Simplifions la procédure pénale : extension du domaine de la négociation

Publié le 13/03/2023

Dans le cadre du plan d’action pour la justice issu des États généraux, Valérie-Odile Dervieux, déléguée régionale Unité Magistrats SNM FO, a des suggestions à faire au comité scientifique en charge de la simplification de la procédure pénale.

Après un premier volet consacré  aux nullités, un deuxième portant sur la maîtrise des délais, un troisième relatif à la prescription, et un quatrième sur l’expertise, la magistrate se penche cette semaine sur la procédure pénale négociée. 

Simplifions la procédure pénale : extension du domaine de la négociation
Mosaïque ornant l’ancien plateau correctionnel au palais de justice de Paris (Photo : ©P. Cabaret)

 

Circuits courts

La recherche de « solutions » à la crise/dégradation du service public de la justice pénale, parfaitement décrite par le rapport Sauvé des états généraux de la justice, est l’urgence du moment.

 Le rapport des Etats généraux de la justice relève :

*une grande stabilité de l’activité des juridictions de première instance, mais une augmentation de la durée moyenne des affaires jugées par les tribunaux correctionnels ;

*une augmentation de l’activité des chambres pénales des cours d’appel et des chambres de l’instruction, ce qui reflète la multiplication chronophage des appels contre les décisions pénales relatives à la procédure, aux mesures de sûreté et aux sanctions pénales ;

*une structure de la réponse pénale qui a profondément changé avec l’explosion du nombre de comparutions immédiates qui pourvoient en masse les prisons et l’accroissement des CRPC « sur instructions du ministère de la Justice demandant que la réponse pénale face aux actes de délinquance soit accélérée en écho à une demande sociale forte ».

La volonté de juger « plus vite » et « plus simple », passe par plusieurs projets, dont certains sont déjà formalisés[1] et qui sont tous portés par la volonté de donner plus de pouvoirs à un parquet jugé plus « imaginatif » et agile en limitant le domaine d’intervention d’un juge pénal :

*enserré dans le corset rigide de voies procédurales dont il n’a pas l’initiative,

*insécurisé par un droit positif instable, dont les décisions sont l’objet, en retour, de recours toujours plus nombreux,

*et critiqué par les lenteurs induites.

Il s’agit moins de défiance envers le juge du siège que du constat d’une procédure pénale inadaptée, plus facile à contourner via de nouveaux circuits courts, que de refonder.

À cet égard, l’atelier « simplification de  la procédure pénale des états généraux envisage deux nouveaux circuits courts qui présentent chacun des inconvénients :

*Augmenter le domaine des comparutions immédiates « à délai différé » avec le risque, repéré dans le même rapport, d’alimenter encore plus les maisons d’arrêts et d’emboliser toujours plus les juges des libertés et de la détention et les chambres de l’instruction. C’est un des premiers avant projets de texte  de la chancellerie.

*Refondre les alternatives aux poursuites en créant une « mesure transactionnelle » et renforcer ainsi « le pouvoir autonome de sanction du parquet » (proposition 5 de l’atelier simplification de la procédure pénale), ce qui pose des questions de constitutionnalité (droit de la défense, recours) repérés dans le rapport de l’atelier.

 Circuits négociés

Les voies de négociation pénales ont semblé peu intéresser le rapport SAUVE dans un mouvement strictement inverse des propositions formulées en matière civile.

Négocier en droit pénal peut paraître contraire à l’essence même d’une matière qui ressort du pouvoir régalien de l’Étatet convoque le principe du monopole de l’action publique. Pourtant, sous l’influence du droit anglo-saxon et de la recherche de l’efficience, cette négociation existe déjà au travers de deux procédures phare :

*la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité  ou CRPC ;

*la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP)

Dans le rapport des états généraux, aucune proposition relative à la CRPC n’est formulée.

La CJIP n’est citée nulle part.

Pourtant ces mesures ont le mérite de ne pas alourdir les contentieux induits par la complexité des textes, de permettre aux mis en cause de faire valoir leur position en présence d’un avocat, d’améliorer le seuil d’acceptabilité de peine, d’en assurer l’effectivité et enfin de permettre à la place judiciaire de Paris une visibilité positive[2].

Relevons que le Parquet national financier (PNF) vient de publier ses nouvelles « lignes directrices sur la mise en oeuvre de la convention judiciaire d’intérêt public »  et de clarifier ainsi les bases de la négociation magistrats/entreprises[3].(Article 41-1-2 et 3 CPP)

Relevons que la CRPC (Articles 495-7 à 495-16 CPP) tend à se développer, en bénéficiant depuis peu de passerellespermettant au parquet d’y avoir recours beaucoup plus facilement y compris en appel[4].

Ne serait-il pas temps d’envisager, dès lors, de poser le principe de la possibilité d’un recours à la CRPC et à la CJIP à toutes les infractions, sauf exceptions expresses, avec des aménagements permettant d’assurer, en fonction de la gravité des faits la solennité des débats et les droits des parties civiles :

la cour criminelle départementale pourrait être chargée de l’audience de validation des CRPC criminelles ;

l’accord des parties civiles pourrait être sollicité dans les procédures criminelles et certaines procédures correctionnelles (celles pour lesquelles la CRPC est exclue en l’état).

Sans ignorer les droits des victimes, le légitime « besoin de procès », sans écarter la nécessité de simplifier la procédure pénale dans tous ses aspects (voir les précédentes propositions de simplification), on ne peut que constater que la confiance dans la justice pénale, et donc dans les institutions, passe aussi par le délai raisonnable et l’effectivité des sanctions pénales, que permet la justice pénale négociée.

 

[1] Loi Justice : publication des avant-projets de loi , Dalloz actualités 9 mars 23

[2] Droit : les nombreuses forces et quelques faiblesses de la place parisienne – Actu-Juridique 02/03/2023

[3] Nouvelles directives du PNF sur la CJIP : des clarifications très attendues par les avocats, Dalloz actu 19 janv. 23

[4] Circulaire relative aux dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et du décret n° 2022-546 du 13 avril 2022 concernant la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité NOR JUSD2230750

 

Prochain épisode : laisser le témoin assisté à sa place ?

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