauté pour permettre la réalisation de la condition. Cette exigence est bienvenue car la défaillance de la condition entraîne la caducité de l’acte de vente et la restitution de l’indemnité d’immobilisation à l’acquéreur6. Il ne faut donc pas que l’acquéreur puisse empêcher la réalisation de cette condition et remettre ainsi en cause son engagement au contrat principal7. Ainsi, par de nombreux arrêts, les juges ont permis de déterminer les différentes formalités que doit accomplir l’acquéreur8 lorsque la condition est pendante (I) et de définir la notion d’obtention du prêt (II) afin d’éviter que la condition ne soit qualifiée de purement potestative.

I. Les démarches que doit accomplir l’acquéreur sous condition suspensive

Les juges se réfèrent habituellement à l’article 1304-3 du Code civil (C. civ., art. 1178 anc.) pour sanctionner un acquéreur négligent9. Ainsi, la condition suspensive d’un prêt doit être réputée accomplie dès lors que son accomplissement a été empêché par des démarches incomplètes de l’acquéreur auprès de l’organisme prêteur10. La première diligence consiste donc, pour le bénéficiaire de la promesse, à solliciter auprès d’un établissement de crédit un prêt conforme aux caractéristiques définies dans l’acte de vente11. Sauf si l’acte de vente oblige l’acquéreur à déposer plusieurs demandes de prêt, la Cour de cassation considère qu’une seule demande d’emprunt est satisfaisante12 ; elle sanctionne en revanche l’absence de démarche ou des démarches tardives13. Le bénéficiaire de la promesse doit alors prouver qu’il a accompli les démarches nécessaires, par exemple en envoyant au vendeur la lettre de la banque refusant le crédit ; c’est ensuite au promettant de démontrer que le bénéficiaire de la promesse a empêché la réalisation de la condition14. Les juges peuvent toutefois ne pas sanctionner l’acquéreur si celui-ci démontre qu’une telle demande conforme, si elle avait été faite, aurait été rejetée15. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt récent portant sur l’achat d’une maison par un couple et son fils, a approuvé une cour d’appel d’avoir retenu que la circonstance que l’épouse n’était pas partie à la demande de prêt n’était pas de nature à établir que l’acquéreur avait empêché l’accomplissement de la promesse alors qu’il était justifié par l’avis d’imposition du couple que celui-ci n’avait perçu aucun revenu en 2013 et que la capacité de remboursement reposait sur les seuls revenus du fils ; elle a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que la condition suspensive avait défailli sans faute des acquéreurs16.

Si les parties ne prennent pas la précaution de prévoir les caractéristiques du prêt, l’acquéreur est alors libre d’accepter ou de refuser n’importe quelle offre présentée par une banque17, et donc il peut plus facilement faire défaillir la condition18. Les parties doivent être vigilantes en prévoyant bien dans l’acte de vente les caractéristiques du prêt auquel l’acquéreur souhaite recourir. L’offre de crédit doit ainsi remplir les conditions des dispositions du Code de la consommation relatives à l’offre préalable, mais aussi correspondre aux stipulations contractuelles19. Il conviendra d’indiquer dans l’acte de vente le montant du crédit que souhaite obtenir l’acquéreur, le taux d’intérêt et la durée du prêt. Il peut également être intéressant de mentionner le montant de l’apport personnel qui peut être exigé de l’acquéreur pour le financement de la vente20. Concernant le taux d’intérêt et la durée du crédit, la jurisprudence sanctionne le comportement du bénéficiaire de la promesse qui sollicite la banque pour une durée et un taux inférieurs à ceux stipulés dans la promesse de vente21. Ainsi, a violé l’article 1178 la cour d’appel qui, tout en constatant que l’acquéreur avait sollicité un prêt pour une durée et à un taux inférieur aux conditions prévues au contrat, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en rejetant la demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation formée par le vendeur22.

Concernant le montant du crédit, la haute juridiction avait déjà considéré que le refus de prêt pour un montant inférieur aux stipulations de la promesse de vente ne manifestait pas une faute de l’acquéreur, dans la mesure où « le prêt figurant au contrat, d’un montant supérieur à celui des prêts refusés, n’avait aucune chance d’être accordé »23. Cette solution et celle retenue dans notre arrêt se justifient pleinement puisqu’en sollicitant un prêt d’un montant inférieur à celui indiqué dans l’acte de vente, tout en respectant bien le taux d’intérêt et la durée du crédit stipulés, l’acquéreur facilite d’autant plus l’obtention du prêt ; en cas de refus du crédit, son comportement ne peut pas se révéler fautif.

Si l’acquéreur entend se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive d’obtention du prêt, il devra donc prouver qu’il a accompli toutes les démarches nécessaires à la réalisation de la condition. Dans notre arrêt du 14 janvier 2021, ce n’est pas tant sur les démarches à accomplir que se penche la Cour de cassation puisqu’elle ne cite pas l’article 1304-3 du Code civil ; elle se positionne plutôt sur la notion d’obtention du prêt en répondant à la question suivante : l’obtention par l’acquéreur d’un prêt d’un montant inférieur à celui prévu dans l’acte de vente emporte-t-elle réalisation de la condition suspensive ?

II. La notion d’obtention du prêt

L’interdépendance des deux contrats implique que si le contrat de crédit est obtenu avant l’expiration du délai durant lequel la condition est valable, l’acte financé sera consolidé. L’indemnité d’immobilisation sera acquise par le promettant si le bénéficiaire de la promesse ne poursuit pas la vente. L’acte juridique conclu sous la condition suspensive doit donc également indiquer la durée de validité de cette modalité qui ne peut être, en vertu de l’article L. 313-41 du Code de la consommation, inférieure à 1 mois à compter de la date de la signature de l’acte ou, s’il s’agit d’un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l’enregistrement, à compter de la date de l’enregistrement. La Cour de cassation considère que la condition suspensive est réputée réalisée dès la présentation par une banque d’une offre ferme correspondant aux caractéristiques du prêt souhaité par l’acquéreur, tel qu’elles avaient été précisées dans l’avant-contrat de vente24 ; peu important que l’acquéreur ait accepté l’offre. Ainsi, la condition est simplement potestative ou mixte puisqu’elle dépend aussi de la volonté d’un tiers, la banque25. Les juges sont peu exigeants concernant la preuve de la remise d’une offre de crédit puisqu’ils considèrent par exemple que la production par les acquéreurs d’un courrier électronique de la banque à leur intention, comprenant la proposition d’un prêt aux conditions prévues à la promesse et d’une lettre de ce même établissement notifiant l’accord de la banque sur ce prêt, prouve « l’existence, non pas d’un accord de principe, mais d’une offre de prêt emportant réalisation de la condition suspensive »26.

La haute juridiction, dans l’arrêt du 14 janvier 2021, précise « qu’un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles », ce qui entraîne la réalisation de la condition. Les acquéreurs ne doivent donc pas être condamnés au paiement de la clause pénale et peuvent demander la perfection de la vente. Cette décision traite de la question de l’obtention du prêt et non de la loyauté des bénéficiaires de la promesse de vente27. Dans la clause de la promesse de vente était indiqué « Montant maximum de la somme empruntée : 725 000,00 € » ; la solution serait-elle la même si la clause n’avait pas indiqué le terme « maximum » ? Il nous semble que oui28 dans la mesure où si l’acquéreur demande un seul crédit pour un montant inférieur à celui prévu dans la promesse de vente, il devra en assumer ensuite les conséquences. En revanche, cette solution ne s’applique pas si ce sont les stipulations relatives à la durée du prêt ou à son taux d’intérêt qui prévoient un chiffre maximum29, l’acquéreur ne peut pas solliciter un taux et une durée inférieurs, au risque d’être qualifié de déloyal.

Si, à l’inverse, les acquéreurs s’étaient prévalus de la défaillance de la condition dans l’hypothèse où ils auraient sollicité la banque pour un montant conforme aux stipulations et que le prêt proposé ne couvre pas le montant total demandé, il ne semble pas possible de retenir la réalisation de la condition, sauf à ces derniers à renoncer à la défaillance de celle-ci. Bien que l’arrêt du 14 janvier 2021 ne porte pas, selon nous, sur la renonciation à la défaillance de la condition suspensive une fois le délai dépassé30, cette question reste toutefois en suspens au regard de l’articulation des dispositions d’ordre public du Code de la consommation et de la jurisprudence applicable31, avec le nouvel article 1304-4 du Code civil qui dispose qu’« une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli ».

Delphine SASSOLAS

B – Transfert des risques

« Transfert des risques et responsabilités du vendeur dans la vente à distance au consommateur » (Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, n° 19-21046). Voilà un arrêt qui, en apparence, ne semble qu’appliquer une règle fermement établie par le Code de la consommation en matière de transfert des risques, mais qui, promis aux honneurs du Bulletin, interroge autant sur les rapports entre le « droit commun de la vente » et le « droit spécial de la vente à distance » qu’entre inexécution fautive et inexécution excusée.

En l’espèce, un acheteur soutenait ne pas avoir reçu le bien qu’il avait commandé via le site internet d’un marchand en ligne. Le colis avait en effet été perdu par le transporteur qui, reconnaissant la défaillance de son service, avait alors offert une indemnisation forfaitaire de 16 € à l’acheteur. Ce dernier ne se satisfaisant pas du montant de la réparation proposé avait alors agi contre le vendeur en indemnisation. Saisi en premier et dernier ressort, le tribunal d’instance de Villeurbanne avait néanmoins refusé de prononcer la condamnation du vendeur au motif de l’absence de défaillance de sa part. Il est vrai que le bien ayant été remis au transporteur, l’obligation de délivrance du vendeur avait été réalisée. Néanmoins, le traitement de la perte de la chose vendue par le transporteur ne relève pas de la violation des obligations du vendeur, mais de la théorie des risques.

C’est précisément sur ce point qu’intervient la censure de la Cour de cassation. Rappelant que lorsque le contrat de vente unit un vendeur professionnel et un acheteur consommateur, l’article L. 216-4 du Code de la consommation lie le transfert des risques de la chose à la prise de possession par l’acquéreur, et constatant que celle-ci n’avait jamais eu lieu, elle casse et annule la décision du tribunal. Partant, la première chambre civile rappelle que la charge des risques, effet légal du contrat, doit être strictement distinguée de l’exécution des obligations. Dès lors, que l’on se situe en droit commun de la vente ou dans le cadre du droit spécial de la vente à distance au consommateur, la destruction, la perte ou la détérioration fortuite de la chose vendue ne saurait être analysée comme l’inexécution des obligations. En apparence satisfaisante, la solution mérite d’être éprouvée. Elle met en effet en lumière les liens, pour le moins ambigus, créés par la jurisprudence et le Code de la consommation, entre les obligations du vendeur, du transporteur et le transfert des risques.

Le visa de l’article L. 216-4 du Code de la consommation retenu dans l’arrêt sous commentaire suggère au moins autant qu’il affirme. En effet, à la suite de l’arrêt rendu par la première chambre civile le 13 novembre 200832, l’on avait pu assister à une considérable extension des obligations du vendeur dans la vente à distance au consommateur. La Cour de cassation y affirmait en effet que « le prestataire de service auquel le professionnel a recours pour l’exécution des obligations résultant d’un contrat conclu à distance n’est pas un tiers au contrat au sens de l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation33 ; [et que] le professionnel, responsable de plein droit à l’égard du consommateur, en vertu de dispositions d’ordre public, de la bonne exécution des obligations nées d’un contrat conclu à distance, ne peut conventionnellement exclure ni limiter, en dehors des prévisions de la loi, la réparation due au consommateur en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution d’un tel contrat ». Or puisque le vendeur professionnel est « responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services »34, certains auteurs pouvaient affirmer que le vendeur à distance était désormais tenu d’une obligation de livraison et non plus de délivrance comme en droit commun de la vente35. Concrètement, alors qu’en droit commun, le vendeur exécute son obligation en mettant le bien à disposition de l’acheteur – donc en lui permettant de se saisir de la chose – en droit spécial de la vente à distance au consommateur, il ne serait réputé avoir exécuté son obligation qu’une fois la prise de possession physique réalisée par l’acheteur. La position se comprend aisément. Tant que le transporteur était considéré comme un tiers au contrat, le vendeur exécutait son obligation de délivrance en remettant le bien à ce dernier. À l’inverse, dès lors que le transporteur n’était plus considéré comme un tiers, il pouvait être considéré comme exécutant l’obligation du vendeur36. Partant, l’obligation en question ne se limitait plus à délivrer le bien, mais plutôt à opérer la livraison. Pour autant, affirmer que le vendeur est responsable en cas d’inexécution de son obligation par le transporteur et que le vendeur est débiteur d’une obligation de livraison sont deux choses différentes : être responsable du fait d’autrui, ce n’est pas nécessairement se rendre débiteur de l’obligation de cet autrui37. Malgré cette réserve, la position a été suivie par le législateur qui, à l’occasion de la loi du 17 mars 2014, a pu retenir que le vendeur professionnel était bien tenu d’une obligation de livraison38.

En outre, l’une des conséquences de la solution de 2008 tirée par certains auteurs était que la marchandise voyageait désormais aux risques du vendeur à distance39. Une telle position s’avérait cependant éminemment critiquable. Le fait que le vendeur puisse être responsable en cas d’inexécution du transporteur ne l’empêchait pas de s’exonérer de cette responsabilité en démontrant, comme le prévoyait l’ancien article L. 120-20-3 (désormais L. 221-15), le fait du consommateur, du tiers ou la force majeure. S’il était donc responsable du transport, il ne semblait guère chargé des risques de la chose40, ceux-ci devant alors être assumés par l’acheteur, en vertu de l’application de l’ancien article 1138 du Code civil. Affirmer que le vendeur assumait alors les risques en raison de l’obligation de livraison, c’eut été appliquer la règle res perit debitori, en lieu et place de res perit domino, hors de tout fondement textuel. C’est d’ailleurs probablement l’application de res perit domino que la Cour de cassation voulait alors écarter. Faute, à l’époque, de texte spécial en droit de la consommation quant à la charge des risques, il ne pouvait être affirmé de façon péremptoire que le vendeur était déchargé du cas fortuit par la prise de possession de l’acheteur. Or considérer que le vendeur était responsable en cas de perte ou de détérioration de la chose du fait du transporteur en cours de transport permettait d’écarter la question des risques. Dès lors qu’il s’agissait d’une faute de la part du transporteur dont le vendeur devait répondre, ce dernier ne pouvait opposer le transfert des risques à l’acheteur pour s’exonérer. La perte en question n’étant pas la conséquence d’un cas fortuit, mais bien d’une inexécution dont le vendeur devait répondre, l’application de la théorie des risques n’était pas en cause. Pour compréhensible que soit cette position jurisprudentielle, notamment au regard de l’impératif de protection du consommateur, elle laissait malgré tout l’hypothèse de la véritable disparition de la chose par cas fortuit à la charge de l’acheteur.

À cet égard, l’introduction dans le Code de la consommation d’une règle spéciale relative à la question du transfert des risques dans la vente au consommateur aurait pu permettre de revenir à une approche plus classique des obligations du vendeur. Depuis l’adoption de la loi du 17 mars 2014, le Code de la consommation contient une règle d’imputation des risques de la chose transportée qui résonne comme une exception vis-à-vis du droit commun de l’ancien article 1138 et du nouvel article 1196, alinéa 3. L’article L. 216-441 prévoit désormais que « tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens »42. Dans l’arrêt sous commentaire, puisqu’il était établi que l’acheteur n’avait pu prendre possession du bien, le vendeur ne pouvait se retrancher derrière la défaillance du transporteur. En effet, dans l’article L. 216-4 il n’est aucunement question de la cause de la perte ou de la détérioration. Que celle-ci soit due au fait du vendeur, à la faute du transporteur, ou au cas fortuit, seul le résultat compte : le fait que l’acheteur ne puisse entrer en possession du bien. L’application de la règle d’imputation des risques de l’article L. 216-4 conduit ainsi à écarter tout débat quant à l’éventuelle inexécution de ses obligations par le vendeur.

Une telle position n’est pas complètement anodine. En ne visant ni l’article L. 216-143, qui prévoit que le vendeur est tenu d’une obligation de livraison, ni l’article L. 221-15, la première chambre civile affirme la déconnexion entre la perte ou la détérioration de la chose en cours de transport et l’idée de responsabilité. Dès lors que le risque ne s’analyse pas en une faute du vendeur ou du tiers dont il est responsable, l’acheteur ne saurait alors prétendre à l’obtention de dommages et intérêts dans cette hypothèse. L’application de l’article L. 216-4 conduit à une résolution du contrat entraînant l’obligation pour le professionnel de restituer le prix versé par l’acheteur, mais elle semble exclure toute condamnation du vendeur à réparer le préjudice subi par l’acquéreur. Telle est la conséquence classique de la réalisation d’un risque : la partie au contrat qui l’assume ne saurait demander le paiement à son cocontractant. Ainsi, lorsque le vendeur assume les risques de la chose, il ne peut demander le paiement à l’acheteur, qui ne saurait, pour sa part, demander la réparation du préjudice éventuellement subi du fait de cette inexécution. La responsabilité contractuelle du débiteur ne saurait être mise en jeu lorsque l’inexécution est excusée par la réalisation du risque. En l’espèce, si l’acheteur peut obtenir la restitution du prix des biens vendus, il est peu probable qu’il puisse, comme il le demandait initialement, obtenir une indemnisation de la part du vendeur.

L’on assiste ainsi à un resserrement de la responsabilité du vendeur. Alors même que ce dernier est tenu d’une obligation de livraison et est responsable du fait du transporteur, les pertes et endommagements de la chose en cours de transport sont exclus du contenu de l’obligation. Cette obligation de livraison du vendeur est ainsi réduite à peu de choses : elle ne semble pouvoir être invoquée que dans les hypothèses d’absence totale de livraison, au sens où le vendeur n’aurait alors jamais remis le bien au transporteur, et à celles de livraisons réalisées tardivement. L’on assiste en la matière à une véritable confusion des genres entre responsabilité contractuelle et transfert des risques. Alors même que la théorie des risques est conçue pour déterminer le sort d’une obligation qui ne peut être exécutée en raison d’un cas fortuit et non en raison de la négligence du débiteur, elle se trouve utilisée, en droit de la consommation, pour exonérer celui qui est pourtant responsable de l’inexécution, sans pour autant pouvoir invoquer le cas fortuit ou le fait du tiers. La notion de risque se trouve donc, dans le cas particulier de la vente à distance, considérablement enrichie par rapport à son acception en droit commun, puisqu’elle désignerait « toutes les pertes et dégradations susceptibles d’intervenir, quelle qu’en soit la cause (y compris lorsque cette cause est le manquement à une obligation imputable au débiteur »44. Pour un auteur45, l’élargissement du concept de risque se justifierait en envisageant les fondements du dispositif législatif. Conformément à l’objectif de la directive du 25 octobre 201146, la volonté du législateur de 2014 était d’offrir à l’acheteur insatisfait un interlocuteur unique : le vendeur. Dans cette perspective, envisager les risques à la façon du droit commun aurait conduit le consommateur à devoir poursuivre le transporteur dans les hypothèses de détérioration ou de perte en cours de transport. La conception peut séduire mais pêche sur un point. Une analyse stricte de la notion de risque n’empêcherait pas le consommateur d’agir contre le vendeur en cas de perte ou de détérioration en cours de transport, dès lors que le vendeur est soumis à une obligation de livraison et est responsable du fait du transporteur. Les pertes et détériorations pourraient parfaitement être envisagées comme l’inexécution de la livraison et partant, relever de la responsabilité du vendeur. S’il peut y avoir une certaine logique à affirmer que le vendeur à distance est responsable du fait de son transporteur, puisqu’il est rendu débiteur de l’obligation de livraison par le Code de la consommation, l’on vide de son sens la disposition en envisageant l’inexécution du transporteur comme un risque. Malgré le fait que le transporteur ne soit pas considéré comme un tiers au contrat de vente à distance, sa faute constituée par la perte ou l’endommagement de la chose n’est donc pas considérée comme une inexécution à l’égard de l’acquéreur !

Où l’on voit que sous couvert de volonté de protection de l’acheteur consommateur, l’on pourrait le priver d’une éventuelle indemnisation qui, à la lumière des notions du droit commun de la vente, aurait pu lui être accordée…

Johann LE BOURG

C – Garantie des vices cachés

« La bonne foi de l’acheteur bloquait et bloquera la restitution des fruits » (Cass. 3e civ., 11 févr. 2021, n° 20-11037). La question du devenir des fruits pour le possesseur de bonne foi à la suite de l’anéantissement rétroactif du contrat illustre les difficultés théoriques entourant les restitutions et leurs particularités à l’occasion de causes spéciales d’anéantissement, comme l’action rédhibitoire que permet la garantie des vices cachés à laquelle est tenu le vendeur. L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 11 février 2021 est l’occasion d’en rappeler les normes classiques et de questionner leur devenir au regard du droit nouveau des contrats.

En l’espèce, un acheteur avait exercé l’action rédhibitoire fondée sur l’article 1644 du Code civil à l’égard de son vendeur en raison de vices cachés dans un immeuble cédé en 2015. La cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 14 novembre 2019, limite la restitution consécutive de l’acheteur au bien lui-même, sans inclure d’office les fruits civils perçus avant la demande d’anéantissement du contrat. C’est ainsi cette limitation de la restitution à l’immeuble qui est reprochée à la cour d’appel par le vendeur, qui entendait notamment profiter des loyers perçus par l’acheteur.

I. L’action rédhibitoire mène à un anéantissement rétroactif du contrat

Pour le vendeur, la cour d’appel ne pouvait se retrancher sur l’absence de demande expresse de restitution des fruits dans le dispositif de ses propres conclusions pour refuser de l’ordonner, la restitution des fruits tirés du bien vendu étant une « conséquence légale de la résolution de la vente » et devant donc être ordonnée d’office. Il est vrai qu’en dépit d’hésitations passées sur la nature des restitutions découlant de l’action rédhibitoire pour vice caché, la jurisprudence et la doctrine s’accordent largement pour y voir l’effet mécanique de la rétroactivité impliquée par le total anéantissement du contrat, tiré de la conception de l’action comme une résolution particulière.

Les thèses anciennes – et certaines plus récentes – mènent cependant à considérer quelques aspects qui demeurent séduisants : l’article 1644 ne dispose pas explicitement que le choix pour l’acheteur « de rendre la chose et de se faire restituer le prix » équivaut à choisir et permettre un véritable anéantissement du contrat. Le fait même que cette action ne soit qu’un choix au côté de celui de l’action estimatoire permettant « de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » pourrait inviter à ne considérer les effets de la première comme de la seconde que comme ceux d’une garantie qui ne met pas fin au contrat par anéantissement, et génère simplement de nouvelles obligations plus ou moins larges permettant de rétablir un équilibre économique rompu par le vice affectant la chose. D’autant plus qu’à moins de pouvoir caractériser un dol, nul vice n’est susceptible d’affecter la formation du contrat et nulle inexécution ne doit être caractérisée pour permettre l’action47. Celle-ci apparaît ainsi comme la véritable conséquence d’une « garantie » légale de réparation d’un dommage, selon l’exact vocable de l’article 1641 du Code civil qui la fonde, garantie dont la sanction marquerait en réalité la pleine réalisation des clauses du contrat face à un risque réalisé48. Cette logique fonderait en conséquence une distinction stricte entre l’action résolutoire et l’action rédhibitoire, en ce que l’anéantissement, effet de cette dernière, ne serait point rétroactif49.

Pourtant, si l’on écarte un temps l’argument exégétique de la garantie et celui – plus théorique, mais non moins pertinent – du mécanisme d’allocation des risques, il faut se rendre à l’évidence : face à la possibilité de l’action estimatoire, le choix de l’action rédhibitoire caractérise en soi une volonté pour l’acheteur de retrouver intégralement la somme qu’il a versée comme prix, comme s’il ne s’en était jamais acquitté, et de se débarrasser de la chose pour lui totalement inutile ou sans valeur d’usage suffisante. Il y a donc bien a priori un désir de retour au statu quo ante, de faire revenir le passé dans le présent et de rejoindre un univers parallèle dans lequel la vente n’aurait jamais eu lieu. Le Code de la consommation ne s’y trompe pas, lui qui depuis une ordonnance du 17 février 2005 assimile l’inexécution de l’obligation de délivrance conforme et la présence d’un vice caché au sein de la garantie légale de conformité des articles L. 217-4 à L. 217-14, matérialisant en droit l’idée que la garantie des vices cachés du Code civil est un prolongement de l’obligation de délivrance50 des articles 1604 et suivants, et donc que la présence du vice, même chez le vendeur ignorant son existence, caractérise une inexécution dont le remède peut être la résolution et son anéantissement rétroactif du contrat.

Éventuellement influencée par la logique de la garantie légale de conformité entrée en vigueur quelques mois plus tôt, et malgré la persistance de la Cour de cassation à distinguer strictement la délivrance non-conforme et le vice caché du Code civil51, la troisième chambre affermit dans un arrêt du 29 juin 200552, l’idée que l’action rédhibitoire est une forme spéciale de l’action en résolution judiciaire53 en considérant que « la restitution des fruits effectivement perçus ne constituait que la conséquence légale de l’anéantissement du contrat de vente », formule sur laquelle le vendeur s’appuie dans notre espèce pour fonder sa critique de l’absence d’ordonnance d’office de la restitution des fruits. Il faut dire qu’en dépit de l’absence de précision quant au devenir des fruits dans la partie du Code civil relative à la garantie des vices cachés, l’assimilation de l’action rédhibitoire à la résolution autorise à y transposer implicitement ce qui tint lieu jusqu’en 2016 de fondement textuel à un embryon de droit commun des restitutions, à défaut de bases légales communes : le régime de la répétition de l’indu des articles 1376 à 138154, et plus particulièrement l’article 1378 traitant de la restitution des fruits.

Redoublant l’idée générale des restitutions comme conséquence légale d’une résolution55 par le biais de la rétroactivité de l’anéantissement lui étant intrinsèque56, la première chambre civile a, dans un arrêt du 25 mai 201657, affirmé que le juge de proximité, dès lors qu’il prononçait la résolution d’un contrat de vente, « n’était pas tenu, à défaut de demande expresse en ce sens, d’ordonner en même temps que la restitution, celle de la chose vendue ; le jugement emporte un tel effet ». Tous les ingrédients sont donc réunis pour obliger d’office l’acheteur de l’immeuble à restituer les loyers, lui qui souhaite en principe revenir au statu quo ante.

II. Le possesseur de bonne foi conserve les fruits perçus antérieurement à l’anéantissement

Mais la troisième chambre civile de la Cour de cassation soutient la cour d’appel dans son argument et rejette le pourvoi, en précisant qu’en dépit des conséquences légales de l’anéantissement du contrat le juge ne peut prononcer la restitution d’office des fruits tant qu’elle est « subordonnée à la bonne foi du possesseur » en vertu des articles 549 et 550 du Code civil.

Il faut bien entendu comprendre l’expression « subordonnée à » mobilisée par la chambre dans son sens large de « dépendante de », plutôt que « soumise à la condition de », le sens second pouvant laisser penser que la bonne foi entraînerait la restitution des fruits ; c’est bien l’inverse dont dispose l’article 549 du Code civil, puisque « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique (…) ».

Outre l’assimilation malheureuse des fruits et des produits à l’aune de leur distinction en droit positif, on notera que cet article, dépendant du régime général des biens et de la propriété, règle spécifiquement le cas du possesseur face au propriétaire revendiquant. Or l’action rédhibitoire anéantissant rétroactivement le contrat et ayant donc pour conséquence légale la naissance d’obligations de restitution, le vendeur n’a pas techniquement à revendiquer son bien : l’action réelle en revendication ayant vocation à faire reconnaître un droit de propriété, la situation obligataire dans laquelle se trouvent les ex-cocontractants suite au contrat résolu pour vice caché commande plutôt d’analyser l’action visant à récupérer le bien comme une action personnelle de restitution, assurant non pas un droit de propriété mais l’exécution d’un droit de créance, dans la logique des contrats de louage, de prêt, de mandat ou de dépôt58.

Pourtant, c’est bien cet article 549 qui sert de fondement à la Cour pour dégager une logique générale protégeant le possesseur de bonne foi contre la restitution des fruits perçus avant demande59 en raison d’un anéantissement rétroactif du contrat, et même plus largement pour toute perte de la chose par suite d’une action personnelle d’un tiers60 (hors quelques cas légaux61 dont la garantie des vices cachés ne fait pas partie). Cette exception à la remise en cause, même pour le passé, des effets produits par l’acte nul, par laquelle tout possesseur de bonne foi fait siens les fruits, trouve une application ancienne dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 novembre 197262, autorisant précisément l’acheteur de bonne foi d’une maison « à conserver les loyers perçus par lui jusqu’au jour de la demande en annulation de la vente ».

La logique généralement attribuée à ce choix de politique juridique est convaincante : certes, revenir au statu quo ante suppose de reconsidérer toutes les opérations passées à l’aune de l’inexistence fictive du contrat initial, ce qui commanderait d’attribuer les fruits perçus au vendeur puisque c’est lui-même qui en aurait éventuellement bénéficié en ayant conservé la propriété de son bien durant l’intervalle contractuel. Mais l’on se heurterait là à une probable impossibilité matérielle source d’une profonde injustice : qu’ils soient naturels ou civils, les fruits sont destinés à être consommés. Le poids du temps en faisant grandir la perception jusqu’à des proportions importantes, obliger un possesseur de bonne foi à rendre l’équivalent de fruits qu’il a consommés durant des années pourrait conduire à provoquer sa ruine63, alors même que le problème ayant mené à la disparition rétroactive de son droit provient bien souvent d’un cocontractant de mauvaise foi, voire fautif qui, lui, s’enrichirait considérablement à l’issue des restitutions alors qu’il n’a jamais compté sur les fruits avant l’hypothèse d’un anéantissement ! Pour ce cocontractant de mauvaise foi, il nous semble au demeurant qu’il y aurait ici une occasion d’application du célèbre adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »64 permettant le blocage des restitutions appliqué au cas particulier des fruits, si l’on avait souhaité trouver un fondement alternatif général aux articles 549 ou 1378 originellement propres à leur matière respective.

Le cas des fruits perçus par le possesseur de bonne foi vient donc faire obstacle à l’automaticité des restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat, que l’on se trouve dans une situation de nullité, de résolution de droit commun, ou encore d’anéantissement du contrat par choix de l’acheteur en vertu de la garantie des vices cachés due par le vendeur. Bien que les restitutions soient les « conséquences légales » de « l’anéantissement rétroactif » du contrat, ne nécessitant ainsi pas de décision expresse pour prendre effet lorsqu’elles concernent les fruits perçus avant la demande menant à l’anéantissement pour le possesseur de bonne foi et tous les fruits perçus après demande, elles ne relèvent pas d’un effet automatique en l’espèce. Conditionnée à la mauvaise foi prouvée du possesseur, la restitution des loyers perçus avant l’exercice de l’action rédhibitoire n’aurait ainsi pu advenir qu’au terme d’une demande formelle par le vendeur auprès du juge, qui seulement alors aurait été contraint de remplir son office et d’estimer la bonne ou la mauvaise foi de l’acheteur pour prendre une décision quant à l’opportunité de la restitution des fruits. En l’espèce, il y a fort à parier que le juge de cour d’appel n’aurait pas fait droit à la demande, rien ne semblant pouvoir caractériser la mauvaise foi de l’acheteur qui possédait « comme propriétaire », selon les termes de l’article 550 du Code civil, puisqu’il l’était purement et simplement, le contrat étant exempt de vices entachant sa formation.

III. Nouveau droit, nouveaux fondements ?

La solution décrite s’imposait tant que le contrat demeure soumis en partie au « droit ancien » d’avant l’ordonnance portant réforme du droit des contrats du 10 février 2016, en vertu du principe du maintien de la loi ancienne pour les situations contractuelles. Le doute pouvait pourtant exister et a été exprimé concernant les restitutions, puisque celles-ci ont été expressément décrites dans le rapport au président de la République accompagnant l’ordonnance65 comme des « effets de la loi » d’une résolution qui ne suppose plus systématiquement un anéantissement rétroactif66 ; or non seulement la Cour de cassation a eu un temps une tendance à modifier sa jurisprudence pour le droit ancien au regard des évolutions de la loi nouvelle67, mais elle considère, de plus, que devient immédiatement applicable aux contrats en cours la loi nouvelle portant sur un effet légal du contrat68, ce que pourraient être les restitutions69. Même la loi du 20 avril 2018 de ratification de l’ordonnance de 201670 venue mettre le holà aux initiatives prises par la Cour de cassation71 n’a pas suffi pour étouffer tout doute raisonnable sur le comportement qu’elle pourrait adopter face à un problème particulier de restitutions72.

Le présent arrêt vient donc confirmer73 que la Cour ne souhaite pas s’aventurer sur ce terrain pour les contrats nés avant 2016, puisqu’il ne fait aucunement référence aux nouveaux articles consacrés au droit commun des restitutions. Et ceci alors même que pour l’espèce, ces nouveaux articles sont à même de se substituer sans bouleversement à ce qui sert encore pour quelque temps d’embryon de droit commun des obligations de rendre nées de l’anéantissement des contrats.

On pouvait pourtant douter de l’effectivité de cette substitution vu la teneur du nouvel article 1352-3 et de son commentaire figurant dans le rapport au président de la République : au rebours des propositions du projet de réforme Terré, la considération de la bonne ou mauvaise foi du possesseur ne présiderait plus à l’existence des restitutions des fruits. Pour le possesseur de mauvaise foi, le recours critiquable à l’article 549 – qui, lui, n’a pas été réformé, puisqu’il dépend de la partie du code relative au droit des biens – pourrait alors sembler demeurer une nécessité. La pesée de la foi du possesseur ne jouerait ainsi qu’en matière d’étendue des restitutions, en vertu du nouvel article 1352-7. Mais si l’on se livre à un bref exercice de comparaison des solutions entre, d’une part, le droit des contrats ancien allié au droit des biens, et, d’autre part, le seul droit des contrats nouveaux, le changement n’apparaît pas significatif et le rôle de la bonne foi ne paraît pas autant remis en question que ce à quoi les effets d’annonce semblaient le condamner.

D’un côté, nous avons un possesseur de bonne foi qui sera tenu de restituer la chose s’il opte pour l’action rédhibitoire de l’article 1644 mais qui sera protégé pour les fruits perçus avant sa demande en raison de l’article 549. De l’autre, nous avons un possesseur de bonne foi qui sera tenu de restituer la chose sur le même fondement, mais qui sera également protégé pour les fruits perçus avant sa demande en vertu de l’article 1352-7. Le même parallèle peut être reproduit pour le possesseur de mauvaise foi, qui devra rendre tous les fruits depuis le jour du paiement tant en vertu de l’ancien article 1378 et d’une interprétation a contrario de l’article 549 que du nouvel article 1352-7. Dire que le possesseur ne doit pas rendre les fruits avant demande tant qu’il est de bonne foi ou qu’il doit rendre les fruits uniquement après demande s’il est de bonne foi revient tout au plus à inverser l’ordre syntaxique et grammatical d’une proposition tout en conservant sa signification, sauf à mettre à jour une situation dans laquelle le droit nouveau aboutit à une issue originale, ce qui n’est pour l’instant point advenu.

En tout état de cause, la nécessité d’un recours à l’article 549 et sa référence peu à propos à l’action en revendication pourraient ainsi disparaître au profit de cette nouvelle théorie générale des restitutions74, forte de ses fondements juridiques propres. La porte maintenue ouverte par les articles 1641 à 1649 de règles spéciales concernant les restitutions effets de l’action rédhibitoire75 devrait suffire à permettre à la jurisprudence la conservation d’une relative souplesse dans les conséquences pécuniaires de sa mise en œuvre76. C’est d’ailleurs à cette prudente souplesse que l’on pourrait l’inviter concernant l’application aux effets de l’action rédhibitoire de la nouvelle prise en compte de la valeur de la jouissance de la chose dans l’étendue des restitutions77, imposée par l’alinéa 2 du nouvel article 1352-3. Il sera ainsi intéressant de voir, dans de futures espèces similaires à la présente, la rigueur avec laquelle cette nouvelle règle sera appliquée dans le cas d’obligations de restitutions nées d’une situation que le droit appréhende sous l’angle de la protection du possesseur de bonne foi.

Les questions de la restitution des fruits et de la valeur de la jouissance de la chose pourraient enfin trouver des ressources insoupçonnées dans la nouvelle logique présidant aux restitutions des choses échangées à l’occasion du contrat résolu. L’on a évoqué plus haut que les restitutions sont à présent un effet légal de la résolution, cette dernière voyant son lien systématique à l’anéantissement rétroactif rompu par le nouvel article 1229. L’opportunité des restitutions intégrales devrait à présent être guidée par le critère de « l’utilité » des prestations échangées, les premières ne devant naître que dans la mesure où la seconde se caractérise par l’exécution complète du contrat résolu (la résolution étant qualifiée de résiliation dans le cas contraire, retrouvant la logique ancienne pour laquelle résolution et résiliation étaient deux mécanismes distincts). Même si le contrat de vente donne a priori naissance à des obligations dont l’utilité est caractérisée par l’exécution complète, n’y a-t-il pas ici matière à discuter du critère de l’utilité de l’exécution imparfaite du contrat du point de vue de l’acheteur, dont le mécanisme de la garantie des vices cachés est entièrement dévoué à la protection ? Même si cet acheteur semble vouloir retourner au statu quo ante quant au bien lui-même et au prix qu’il lui a coûté, ne serait-il pas juste d’avoir quelque considération pour l’utilité qu’il en a tout de même tirée du fait de sa jouissance et des fruits que le bien a générés durant son temps de propriété ? Il y aurait ainsi matière à déduire des exceptions au régime général des restitutions d’une interprétation audacieuse de l’article 1229, ce qui pourrait même déborder sur les conséquences des nullités sanctionnant le défaut de formation des contrats lorsqu’elles tendent à protéger l’un des cocontractants – et, à terme, pousser à l’introduction du concept d’utilité dans la nouvelle théorie générale des restitutions elle-même. Le rappel du droit ancien par le présent arrêt et l’estimation des implications du droit nouveau auront ainsi été l’occasion d’une prospective des limites spéciales de la nouvelle théorie générale des restitutions.

Raphaël SERRES

« Vice caché et réticence dolosive : l’option entre l’action contractuelle et l’action délictuelle » (Cass. 3e civ., 23 sept. 2020, n° 19-18104, FS-PBI). Le principe de non-option78 entre action délictuelle et action contractuelle apparaît d’une grande fermeté en droit positif et dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Hors indemnisation du dommage corporel, ce principe est peu remis en cause par la doctrine79. L’arrêt du 23 septembre 2020 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient cependant nous rappeler que ce principe connaît des exceptions, notamment lorsqu’une même situation factuelle peut-être qualifiée à la fois de vice caché et de dol ou de réticence dolosive.

À la suite de la vente d’un bien immobilier en 2006, l’acquéreuse déplore différents désordres découverts à l’occasion de travaux de rénovation. Elle souhaite obtenir non pas l’anéantissement du contrat, à travers la résolution ou l’annulation de la vente, mais une indemnisation en raison du surcoût des travaux et de son préjudice de jouissance. Préalablement à l’action ayant conduit au présent arrêt, d’autres actions avaient été intentées. Deux référés-expertise avaient été sollicités et obtenus en 2006 et 2008, et une action au fond, fondée sur la garantie des vices cachés, avait été introduite en 2007 ; en l’absence de diligences de la part de la demanderesse, la péremption de cette instance avait été constatée en 2013.

En 2014, l’acquéreuse assigne à nouveau la vendeuse en vue d’obtenir réparation de ses préjudices, en mettant en avant un nouveau fondement, celui de la réticence dolosive. Le tribunal de grande instance de Grasse accueille la demande80. Sur appel de la vendeuse, ce jugement est infirmé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence81.

Cette juridiction s’interroge d’abord sur la prescription éventuelle de l’action. Elle établit d’abord que le délai de prescription de 5 ans, applicable en matière de dol, n’était pas écoulé en raison de l’interruption et de la suspension du délai de prescription résultant des actions en référé. En revanche, la prescription biennale de l’action fondée sur les vices cachés est établie sans être discutée. Les parties ne pouvant se prévaloir des actes d’une procédure dont la péremption a été constatée, l’action au fond intentée en 2007 ne produit aucun effet, ni du point de vue de la prescription (qui n’est ni interrompue ni suspendue par cette action) ni du point de vue du principe de concentration des moyens. Ainsi, l’acheteuse ne pouvait échapper au jeu de la prescription qu’à travers une action extracontractuelle, soumise au délai de prescription quinquennal.

La cour d’appel refuse cependant le bénéfice d’une telle action à la victime. Elle fait une application rigoureuse du principe de non-option : « Il est (…) de jurisprudence constante que l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement susceptible d’être invoqué pour obtenir l’indemnisation des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires » ; de plus, « les liens contractuels entre [la venderesse et l’acquéreur] excluent que toute responsabilité délictuelle de la première puisse être recherchée à raison d’une faute qui n’est pas extérieure au contrat puisqu’il lui est fait reproche d’avoir tu les désordres affectant l’immeuble » ; ainsi, la cour d’appel retient que « l’acquéreur ne peut exercer une action en responsabilité pour contourner l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’exercer l’action en garantie des vices cachés, prescrite ».

L’acquéreuse forme un pourvoi en cassation fondé sur une violation des articles 1137 (C. civ., art. 1116 anc.), 1240 (C. civ., art. 1382 anc.) et 1641 du Code civil. D’après elle, « l’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ».

La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 1382 (devenu C. civ., art. 1240) et 1641 du Code civil. Après avoir rappelé le texte de ces deux dispositions, elle retient que « l’action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat ». Ainsi, elle casse et annule l’arrêt soumis à son contrôle et renvoie les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

À la question « si une même situation factuelle peut être qualifiée à la fois de vice caché et de réticence dolosive, la victime peut-elle opter pour l’action délictuelle plutôt que l’action édicilienne, notamment lorsque la seconde est prescrite ? », la réponse est clairement positive. Quoi qu’en pense la cour d’appel, cette réponse est logique au regard de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation et des spécificités de l’action fondée sur le dol. Ce cas de concours de responsabilité apparaît spécifique au dol (I). Mais il est indifférent à la forme du dol et à l’action mise en œuvre (II). À travers cet arrêt, l’une des facettes du dol est soulignée : il est non seulement un vice du consentement mais également un délit civil (III).

I. Un concours spécifique au dol

Le concours entre l’action édicilienne et celle fondée sur un vice du consentement a donné lieu à de nombreux arrêts de la Cour de cassation. En effet, les hypothèses dans lesquelles une même situation peut recevoir la double qualification sont diverses. Chaque fois qu’un défaut n’a pas été porté à la connaissance de l’acheteur et qu’il rend la chose impropre à son usage, une double qualification peut exister : l’erreur (lorsque le défaut affecte les qualités substantielles ou essentielles de la chose) ou le dol (lorsque le vendeur connaissait le vice et l’a dissimulé ou tu) peuvent entrer en concours avec la garantie des vices cachés. Le plus souvent, l’enjeu du concours ou de l’option tient au délai de prescription.

En matière d’erreur, après que certaines chambres de la Cour de cassation l’ont admis82, le concours et l’option du demandeur ont été refusés : la présence d’un vice caché empêche de se prévaloir de l’erreur. Ainsi, par son arrêt du 14 mai 1996, la cour d’appel a affirmé qu’en présence d’« un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale », « la garantie des vices cachés constitu[e] l’unique fondement possible de l’action exercée »83. Cette solution a été rappelée à diverses reprises84.

Répondant à certaines critiques formulées contre cette solution, la Cour de cassation lui a apporté un tempérament en matière de dol. En effet, depuis 2002, la Cour de cassation affirme que « l’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action en nullité pour dol »85. Ainsi, le présent arrêt s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de 2002 en considérant que l’action fondée sur le dol demeurait possible alors que celle fondée sur le vice caché était prescrite.

II. Un concours indifférent à la forme du dol et à l’objet de la demande

Les faits à l’origine de l’arrêt du 23 septembre 2020 présentent deux spécificités au regard de ceux ayant conduit à l’arrêt du 6 novembre 2002 : le dol invoqué résulte d’une réticence et non d’une action positive de la part du vendeur, et l’action fondée sur le dol n’a pas pour objet l’annulation du contrat en cause, mais seulement l’indemnisation de l’acquéreuse.

D’une part, que le dol résulte d’une action ou d’une omission de la part du vendeur apparaît comme circonstance indifférente. La jurisprudence antérieure avait été généralement confrontée à des dols par voie d’action. Dans l’arrêt de 2002, le vendeur avait faussé le compteur kilométrique de l’automobile vendue, commettant à n’en pas douter un dol par voie d’action. Mais la jurisprudence antérieure n’avait pas hésité, sur cette question, à assimiler dol et réticence dolosive. Aussi, dans un arrêt du 29 novembre 2000, la troisième chambre civile avait-elle affirmé, à propos de la vente d’un immeuble frappé d’une interdiction d’habiter, que « l’absence de déclaration par le vendeur d’une telle situation était constitutive d’une réticence dolosive de nature à vicier le consentement de ses acquéreurs et que l’action n’était pas soumise au bref délai de l’article 1648 du Code civil »86. Depuis 2016, le Code civil assimile explicitement le dol résultant de manœuvres ou de mensonges et celui résultant d’une dissimulation intentionnelle (exception faite de la dissimulation de l’estimation de la valeur de la prestation)87. Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation rappelle classiquement cette assimilation : « L’action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat »88 ; il n’est d’ailleurs pas reproché à la vendeuse autre chose que « d’avoir tu des désordres affectant l’immeuble vendu ».

D’autre part, le concours d’actions est indifférent à l’objet de la demande. En matière de vices cachés, l’action peut avoir pour objet l’anéantissement du contrat à travers sa résolution (action rédhibitoire) ou la restitution d’une partie du prix à l’acquéreur (action estimatoire)89 et, lorsque les conditions de l’article 1645 sont réunies, son indemnisation. Il en va de même en matière de dol ou de réticence dolosive : l’action peut certes avoir pour objet l’annulation du contrat, mais la victime du dol peut préférer le maintien du contrat et son indemnisation. La jurisprudence affirme régulièrement que « le droit de demander la nullité d’un contrat par application des articles 1116 et 1117 [désormais article 1137] du Code civil n’exclut pas l’exercice, par la victime des manœuvres dolosives, d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi »90. La demande de l’acquéreuse – une indemnisation et non l’anéantissement du contrat – a pu induire en erreur la cour d’appel. En effet, les arrêts de la Cour de cassation précédemment rendus en matière de concours entre le dol et les vices cachés concernaient des hypothèses dans lesquelles la demande tendait à l’anéantissement du contrat et non à la seule indemnisation91. Il n’existait cependant aucune raison de distinguer l’objet de la demande, annulation ou indemnisation, en présence d’un dol. Ainsi, et conformément à ses origines romaines, le dol apparaît comme un délit, indépendamment du vice du consentement qu’il constitue.

III. Le dol en tant que délit civil

En droit romain, le dol fut un délit civil, permettant une indemnisation au simple de la victime, avant d’être le fondement d’une action en restitution. Son objet était la sanction du comportement de l’auteur, et l’action engagée était infamante à son égard, plus qu’une sanction affectant l’acte lui-même92. En droit positif, l’action indemnitaire reposant sur le dol a une nature délictuelle quand bien même l’annulation du contrat n’aurait pas été demandée93. Ainsi, même en présence d’un contrat entre les parties, l’action est délictuelle. Cette solution interroge la frontière entre la sphère délictuelle et contractuelle. La gravité des faits à l’origine de l’action fondée sur le dol, en particulier leur caractère nécessairement intentionnel, semble justifier le maintien de l’action délictuelle nonobstant le contrat entre les parties. Cela semble confimer la thèse de Jean-Sébastien Borghetti pour qui le principe de non-cumul serait né du développement des fondements objectifs de responsabilité délictuelle, en particulier de la responsabilité du fait des choses94. Le maintien d’une option en présence d’un fondement subjectif de responsabilité serait alors le signe de la prégnance de l’action délictuelle, même en présence d’un contrat, dès lors que cette action repose sur un délit véritable, c’est-à-dire « le fait par lequel une personne, par dol ou malignité, cause du dommage ou quelque tort à une autre »95.

Vincent RIVOLLIER

II – Contrats de vente d’immeuble à construire

« La validité du contrat de VEFA en cas de nullité du contrat de réservation » (Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-17393). Dans le cadre de l’achat d’une construction sur plan, les parties ont la possibilité de faire précéder le contrat de vente d’immeuble à construire d’un avant-contrat de réservation. Dès lors que l’opération envisagée relève du secteur protégé de la construction, les deux contrats sont soumis à un régime protecteur impératif qui vise à protéger l’acquéreur d’une construction à usage d’habitation ou mixte. La méconnaissance des dispositions de ce régime produit des effets radicaux puisque la nullité peut être prononcée par le juge à la demande du futur acquéreur. Se pose alors la question de l’incidence de la nullité du contrat préliminaire sur le contrat définitif.

C’est sur cette problématique que l’arrêt du 17 septembre 2020 se propose d’apporter un éclairage supplémentaire et de parfaire ainsi le régime de la vente d’immeuble à construire en cas de nullité du contrat préliminaire.

Un couple conclut un contrat de réservation comprenant un appartement et un emplacement de stationnement dans un immeuble. Quelque temps plus tard, il se voit notifier le contrat de vente définitif. Une semaine après, ce contrat est signé. Le couple acquitte le solde du prix et prend possession de l’appartement. Faisant état d’irrégularités, le couple décide alors d’assigner le promoteur et l’établissement bancaire en nullité des contrats de vente, de réservation et de prêt et réclame des dommages et intérêts. Les juges toulousains, dans un arrêt du 8 avril 2019, prononcent la nullité de l’acte de réservation, relèvent le non-respect du délai de réflexion, mais refusent de prononcer la nullité du contrat de vente définitif au motif que par leur attitude, les demandeurs ont confirmé l’acte authentique irrégulier. Les demandeurs se pourvoient en cassation. Peine perdue. Dans un arrêt du 17 septembre 2020, les juges valident le raisonnement des magistrats du fond qui ont considéré, indépendamment de la nullité du contrat de réservation, que les demandeurs avaient bénéficié d’un délai de réflexion en raison de la notification du projet d’acte par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et confirment à leur tour, que, par leur attitude, ils avaient couvert l’irrégularité de l’acte authentique conclu avant l’expiration du délai de réflexion.

Une des questions qui a animé la jurisprudence ces dernières années est de savoir si la nullité du contrat de réservation entraîne celle du contrat de vente. Ce à quoi, confortés par la Cour de cassation, les juges du fond avaient répondu par la négative. Cette solution n’est pas nouvelle. Dans un arrêt du 21 mars 2019, les hauts magistrats avaient réaffirmé que « le contrat de réservation étant facultatif, sa nullité est sans incidence sur la validité de l’acte de vente »96.

Par ces décisions, les juges entendent sceller le caractère autonome du contrat de réservation par rapport au contrat de vente définitif. Bien que le contrat préliminaire constitue un avant-contrat de la VEFA, il présente des caractéristiques justifiant sa propre individualité. Son caractère facultatif est une des raisons de l’absence de dépendance des deux contrats ; le contrat de vente pouvant être conclu sans passer par la conclusion d’un contrat préliminaire. Mais c’est également la nature de ce contrat qui justifie qu’il soit traité de manière autonome. Le contrat de réservation ne s’inscrit pas dans la logique d’un avant-contrat comme la promesse de vente car c’est sur l’acte définitif que s’opèrent les consentements à la cession. Le contrat préliminaire a sa propre raison d’être, que les hauts magistrats expriment en présentant ce contrat comme étant de nature sui generis. En effet, le régime du contrat de réservation autorise les parties à renoncer au projet dans des cas précis pour le réservataire et librement pour le promoteur qui peut à tout moment renoncer au projet. Ce qui s’explique par le fait que contrairement aux apparences et malgré le régime très rigoureux qui s’applique à ce contrat lorsqu’il est conclu dans le secteur protégé, le contrat préliminaire a d’abord été conçu dans l’intérêt du professionnel. La conclusion de ce contrat lui permet de tester la pertinence de son projet, de donner du crédit à l’opération envisagée auprès des établissements bancaires et de lier très tôt le réservataire qui ne pourra renoncer à l’opération que dans les hypothèses envisagées par l’article R. 261-31 du Code de la construction et de l’habitation. D’où l’affirmation que ce contrat peut être dissocié du contrat définitif.

Les deux contrats présentent toutefois un lien intime. Ils ont en commun la réalisation d’un projet immobilier identique. La loi ELAN du 23 novembre 2018 et son article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation ont par ailleurs rendu obligatoire ce contrat de réservation dans le cas où le futur accédant souhaite se réserver des travaux97. Enfin, du point de vue du réservataire, la difficulté qu’il a à renoncer au projet, sans perdre son dépôt de garantie, tend à relativiser l’indépendance du contrat préliminaire par rapport au contrat de vente définitif. D’ailleurs, cela est vrai à tel point que le législateur a estimé qu’il n’est pas nécessaire de purger le délai de réflexion pour les deux contrats. L’article L. 271-1, alinéa 4 dispose en effet que « lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s’appliquent qu’à ce contrat ou à cette promesse ».

En transférant sur le contrat préliminaire la purge du délai de réflexion, le sort du contrat de vente se trouve inévitablement lié à la bonne régularité du contrat. En effet, la nullité du contrat de réservation remettra les parties dans la situation qui était celle avant la conclusion du contrat. Ce qui signifie que la notification de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation sera supposée n’avoir jamais été faite. Les parties se retrouvent alors dans la situation envisagée par l’alinéa 5 de cet article qui impose le délai de réflexion désormais de 10 jours (7 jours au moment des faits), avant la signature de l’acte authentique lorsque ce contrat est conclu sans contrat préliminaire. La Cour de cassation, le 12 avril 2018, avait ainsi fait valoir qu’en cas de nullité du contrat de réservation, « qui est un contrat distinct et autonome du contrat de vente », l’acquéreur « se trouv[e] dans la situation visée au cinquième alinéa de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation » et qu’il doit à ce titre bénéficier du délai de réflexion prévu par ce texte, sous peine de nullité du contrat définitif98. Le délai doit donc à nouveau être purgé conformément aux exigences de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, sans quoi la nullité peut être réclamée par le réservataire. Dans l’espèce ayant donné lieu à la décision du 17 septembre 2020, les magistrats ont considéré que la notification du projet d’acte valait notification du délai de réflexion tout en constatant que le délai de 7 jours au moment des faits n’avait pas été respecté. Ils ont néanmoins retenu que cette irrégularité avait été couverte par leur attitude. C’est ce qu’entendaient contester les demandeurs.

Il est généralement admis que l’acte irrégulier peut faire l’objet d’une confirmation. Dans un arrêt du 7 avril 2016, les hauts magistrats avaient fait valoir que « la signature par les acquéreurs de l’acte authentique de vente sans réserve vaut renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la notification du droit de rétractation prévue à l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation »99. Encore faut-il, pour que l’attitude des acquéreurs puisse être interprétée comme valant confirmation et signifiant une absence de volonté de leur part de se rétracter, qu’il soit certain qu’ils aient été clairement informés de cette possibilité. Deux éléments ont convaincu les juges de répondre par l’affirmative : la notification du projet d’acte par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à compter de laquelle ils ont considéré que commençait à courir le délai de réflexion, et une référence au texte de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui avait été reproduit dans le contrat de réservation. Or, comme le souligne un auteur, ce n’est pas ce que l’on attend de la notification du projet d’acte de l’article R. 261-30 du Code de la construction et de l’habitation dont la finalité est de permettre aux futurs acquéreurs d’apprécier les différences entre le contenu du contrat de réservation et celui du contrat définitif pour, le cas échéant, décider de se retirer du projet sans perdre le dépôt de garantie100. D’ailleurs, ce projet d’acte doit être notifié quand bien même le délai aurait été purgé au stade du contrat préliminaire. Dans ces conditions, il est difficile d’affirmer que les demandeurs ont été correctement informés de la possibilité qu’ils avaient de se rétracter et de sortir ainsi de l’opération projetée sans perdre leur dépôt de garantie. Le fait que le texte de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation ait été reproduit intégralement dans le contrat de réservation ne permet pas d’en déduire qu’ils savaient pouvoir renoncer au projet au stade du contrat définitif. On peut donc douter de la valeur de la confirmation d’un acte irrégulier et d’un renoncement à se rétracter déduit d’une exécution volontaire des obligations de la part de ceux qui ignoraient disposer précisément d’une telle possibilité.

Christophe BROCHE

III – Contrats de bail

« La conciliation du droit de propriété et du droit au logement à la lumière de la [convention EDH] » (Cass. 3e civ., 24 sept. 2020, n° 19-17068). L’influence grandissante de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur le droit des contrats spéciaux est indéniable, en particulier lorsqu’il s’agit d’assurer le respect du droit à la vie privée. Mais l’arrêt sous commentaire se révèle original en ce qu’il questionne un tout autre droit fondamental : le droit de propriété. La politique française en matière de logements est marquée par une « forte tradition interventionniste »101. La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 prévoyait en ce sens un régime spécifique applicable aux baux d’habitation, afin de faire face à une pénurie de logements dans certaines zones urbaines. Ce régime, applicable aux logements construits avant 1948, met en place notamment une limitation des conditions dans lesquelles il est possible, pour le propriétaire d’un logement donné à bail, de le récupérer102, ainsi qu’un encadrement des loyers103, créant alors un « choc frontal entre le droit de propriété et le droit au logement »104. Or la compatibilité des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 avec le droit de propriété, dont la valeur supra législative a été reconnue105, soulève des interrogations106.

Le contrat de bail à usage d’habitation n’est pas défini, ni au sein du Code civil, ni même au sein de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui en fixe pourtant le régime principal107. Seul est défini, à l’article 1709 du Code civil, le contrat de bail. Il s’agit du « contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». Lorsqu’il est à usage d’habitation, le contrat de bail doit concerner une résidence principale108, des garages, aires et places de stationnement, des jardins ou d’autres locaux loués accessoirement au local principal par le même bailleur109. Il se trouve donc au cœur du droit au logement, justifiant une protection accrue des locataires par la législation depuis 1948. Ces dispositions, prises au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’appliquent toujours à certains logements, et limitent drastiquement l’exercice du droit de propriété.

C’est l’objet de l’arrêt rendu par la troisième chambre de la Cour de cassation le 24 septembre 2020 dans lequel le propriétaire d’un logement loué sous le régime de la loi du 1er septembre 1948 invoque une atteinte disproportionnée de cette dernière à l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (convention EDH). Les restrictions imposées par cette loi quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux sont contestées.

En l’espèce, le bail était transmis aux héritiers, ce que permet la loi du 1er septembre 1948. Leur qualité d’héritier n’était pas contestée. Seule l’acceptation de la succession faisait défaut selon les demandeurs au pourvoi, mais ce moyen est rapidement balayé par la Cour de Cassation car, comme elle le rappelle justement, « la renonciation à une succession ne se présume pas ».

S’agissant du plafonnement des montants des loyers, la cour d’appel de Paris relève l’absence de disproportion entre le but poursuivi par la législation et l’encadrement qu’elle prévoit du droit de propriété110. Le demandeur reproche pour sa part à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le but légitime poursuivi par la législation était toujours justifié en 2018 et proportionné à l’atteinte causée. La Cour de cassation conclut à l’absence d’atteinte injustifiée au droit à la propriété, car selon elle, la cour d’appel « n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante » dès lors que l’appartement avait été acquis par le demandeur « en toute connaissance des restriction[s] imposées par la loi du 1er septembre 1948 quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux par le bailleur ».

Il est toutefois possible de s’interroger sur l’opportunité d’opposer à l’acquéreur sa connaissance de la législation applicable au bien pour en déduire la compatibilité de la loi du 1er septembre 1948 à l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention EDH. Les deux semblent effectivement sans rapport et la question soulevée était en réalité celle de la compatibilité entre deux normes, l’équilibre nécessaire entre la nécessité de protéger le droit au logement et le légitime respect du droit à la propriété111, mais non celle de l’étendue d’un droit subjectif.

Si aucun droit ne peut être exercé sans limite, l’atteinte qui lui est portée doit apparaître légitime et proportionnée. Or si la défense du droit au logement apparaît légitime (I), les moyens utilisés se révèlent disproportionnés au regard du but poursuivi par la législation en cause (II).

I. Une protection légitime du droit au logement

Selon l’article 1er, alinéa 1, du protocole additionnel n° 1 à la convention EDH : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». En outre, le droit de propriété revêt, selon l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, un caractère « inviolable et sacré ».

Le droit français reconnaît cependant que « [l]e droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent. L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales »112. Or ce droit au logement justifie que certaines restrictions soient apportées à l’exercice du droit de propriété. La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 met ainsi en place un système de plafonnement de loyers, et limite les hypothèses de reprise des lieux par le bailleur afin de protéger les locataires113.

Suivant cette logique de nécessaire protection du droit au logement, la Cour de cassation relève dans l’arrêt sous commentaire que « les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d’encadrer les loyers susceptibles d’être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles ». L’atteinte au droit de propriété serait justifiée par cet intérêt particulier et il n’existerait, selon elle, aucune atteinte disproportionnée aux droits des propriétaires sur ces logements. Il est finalement possible de déduire des conclusions de la Cour de cassation que l’intérêt collectif, et les considérations sociales ayant justifié les différentes mesures instaurées par la loi du 1er septembre 1948, priment finalement sur l’intérêt individuel des bailleurs.

Toutefois, la Cour de cassation ne répond pas aux arguments invoqués par le demandeur. Elle se contente de relever que l’objet de la législation est légitime, peut ainsi justifier des restrictions à l’exercice du droit de propriété, et qu’en tout état de cause, la SCI, ayant acquis le bien en connaissance de cause, ne peut se prévaloir d’une quelconque atteinte. La législation datant de 1948, la cour d’appel aurait dû, selon lui, « rechercher, comme elle y était invitée, si cet objet était toujours justifié en 2018 et si l’ingérence dans le droit de la SCI (…) au respect de ses biens, caractérisée notamment par l’impossibilité de récupérer l’appartement ni de percevoir un loyer tenant compte de l’augmentation du prix de l’immobilier à Paris, n’était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par la législation ».

II. Une atteinte disproportionnée au droit de propriété

La motivation lacunaire de la Cour de cassation ne permet pas d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de la propriété. Le but poursuivi par la législation ne peut suffire à justifier toutes les restrictions imposées au propriétaire du bien, d’autant plus que les difficultés dans le secteur du logement qui pouvaient exister en 1946 ont nécessairement évolué. Or cette évolution n’est pas prise en compte par les juridictions, et « [m]ême si la loi du 1er septembre 1948 est en voie d’extinction, elle concerne encore aujourd’hui quelque 200 000 logements »114.

La régulation du secteur du logement est régulièrement critiquée. Il a même pu être affirmé que « la législation des loyers de droit commun comme celle régissant le secteur du logement social ont atteint un tel degré de sécurisation des locataires, tant en termes de garantie de pérennité que de droits subjectifs, qu’on peut considérer que le droit français a greffé sur le droit personnel du locataire d’habitation certains attributs attachés au droit de propriété »115. En outre, « un loyer détaché du prix du marché dont bénéficie un locataire installé depuis longtemps dans son logement constitue un frein à la mobilité et procure à ce locataire un avantage qui constitue une rente de situation parfaitement injustifiée »116. Certains auteurs appellent même de leurs vœux qu’« un peu de liberté soit donnée au secteur des baux d’habitation quant à la détermination du loyer, ce secteur devant conserver des loyers orientés à la hausse, afin d’attirer les investisseurs, ce qui permettra de satisfaire les besoins de la population en logement »117.

La problématique a déjà été soumise, à plusieurs reprises, à la CEDH. Dans une première affaire, elle examinait la compatibilité de mesures restreignant le montant des loyers en Pologne avec l’article 1er, alinéa 1, du protocole additionnel n° 1 à la convention EDH. Après en avoir examiné l’origine, « les facteurs ayant contribué au maintien de ces restrictions »118, la situation financière globale des ménages et relevé qu’il existait « une grave pénurie d’immeubles à usage d’habitation »119, elle a conclu finalement à une violation de l’article 1er, alinéa 1, du protocole additionnel n° 1 à la convention EDH. Le principal argument invoqué est que « la manière dont les autorités calculaient les augmentations de loyer empêchait, pour des raisons purement mathématiques, les propriétaires de tirer un revenu du loyer et ne serait-ce que récupérer les frais d’entretien »120 et que la Cour constitutionnelle polonaise elle-même avait relevé l’incompatibilité de telles restrictions avec l’exercice du droit de propriété, en ce qu’elles entraînaient « une répartition disproportionnée, injustifiée et arbitraire du fardeau social »121. Si la situation n’est pas tout à fait similaire en France, le poids pesant sur le propriétaire semblant plus modéré, un parallèle peut être effectué à juste titre, en raison notamment de l’absence de contrôle du maintien de ces restrictions depuis 1948.

Dans un arrêt plus récent, la CEDH a, à nouveau, affirmé la nécessité de ménager « un juste équilibre entre les intérêts de la communauté et le droit des requérants au respect de leurs biens »122. Elle relève que « le but consistant à protéger les intérêts des locataires disposant de peu de moyens financiers est légitime au regard de la convention »123 mais conclut à la violation de l’article 1er, alinéa 1, du protocole additionnel n° 1 à la convention EDH, jugeant « que l’interdiction d’augmenter les loyers a fait peser sur les propriétaires une charge financière disproportionnée par rapport à l’intérêt général de la communauté et que les autorités norvégiennes n’ont donc pas ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu »124.

Il est donc à craindre que l’arrêt sous commentaire, en cas de recours, amène à une condamnation de la France par la CEDH en raison du refus persistant de la Cour de cassation d’apprécier si les restrictions prévues par la loi du 1er septembre 1948 au droit de propriété sont toujours justifiées et proportionnées au regard de la situation actuelle. La remarque pourrait également s’étendre au plafonnement des loyers en zones tendues prévu par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové car la logique de cet encadrement est identique à celle prévue par la loi du 1er septembre 1948.

Manon VIGLINO

IV – Contrats publics

« Qualification d’un contrat administratif : précision sur la clause exorbitante du droit commun » (T. confl., 2 nov. 2020, n° C4196, Sté Eveha, Lebon). Il existe traditionnellement deux méthodes pour qualifier un contrat administratif. La qualification peut résulter de la loi ; dans ce cas, le législateur détermine expressément la nature du contrat. Dans son silence, la qualification peut aussi résulter de la jurisprudence ; il s’agit alors d’appliquer les critères établis par le juge. À l’origine, il était fréquent de se référer aux critères jurisprudentiels, les qualifications légales étant peu nombreuses. Mais leur multiplication a progressivement supplanté les critères jurisprudentiels. On pense, par exemple, à la qualification des marchés publics et des contrats de concession par le Code de la commande publique, des contrats de travaux publics par l’ancienne loi du 28 pluviôse an VIII ou encore des contrats portant occupation du domaine public par le Code général de la propriété des personnes publiques. Dans la pratique, toutefois, la qualification d’un contrat n’est pas sans difficultés, rendant toujours utile l’emploi des critères jurisprudentiels. Bien que reconnus pour la plupart au début du XXe siècle, leur appréciation fait encore aujourd’hui l’objet de débats, comme le révèle la décision du Tribunal des conflits du 2 novembre 2020 à propos de la clause exorbitante du droit commun. Invité à statuer sur la qualification d’un marché, le juge apporte à ce sujet une précision intéressante.

En l’espèce, la communauté d’agglomération du Pays d’Aix a conclu avec la société publique locale d’aménagement (SPLA) Pays d’Aix territoires une concession d’aménagement, le 21 octobre 2010, dans le but de réaliser une zone d’aménagement concerté. Par un arrêté du 27 octobre 2015, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a prescrit la réalisation de fouilles archéologiques préventives. À cet effet, la SPLA a engagé une procédure d’attribution d’un contrat de réalisation de fouilles. Après une première procédure déclarée sans suite, une seconde procédure a été organisée le 21 octobre 2016. Par une lettre du 8 février 2017, la SPLA a notifié à la société Eveha, classée seconde, le rejet de son offre et l’a informée de l’attribution du contrat à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Après la conclusion du contrat le 10 mars 2017, la société Eveha, concurrente évincée, a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à l’annulation du marché. À la suite du rejet de sa requête par un jugement du 6 novembre 2018, la société a saisi la cour administrative d’appel de Marseille qui, par un arrêt du 15 juin 2020125, a demandé au Tribunal des conflits de déterminer la juridiction compétente pour statuer sur ce litige, en vertu de l’article 35 du décret du 27 février 2015.

Plusieurs arguments, en faveur de la compétence du juge administratif, sont avancés par l’INRAP et la SPLA : le contrat litigieux a été conclu entre une personne morale de droit privé et une personne morale de droit public, il a pour objet l’exécution de fouilles archéologiques préventives relevant d’une mission de service public, le régime applicable est exorbitant du droit commun, le contrat comporte des clauses exorbitantes du droit commun et les fouilles présentent le caractère de travaux publics. La SPLA ajoute que la personne privée contractante a agi pour le compte d’une personne publique.

Afin de déterminer l’ordre de juridiction compétent, il revient au Tribunal des conflits de qualifier le contrat conclu entre la SPLA et l’INRAP pour réaliser des fouilles archéologiques. Après avoir appliqué les critères traditionnels de qualification d’un contrat administratif (I), il saisit l’occasion pour apporter une précision concernant plus spécifiquement la clause exorbitante du droit commun (II).

I. Continuité jurisprudentielle : une application des critères traditionnels de qualification d’un contrat administratif

Dès le début du XXe siècle, dans le silence de la loi, le Conseil d’État et le Tribunal des conflits ont consacré plusieurs critères pour qualifier un contrat administratif. Le premier est organique. Ainsi, pour être qualifié comme tel, le contrat doit être conclu par une personne publique. En d’autres termes, un contrat conclu entre deux personnes privées est présumé privé126. Il existe cependant des exceptions : lorsque le contrat est conclu par une association transparente127, lorsque la personne privée agit au nom et pour le compte de la personne publique – il s’agit de la théorie du mandat128 – et lorsque le contrat est l’accessoire d’un contrat administratif principal129. À l’inverse, un contrat conclu entre deux personnes publiques est présumé administratif130. Mais il existe, là aussi, une exception : lorsque le contrat ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé, à l’image du contrat de location de bureaux conclu entre un office public HLM et un bureau d’aide sociale131. Si le critère organique est essentiel, il existe d’autres critères, notamment lorsque le contrat est conclu entre une personne publique et une personne privée. Dans ce cas, pour être qualifié de contrat administratif, l’objet du contrat doit être en lien avec un service public132, le deuxième critère étant matériel. Si tel n’est pas le cas, il existe un troisième et dernier critère, alternatif, dit formel : le contrat doit contenir des clauses exorbitantes du droit commun133 ou relever d’un régime exorbitant du droit commun134.

Les critères organique, matériel et formel ont donc été consacrés par les juges pour qualifier un contrat dans le silence de la loi. Malgré leur reconnaissance il y a plusieurs décennies et la multiplication des qualification légales, le juge les emploie encore lorsque demeure un doute sur la nature d’un contrat, comme l’illustre la décision commentée. Le Tribunal des conflits applique en effet le critère organique en relevant que le contrat a été conclu entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. Il s’agit respectivement de l’INRAP, établissement public administratif en vertu des articles L. 523-1 et R. 545-24 du Code du patrimoine, et de la SPLA Pays d’Aix territoires, société anonyme en vertu de l’article L. 327-1 du Code de l’urbanisme. Il applique également le critère matériel ; selon lui, il résulte des articles L. 521-1, L. 522-1, L. 523-1, L. 523-8, L. 523-8-1, L. 523-9, L. 523-10 et R. 545-24 du Code du patrimoine que « le législateur a entendu créer un service public de l’archéologie préventive et a notamment, dans ce cadre, chargé l’INRAP de réaliser des diagnostics d’archéologie préventive et d’effectuer, dans les conditions prévues par le Code du patrimoine, des fouilles. Il suit de là que le contrat par lequel la personne projetant d’exécuter les travaux qui ont donné lieu à la prescription, par l’État, de réaliser des fouilles d’archéologie préventive confie à l’INRAP, établissement public, le soin de réaliser ces opérations de fouilles a pour objet l’exécution même de la mission de service public de l’archéologie préventive ». L’archéologie préventive relevant d’une mission de service public, le juge des conflits conclut que « ces opérations de fouilles, dès lors qu’elles sont effectuées par cet établissement public dans le cadre de cette mission de service public, présentent le caractère de travaux publics ».

Ainsi, après avoir appliqué les critères traditionnels, organique et matériel, de qualification d’un contrat administratif, le juge intègre une autre notion importante : le travail public. Dans un arrêt du 10 juin 1921, le Conseil d’État l’a défini comme un travail immobilier exécuté par une personne publique ou par une personne privée pour le compte d’une personne publique dans un but d’intérêt général135. Le Tribunal des conflits a étendu cette définition en 1955 ; est également un travail public le travail immobilier exécuté par une personne publique pour le compte d’une personne privée dans le cadre d’une mission de service public136. C’est précisément cette seconde définition que le Tribunal des conflits applique en l’espèce : l’INRAP (personne publique) exécute des fouilles (travaux immobiliers) pour le compte de la SPLA Pays d’Aix territoires (personne privée) dans le cadre de la mission d’archéologie préventive (qualifiée de mission de service public). La qualification de travaux publics emporte dès lors la compétence du juge administratif, l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII confiant aux conseils de préfecture le contentieux des travaux publics. Bien qu’abrogé à la suite de l’adoption du Code général de la propriété des personnes publiques, ce principe perdure dans la jurisprudence137. C’est donc logiquement que le juge tranche en faveur « de la compétence de la juridiction administrative » pour statuer sur le contrat litigieux conclu entre la SPLA Pays d’Aix territoires et l’INRAP.

Dans sa décision du 2 novembre 2020, le Tribunal des conflits opère finalement un raisonnement classique pour déterminer la juridiction compétente, en s’appuyant d’abord sur les critères jurisprudentiels de qualification d’un contrat administratif, puis sur les critères jurisprudentiels de qualification d’un travail public. Cette décision témoigne de l’importance encore aujourd’hui de ces anciennes, mais grandes, théories jurisprudentielles du droit administratif. L’affaire présente néanmoins une spécificité, amenant le juge à apprécier particulièrement le dernier critère : la clause exorbitante du droit commun.

II. Nouveauté jurisprudentielle : une précision sur l’appréciation de la clause exorbitante du droit commun

Si le Tribunal des conflits applique sans variation les critères organique et matériel, il en va autrement du critère formel, lequel mérite une attention particulière. Le juge commence par rappeler le principe en vigueur : « Un contrat passé entre une personne publique et une personne privée qui comporte une clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, est un contrat administratif »138. En l’espèce, la clause porte sur la résiliation unilatérale du contrat pour motif d’intérêt général. Ce pouvoir, au profit de la personne publique, est reconnu de longue date comme une prérogative de la puissance publique139 et est désormais entériné, s’agissant des marchés publics, dans le Code de la commande publique140. Mais il doit être apprécié différemment lorsqu’il profite à la personne privée. En effet, le pouvoir de résiliation unilatérale est reconnu, dans l’affaire en cause, à la SPLA Pays d’Aix territoires, et non à l’INRAP. Le Tribunal des conflits précise alors que « la circonstance que le contrat litigieux (…) comporte des clauses conférant à la SPLA des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique ».

D’ordinaire, le critère formel n’a qu’un rôle subsidiaire ; l’on ne s’y réfère que lorsque le critère matériel est inopérant. En limitant le champ d’application de la clause exorbitante, le Tribunal des conflits amoindrit encore son rôle et poursuit une action entreprise depuis plusieurs années. Par exemple, dans un arrêt du 20 octobre 1950, le Conseil d’État avait défini la clause exorbitante comme celle « ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales »141. La haute juridiction la définissait par son contenu, la qualité des parties semblant peu importante. Plus récemment, dans une décision du 13 octobre 2014, le Tribunal des conflits l’a redéfini par sa finalité : est une clause exorbitante la « clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, que [ce contrat] relève du régime exorbitant des contrats administratifs »142. Il a saisi l’occasion pour préciser la qualité de la partie concernée ; il s’agit de la personne publique contractante. Ainsi, dès 2014, le juge des conflits suggère que la clause ne profite qu’à la personne publique. Mais c’est bien dans la décision du 2 novembre 2020 qu’il précise expressément que le contrat ne peut pas être qualifié de contrat administratif lorsque les prérogatives sont reconnues à la personne privée contractante, et non à la personne publique. Bien que l’on retrouve ses prémices dans la décision de 2014, le principe consacré en 2020 n’en reste pas moins novateur, car c’est la première fois que le Tribunal des conflits l’affirme formellement.

Relevés par les parties dans leurs arguments, critère organique, critère matériel, critère formel et travaux publics ont été effectivement pris en compte et appliqués par le Tribunal des conflits en l’espèce. Toutefois, un dernier argument, révélant la spécificité de cette affaire, n’a pas été retenu par le juge : le fait que la personne privée contractante a agi pour le compte d’une personne publique. En considérant que « les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique », il assimile la SPLA aux personnes morales de droit privé. Bien qu’elles soient qualifiées de sociétés anonymes et soumises au Code de commerce143, les sociétés publiques locales d’aménagement font pourtant l’objet d’un régime juridique particulier. Créées et mises à la disposition des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, elles ont un capital exclusivement public. Si la logique de rentabilité et de profit motive les sociétés anonymes, qui sont des sociétés de capitaux144, les SPLA sont, quant à elles, éminemment proches de l’intérêt général. Elles sont en effet créées « dans le cadre des compétences qui (…) sont attribuées par la loi » aux collectivités territoriales et à leurs groupements145. On aurait alors pu imaginer un traitement particulier de la part du Tribunal des conflits, puisque la clause de résiliation unilatérale reconnue au profit de la SPLA Pays d’Aix territoires est justifiée, en l’espèce, par un motif d’intérêt général. Mais le juge privilégie la qualité de société anonyme de la SPLA, niant ainsi sa spécificité.

En conclusion, afin de déterminer l’ordre juridictionnel compétent pour statuer sur le contrat litigieux conclu entre la SPLA Pays d’Aix territoires et l’INRAP, le Tribunal des conflits a dû déterminer la nature de ce dernier. Après une application ordinaire des critères organique et matériel de qualification d’un contrat administratif, il a saisi l’occasion pour préciser la portée du critère formel, c’est-à-dire la clause exorbitante du droit commun. Ainsi, lorsqu’elle profite à la personne privée, la clause ne permet pas de qualifier un contrat administratif. Néanmoins, parce que le contrat porte, en l’espèce, sur des travaux publics, le juge a retenu la compétence de la juridiction administrative. Avec cette décision, le Tribunal des conflits a donc affirmé un nouveau principe, réduisant encore la portée du critère formel. L’on aurait cependant pu imaginer une autre solution au regard des circonstances de l’espèce. Au lieu de faire primer sa qualité de société anonyme, le juge aurait pu tenir compte de la particularité du statut juridique de la société publique locale d’aménagement en mettant en avant son lien avec l’intérêt général.

Laura REGAIRAZ

« Des relations entre la passation de l’accord-cadre mono-attributaire et celle de ses marchés subséquents » (CE, 6 nov. 2020, n° 437718, Métropole européenne de Lille). Le 18 octobre 2019, la métropole européenne de Lille, pouvoir adjudicateur, a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution simultanée d’un accord-cadre mono-attributaire, et du premier marché subséquent de cet accord-cadre. Le pouvoir adjudicateur a attribué l’accord-cadre et le marché subséquent à un groupement formé de deux sociétés.

La société classée deuxième, candidate évincée, a introduit un référé précontractuel contre cette consultation. Saisi de ce recours, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, par une ordonnance du 13 janvier 2020, annulé la procédure de passation de cet accord-cadre. Cette ordonnance d’annulation se fonde sur la violation du principe de transparence des procédures par le pouvoir adjudicateur, tirée d’une dissociation des critères de sélection de l’accord-cadre, d’une part, et, d’autre part, du marché subséquent, au risque que les mérites respectifs des candidats au titre du marché subséquent « pourraient être pris en considération par l’acheteur pour l’attribution de l’accord-cadre ». Par ailleurs, l’ordonnance censure la possibilité de prévoir des conditions d’attribution pour les marchés subséquents dans un accord-cadre mono-attributaire. Le pouvoir adjudicateur a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Le pouvoir adjudicateur peut-il prévoir dans les documents de la consultation l’attribution simultanée d’un accord-cadre mono-attributaire et d’un marché subséquent dont il a fixé les conditions d’attribution respectives ?

Le Conseil d’État s’est prononcé par l’affirmative et a, en conséquence, cassé l’ordonnance. Statuant ensuite au fond, il a rejeté la requête qu’avait introduite le candidat évincé. L’accord-cadre et le marché subséquent simultanément engagés ont ainsi été maintenus. Contrairement à ce qu’avait retenu l’ordonnance du juge des référés, le pouvoir adjudicateur doit rendre public les conditions d’attribution des marchés subséquents dès l’engagement de l’accord-cadre mono-attributaire, et peut engager un marché subséquent en même temps que l’accord-cadre (I). De plus, dans la définition des modalités d’attribution des marchés subséquents, il est loisible au pouvoir adjudicateur de prévoir qu’ils ne seront octroyés au lauréat de l’accord-cadre que sous certaines conditions (II).

I. La publicité des critères et la temporalité de la passation des marchés subséquents précisées

L’arrêt commenté apporte une double précision sur la passation des marchés subséquents. D’une part, les conditions d’attribution des marchés subséquents de l’accord-cadre doivent être dévoilées dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre, dans les documents de la consultation (A). D’autre part, la passation du premier marché subséquent peut s’effectuer simultanément à la passation de l’accord-cadre, pourvu que l’analyse des offres reste distincte pour chacun de ces contrats (B).

A. L’extension aux accords-cadres mono-attributaires de la transparence ab initio des conditions d’attribution des marchés subséquents

La transparence des conditions d’attribution des marchés subséquents dès l’engagement de l’accord-cadre a déjà été dégagée sous l’empire du Code des marchés publics à l’égard d’accords-cadres multi-attributaires146. Le présent arrêt l’étend aux accords-cadres mono-attributaires, ce qu’avait dénié l’ordonnance attaquée qui avait retenu l’interdiction de prévoir des conditions d’attribution pour les marchés subséquents dans un accord-cadre mono-attributaire.

Pourtant, aux termes de l’article R. 2162-9 du Code de la commande publique, « lorsqu’un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés subséquents sont attribués dans les conditions fixées par l’accord-cadre ». Il en ressort que pour les accords-cadres mono-attributaires, l’obligation de fixer les conditions d’attribution des marchés subséquents pèse au stade de la rédaction de l’accord-cadre. Cela n’a pas échappé au rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil dans ses conclusions rendues sous cet arrêt147. Suivant ses conclusions, cette disposition a servi d’assise réglementaire à la position de la formation de jugement. Elle trouve son équivalent, pour les accords-cadres multi-attributaires, à l’article R. 2162-10 du Code de la commande publique selon lequel « le marché subséquent est attribué à celui ou à ceux des titulaires de l’accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères d’attribution énoncés dans l’accord-cadre ». Plus fondamentalement, ces mesures réglementaires participent de la mise en œuvre de la transparence des procédures, troisième grand principe de la commande publique148. L’accord-cadre ne se conçoit que comme préalable à la conclusion de contrats subséquents ultérieurs ; l’information donnée par le pouvoir adjudicateur sur les conditions d’obtention de ces contrats permet aux opérateurs économiques de mieux mesurer l’opportunité de soumissionner à l’accord-cadre.

Pour toutes ces raisons, la publicité des conditions d’attribution des marchés subséquents dès l’engagement de la procédure de passation de l’accord-cadre se justifie quel que soit le nombre d’opérateurs appelés à être présélectionnés.

B. La passation simultanée de l’accord-cadre et d’un marché subséquent : une relation hermétiquement poreuse

Si le pouvoir adjudicateur est obligé d’énoncer les conditions d’attribution des marchés subséquents dès l’accord-cadre, alors ces deux stades de la procédure ne sont pas aussi étanches qu’elles ne sont censées l’être en théorie. Le Conseil d’État rend ces deux phases plus poreuses encore en autorisant le pouvoir adjudicateur à engager simultanément leur passation. L’ordonnance attaquée considérait « contraire au principe de transparence de procéder à l’attribution simultanée d’un accord-cadre mono-attributaire et d’un marché subséquent »149. Le refus de principe du juge des référés reposait sur les soupçons que ce montage laisse présager sur l’impartialité du pouvoir adjudicateur dans l’attribution de l’accord-cadre, qui pourrait être influencé par les offres déposées lors du marché subséquent. Par une appréciation empreinte d’impartialité objective, le juge des référés a censuré un tel montage par le doute sérieux de confusion des procédures qu’il fait naître.

L’arrêt écarte un tel raisonnement. Aucun texte ni aucun principe n’interdit la passation simultanée de l’accord-cadre et du marché subséquent « sous réserve que la comparaison des offres des candidats porte uniquement sur l’accord-cadre et non, de façon concomitante, sur celles remises pour le premier marché »150. La passation simultanée de l’accord-cadre et d’un marché subséquent est admise tant que l’analyse de ces deux phases reste formellement séparée. Seul un examen in concreto des documents de la consultation ou des opérations matérielles d’analyse des offres peut fonder une atteinte du pouvoir adjudicateur à la séparation de ces deux phases. De cet examen relaté dans le considérant 11 du présent arrêt, il ressort que le pouvoir adjudicateur a bien séparé les deux étapes, de telle sorte que la passation simultanée n’est entachée d’aucune irrégularité. La séparation des deux procédures s’effectue également au moment de l’information des candidats non retenus. Le candidat évincé de l’accord-cadre n’a pas le droit, pour l’application de l’article R. 2181-4 du Code de la commande publique, de connaître les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue pour le marché subséquent151. Évincé de l’accord-cadre, ce soumissionnaire n’est pas, en réalité, un candidat évincé du marché subséquent dont la participation reste in fine réservée au lauréat de l’accord-cadre.

L’arrêt expose que la passation simultanée de l’accord-cadre et du marché subséquent était motivée par les contraintes en termes de délai d’exécution consécutivement à la déclaration sans suite d’une précédente procédure relative à l’attribution du seul accord-cadre152. Toutefois, le considérant 6 – considérant de principe – est ainsi formulé que ce choix du pouvoir adjudicateur n’est pas subordonné à une motivation circonstanciée, laquelle s’avère en définitive superfétatoire.

La rigueur juridique de la solution rendue, qui se veut pragmatique, peut être interrogée à l’aune des liens entre accord-cadre et marché subséquent. Un marché subséquent, y compris dans ses actes de passation, doit être regardé comme un acte d’exécution de l’accord-cadre153. En cela, il ne devrait pouvoir être engagé qu’après notification de l’accord-cadre qui en constitue le fondement. C’est en effet à la notification à son titulaire que l’accord-cadre prend effet154. Cette formalité est nécessaire pour que le contrat puisse être opposé au titulaire155. La passation simultanée de l’accord-cadre et du marché subséquent revient à anticiper l’exécution juridique de l’accord-cadre avant sa notification, quand bien même les prestations du marché subséquent ne commenceraient matériellement à être exécutées qu’après notification de l’accord-cadre. Cette rupture de la chronologie dans l’accomplissement des actes de passation et des actes d’exécution n’a pas été mesurée par le Conseil d’État.

D’ores et déjà, l’arrêt est riche d’enseignements sur les points ayant justifié la cassation de l’ordonnance attaquée. Pourtant, au-delà de ces considérations, l’arrêt se penche également sur la situation du titulaire de l’accord-cadre mono-attributaire qui, contrairement aux apparences, n’est pas l’attributaire automatique des marchés subséquents.

II. L’attribution des marchés subséquents : l’absence d’octroi automatique au seul titulaire de l’accord-cadre mono-attributaire

A priori insensée, l’absence d’octroi automatique au seul titulaire de l’accord-cadre mono-attributaire susceptible d’être convenue dans l’accord-cadre n’est que la déclinaison contractuelle du mécanisme réglementaire de l’abandon de procédure dans les marchés publics ordinaires (A). Cette faculté contractuelle s’inscrit dans un contexte de survalorisation des stipulations contractuelles de l’accord-cadre au détriment du lauréat, remettant en cause le monopole pourtant inhérent à l’accord-cadre mono-attributaire (B).

A. La faculté contractuelle d’abandonner la procédure de passation des marchés subséquents

La passation d’un accord-cadre mono-attributaire « n’implique pas que son titulaire bénéficie de l’octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre ». Les conclusions du rapporteur public permettent de comprendre pourquoi le Conseil d’État s’est emparé de cette question ; les documents de la consultation précisaient que l’octroi du marché subséquent n’est pas automatique mais qu’il sera décidé en fonction de l’obtention d’une note minimale en deçà de laquelle le marché ne sera pas attribué.

De prime abord, l’absence d’octroi automatique des marchés subséquents paraît étrange puisque, par définition, le lauréat d’un accord-cadre mono-attributaire n’a aucun concurrent. Cependant, le présent arrêt tire les pleines conséquences de la liberté contractuelle qui émane de l’article R. 2162-9 du Code de la commande publique. Par une formule aussi concise que générale, « les marchés subséquents sont attribués dans les conditions fixées par l’accord-cadre ». La liberté contractuelle du pouvoir adjudicateur dans l’exécution de l’accord-cadre, fût-il mono-attributaire, lui permet de fixer des conditions minimales qui impliquent que l’offre du titulaire soit notée et analysée, et que le marché subséquent ne lui soit attribué que sous réserve de remplir certaines conditions nonobstant l’absence de concurrent.

Ce cas de figure où le pouvoir adjudicateur renonce à l’attribution du marché subséquent peut être rapproché de la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de déclarer sans suite une procédure de passation d’un marché public156. S’il doit à cet effet communiquer les motifs d’abandon de la procédure aux soumissionnaires157, l’exercice de ce pouvoir est discrétionnaire. « Le juge ne sanctionne ainsi que les irrégularités manifestes »158. Le Conseil d’État transpose à la passation des marchés subséquents une faculté bien établie dans les marchés ordinaires. La spécificité est que les conditions dans lesquelles le pouvoir adjudicateur pourra renoncer, après son lancement, à l’attribution du marché subséquent au seul titulaire en lice doit être prévu dans l’accord-cadre. Cela tient compte de la particularité du marché subséquent par rapport aux autres marchés publics, qui est de reposer sur un contrat préexistant.

B. Un aménagement contractuel susceptible de menacer le monopole de l’attributaire de l’accord-cadre

Cet aménagement contractuel vient s’ajouter à d’autres aménagements de même nature qui sont susceptibles de bouleverser l’économie générale de l’accord-cadre, d’autant qu’ils peuvent se cumuler. La possibilité de ne pas automatiquement octroyer un marché subséquent à l’attributaire peut notamment alimenter le débat doctrinal sur le principe d’exclusivité dans les accords-cadres. Selon ce principe, l’accord-cadre s’entend comme « un système fermé pendant toute sa durée d’exécution. Une fois l’accord-cadre conclu, seuls son ou ses titulaires peuvent se voir attribuer les bons de commande ou marchés subséquents faisant l’objet de ce marché public »159. Si l’exclusivité en faveur du titulaire de l’accord-cadre était consacrée en filigrane dans le Code des marchés publics160, le Code de la commande publique est désormais silencieux. Le ministère de l’Économie et des Finances en a déduit dans sa réponse ministérielle du 20 février 2018 que le principe d’exclusivité n’a qu’une valeur supplétive et que le pouvoir adjudicateur peut, pour des mêmes besoins, se tourner vers un opérateur en dehors de l’accord-cadre si le contrat le prévoit. Le Conseil d’État ne s’est pas prononcé directement sur la valeur et la portée de ce principe d’exclusivité, mais la solution rendue dans le présent arrêt pourrait concourir à annihiler le principe d’exclusivité. Sous réserve de l’avoir précisément organisé dans l’accord-cadre, le pouvoir adjudicateur pourrait décider, lorsque le titulaire de l’accord-cadre ne propose pas une offre satisfaisante, d’abandonner la procédure du marché subséquent et de conclure un marché dissident de l’accord-cadre avec un autre opérateur.

De plus, si la faculté de ne pas attribuer le marché subséquent à l’attributaire de l’accord-cadre se conçoit aisément dans un accord-cadre conclu sans montant minimum tel que celui en litige, les modalités d’exercice du droit ainsi consacré méritent toutefois d’être précisées quand l’accord-cadre comprend un montant minimum de commandes161. D’emblée, cette circonstance ne paraît pas en elle-même incompatible avec le droit de ne pas octroyer les marchés subséquents au titulaire de l’accord-cadre, y compris si l’abandon d’un de ces marchés conduit à demeurer sous le montant minimal de commandes. En principe, dans cette hypothèse, le titulaire ne sera pas démuni et pourra obtenir une indemnisation égale à la marge bénéficiaire qu’aurait dégagée l’exécution du montant minimal de commandes prévu au marché162, ainsi que des dépenses éventuellement engagées pour le marché qui n’auraient pas été prise en compte dans le montant des prestations payées163. Cependant, il est entendu que cette indemnité n’est aucunement fondée sur un usage prétendument abusif du droit de ne pas octroyer les marchés subséquents à l’attributaire de l’accord-cadre, mais uniquement au non-respect du minimum de commandes. Surtout, et alors même que l’accord-cadre comprendrait un montant minimal de commandes, l’indemnisation pour non-respect de ce plancher peut être exclue si le marché le prévoit164. Ainsi, par la somme de stipulations contractuelles dérogatoires, le pouvoir adjudicateur pourrait exploiter de façon léonine l’absence d’attribution automatique du marché subséquent à l’attributaire de l’accord-cadre que ce dernier comprenne ou pas un montant minimal de commandes.

Yannice BENCHEIKH

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. consom., art. L. 312-16 anc.
  • 2.
    L. n° 79-596, 13 juill. 1979, relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier.
  • 3.
    Cass. 3e civ., 14 janv. 2021, n° 20-11224 : S. de Roumefort, « Actualités droit civil », Lamyline, 20 janv. 2021 ; JCP N 2021, n° 5, act. 197, note S. Piédelièvre.
  • 4.
    Il ne fait pourtant aucun doute que les contrats y étaient soumis, la promesse citant à plusieurs reprises les dispositions du Code de la consommation, et notamment les articles L. 313-1, L. 313-7, L. 313-24 et s., L. 313-40 et L. 313-42 de ce code.
  • 5.
    Cass. 3e civ., 24 sept. 2003, n° 02-11815 : Bull. civ. III, n° 78 : « Les dispositions de l’article L. 312-16 du Code de la consommation sont édictées dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur ».
  • 6.
    C. consom., art. L. 313-41, al. 2 (C. consom., art. L. 312-16 anc.).
  • 7.
    Dans le cas contraire, cela reviendrait à considérer que la condition d’origine légale est purement potestative, celle-ci étant considéré comme nulle par l’article 1304-2 du Code civil : « Est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ».
  • 8.
    O. Herrnberger, « Une condition suspensive crée à la charge de la partie qu’elle protège des obligations actives », note sous Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 17-21859 : JCP N 2020, n° 13, 1075.
  • 9.
    C. civ., art. 1304-3 : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ». Par exemple, Cass. 3e civ., 20 nov. 2013, n° 12-29021 : Bull. civ. III, n° 150, rendu au visa de l’ancien article 1178 du Code civil.
  • 10.
    Cass. 3e civ., 25 avr. 1978, n° 76-13933 : Bull. civ. III, n° 158.
  • 11.
    Cass. 1re civ., 13 nov. 1997, n° 95-18276 : Bull. civ. I, n° 310 – Cass. 1re civ., 9 févr. 1999, n° 97-10195 : Bull. civ. I, n° 50 – Cass. 3e civ., 30 janv. 2008, n° 06-21117 : Bull. civ. III, n° 22.
  • 12.
    Cass. 3e civ., 8 déc. 1999, n° 98-10766 : Bull. civ. III, n° 240.
  • 13.
    Cass. 1re civ., 19 juin 1990, n° 88-16196 : Bull. civ. I, n° 175.
  • 14.
    Cass. 3e civ., 6 oct. 2010, n° 09-69914 : Bull. civ. III, n° 183.
  • 15.
    Cass. 3e civ., 18 mars 1998, n° 95-22089, D.
  • 16.
    Cass. 3e civ., 14 janv. 2021, n° 19-24290, F-D : S. de Roumefort, « Actualités droit civil », Lamyline, 28 janv. 2021.
  • 17.
    L. Leveneur, note sous Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 17-21859 : JCP N 2020, n° 13, 1074.
  • 18.
    Par ex., v. Cass. 3e civ., 14 mars 2007, n° 06-11152 : dans cet arrêt, la promesse de vente ne prévoyait pas les caractéristiques du prêt. La Cour de cassation a donc reproché à la cour d’appel d’avoir sanctionné les acquéreurs alors « qu’il résultait de l’attestation produite par les époux X que la banque leur avait refusé l’octroi d’un prêt avant la date limite stipulée pour la réitération ».
  • 19.
    D. Mazeaud, « La condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier à l’épreuve de la jurisprudence : vers un juste équilibre », JCP N 1993, n° 37, 101070 ; A. Gourio, note sous Cass. 1re civ., 20 janv. 1993, n° 90-14214 : JCP G 1993, II 33106 : il doit s’agir d’une offre existante donc non retirée, régulière et conforme aux stipulations contractuelles.
  • 20.
    V. deux arrêts de la Cour de cassation sanctionnant des acquéreurs ayant refusé d’effectuer un apport personnel, ce qui avait empêché l’accomplissement de la condition : Cass. 3e civ., 17 févr. 2015, n° 13-17201 et Cass. 3e civ., 24 nov. 2016, n° 13-21029.
  • 21.
    Par ex., v. CA Colmar, 10 déc. 2020, n° 18/02648 : LEDB févr. 2021, n° 113t6, p. 2, note J. Lasserre-Capdeville : le prêt sollicité par les acquéreurs était d’un montant de 433 380 € remboursable sur 15 ans, alors que le compromis prévoyait un prêt de 425 200 € et d’une durée maximale de 20 ans.
  • 22.
    Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 17-21859 : JCP N 2020, n° 13, 1075, note O. Herrnberger ; JCP N 2020, n° 13, 1074, note L. Leveneur – Cass. 1re civ., 22 juin 2017, n° 16-16672 ; v. toutefois un arrêt étonnant où la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la condition suspensive avait défailli, sans faute des acquéreurs, dans un cas où la lettre de refus de la banque précisait que le crédit sollicité l’avait été pour un taux fixe de 2,90 % alors que la promesse stipulait un taux maximum de 3,9 % par an (hors assurances) : Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 19-11193, F-D.
  • 23.
    Cass. 3e civ., 11 sept. 2012, n° 11-20213 ; Cass. 3e civ., 6 mai 2014, n° 12-23608 ; Cass. 3e civ., 30 janv. 2020, n° 18-25970, F-D : RDI 2021, p. 23, note H. Heugas Darraspen.
  • 24.
    Cass. 1re civ., 9 déc. 1992, n° 91-12498 : Bull. civ. I, n° 309 ; Defrénois 15 mars 1993, n° 35484, p. 317 et s., note J.-L. Aubert ; JCP G 1993, II 22106 et 33106, note A. Gourio ; Contrats, conc. consom. 1993, comm. 43, note L. Leveneur ; D. 1993, Somm., p. 210 et s., obs. A. Penneau – Cass. 3e civ., 7 nov. 2007, n° 06-19148 ; Cass. 3e civ., 27 janv. 2009, n° 06-15964.
  • 25.
    G. Goubeaux, « Remarques sur la condition suspensive stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une des parties », Defrénois 1979, p. 753 et s. ; F. Steinmetz, « L’acquéreur, le vendeur, le prêteur et la condition suspensive de l’obtention du prêt (loi du 13 juillet 1979) », RDI 1993, p. 306.
  • 26.
    Cass. 3e civ., 7 nov. 2007, n° 06-11750 : Bull. civ. III, n° 199.
  • 27.
    L’arrêt est rendu au visa de l’article 1103 du Code civil et non à celui de l’article 1304-3 du même code.
  • 28.
    Peut-être contra JCP N 2021, n° 5, act. 197, note S. Piédelièvre : « Il n’était par conséquent nullement indiqué que les acquéreurs aient eu l’obligation d’emprunter 725 000 € comme la cour d’appel l’avait considéré. Pour que tel ait été le cas, il aurait fallu que la condition suspensive, comme cela est d’ailleurs possible, soit rédigée de la manière suivante : “Montant de la somme empruntée 725 000 €”. On voit bien l’importance de chaque terme employé. La seule obligation des candidats acquéreurs était de déposer une demande de prêt. Ils étaient libres d’en fixer le montant ».
  • 29.
    Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 17-21859. Lors de la rédaction de la clause prévoyant la condition suspensive d’obtention du prêt dans l’avant-contrat de vente, le mieux est de prévoir deux taux : un minimum et un maximum, comme le propose Laurent Leveneur dans le commentaire de cet arrêt. Le taux le plus bas empêcherait l’acquéreur de solliciter un crédit pour un taux inférieur à ce minimum et le taux le plus haut permettrait à l’acquéreur d’invoquer la défaillance de la condition quand la banque lui présente une offre de crédit pour un taux supérieur. En revanche, l’obtention d’une offre de prêt ferme et sans réserve, à un taux inférieur ou égal au maximum contractuellement prévu, entrainerait la réalisation de la condition.
  • 30.
    Contra S. de Roumefort, « Actualités droit civil », Lamyline, 20 janv. 2021. Il nous semble toutefois que l’offre de prêt a été envoyée par les acquéreurs dans le délai imparti par la mise en demeure et que l’arrêt traite donc de la question de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive et non d'une possible renonciation des acquéreurs à la défaillance de la condition.
  • 31.
    Par ex., v. Cass. 3e civ., 8 juill. 2014, n° 13-17386 ; toutefois, v. Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-22171, qui, sans revenir sur la possibilité de renoncer à la défaillance de la condition suspensive du Code de la consommation, permet aux parties d’encadrer contractuellement les conditions de cette renonciation, en prévoyant notamment un délai pour invoquer cette faculté et des modalités destinées à informer les vendeurs de cette volonté de renonciation : M. Mekki, « Vente d’immeuble. Renonciation à la condition suspensive défaillante. Quand les petits arrêts font les grands principes », JCP N 2018, n° 47, 1345.
  • 32.
    Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, n° 07-14856, rectifié matériellement par Cass. 1re civ., 17 déc. 2008, n° 07-14856 : Contrats, conc. consom. 2008, comm. 288, obs. G. Raymond ; RDC 2009, p. 568, comm. D. Fenouillet ; D. 2008, p. 3006, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2009, p. 393, obs. E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud.
  • 33.
    Devenu, pour cette partie, l’article L. 121-19-4 (L. n° 2014-344, 7 mars 2014) puis l’article L. 221-15 du Code de la consommation (Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016).
  • 34.
    C. consom., art. L. 221-15, al. 1er (C. consom., art. L. 121-19-4 anc.).
  • 35.
    G. Raymond, Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Lexis Nexis, Droit et professionnels, n° 356.
  • 36.
    Dans cette présentation, la relation vendeur-transporteur est alors susceptible d’être analysée comme un contrat de mandat, en ce sens, v. JCl. Contrats – Distribution, fasc. 3830, note G. Raymond.
  • 37.
    À cet égard, v. RDC 2009, p. 568, comm. D. Fenouillet.
  • 38.
    C. consom., art. L. 138-1 anc. devenu C. consom., art. L. 216-1 (Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016). L’obligation de livraison est définie par le troisième alinéa comme « le transfert au consommateur de la possession physique du bien », sur cette notion et sa particularité vis-à-vis des autres acceptations du terme « livraison », v. D. Fenouillet (dir), Droit de la consommation. Droit interne et droit européen, 2020, Dalloz, n° 591.21.
  • 39.
    JCl. Contrats – Distribution, fasc. 3830, note G. Raymond.
  • 40.
    En ce sens, v. O. Deshayes, « Les nouvelles règles européennes d’attribution des risques de la chose transportée : un renforcement de la responsabilité du fournisseur à distance ? », RDC 2012, p. 88.
  • 41.
    C. consom., art. L. 138-4 anc. (avant Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016).
  • 42.
    Il peut être précisé que suivant l’article L. 216-5 du Code de la consommation, la règle ne s’applique pas lorsque c’est le consommateur qui confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel. Dans ce cas, le transfert des risques passe à l’acheteur au moment de la remise du bien au transporteur.
  • 43.
    C. consom., art. L. 138-1 anc.
  • 44.
    O. Deshayes, « Les nouvelles règles européennes d’attribution des risques de la chose transportée : un renforcement de la responsabilité du fournisseur à distance ? », RDC 2012, p. 88.
  • 45.
    O. Deshayes, « Les nouvelles règles européennes d’attribution des risques de la chose transportée : un renforcement de la responsabilité du fournisseur à distance ? », RDC 2012, p. 88.
  • 46.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2011/83/UE, relative au droit des consommateurs : JOUE L 304, 22 nov. 2001.
  • 47.
    Ce qui amène fort logiquement à estimer que « l’action rédhibitoire est une variété d’action en répétition, distincte d’une action en résolution », v. P. Coëffard, Garantie des vices cachés et « responsabilité contractuelle de droit commun », thèse, 2003, Poitiers, nos 48 et s. ; apud P. Le Tourneau (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, 12e éd., 2020, Dalloz, p. 2077, n° 3363.334.
  • 48.
    P. Coëffard, Garantie des vices cachés et « responsabilité contractuelle de droit commun », thèse, 2003, Poitiers, n° 7.
  • 49.
    Thèse défendue aujourd’hui par P. Coëffart, reprenant le flambeau de C. Aubry et C. Rau, Droit civil français, t. V, 1952, éd. P. Esmain, p. 84, n° 355 bis ; M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil, t. X, 1932, éd. J. Hamel, n° 134 ; apud P. Delebecque et F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., 2019, Dalloz, Précis, p. 262, n° 278.
  • 50.
    P. Delebecque et F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., 2019, Dalloz, Précis, p. 246, n° 254.
  • 51.
    Par ex., v. Rép. civ. Dalloz, v° Vente : effets (Civ.), 2020, nos 217 et s., note O. Barret et P. Brun.
  • 52.
    Cass. 3e civ., 29 juin 2005, n° 04-12987, P.
  • 53.
    V. Rép. civ. Dalloz, v° Vente : effets (Civ.), 2020, n° 616, note O. Barret et P. Brun, appuyant l’affirmation en dépit du « particularisme du régime des restitutions » de cette action par rapport à celles attachées à la résolution pour défaut de conformité.
  • 54.
    Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 2018, Dalloz, Précis, p. 653, n° 578 ; J.-B. Seube, « Le juge et les restitutions », RDC 2016, n° 113f1, p. 411.
  • 55.
    V. Cass. 3e civ., 29 janv. 2003, n° 01-03185 : JCP G 2003, II 10116, note Y.-M. Serinet ; RTD civ. 2003, p. 501, obs. J. Mestre et B. Fages, sur l’idée que les restitutions sont les effets directs et nécessaires d’une décision d’anéantissement et qu’elles peuvent donc être ordonnées alors même qu’elles n’ont pas été spécifiquement sollicitées.
  • 56.
    V. Cass. 3e civ., 22 juin 2005, n° 03-18624 : D. 2005, p. 3003, note M.-A. Rakotovahiny ; JCP G 2005, II 10149, note Y. Dagorne-Labbé.
  • 57.
    Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 15-17317, PI : D. 2016, p. 1199 ; RTD civ. 2016, p. 854, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016, p. 836, obs. B. Bouloc ; JCP G 2016, doctr. 797, obs. P. Grosser ; Gaz. Pal. 20 sept. 2016, n° 273m2, p. 25, note D. Houtcieff ; D. 2017, p. 375, obs. M. Mekki.
  • 58.
    En défense de cette idée, v. Rép. civ. Dalloz, v°Revendication, 2021, n° 13, note J. Djoudi. Il faut tout de même souligner que les restitutions évoquées ici sont plus « contractuelles » qu’« accidentelles », selon la distinction faite par Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 2018, Dalloz, Précis, p. 1883, n° 1804, et ne devraient pas selon ces auteurs être concernées par les corps de règles communes qu’on attribue aux secondes nées d’un anéantissement contractuel. L’argument de l’existence d’une créance demeure cependant pour les deux types de restitutions.
  • 59.
    La logique étant qu’à partir d’une demande, le possesseur cesserait d’être de bonne foi dans la perception des fruits puisqu’il s’attendrait à en perdre rétroactivement le droit dans un futur proche. V. Cass. civ., 21 déc 1926 : S. 1927, 1, p. 148 – Cass. 3e civ., 28 juin 1983, n° 81-14889, P ; Cass. 3e civ., 30 nov. 1988, n° 87-12387 : JCP G 1989, IV 41 – Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, n° 01-12444 : Bull. civ. III, n° 244 ; JCP G 2003, IV 1137. La cessation de la bonne foi du possesseur nous apparaît au passage comme une théorie malheureuse en ce qu’elle sous-entendrait la mauvaise foi, ce qui ne peut caractériser le comportement de l’acheteur lorsque c’est de l’initiative de celui-ci que provient l’anéantissement. Tout au plus proposerait-on de préciser qu’il s’agit d’une fiction, et au mieux pourrait-on considérer que ce n’est pas la bonne foi du possesseur mais la possession elle-même qui cesse, devenant une détention de bonne foi permettant de justifier la restitution des fruits perçus.
  • 60.
    F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 2018, Dalloz, Précis, p. 183, n° 195.
  • 61.
    F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 2018, Dalloz, Précis, p. 183-184, n° 195.
  • 62.
    CA Paris, 22 nov. 1972 : D. 1974, p. 93, note P. Malaurie.
  • 63.
    F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 2018, Dalloz, Précis, p. 181, n° 188.
  • 64.
    V. Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 2018, Dalloz, Précis, p. 653-654, n° 579, et plus particulièrement la note 1, p. 654, pour une bibliographie sur le sujet.
  • 65.
    Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO n° 0035, 11 févr. 2016.
  • 66.
    V. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, chap. V, sous-titre III, titre I.
  • 67.
    Sur le sujet, v. M. Latina, « Application de la réforme du droit des contrats dans le temps : vers la convergence des droits », Gaz. Pal. 10 oct. 2017, n° 304x6, p. 13.
  • 68.
    V. not. Cass., avis, 16 févr. 2015, n° 14-70011 : JCP E 2015, 9 – Cass. 3e civ., 17 nov. 2016, n° 15-24552 : H. Barbier, « L’application immédiate de la loi nouvelle aux effets légaux du contrat… un enseignement à tirer pour l’ordonnance du 10 février 2016 », RTD civ. 2017, p. 118 ; V. Forti, « L’application immédiate de la loi nouvelle aux effets légaux du contrat déjà conclu », AJ contrat 2017, p. 47 ; F. de La Vaissière, « Mesures transitoires des lois ALUR, Pinel et Macron : la Cour de cassation persiste et signe ! », AJDI 2017, p. 157.
  • 69.
    V. J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, 3e éd., 2001, LGDJ, p. 584, n° 526 ; apud D. 2017, p. 375, note M. Mekki.
  • 70.
    L. n° 2018-287, 20 avr. 2018, ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO n° 0093, 21 avr. 2018.
  • 71.
    V. l’article 16, III, de la loi de ratification prévoyant en synthèse que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.
  • 72.
    Sur ces inquiétudes, v. F. Tall et G. Mouy, « Application dans le temps de la réforme du droit des contrats : la Cour de cassation hors de contrôle ? », Dalloz actualité, 23 juill. 2018 ; A. Bénabant, « Application dans le temps de la loi de ratification… », D. 2018, p. 1024.
  • 73.
    Puisqu’elle s’était déjà retenue de s’inspirer de l’ordonnance avant sa publication sur un autre sujet relatif aux restitutions, v. Cass. com., 2 févr. 2016, n° 14-19278, Cts Y c/ Mme X : RTD civ. 2016, p. 347, obs. H. Barbier, commenté par M. Mekki in D. 2017, p. 375.
  • 74.
    Pour une argumentation de l’expression, v. Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 2018, Dalloz, Précis, p. 1881, n°1803.
  • 75.
    V. J.-B. Seube, « Le juge et les restitutions », RDC 2016, n° 113f1, p. 411, estimant que « pour que l’action rédhibitoire conserve son originalité, on soulignera que la réforme ne porte que sur le droit des obligations mais laisse intact le droit de la vente, l’article 1105 disposant expressément que les règles générales s’appliquent sous réserve des règles particulières à certains contrats ».
  • 76.
    Pour O. Pénin, « Restitution, nullité, vices cachés et défauts de conformité : et si la Cour de cassation avait raison ? », Contrats, conc. consom. 2016, étude 9, il serait même possible que l’action rédhibitoire puisse être considérée comme n’étant pas soumise aux nouvelles dispositions relatives aux restitutions, puisque l’ordonnance n’a pas vocation à affecter le droit de la vente ; apud Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 2018, Dalloz, Précis, p. 1884, n° 1808.
  • 77.
    Prise en compte jusqu’ici rejetée, notamment par Cass. 1re civ., 30 sept. 2008, n° 07-16876 : Bull. civ. I, n° 2016.
  • 78.
    Sur la terminologie, critiquant notamment l’expression de « non-cumul », v. G. Viney, Introduction à la responsabilité, 4e éd., 2019, LGDJ, Traité de droit civil, p. 588 et s., nos 360 et s.
  • 79.
    V. l’article 1341, alinéa 2, de l’avant-projet Catala. Cette proposition a été reprise par plusieurs projets et propositions institutionnelles : l’article 1233-1 du projet de réforme de la responsabilité civile diffusé en mars 2017 par le ministère de la Justice et l’article 1233 de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile déposée au Sénat le 29 juillet 2020.
  • 80.
    TGI Grasse, 3 avr. 2017, n° 14/03620 (nous n’avons pas eu accès à cette décision dont les motifs ne sont pas repris par l’arrêt de la cour d’appel).
  • 81.
    CA Aix-en-Provence, 30 avr. 2019, n° 17/12202.
  • 82.
    Par ex. Cass. com., 8 mai 1978, n° 76-13575 : Bull. civ. IV, n° 135 – Cass. 1re civ., 28 juin 1988, n° 87-11918 : Bull. civ. I, n° 211.
  • 83.
    Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-13921 : Bull. civ. I, n° 213.
  • 84.
    Cass. 3e civ., 7 juin 2000, n° 98-18966 : F. Terré, H. Capitant et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. II, 2008, Dalloz, p. 719 et s., n° 268 – Cass. 3e civ., 17 nov. 2004, n° 03-14958 : Bull. civ. III, n° 185.
  • 85.
    Cass. 1re civ., 6 nov. 2002, n° 00-10192 : Bull. civ. I, n° 260.
  • 86.
    Cass. 3e civ., 29 nov. 2000, n° 98-21224 : Bull. civ. III, n° 182.
  • 87.
    C. civ., art. 1137.
  • 88.
    Nous soulignons.
  • 89.
    C. civ., art. 1644.
  • 90.
    Cass. 1re civ., 4 févr. 1975, n° 72-13217 : Bull. civ. I, n° 43 – Plus récemment, v. Cass. 3e civ., 6 juin 2012, n° 11-15973 cassant un arrêt d’appel aux motifs que « l’acquéreur pouvait invoquer le dol pour conclure seulement à une réduction de prix ».
  • 91.
    Cass. 1re civ., 6 nov. 2002, n° 00-10192 : Bull. civ. I, n° 260 – Cass. 3e civ., 29 nov. 2000, n° 98-21224 : Bull. civ. III, n° 182 – V. précédemment Cass. 1re civ., 16 avr. 1991, n° 88-18530 : Bull. civ. I, n° 144.
  • 92.
    E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé, Histoire du droit des obligations, 2e éd., 2011, LexisNexis, spéc. p. 19-22, n° 11 ; D. Deroussin, Histoire du droit des obligations, 2e éd., 2012, Economica, p. 517-518.
  • 93.
    Cass. 1re civ., 4 févr. 1975, n° 72-13217 : Bull. civ. I, n° 43.
  • 94.
    J.-S. Borghetti, « La responsabilité du fait des choses, un régime qui a fait son temps », RTD civ. 2010, p. 1 et s., spéc. nos 26 et s.
  • 95.
    R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1761-1764, p. 62, n° 116.
  • 96.
    Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n° 18-11707 : JCP N 2019, n° 39, 1281, note V. Zalewski-Sicard ; RDI 2019, p. 276, note O. Tournafond et J.-P. Tricoire – Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, n° 16-15519, FS-PB : JCP N 2017, n° 37-38, 1261, note V. Zalewski-Sicard ; JCP N 2017, n° 42, 1289, obs. M. Poumarède.
  • 97.
    L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : JO, 24 nov. 2018.
  • 98.
    Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 17-13118 : JCP N 2018, n° 16, act. 398 ; Constr.-Urb. 2018, comm. 91, note C. Sizaire.
  • 99.
    Cass. 3e civ., 7 avr. 2016, n° 15-13064 : Bull. civ. III, n° 52 ; D. 2016, p. 840 ; RTD civ. 2016, p. 605, obs. H. Barbier.
  • 100.
    Gaz. Pal. 8 déc. 2020, n° 392h7, p. 86, note V. Zalewski-Sicard.
  • 101.
    F. de la Vaissière, « Inventaire critique des différents régimes d’encadrement des loyers », AJDI 2013, p. 417.
  • 102.
    L. n° 48-1360, 1er sept. 1948, art. 4 à 17.
  • 103.
    L. n° 48-1360, 1er sept. 1948, art. 26 à 44.
  • 104.
    J. Monéger, « Le droit au logement face au droit de propriété et la question prioritaire de constitutionnalité », Loyers et copr. 2010, repère 4.
  • 105.
    V. Cons. const., 12 janv. 1982, n° 81-132 DC (sur la loi de nationalisation de 1982) et Cons. const., 9 avr. 1996, n° 96-373 DC.
  • 106.
    J. Monéger, « Le droit au logement face au droit de propriété et la question prioritaire de constitutionnalité », Loyers et copr. 2010, repère 4.
  • 107.
    L. n° 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
  • 108.
    Selon l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (tel que modifié par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018) : « La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge (…) ».
  • 109.
    L. n° 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 2.
  • 110.
    CA Paris, 4-3, 22 mars 2019, n° 17/15473 : « Les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d’encadrer les loyers susceptibles d’être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles ; qu’en considération de cet objet elles ne méconnaissent pas les exigences des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales invoquées par l’intimée et leur application ne caractérise pas en elle-même une atteinte à ces dispositions ».
  • 111.
    J. Monéger, « Le droit au logement face au droit de propriété et la question prioritaire de constitutionnalité », Loyers et copr. 2010, repère 4, relevant que le droit à la propriété est « un droit “inviolable et sacré dont nul ne peut être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité”. Entre privation et nécessité, l’équilibre est sans cesse à réinventer ».
  • 112.
    L. n° 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 1er.
  • 113.
    B. Vial-Pedroletti, « La loi du 1er septembre 1948 est compatible avec la protection du droit de propriété reconnue par la CEDH », Loyers et copr. 2020, comm. 109.
  • 114.
    B. Vial-Pedroletti, « La loi du 1er septembre 1948 est compatible avec la protection du droit de propriété reconnue par la CEDH », Loyers et copr. 2020, comm. 109.
  • 115.
    B. Wertenschlag, « La propriété en tous ses états », AJDI 2020, p. 659.
  • 116.
    V. Canu, « L’impact économique de la propriété immobilière. Aperçu de l’évolution récente des loyers d’habitation », AJDI 1996, p. 45.
  • 117.
    V. Canu, « L’impact économique de la propriété immobilière. Aperçu de l’évolution récente des loyers d’habitation », AJDI 1996, p. 45.
  • 118.
    CEDH, gde ch., 19 juin 2006, n° 35014/97, Hutten-Czapska c/ Pologne.
  • 119.
    CEDH, gde ch., 19 juin 2006, n° 35014/97, Hutten-Czapska c/ Pologne.
  • 120.
    CEDH, gde ch., 19 juin 2006, n° 35014/97, Hutten-Czapska c/ Pologne.
  • 121.
    CEDH, gde ch., 19 juin 2006, n° 35014/97, Hutten-Czapska c/ Pologne.
  • 122.
    CEDH, 4e sect., 12 juin 2012, nos 13221/08 et 2139/10, Lindheim et a. c/ Norvège : https://lext.so/TmoOW4 ; Communiqué de presse, « L’impossibilité pour les propriétaires fonciers en Norvège d’augmenter les loyers a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens ».
  • 123.
    CEDH, 4e sect., 12 juin 2012, nos 13221/08 et 2139/10, Lindheim et a. c/ Norvège : https://lext.so/TmoOW4 ; Communiqué de presse, « L’impossibilité pour les propriétaires fonciers en Norvège d’augmenter les loyers a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens ».
  • 124.
    CEDH, 4e sect., 12 juin 2012, nos 13221/08 et 2139/10, Lindheim et a. c/ Norvège : https://lext.so/TmoOW4 ; Communiqué de presse, « L’impossibilité pour les propriétaires fonciers en Norvège d’augmenter les loyers a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens ».
  • 125.
    CAA Marseille, 15 juin 2020, n° 19MA00013.
  • 126.
    T. confl., 3 mars 1969, n° 01926, Sté Interlait : Lebon, p. 682.
  • 127.
    CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne-Billancourt : Lebon, p. 130.
  • 128.
    CE, sect., 30 mai 1975, n° 86738, Sté d’équipement de la région montpelliéraine : Lebon, p. 326 – T. confl., 11 déc. 2017, n° C4103, Cne de Capbreton : Lebon, p. 416.
  • 129.
    T. confl., 8 juill. 2013, n° C3906, Sté d’exploitation des énergies photovoltaïques c/ Sté EDF : Lebon, p. 371.
  • 130.
    T. confl., 21 mars 1983, n° 02256, Union des assurances de Paris : Lebon, p. 537.
  • 131.
    CE, 11 mai 1990, n° 60247, Bureau d’aide sociale de Blénod les Ponts-à-Mousson : Lebon, p. 123.
  • 132.
    CE, 4 mars 1910, n° 29373, Thérond : Lebon, p. 193 – CE, sect., 20 avr. 1956, n° 98637, Épx Bertin : Lebon, p. 167 – CE, 1er oct. 2013, n° 349099, Sté Espace Habitat Construction : Lebon T., p. 695.
  • 133.
    CE, 31 juill. 1912, n° 30701, Sté des granits porphyroïdes des Vosges : Lebon, p. 909.
  • 134.
    CE, sect., 19 janv. 1973, n° 82338, Sté d’exploitation électrique de la rivière du Sant : Lebon, p. 48.
  • 135.
    CE, 10 juin 1921, n° 45681, Cne de Monségur : Lebon, p. 573.
  • 136.
    T. confl., 28 mars 1955, n° 01525, Effimieff : Lebon, p. 617.
  • 137.
    Par ex., v. CE, 7 août 2008, n° 289329, Sté anonyme de gestion des eaux de Paris : Lebon T., p. 956.
  • 138.
    Principe consacré dans la décision T. confl., 13 oct. 2014, n° C3963, Axa France IARD c/ Maif : Lebon, p. 471.
  • 139.
    CE, ass., 2 mai 1958, n° 32401, Distillerie de Magnac-Laval : Lebon, p. 246.
  • 140.
    CCP, art. L. 6, 5°.
  • 141.
    CE, sect., 20 oct. 1950, n° 98459, Sieur Stein : Lebon, p. 505.
  • 142.
    T. confl., 13 oct. 2014, n° C3963, Axa France IARD c/ Maif : Lebon, p. 471.
  • 143.
    C. urb., art. L. 327-1.
  • 144.
    C. urb., art. L. 225-1.
  • 145.
    C. urb., art. L. 327-2.
  • 146.
    CE, 5 juill. 2013, n° 368448, Union des groupements d’achats publics : Lebon T., p. 691.
  • 147.
    Les conclusions sont accessibles sur le site internet du Conseil d’État.
  • 148.
    CCP, art. L. 3.
  • 149.
    V. le considérant 6 de l’arrêt.
  • 150.
    V. le considérant 5 de l’arrêt.
  • 151.
    V. le considérant 13 de l’arrêt.
  • 152.
    V. le considérant 11 de l’arrêt.
  • 153.
    En ce sens, v. l’extrait suivant de l’article R. 2162-3 du Code de la commande publique : « Un accord-cadre peut être exécuté (…) par la conclusion de marchés subséquents ».
  • 154.
    CCP, art. R. 2182-4.
  • 155.
    CAA Lyon, 24 nov. 2011, n° 11LY01454, Sté ACMG ; CAA Nancy, 3 mars 2015, n° 14NC00670, Sté Nord Est TP Canalisations.
  • 156.
    CCP, art. R. 2185-1.
  • 157.
    CCP, art. R. 2185-2.
  • 158.
    Ministère de l’Économie, L’abandon de procédure, Fiche de la DAJ, 1er avr. 2019, p. 11, § 2.5.
  • 159.
    Rép. min. n° 3543 à QE : JOAN, 20 févr. 2018 ; v. également le commentaire de la réponse ministérielle par F. Linditch, « Exclusivité et accord-cadre, l’éternel retour », JCP A 2018.
  • 160.
    L’article 77 du Code des marchés publics n’autorisait, pour les accords-cadres à bon de commande uniquement, la conclusion d’un marché dissident que si son montant ne dépassait pas 1 % du montant total de l’accord-cadre ni la somme de 10 000 € HT.
  • 161.
    Aux termes de l’article R. 2162-4 du Code de la commande publique, « les accords-cadres peuvent être conclus : 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ; 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ; 3° Soit sans minimum ni maximum ».
  • 162.
    CE, 18 janv. 1991, n° 80827, Ville d’Antibes : Lebon T., p. 1047.
  • 163.
    Les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) auxquels les pouvoirs adjudicateurs se référent généralement le prévoient (v. par exemple l’article 38 du CCAG Fournitures courantes et services et l’article 3.7.5 du CCAG Prestations intellectuelles).
  • 164.
    CAA Paris, 19 juin 2012, nos 10PA04873 et 10PA04687, SAS Hysis medical : v. par ailleurs S. Braconnier et O. Dorchies, « Les clauses limitatives de responsabilité contractuelle dans les marchés publics », Contrats-Marchés publ. 2015, prat. 11.
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