Cette semaine chez les Surligneurs : Y. Jadot veut annuler les brevets sur le vivant. Pas si simple….

Publié le 11/02/2022

A l’approche de l’élection présidentielle, les propositions les plus séduisantes fleurissent. Yannick Jadot veut annuler les brevets sur le vivant, Fabien Roussel priver les fraudeurs fiscaux de leurs droits civiques, Valérie Pécresse punir d’un an de prison ferme toute atteinte à un policier ou un gendarme, et François Ruffin prétend bloquer les dividendes de Total Energies. Possible, pas possible ? Les Surligneurs, spécialisés dans le Legal checking, vous aident à y voir plus clair. Au passage, un petit coup de griffe à François Asselineau qui ferait mieux de consulter la définition du mot « torture » avant de l’employer pour évoquer le port du masque à l’école.  

Cette semaine chez les Surligneurs : Y. Jadot veut annuler les brevets sur le vivant. Pas si simple....

Yannick Jadot veut annuler tous les brevets existants sur le vivant et ne plus permettre leur reconnaissance par la France et l’Europe.

La nature, vierge ou transformée, n’appartient à personne” selon Yannick Jadot.  Reste que supprimer ces appropriations du vivant supposerait de s’affranchir du droit européen, voire international.

Il faut d’abord savoir de quoi il est question : s’agissant des brevets, en tant qu’ils protègent une invention nouvelle susceptible d’application industrielle, ils supposent une activité inventive, ce qui empêche de breveter les animaux, graines, arbres ou bactéries dont l’existence dans la nature a été simplement découverte. Le Code de la propriété intellectuelle (art. L. 611-19) exclut ainsi la brevetabilité des races animales, des variétés végétales, ainsi que des croisements ou des procédés de sélection, à l’exception des animaux ou végétaux issus de la mise en œuvre d’une méthode stimulant ou interrompant la croissance, et les bactéries fabriquées par l’homme.

L’obtention végétale, protégée par un “certificat d’obtention végétale” prévu par le même code (art. L. 623-2), consiste à découvrir et mettre au point une variété végétale suffisamment stable et reproductible. Ce régime est prévu par le Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, qui reprend la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, adoptée à Paris en 1961.

Ces appropriations sont toujours limitées dans le temps : 20 ans pour les brevets (art. L. 611-2), 25 ans ou 30 ans pour les obtentions végétales (art. L. 623-13). Et même durant cette période d’exclusivité, il existe des exceptions : les utilisations notamment sans finalité commerciale, à titre expérimental, ou aux fins de création d’une nouvelle variété. Surtout, ce qu’on appelle le “privilège de l’agriculteur“ permet à celui-ci d’utiliser librement, sur son exploitation, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte obtenue par la mise en culture d’une variété protégée (art. L. 623-4-1).

Pour annuler les brevets et certificats d’obtention végétale, il faudrait non seulement abroger toute la législation interne existante, mais aussi remettre en cause la validité de ceux délivrés antérieurement. Or, d’une part, il y a un risque d’inconstitutionnalité en raison d’une atteinte au droit de propriété, sauf à indemniser les titulaires. D’autre part, la législation française ne fait jamais qu’appliquer la convention précitée et le droit de l’Union européenne.  Il faudrait donc obtenir leur modification. Vaste projet.

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Selon François Asselineau, faire porter un masque chirurgical à un enfant constitue un acte de torture et de barbarie au sens du code pénal…

Rappelons ce qu’est une torture au sens de la Convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de 1984 : “tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit”. 

Mais le mieux que nous puissions faire pour contredire juridiquement cette affirmation délibérément grotesque, est de décrire par le menu quelques tortures et actes de barbarie ayant déjà donné lieu à condamnation. Ont ainsi été condamnés le fait d’infliger à une personne des simulacres d’exécution en plaçant un un foulard ou une corde autour du cou, de la déshabiller entièrement et de la jeter à plusieurs reprises dans les flammes d’un feu les mains liées dans le dos, dans le but d’obtenir de l’argent, le fait de crever les yeux de la victime, ou le fait de ligoter une personne nue à un arbre et de la frapper pendant plusieurs heures.

Au lecteur de faire ensuite le lien avec un masque chirurgical à l’école.

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Fabien Roussel veut priver les fraudeurs fiscaux de leurs droits civiques

Cela existe déjà : aux peines principales d’emprisonnement et/ou d’amende, le juge peut déjà ajouter une peine complémentaire consistant en la privation des “droits civiques, civils et de famille”. C’est l’article 1741 du Code général des impôts. 

Surtout, Fabien Roussel ajoute une confusion en attachant comme conséquence à cette peine, l’impossibilité de se faire rembourser ses soins de santé. Il vise les personnes ayant quitté la France pour des raisons fiscales (qui soit dit en passant ne sont pas en fraude pour autant), et qui reviennent s’y faire soigner. Or le droit aux soins, issu du droit de la Sécurité sociale, et les droits civiques, n’ont rien à voir. En tout état de cause une personne privée de prise en charge de ses soins parce qu’elle fraude le fisc constitue une sanction sans lien avec la faute, et probablement contraire au préambule de 1946 prévoyant le droit à la protection de la santé.

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Valérie Pécresse promet un an de prison ferme si “on touche à un policier ou un gendarme

C’est par volonté de rétablir l’ordre en restaurant le respect de la police, que Valérie Pécresse propose cette sanction. Ce faisant, il faut bien distinguer peine minimale et peine automatique. La première est possible, la seconde contraire à la Constitution. 

Introduites durant la présidence de Nicolas Sarkozy en 2007 contre les crimes et délits commis en récidive légale, les peines planchers n’ont eu qu’une courte vie puisqu’elles ont été supprimées en 2014 sous François Hollande. Minimales certes, ces peines n’étaient pas automatiques : la loi prévoyait la possibilité pour le juge de prononcer une peine inférieure ou une peine autre que l’emprisonnement s’il motivait spécialement sa décision. Il en va du respect du principe d’individualisation des peines (art. 8 de la DDHC, selon le Conseil constitutionnel, décision 2005-520 DC du 22 juillet 2005). Donc, un an ferme si on touche à un policier ou à un gendarme, mais seulement si le juge est d’accord. 

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François Ruffin veut « bloquer les dividendes » de Total Énergies

C’est contraire au droit de propriété protégé par la Constitution (article 2 et 17 de la DDHC). Si les profits records de Total Énergies ont pu agacer François Ruffin, en raison notamment du coût des carburants, seule l’assemblée générale des actionnaires peut, en l’état du droit, décider de bloquer des dividendes (Code civil, art. 1844-1), ce qui a peu de chances de se produire. Le Conseil constitutionnel veille au respect des droits des actionnaires en tant que propriétaires (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982), et si l’État a peut bloquer ses propres dividendes dans les entreprises dont il est le seul actionnaire ou presque, il n’existe pas de moyen constitutionnel de bloquer les dividendes d’entreprises privées. 

L’État a toutefois pu légalement décider que les entreprises qui continuaient de verser des dividendes à leurs actionnaires se verraient exclues des mesures de soutien aux entreprises, adoptées en mars 2020, pour modérer les conséquences de la pandémie sur l’activité. Il peut également taxer fortement les dividendes, mais attention : pas de façon rétroactive.

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